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26/01/2005 | SUISSE | N°5C.139/2004

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 26 janvier 2005, 5C.139/2004


{T 0/2}
5C.139/2004 /frs

Arrêt du 26 janvier 2005
IIe Cour civile

MM. et Mmes les Juges Raselli, Président,
Escher, Meyer, Hohl et Marazzi.
Greffier: M. Abrecht.

Y. ________ SA,
défenderesse et recourante, représentée par Me Pierre Gabus, avocat,

contre

A.X.________,
B.X.________,
C.X.________,
D.X.________,
demandeurs et intimés, représentés légalement par l'État de Genève (soit pour
lui l'office des poursuites),
lui-même représenté par Me Pascal Marti, avocat,

action en revendication,

recou

rs en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice
du canton de Genève du 14 mai 2004.

Faits:

A.
Les frères A.X...

{T 0/2}
5C.139/2004 /frs

Arrêt du 26 janvier 2005
IIe Cour civile

MM. et Mmes les Juges Raselli, Président,
Escher, Meyer, Hohl et Marazzi.
Greffier: M. Abrecht.

Y. ________ SA,
défenderesse et recourante, représentée par Me Pierre Gabus, avocat,

contre

A.X.________,
B.X.________,
C.X.________,
D.X.________,
demandeurs et intimés, représentés légalement par l'État de Genève (soit pour
lui l'office des poursuites),
lui-même représenté par Me Pascal Marti, avocat,

action en revendication,

recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice
du canton de Genève du 14 mai 2004.

Faits:

A.
Les frères A.X.________, B.X.________, C.X.________ et D.X.________ sont
copropriétaires à ... (canton de Genève) de la parcelle n° xxxx, d'une
superficie de 16'179 m2 et comportant plusieurs bâtiments. Au mois de
septembre 2000, alors que l'immeuble précité était géré par C.X.________, une
partie des locaux situés sur celui-ci, dont un atelier de 1'000 m2 et un
dépôt de 350 m2 environ, ont été mis, sans contrepartie, à la disposition de
la société Y.________ SA, dont C.X.________ est administrateur.

B.
Le 4 avril 2001, F.________ a requis une poursuite en réalisation de gage
immobilier, fondée sur trois cédules hypothécaires d'un capital total de
550'000 fr., contre les copropriétaires de la parcelle précitée en tant que
débiteurs solidaires. Dans le cadre de ces poursuites, il a été demandé
l'extension de celles-ci aux loyers et fermages.
Entre le 23 avril et le 11 mai 2001, il a été notifié à chacun des
copropriétaires le commandement de payer le concernant. Les oppositions
formées par trois des copropriétaires ont été levées provisoirement les 25
juin et 6 août 2001.

Chaque débiteur n'étant que l'un des quatre copropriétaires de l'immeuble
gagé, l'office des poursuites a fait notifier à chaque copropriétaire, entre
le 11 mars et le 8 mai 2003, un exemplaire des commandements de payer
concernant les trois autres copropriétaires.

Le 29 janvier 2004, F.________ a formulé une réquisition de vente dans le
cadre de la poursuite dirigée contre B.X.________, pris conjointement et
solidairement avec ses frères.

C.
Dans le cadre des quatre poursuites intentées en 2001, l'office des
poursuites a chargé le 21 mai 2001 l'agence immobilière G.________ SA de
pourvoir à l'encaissement des loyers pour le compte de l'office. Le même
jour, il a été adressé à C.X.________, gérant de l'immeuble et administrateur
de Y.________ SA, l'avis aux locataires et fermiers de s'acquitter jusqu'à
nouvel ordre des loyers en mains de l'office, soit pour lui l'agence
susmentionnée.
Le 1er juin 2001, l'agence gérante a invité Y.________ SA à lui faire
parvenir tous les documents relatifs au contrat de bail liant cette société
aux copropriétaires de l'immeuble. Le 27 juillet 2001, l'agence gérante a
invité Y.________ SA à signer un contrat de bail relatif à l'atelier, qui
prévoyait un loyer mensuel de 6'666 fr. et une garantie de loyer de 20'000
fr., ainsi qu'un contrat de bail relatif au dépôt, qui prévoyait un loyer
mensuel de 1'458 fr. et une garantie de loyer de 4'350 fr. Étant sans
nouvelles de Y.________ SA, l'agence l'a relancée par courrier du 15 octobre
2001.

D.
Par demande du 17 janvier 2002, l'État de Genève, représenté par l'office des
poursuites, a sollicité l'évacuation de Y.________ SA des locaux que celle-ci
occupait dans l'immeuble gagé. Il a en outre conclu au paiement par
Y.________ SA d'une indemnité pour occupation illicite des locaux atteignant
56'868 fr. pour la période allant du 1er juin 2001 au 31 décembre 2001, puis
mensuellement 8'124 fr. dès le 1er janvier 2002. La défenderesse a conclu
principalement à l'irrecevabilité de la demande et subsidiairement à son
rejet.

Par jugement du 29 octobre 2002, le Tribunal de première instance du canton
de Genève a déclaré irrecevable la demande formée par l'État de Genève. En
substance, il a retenu que, comme il n'existait pas de contrat de bail entre
la défenderesse et les copropriétaires de l'immeuble gagé, il n'y avait pas
matière à gérance légale.

Par arrêt rendu le 16 mai 2003 sur appel de l'État de Genève, la Cour de
justice a annulé ce jugement. Elle a rectifié la qualité de la partie
demanderesse en ce sens qu'il s'agissait des consorts X.________, représentés
légalement par l'État de Genève, a déclaré la demande recevable et a renvoyé
la cause au Tribunal de première instance pour instruction et nouvelle
décision. En résumé, elle a considéré que les consorts X.________ avaient
conservé la légitimation active, mais que l'État de Genève était habilité à
procéder à leur place pour disposer seul de la "Prozessführungsbefugnis".
Elle a par ailleurs retenu que l'office des poursuites pouvait dénoncer les
accords que le débiteur aurait déjà conclus et qui ne seraient pas appropriés
sur le plan économique.

E.
La cause ayant été appointée de nouveau devant le Tribunal de première
instance, les consorts X.________, représentés légalement par l'État de
Genève, ont demandé qu'un jugement sur partie soit rendu, en ce sens que la
défenderesse soit condamnée à évacuer immédiatement les locaux qu'elle
occupait dans l'immeuble gagé et qu'il soit statué ultérieurement sur les
conclusions en paiement.

Par jugement du 6 novembre 2003, le Tribunal de première instance a condamné
la défenderesse à évacuer immédiatement les locaux en question, a mis les
dépens à la charge de la défenderesse et a réservé la suite de la procédure.

F.
Par arrêt rendu le 14 mai 2004 sur appel de la défenderesse, la Chambre
civile de la Cour de justice du canton de Genève a confirmé le jugement de
première instance, avec suite de dépens. La motivation de cet arrêt, dans ce
qu'elle a d'utile à retenir pour l'examen du recours, est en substance la
suivante :
F.aL'art. 94 ORFI, comme l'indique son libellé, ne renferme pas une liste
exhaustive des mesures à prendre à la suite de la saisie d'un immeuble,
s'agissant d'exemples. Il faut dès lors considérer que cette disposition
s'applique aussi dans les cas où le tiers qui occupe l'immeuble n'est pas au
bénéfice d'un bail, mais seulement d'un prêt concédé à titre gratuit. En
effet, l'art. 94 ORFI vise à éviter que les prétentions du créancier soient
compromises par des actes commis par le débiteur et tendant à opérer des
résiliations ou à conclure de nouveaux baux, mesures qui seraient
injustifiées économiquement (cf. ATF 109 III 45 consid. 1c). Dans cette
perspective, il faut donc considérer que l'office des poursuites peut, dans
le cadre d'une saine gestion, dénoncer les accords ¿ peu importe qu'il
s'agisse de contrats de bail ou de prêt à usage ¿ inappropriés sur le plan
économique que le débiteur a déjà conclus avec des tiers, et requérir
l'expulsion desdits tiers. Il s'ensuit que les consorts X.________, par
l'entremise de l'État de Genève, pouvaient intenter action en revendication
contre Y.________ SA sur la base de l'art. 94 ORFI.

F.b En l'espèce, la défenderesse était tout au plus au bénéfice d'un contrat
de prêt à usage, au sens des art. 305 à 311 CO, conclu avec C.X.________,
l'un des quatre copropriétaires, les autres paraissant d'ailleurs s'être
accommodés des mesures ainsi prises par celui-ci. Comme il n'a pas été
prétendu que ce prêt aurait été convenu pour une durée indéterminée ou en
fonction d'un usage précis, le prêteur ¿ soit les consorts X.________ ¿ était
libre, selon l'art. 310 CO, de réclamer en tout temps la restitution de la
chose prêtée. En l'occurrence, il faut considérer que la demande déposée le
17 janvier 2002 tendant à l'évacuation de Y.________ SA emportait la
dénonciation du prêt, et que la défenderesse avait bénéficié d'un délai
suffisamment long jusqu'au 3 octobre 2003, date du dépôt des dernières
conclusions prises par les parties en première instance. Le jugement querellé
devait donc être confirmé avec suite de dépens.

G.
Agissant par la voie du recours en réforme au Tribunal fédéral, la
défenderesse conclut avec suite de dépens à la réforme de cet arrêt en ce
sens que les demandeurs soient déboutés de toutes leurs conclusions.

Les demandeurs concluent avec suite de dépens au rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
En vertu de l'art. 48 al. 1 OJ, le recours en réforme n'est en principe
ouvert que contre une décision finale. La jurisprudence admet toutefois, pour
des motifs d'économie de procédure (ATF 127 I 92 consid. 1c et les arrêts
cités), la recevabilité d'un recours en réforme immédiat contre une décision
partielle tranchant au fond le sort d'une prétention qui aurait pu faire à
elle seule l'objet d'un procès distinct et dont le jugement est préjudiciel à
celui des autres conclusions encore litigieuses (cf. ATF 129 III 25 consid.
1.1; 124 III 406 consid. 1a; 123 III 140 consid. 2a; 117 II 349 consid. 2a).
Ces conditions sont remplies en l'espèce. Dès lors, le recours, formé en
temps utile (art. 54 al. 1 OJ) contre une décision prise en dernière instance
cantonale par le tribunal suprême du canton (art. 48 al. 1 OJ) dans une
contestation civile de nature pécuniaire dont la valeur dépasse manifestement
8'000 fr. (art. 46 OJ), est recevable.

2.
2.1Selon la défenderesse, la cour cantonale a violé l'art. 806 CC, ainsi que
les dispositions relatives à la réalisation du gage immobilier (soit les art.
151 ss LP et 94 ORFI), en estimant que l'office des poursuites disposait de
compétences étendues en matière de gérance légale et que celles-ci ne se
limitaient pas aux loyers et fermages. En effet, l'art. 806 CC ne vise que
l'hypothèse d'un immeuble donné à bail, et le Tribunal fédéral a toujours
refusé d'étendre le droit de gage immobilier à des créances autres que celles
résultant d'un contrat de bail, comme des créances qu'un débiteur possède à
l'encontre de ses hôtes ou du gérant d'un établissement situé sur l'immeuble
gagé (ATF 77 III 119). En outre, avant la réquisition de vente de l'immeuble,
le gérant légal dispose uniquement de la compétence de prendre les mesures
urgentes exhaustivement énoncées à l'art. 94 ORFI. Ce n'est que lorsque le
créancier a requis la vente de l'immeuble que l'office a la compétence de
prendre des mesures de gérance plus étendues en vertu de l'art. 101 al. 1
ORFI. Or en l'espèce, la vente de l'immeuble n'a été requise que le 29
janvier 2004, soit après le dépôt de l'appel contre le jugement du Tribunal
de première instance du 6 novembre 2003. Dès lors, toujours selon la
défenderesse, "l'État de Genève, soit pour lui l'office des poursuites,
n'était, en tant que gérant légal, pas compétent pour agir en vue de
revendiquer le bien immobilier, ni pour résilier le contrat de prêt, ni pour
exiger une indemnité pour occupation illicite", car ces mesures sortaient du
cadre de l'art. 94 ORFI.

2.2 Aux termes de l'art. 806 al. 1 CC, le gage grevant un immeuble donné à
bail comprend également les loyers ou fermages qui ont couru, depuis la
poursuite en réalisation de gage commencée par le créancier ou la déclaration
de faillite du débiteur, jusqu'au moment de la réalisation. Dès réception de
la réquisition de poursuite en réalisation du gage, s'il s'agit d'un immeuble
loué ou affermé et si le créancier gagiste poursuivant exige que le gage
comprenne les loyers et fermages, l'office des poursuites avise de la
poursuite les locataires et les fermiers et les invite à payer en ses mains
les loyers et fermages qui viendront à échéance (art. 152 al. 2 LP; art. 91
al. 1 de l'ordonnance du Tribunal fédéral du 23 avril 1920 sur la réalisation
forcée des immeubles [ORFI; RS 281.42]).

2.2.1 Après notification de cet avis aux locataires et fermiers, l'office est
tenu de prendre, en lieu et place du propriétaire du gage, toutes les mesures
nécessaires pour assurer et opérer l'encaissement des loyers et fermages; il
devra notamment, au besoin, intenter des poursuites à cet effet, exercer le
droit de rétention du bailleur, résilier les baux, requérir l'expulsion des
locataires, conclure de nouveaux baux; il a en outre le droit d'ordonner les
réparations urgentes et d'affecter les loyers et fermages perçus par lui au
paiement des redevances courantes (gaz, eau, électricité, etc.), ainsi qu'au
paiement des frais de réparations et des contributions à l'entretien du
débiteur sans ressources (art. 94 al. 1 ORFI). Il s'agit là d'une gérance
légale limitée à ces seules mesures conservatoires urgentes, qui peuvent
d'ailleurs être confiées à un tiers en vertu de l'art. 94 al. 2 ORFI (ATF 129
III 90 consid. 2.1 et les références citées).

2.2.2 Dès que le créancier gagiste a requis la réalisation du gage, l'office
pourvoit, sauf si le poursuivant y a expressément renoncé, à la gérance et à
l'exploitation de l'immeuble de la manière prévue, en matière de poursuite
par voie de saisie, dès la date de la saisie (art. 102 al. 3 LP, auquel
renvoie l'art. 155 al. 1 LP; art. 16 ss ORFI, auxquels renvoie l'art. 101 al.
1 ORFI). Cette gérance a une portée plus grande que celle de l'art. 94 ORFI
(ATF 129 III 90 consid. 2.2). Elle comprend toutes les mesures nécessaires
pour entretenir l'immeuble en bon état de rendement ainsi que pour la
perception des fruits et autres produits, soit notamment la résiliation des
baux, l'expulsion des locataires, la conclusion de nouveaux baux, la récolte
et la vente des fruits, la rentrée des loyers et fermages au besoin par voie
de poursuites (art. 17 ORFI).

2.3 La question que pose la présente espèce est celle de savoir si l'office
des poursuites peut, au titre des mesures conservatoires urgentes de l'art.
94 ORFI, dénoncer un accord par lequel le débiteur avait mis sans
contrepartie des locaux sis dans l'immeuble gagé à la disposition d'un tiers,
pour requérir l'évacuation de ce tiers.

2.3.1 L'art. 152 al. 2 LP, ainsi que les art. 91 ss ORFI précisant cette
disposition, se fondent sur l'art. 806 CC et ne trouvent application que si
l'immeuble gagé est loué ou affermé (ATF 77 III 119 consid. 1) ¿ cas auxquels
il convient d'assimiler celui où l'immeuble est grevé d'un droit de
superficie en contrepartie duquel le propriétaire reçoit des prestations
périodiques (Trauffer, Basler Kommentar, Zivilgesetzbuch II, 2e éd. 2003, n.
1 ad art. 806 CC et les références citées; cf. ATF 94 III 8) ¿ et pour
autant
que le créancier gagiste poursuivant exige que le gage comprenne les loyers
et fermages. En revanche, lorsque l'immeuble n'est ni loué ni affermé, il ne
peut y avoir d'immobilisation des loyers et fermages et de gérance légale
selon les art. 91 ss ORFI (ATF 77 III 119; Känzig/Bernheim, Kommentar zum
Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, Bâle 1998, n. 13 ad art. 152
LP).

2.3.2 Il découle de ce qui précède que l'office des poursuites ne peut pas se
fonder sur l'art. 94 ORFI pour dénoncer un accord par lequel le débiteur
avait mis sans contrepartie des locaux situés dans l'immeuble gagé à la
disposition d'un tiers, à moins qu'il ne soit établi que l'accord en question
a été conclu à la place d'un contrat de bail préexistant dans le but d'éluder
les art. 806 CC, 152 al. 2 LP et 91 ss ORFI (cf. ATF 77 III 119 consid. 1 p.
122). Comme rien de tel ne résulte des faits tels qu'ils ont été constatés
souverainement par la dernière autorité cantonale (cf. art. 63 al. 2 OJ),
l'office des poursuites ne pouvait se fonder sur l'art. 94 ORFI pour, en lieu
et place des copropriétaires de l'immeuble, dénoncer l'accord par lequel des
locaux situés dans l'immeuble gagé avaient été mis sans contrepartie à la
disposition de la défenderesse et requérir l'évacuation de celle-ci.

2.3.3 Les mesures conservatoires urgentes décrites à l'art. 94 ORFI, que
l'office des poursuites est tenu de prendre en lieu et place du propriétaire
du gage, sont en effet uniquement celles qui sont nécessaires pour assurer et
opérer l'encaissement des loyers et fermages, en tant qu'objets du gage :
ainsi, la faculté de résilier les baux et de requérir l'expulsion des
locataires ¿ faculté qui appartient exclusivement à l'office des poursuites
lorsque l'immeuble fait l'objet d'une gérance légale (ATF 109 III 45) ¿ ne
peut se comprendre que dans le cadre de cette mission générale, soit dans
l'hypothèse où un locataire est en retard dans ses paiements (arrêt
4C.367/2000 du 8 mars 2001, consid. 1c). En revanche, si l'immeuble n'est ni
loué ni affermé, il n'y a pas matière à procéder selon les art. 91 ss ORFI,
ni donc à prendre des mesures selon l'art. 94 ORFI. La gérance légale prévue
par cette disposition se limite aux mesures conservatoires urgentes
nécessaires pour assurer et opérer l'encaissement des loyers et fermages, au
contraire de l'administration de l'immeuble à laquelle l'office pourvoit dès
la réquisition de vente et qui a une portée plus large (cf. ATF 129 III 90
consid. 2 et les références citées). Point n'est toutefois besoin ici
d'examiner ce qu'il en aurait été si l'office avait agi dans le cadre de
l'administration de l'immeuble selon l'art. 102 al. 3 LP.

2.3.4 On observera en passant qu'en l'espèce, le créancier poursuivant n'est
pas plus mal placé que si les débiteurs occupaient eux-mêmes les locaux en
question : en effet, selon l'art. 19 ORFI, jusqu'à la réalisation de
l'immeuble, le débiteur ne peut être tenu ni de payer une indemnité pour les
locaux d'habitation ou d'affaires qu'il occupe ni de vider les lieux (cf. ATF
77 III 119 consid. 1 p. 122; Känzig/Bernheim, op. cit., n. 13 ad art. 152 LP;
BlSchK 1973 n° 48 p. 151).

3.
Il résulte de ce qui précède que la cour cantonale a violé le droit fédéral
en considérant que l'État de Genève, soit pour lui l'office des poursuites,
avait qualité pour dénoncer, en lieu et place des propriétaires de l'immeuble
gagé, l'accord par lequel ceux-ci avaient mis sans contrepartie des locaux
situés dans cet immeuble à la disposition de la défenderesse, et pour agir en
revendication à l'encontre de cette dernière. Par conséquent, le jugement sur
partie par lequel la défenderesse a été condamnée à évacuer immédiatement les
locaux en question doit être réformé en ce sens que les conclusions
correspondantes des consorts X.________, représentés légalement par l'État de
Genève, sont déclarées irrecevables. La cause sera par ailleurs renvoyée à
l'autorité cantonale pour qu'elle se prononce à nouveau sur les frais et
dépens de la procédure cantonale (cf. art. 157 et 159 al. 6 in fine OJ).

Quoiqu'il succombe, l'État de Genève n'aura pas à supporter de frais
judiciaires, dès lors qu'il s'est adressé au tribunal dans l'exercice de ses
attributions officielles sans que son intérêt pécuniaire soit en cause (art.
156 al. 2 OJ). Il supportera en revanche les frais indispensables engagés par
la défenderesse, laquelle obtient gain de cause (art. 159 al. 1 et 2 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et l'arrêt attaqué est réformé en ce sens que les
conclusions des demandeurs A.X.________, B.X.________, C.X.________ et
D.X.________, représentés légalement par l'État de Genève, tendant à
l'évacuation de la défenderesse Y.________ SA des locaux qu'elle occupe à ...
(canton de Genève) sont irrecevables.

2.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

3.
L'État de Genève versera à la défenderesse une indemnité de 2'000 fr. à titre
de dépens.

4.
La cause est renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision sur les
frais et dépens de la procédure cantonale.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 26 janvier 2005

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5C.139/2004
Date de la décision : 26/01/2005
2e cour civile

Analyses

Art. 152 al. 2 LP, art. 91 ss ORFI; mesures conservatoires urgentes selonl'art. 94 ORFI dans une poursuite en réalisation de gage immobilier. Lorsque l'immeuble gagé n'est ni loué ni affermé, il ne peut pas y avoird'immobilisation des loyers et fermages et de gérance légale selon les art.91 ss ORFI. Dès lors, l'office des poursuites ne saurait se fonder surl'art. 94 ORFI pour dénoncer un accord par lequel le débiteur avait mis sanscontrepartie des locaux situés dans l'immeuble gagé à la disposition d'untiers (consid. 2.3).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2005-01-26;5c.139.2004 ?
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