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12/01/2005 | SUISSE | N°4P.219/2004

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 12 janvier 2005, 4P.219/2004


{T 0/2}
4P.219/2004 /ech

Arrêt du 12 janvier 2005
Ire Cour civile

MM. et Mmes les Juges Corboz, président, Klett, Rottenberg Liatowitsch, Favre
et Kiss.
Greffier: M. Carruzzo.

A. ________,
recourante, représentée par Me Teresa Giovannini,

contre

B.________,
intimée, représentée par Mes Bernard Lachenal et Carole van de Sandt,
Tribunal arbitral CCI,

arbitrage international; droit d'être entendu; ordre public,

recours de droit public contre l'addendum du 27 juillet 2004 à la sentence du
Tribunal arbitral du

24 mars 2004.

Faits:

A.
Une procédure arbitrale, soumise au règlement d'arbitrage de la Chambre de
commerce internatio...

{T 0/2}
4P.219/2004 /ech

Arrêt du 12 janvier 2005
Ire Cour civile

MM. et Mmes les Juges Corboz, président, Klett, Rottenberg Liatowitsch, Favre
et Kiss.
Greffier: M. Carruzzo.

A. ________,
recourante, représentée par Me Teresa Giovannini,

contre

B.________,
intimée, représentée par Mes Bernard Lachenal et Carole van de Sandt,
Tribunal arbitral CCI,

arbitrage international; droit d'être entendu; ordre public,

recours de droit public contre l'addendum du 27 juillet 2004 à la sentence du
Tribunal arbitral du 24 mars 2004.

Faits:

A.
Une procédure arbitrale, soumise au règlement d'arbitrage de la Chambre de
commerce internationale (CCI), est pendante entre la société B.________,
demanderesse, et la société A.________, défenderesse. Les circonstances
caractérisant le différend qui a donné lieu à l'ouverture de cette procédure
sont relatées dans l'arrêt rendu le 6 octobre 2004 par le Tribunal fédéral
entre les mêmes parties (cause 4P.117/2004). Il convient de s'y référer.
Le 24 mars 2004, le Tribunal arbitral, composé de trois membres, statuant à
l'unanimité, a rendu une sentence partielle au terme de laquelle il a fixé le
prix des 49 actions de la société C.________ à 73'100'000 US$ (ch. VI du
dispositif), somme, augmentée de l'intérêt moratoire à 5% dès le 1er mars
2002, que A.________ a été condamnée à payer à B.________, sous déduction de
l'acompte de 27'000'000 US$ versé le 28 février 2002 et sous imputation
provisoire du montant de 855'556,17 US$ correspondant à une prétention -
litigieuse - opposée en compensation par la défenderesse (ch. VII du
dispositif).
Le 17 mai 2004, A.________ a formé un recours de droit public, au sens de
l'art. 85 let. c OJ. Invoquant les motifs de recours prévus par l'art. 190
al. 2 let. a, d et e LDIP, elle a demandé au Tribunal fédéral d'annuler la
sentence arbitrale du 24 mars 2004.
Statuant le 6 octobre 2004, la Ire Cour civile du Tribunal fédéral a rendu
l'arrêt précité au terme duquel elle a rejeté ledit recours.

B.
Le 7 avril 2004, B.________ avait adressé à la CCI une requête en
rectification de la sentence partielle rendue le 24 mars 2004. Par un
addendum du 27 juillet 2004, notifié le 18 août 2004 aux parties, le Tribunal
arbitral, statuant à l'unanimité, a admis partiellement cette requête, fixé
le prix des 49 actions de C.________ à 107'500'000 US$ et rectifié en
conséquence les chiffres VI et VII du dispositif de la sentence partielle.
Pour justifier cette rectification, les arbitres ont admis que, par suite
d'une double inadvertance, ils avaient, d'une part, pris deux fois en
considération les frais consolidés de D.________ et de C.________ et, d'autre
part, utilisé un signe positif au lieu d'un signe négatif lors de
l'évaluation des participations des actionnaires minoritaires de D.________.

C.
Le 20 septembre 2004, A.________ a formé un recours de droit public contre
l'addendum du 27 juillet 2004. Invoquant les motifs de recours prévus par
l'art. 190 al. 2 let. a, d et e LDIP, la recourante a conclu principalement à
l'annulation de la sentence partielle et de l'addendum. A titre subsidiaire,
elle a requis la mise à néant du seul addendum.
L'intimée et le Tribunal arbitral concluent au rejet du recours.
La recourante a demandé à être dispensée de verser une avance de frais. Elle
a sollicité, en outre, l'octroi de l'effet suspensif. Ces deux requêtes ont
été rejetées, respectivement, par ordonnances présidentielles des 8 octobre
et 8 novembre 2004.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Statuant le 27 juillet 2004, le Tribunal arbitral a rendu, sous la forme
d'un addendum, une décision dans laquelle il a admis, en partie, la requête
de B.________ tendant à ce qu'il rectifiât sa sentence partielle du 24 mars
2004. Les chiffres VI et VII du dispositif de ladite sentence ont été
corrigés en conséquence.
Par addendum, on entend généralement une sentence additionnelle que le
Tribunal arbitral rend lorsqu'il a omis de statuer sur une prétention ou une
conclusion qui lui a été soumise (François Knoepfler/Philippe Schweizer,
Arbitrage international, 2003, p. 539 et les auteurs cités; voir aussi:
Jean-François Poudret/Sébastien Besson, Droit comparé de l'arbitrage
international, p. 737, n. 765). Il ne s'agit pas de cela en l'occurrence: le
Tribunal arbitral n'a pas complété une sentence lacunaire; il a simplement
rectifié, sur deux points, une sentence se suffisant à elle-même. Et s'il a
intitulé "addendum" sa sentence du 27 juillet 2004, c'est parce que l'art. 29
al. 3 du règlement d'arbitrage de la CCI, auquel les parties se sont
soumises, énonce que "la décision de corriger ou d'interpréter la sentence
est rendue sous la forme d'un addendum...". Cette question de terminologie
mise à part, il n'en demeure pas moins que l'on n'a pas affaire ici à une
sentence additionnelle, mais à une sentence rectificative.
Contrairement à la sentence additionnelle stricto sensu, la sentence
rectificative n'ajoute rien à la sentence initiale qui ne s'y trouve déjà
(Poudret/Besson, op. cit., p. 738, n. 765). Accessoire de celle-ci, elle en
partage le sort et devient ipso facto caduque en cas d'annulation de la
sentence originaire (arrêt du 6 octobre 2004, précité, dans la cause
4P.117/2004, consid. 1.3 destiné à la publication). Ce n'est donc pas une
sentence nouvelle (Frank-Bernd Weigand, Practitioner's Handbook on
International Arbitration, n. 17 ad art. 29 du règlement d'arbitrage de la
CCI), mais une décision qui fait "partie intégrante de la sentence", pour
reprendre les termes de la disposition réglementaire susmentionnée. Par
conséquent, nonobstant la coexistence de deux décisions formellement
distinctes, le lien de connexité qui existe entre elles est un élément dont
il faut tenir compte à différents égards, en particulier au stade de
l'exécution. Il va ainsi de soi que la partie ayant obtenu gain de cause dans
la procédure arbitrale ne saurait poursuivre l'exécution intégrale des
condamnations pécuniaires prononcées dans la sentence originaire et dans la
sentence rectificative, ce qui reviendrait à réclamer deux fois le montant
qui lui a été alloué. En d'autres termes, si elle requiert successivement
l'exécution des deux sentences, la créancière ne pourra réclamer en second
lieu que le paiement de la différence existant entre les montants que sa
partie adverse a été condamnée à lui payer dans la sentence originaire et
dans la sentence rectificative. Il n'est du reste pas exclu qu'elle doive
restituer une somme d'argent à sa débitrice, le cas échéant, c'est-à-dire
dans l'hypothèse où celle-ci aurait requis et obtenu une correction en sa
faveur de la sentence initiale.

1.2 Ces considérations relatives à la nature juridique de la sentence
rectificative revêtent aussi de l'importance pour déterminer les conditions
auxquelles une telle sentence pourra être entreprise, qu'il s'agisse de la
décision attaquable, du délai à observer ou encore des griefs admissibles
(cf. consid. 1.2.1 à 1.2.3 ci-dessous). Elles permettent également de régler
la question des rapports existant entre le recours de droit public dirigé
contre la sentence d'origine et la demande de rectification de la même
sentence (cf. consid. 1.2.4 ci-dessous).

1.2.1 Il est conforme à son caractère accessoire que la sentence
rectificative suive le régime de la sentence originaire (Knoepfler/
Schweizer, op. cit., p. 539 in fine et 540 in limine). Lorsque, comme c'est
ici le cas, celle-ci n'est pas une sentence finale, la recevabilité d'un
recours immédiat au Tribunal fédéral contre celle-là est soumise aux mêmes
conditions que le recours de droit public, au sens de l'art. 85 let. c OJ,
dirigé contre la sentence partielle lato sensu dont la rectification a été
requise. Seront ainsi susceptibles de recours immédiat au Tribunal fédéral
les sentences rectifiant une sentence finale ou une sentence partielle
proprement dite, et ce dans tous les cas prévus à l'art. 190 al. 2 LDIP, de
même que les sentences rectifiant des sentences préjudicielles ou incidentes,
pour les seuls motifs énoncés à l'art. 190 al. 2 let a et b LDIP (voir, sur
ce point, l'arrêt du 6 octobre 2004, précité, dans la cause 4P.117/2004,
consid. 1.2 destiné à la publication; pour plus de détails, cf.
Knoepfler/Schweizer, op. cit., p. 540, n. 2).

1.2.2 Si la sentence rendue par le Tribunal arbitral - sur demande en
rectification d'une erreur, voire d'office (cf. l'art. 29 al. 1 du règlement
d'arbitrage de la CCI) - peut faire l'objet d'un recours au Tribunal fédéral,
celui-ci devra être déposé dans les 30 jours dès la communication de ladite
sentence (art. 89 al. 1 OJ par renvoi de l'art. 191 al. 1 LDIP; cf., mutatis
mutandis, l'ATF 116 II 86 consid. 3 p. 88).

1.2.3 Le fait qu'une sentence a déjà été rendue, d'une part, et l'objet
limité de la procédure de rectification, d'autre part, sont des éléments
qu'il ne faut pas négliger lorsqu'il s'agit de déterminer quels sont, dans
les limites tracées par l'art. 190 al. 2 LDIP, les griefs qui peuvent être
articulés à l'encontre d'une sentence rectificative. Qu'une sentence
préexiste n'est effectivement pas indifférent à cet égard. Bénéficiant de
l'autorité de la chose jugée dès sa communication aux parties (art. 190 al. 1
LDIP; Poudret/Besson, op. cit., p. 843, n. 853), cette sentence originelle ne
peut être attaquée que par un moyen de droit spécifique (le recours de droit
public au sens de l'art. 85 let. c OJ), pour des motifs énumérés
exhaustivement et dans un certain délai, non prolongeable. La procédure de
rectification n'a pas pour but de modifier ce système en offrant aux parties
une autre possibilité d'attaquer la sentence d'origine. Elle n'est pas ni ne
doit être regardée comme une voie de recours supplémentaire. Sa seule
vocation consiste à permettre la correction d'une erreur matérielle (erreur
de calcul, erreur de plume, erreur typographique, etc.) affectant la sentence
originelle, par opposition à une erreur intellectuelle ou de droit (cf.
Poudret/Besson, op. cit., p. 733 s., n. 763), sans toucher à l'autorité dont
cette sentence est revêtue (François Knoepfler/Philippe Schweizer/Simon
Othenin-Girard, Droit international privé suisse, 3e éd., n. 777b). Il est
conforme à la finalité de cette procédure de restreindre dans la même mesure
la faculté de critiquer la sentence rectificative. Aussi le recours de droit
public visant une telle sentence ne peut-il porter que sur la rectification
elle-même (cf., mutatis mutandis, l'ATF 116 II 86 consid. 3 p. 88). Il ne
saurait servir de prétexte à une remise en cause de la sentence initiale,
soit que celle-ci n'ait pas été attaquée en temps utile, soit que le recours
de droit public formé contre elle ait été déclaré irrecevable ou rejeté.
Dans un recours de droit public formé contre une sentence rectificative au
sens large - on entend par là une sentence rendue à la suite d'une demande en
rectification ou d'office, quelle que soit la décision prise dans cette
sentence -, le recourant pourra donc faire valoir que le Tribunal arbitral a
rendu cette sentence (et non pas la sentence originelle) dans une composition
irrégulière (art. 190 al. 2 let. a LDIP); qu'il s'est déclaré à tort
compétent ou incompétent pour rectifier la sentence initiale, ou qu'il a
excédé sa compétence en la matière et modifié le contenu même de la sentence
(art. 190 al. 2 let. b LDIP; cf. l'ATF 126 III 524 consid. 2; voir aussi:
Knoepfler/Schweizer, op. cit., p. 540, n. 3); qu'en rendant la sentence
rectificative, il a statué ultra petita ou a omis de se prononcer sur un des
chefs de la demande de rectification (art. 190 al. 2 let. c LDIP); que la
procédure de rectification n'a pas respecté l'égalité des parties ou leur
droit d'être entendues (art. 190 al. 2 let. d LDIP); enfin, que la sentence
rectificative est incompatible avec l'ordre public matériel (hypothèse assez
théorique) ou procédural (hypothèse déjà plus plausible) (art. 190 al. 2 let.
e LDIP). Il est exclu, en revanche, que, par le biais d'un recours de droit
public dirigé contre la sentence rectificative, une partie s'en prenne, pour
la première fois ou derechef, à la sentence initiale qu'elle a négligé
d'attaquer dans le délai prévu à cette fin ou qu'elle a entreprise sans
succès.

1.2.4 La spécificité de la procédure de rectification et le caractère
accessoire de la sentence rectificative influent aussi sur la façon de régler
les problèmes posés par la coexistence de cette procédure et de la procédure
du recours de droit public ayant pour objet la sentence originaire.
D'une manière générale, ces deux procédures ne doivent pas interférer. C'est
ainsi que le dépôt d'une requête en correction de la sentence initiale ne
suspendra pas le délai pour recourir contre cette sentence
(Knoepfler/Schweizer, op. cit., p. 541, n. 5). Dans le même ordre d'idées et
sous l'angle de l'art. 86 al. 2 OJ, il paraît douteux que l'on puisse
contraindre une partie à introduire d'abord la procédure de correction de la
sentence avant de déposer un recours de droit public contre celle-ci (voir
l'arrêt du 6 octobre 2004, précité, dans la cause 4P.117/2004, consid. 1.3
destiné à la publication). Ce serait l'exposer au risque de ne plus pouvoir
recourir, car si la demande de rectification était déclarée irrecevable ou
mal fondée par le Tribunal arbitral, le délai de recours serait échu avant
d'avoir été utilisé (Knoepfler/ Schweizer/ Othenin-Girard, ibid.). On
pourrait certes imaginer de faire coïncider le point de départ de ce délai
avec la notification de la sentence écartant la demande de rectification;
mais on ouvrirait alors la porte à des manoeuvres dilatoires, telles que le
dépôt systématique d'une demande de rectification de la sentence en vue de
retarder d'autant l'exécution de celle-ci.
A défaut de recours ou si le recours de droit public formé contre la sentence
originelle est déclaré irrecevable ou rejeté, la sentence rectifiée se
substituera à la sentence originelle. Si la demande de rectification n'est
pas admise, la première sentence continuera à déployer ses effets. En toute
hypothèse, la sentence rectificative, au sens large, sera susceptible d'un
recours de droit public aux conditions restrictives sus-indiquées (cf.
consid. 1.2.3). A supposer que ce recours soit admis et la sentence
rectificative annulée, la sentence originaire revivra.
Si
le recours de droit public formé contre la sentence originelle est admis
et ladite sentence annulée, la sentence rectificative - hypothèse de
l'admission de la demande de rectification - rendue dans l'intervalle
deviendra ipso facto caduque en raison de l'annulation de la sentence dont
elle fait partie intégrante. Au cas où la sentence rectificative n'aurait pas
encore été rendue, la procédure de rectification deviendra sans objet, faute
de sentence à rectifier.

2.
Il y a lieu d'examiner la recevabilité du présent recours à la lumière des
principes posés au considérant précédent.

2.1 Etant de même nature que la sentence rendue le 24 mars 2004, l'addendum
du 27 juillet 2004 constitue, lui aussi, une sentence partielle proprement
dite, susceptible de recours immédiat au Tribunal fédéral pour les motifs
prévus à l'art. 190 al. 2 LDIP.
Directement touchée par la sentence rectificative, qui augmente sensiblement
la somme d'argent qu'elle a été condamnée à payer à l'intimée, la recourante
a un intérêt personnel, actuel et juridiquement protégé à ce que cette
sentence n'ait pas été rendue en violation des garanties découlant de l'art.
190 al. 2 LDIP, ce qui lui confère la qualité pour recourir (art. 88 OJ).
Elle a par ailleurs agi en temps utile, c'est-à-dire dans les 30 jours dès la
communication de l'addendum (art. 89 OJ), a respecté la forme prescrite (art.
90 al. 1 OJ) et a invoqué trois des différents motifs énumérés de manière
exhaustive à l'art. 190 al. 2 LDIP, en exposant de façon circonstanciée les
raisons pour lesquelles elle considère que chacun de ces trois motifs doit
entraîner l'annulation de l'addendum.
Le recours dirigé contre la sentence rectificative apparaît ainsi
formellement recevable. Il reste à examiner si les griefs qui y figurent le
sont aussi du point de vue matériel.

2.2
2.2.1Pour l'essentiel, la recourante reprend les moyens qu'elle avait déjà
soulevés dans son recours dirigé contre la sentence originelle, lesquels ont
été écartés par le Tribunal fédéral dans son arrêt du 6 octobre 2004, déjà
cité. Elle le fait du reste ouvertement en reproduisant le texte de son
premier recours dans le second et en distinguant les griefs visant les
sentences initiale et rectificative par l'utilisation de caractères
différents. Dans cette mesure, soit pour la quasi-totalité des critiques qui
y sont formulées, le présent recours est irrecevable. En tant qu'il vise la
sentence du 24 mars 2004, cela va de soi puisque le délai de recours était
échu de longue date au moment où il a été déposé; la recourante a d'ailleurs
tenté - sans succès - de faire annuler ladite sentence en l'attaquant
séparément avant l'expiration dudit délai. Mais le recours examiné est aussi
irrecevable en tant qu'il s'en prend à l'addendum du 27 juillet 2004 par des
moyens identiques à ceux qui ont été soulevés dans le premier recours. En
effet, pour les motifs sus-indiqués (cf. consid. 1.2.3), il est exclu de
remettre en cause l'autorité de la chose jugée qui s'attache à la sentence
originelle sous le couvert d'un recours dirigé contre la sentence
rectificative. L'objet d'un tel recours ne peut être que la sentence
rectificative et les griefs admissibles ne peuvent avoir trait qu'à la
procédure de rectification et/ou au contenu de ladite sentence.
Il n'est pas nécessaire de recenser ici tous les griefs qui ont déjà été
articulés dans le premier recours et qui sont repris dans le second. Il
suffit de renvoyer la recourante à la lecture de l'arrêt du 6 octobre 2004.
En outre, les observations du Tribunal arbitral, auxquelles il y a lieu de se
référer, font clairement ressortir la similitude existant entre la plupart
des moyens soulevés dans l'un et l'autre recours. Il en appert aussi que bon
nombre des prétendus nouveaux griefs formulés dans le second recours ne
consistent, en réalité, que dans une présentation légèrement différente de
ceux qui ont déjà été soumis à l'examen du Tribunal fédéral.
Dans ces conditions, la Cour de céans n'entrera pas en matière sur l'ensemble
des griefs se rapportant, de près ou de loin, à la manière de déterminer la
valeur de la société dont 49 actions ont été vendues par l'intimée à la
recourante et au résultat de cette évaluation. Elle ne s'arrêtera pas, en
particulier, aux critiques concernant l'utilisation du programme informatisé
dénommé "Excel", car ces critiques ont déjà été réfutées dans l'arrêt du 6
octobre 2004.

2.2.2 Le seul moyen véritablement nouveau soulevé par la recourante consiste
à reprocher au Tribunal arbitral d'avoir reconnu, dans l'addendum, une erreur
dont la rectification a entraîné une augmentation de 34'400'000 US$ (i.e.
47%) du prix des actions vendues par rapport à celui qui avait été fixé dans
la première sentence.
Cependant, l'ampleur de la rectification opérée par les arbitres au préjudice
de la recourante n'implique pas déjà une violation des garanties découlant de
l'art. 190 al. 2 LDIP. A petite cause grands effets: l'omission d'un seul
chiffre dans le montant alloué pourra ainsi entraîner une correction majeure
du montant en question (voir l'exemple, cité par Erik Schäfer/Herman
Verbist/Christophe Imhoos, L'arbitrage de la Chambre de commerce
internationale en pratique, p. 167, d'une erreur de 900% due à la simple
omission d'un 0).

Il appartenait donc à la recourante de préciser en quoi la rectification
opérée dans le cas concret entrait dans les prévisions de l'un des motifs de
recours énumérés à l'art. 190 al. 2 LDIP. Elle ne l'a pas fait. Le moyen
considéré est, dès lors, irrecevable faute de toute motivation (art. 90 al. 1
let. b OJ).

2.2.3 Force est de constater, pour le surplus, que la recourante ne formule
pas non plus de grief recevable en ce qui concerne la procédure de
rectification suivie par le Tribunal arbitral ou les modalités de la
rectification opérée par lui.
Il apparaît ainsi, au terme de cet examen, que le présent recours est
entièrement irrecevable .

3.
En application de l'art. 156 al. 1 OJ, les frais de la procédure fédérale
seront mis à la charge de la recourante. Celle-ci devra, en outre, verser des
dépens à son adverse partie, conformément à l'art. 159 al. 1 OJ.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est irrecevable.

2.
Un émolument judiciaire de 70'000 fr. est mis à la charge de la recourante.

3.
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 90'000 fr. à titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et au
président du Tribunal arbitral.

Lausanne, le 12 janvier 2005

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.219/2004
Date de la décision : 12/01/2005
1re cour civile

Analyses

Arbitrage international; art. 190 al. 1 et 2 LDIP; recevabilité du recoursde droit public dirigé contre une sentence rectificative. Notions de sentence additionnelle et de sentence rectificative; naturejuridique de la sentence rectificative par rapport à la sentence initiale(consid. 1.1). Conditions auxquelles une sentence rectificative peut êtreattaquée par la voie du recours de droit public (consid. 1.2.1-1.2.3). Relations existant entre le recours dirigé contre la sentence d'origine etla demande de rectification de la même sentence (consid. 1.2.4). Les griefs qui ont été formulés dans le recours de droit public dirigécontre la sentence initiale ne peuvent plus être articulés dans le recoursde droit public visant la sentence rectificative (consid. 2).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2005-01-12;4p.219.2004 ?
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