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25/11/2004 | SUISSE | N°P.29/03

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 25 novembre 2004, P.29/03


{T 7}
P 29/03

Arrêt du 25 novembre 2004
Ire Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Lustenberger, Schön, Kernen et Frésard.
Greffier : M. Beauverd

Caisse cantonale neuchâteloise de compensation, Faubourg de l'Hôpital 28,
2001 Neuchâtel 1, recourante,

contre

M.________, intimé

Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, Neuchâtel

(Jugement du 8 avril 2003)

Faits:

A.
Le 24 février 2003, la Caisse cantonale neuchâteloise de compensation
(ci-après : la

caisse) a refusé d'entrer en matière sur une demande présentée
le 4 janvier 1999 par M.________. Cette demande tendait à la remise...

{T 7}
P 29/03

Arrêt du 25 novembre 2004
Ire Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Lustenberger, Schön, Kernen et Frésard.
Greffier : M. Beauverd

Caisse cantonale neuchâteloise de compensation, Faubourg de l'Hôpital 28,
2001 Neuchâtel 1, recourante,

contre

M.________, intimé

Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, Neuchâtel

(Jugement du 8 avril 2003)

Faits:

A.
Le 24 février 2003, la Caisse cantonale neuchâteloise de compensation
(ci-après : la caisse) a refusé d'entrer en matière sur une demande présentée
le 4 janvier 1999 par M.________. Cette demande tendait à la remise de
l'obligation de restituer un montant de 16'594 fr. perçu au titre de
prestations complémentaires.

Cette décision était motivée par le fait que le requérant n'avait pas
collaboré à l'instruction du dossier, en refusant de donner suite à deux
courriers de la caisse des 5 décembre 2002 et 16 janvier 2003.

B.
Conformément à l'indication des voies de droit figurant dans la décision,
M.________ a recouru devant le Tribunal administratif de la République et
canton de Neuchâtel par écriture du 27 février 2003.

Statuant le 8 avril 2003, le tribunal administratif a décliné sa compétence
et a transmis à la caisse l'écriture de l'intéressé comme valant opposition à
la décision précitée.

C.
La caisse interjette un recours de droit administratif dans lequel elle
conclut à l'annulation du jugement cantonal et demande au Tribunal fédéral
des assurances de dire que le tribunal administratif est compétent pour
statuer sur la cause.

Dans sa réponse au recours, M.________ s'exprime sur le fond du litige. Quant
à l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS), il ne s'est pas déterminé.

D.
Le 25 novembre 2004, la Ière chambre du Tribunal fédéral des assurances a
tenu audience.

Considérant en droit:

1.
1.1 Le Tribunal fédéral des assurances connaît en dernière instance des
recours de droit administratif contre des décisions au sens de l'art. 5 PA en
matière d'assurances sociales (art. 128 en corrélation avec l'art. 97 OJ).
D'après l'art. 5 al. 2 PA, sont considérées comme des décisions également les
décisions incidentes au sens de l'art. 45 PA. Selon l'art. 45 al. 1 PA, de
telles décisions ne sont susceptibles de recours - séparément d'avec le fond
- que si elles peuvent causer un préjudice irréparable. En outre, dans la
procédure devant le Tribunal fédéral des assurances, le recours de droit
administratif contre des décisions incidentes est recevable, en vertu de
l'art. 129 al. 2 en liaison avec l'art. 101 let. a OJ, seulement lorsqu'il
l'est également contre la décision finale (ATF 128 V 201 consid. 2a, 124 V 85
consid. 2 et les références).
Parmi les décisions incidentes qui peuvent être déférées au Tribunal fédéral
des assurances par la voie du recours de droit administratif figurent,
d'après l'art. 45 al. 2 let. a PA, les décisions par lesquelles l'autorité
inférieure se prononce sur sa compétence, soit en l'admettant alors qu'une
partie la conteste (art. 9 al. 1 PA), soit en la déclinant alors qu'une
partie prétend qu'elle est compétente (art. 9 al. 2 PA). Selon la
jurisprudence, quand un juge statue sur sa compétence par une décision
incidente, on se trouve en présence d'une décision susceptible de causer un
préjudice irréparable de nature formelle et idéale à celui qui la conteste
(ATF 110 V 351 ss).

Par ailleurs, selon l'art. 106 al. 1, en liaison avec l'art. 132 OJ, le
recours doit être déposé devant le Tribunal fédéral des assurances dans les
dix jours dès la notification de la décision, s'il s'agit d'une décision
incidente.

1.2 En l'espèce, le jugement attaqué, par lequel le tribunal administratif a
décliné sa compétence, est une décision incidente portant sur la compétence
de l'autorité. Par ailleurs, le recours de droit administratif est ouvert
contre une décision finale en matière de restitution de prestations
complémentaires (art. 128 OJ). Quant au jugement attaqué, il a été notifié à
la recourante le 9 avril 2003 au plus tôt. Les délais fixés par la loi ou le
juge ne courent pas du septième jour avant Pâques au septième jour après
Pâques inclusivement (art. 34 al. 1 let. a en relation avec l'art. 135 OJ),
soit, en l'occurrence, du 13 au 27 avril 2003. Le recours de droit
administratif, déposé le 28 avril 2003, a donc été formé en temps utile.

Il convient ainsi d'entrer en matière sur ce dernier.

2.
Le litige porte sur le point de savoir si la décision de la caisse intimée du
24 février 2003 était attaquable directement devant la juridiction cantonale
par la voie du recours de droit administratif ou si elle devait préalablement
faire l'objet d'une opposition devant la caisse.

2.1 L'entrée en vigueur de la LPGA, le 1er janvier 2003, a étendu à
l'ensemble des branches des assurances sociales (à l'exception de la
prévoyance professionnelle) la procédure d'opposition, que seules certaines
lois (LAMal, LAA, LAM) connaissaient jusqu'alors. Selon l'art. 52 al. 1 LPGA,
les décisions peuvent être attaquées dans les trente jours par voie
d'opposition auprès de l'assureur qui les a rendues, à l'exception des
décisions d'ordonnancement de la procédure. Cette norme légale de procédure
est entrée immédiatement en vigueur (ATF 117 V 93 consid. 6b, 112 V 360
consid. 4a; RAMA 1998 KV no 37 p. 316 consid. 3b), ce qui signifie que toutes
les décisions visées, rendues après le 31 décembre 2002, sont soumises à la
procédure d'opposition.

Les décisions sur opposition et celles contre lesquelles la voie de
l'opposition n'est pas ouverte sont sujettes à recours (art. 56 al. 1 LPGA).
Il en va donc ainsi des décisions d'ordonnancement de la procédure au sens de
l'art. 52 al. 1 in fine LPGA («prozess- und verfahrensleitende Verfügungen»;
«decisioni processuali e pregiudiziali», selon les versions allemande et
italienne de cette disposition). Il s'agit de décisions incidentes que le
législateur a soustraites à la procédure d'opposition, afin d'éviter des
retards excessifs dans le déroulement de la procédure (Ueli Kieser, ATSG-
Kommentar, 2003, note 18 ad art. 52; FF 1999 4261). Sur ce point, le
législateur a repris - et pour les mêmes motifs de célérité de la procédure -
une réglementation analogue à celle de l'art. 100 aLAM (voir Jürg Maeschi,
Kommentar zum Bundesgesetz über die Militärversicherung [MVG] vom 19. Juni
1992, Berne 2000, note 2 ad art. 100).

2.2 La recourante soutient que le tribunal administratif aurait dû entrer en
matière sur le recours porté devant lui. Selon elle, la décision du 24
février 2003 doit être considérée comme une décision d'ordonnancement de la
procédure au sens de l'art. 52 al. 1 in fine LPGA. Elle invoque les chiffres
2003 et 2004 de la Circulaire de l'OFAS sur le contentieux dans l'AVS, l'AI,
les APG et les prestations complémentaires, valables dès le 1er janvier 2003
et qui disposent notamment ce qui suit : «Font partie des décisions
d'ordonnancement de la procédure, les décisions incidentes, donc celles qui
ne mettent pas fin à la procédure entre les parties devant l'autorité qui les
a rendues. Ces décisions d'ordonnancement de la procédure sont notifiées
préalablement à la décision finale et portent par exemple sur une demande de
récusation, sur l'admission ou la fourniture de preuves ou sur la
consultation du dossier. Sont incluses dans cette définition également les
décisions relatives à la compétence (...) et les décisions de non-entrée en
matière sur une demande de prestations du fait que l'assuré ne collabore pas
à l'instruction de la demande».

2.3 Les directives de l'administration, si elles visent à assurer
l'application uniforme de certaines dispositions légales, n'ont pas force de
loi et ne lient ni les administrés ni les tribunaux. Elles ne peuvent sortir
du cadre fixé par la norme supérieure qu'elles sont censées concrétiser. En
d'autres termes, elles ne peuvent prévoir autre chose que ce qui découle de
la législation ou de la jurisprudence (cf. ATF 128 I 171 consid. 4.3, 121 II
478 consid. 2b; Pierre Moor, Droit administratif, vol. I, 2ème édition, Berne
1994, p. 264 ss; Raymond Spira, Le contrôle juridictionnel des ordonnances
administratives en droit fédéral des assurances sociales, in: Mélanges André
Grisel, Neuchâtel 1983, p. 803 ss).

2.4 Conformément à l'art. 49 al. 1 LPGA, l'assureur doit rendre par écrit les
décisions qui portent sur des prestations, créances ou injonctions
importantes, avec lesquelles l'intéressé n'est pas d'accord. La notion de
décision n'est toutefois pas définie dans la LPGA. Elle correspond cependant
à la notion de décision au sens de l'art. 5 PA (Ueli Kieser, op. cit., note 2
ss ad art. 49), qui a une portée générale en matière d'assurances sociales
(voir par exemple ATF 120 V 349 consid. 2b). Selon l'art. 5 al. 1 PA, sont
considérées comme des décisions les mesures de l'autorité dans des cas
d'espèce, fondées sur le droit public fédéral ayant pour objet:
aDe créer, de modifier ou d'annuler des droits ou des obligations;
bDe constater l'existence, l'inexistence ou l'étendue de droits ou
d'obligations;
cDe rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer,
modifier, annuler ou constater des droits et obligations.
La décision incidente se caractérise par le fait qu'elle est prise en cours
de procédure et qu'elle ne constitue qu'une étape vers la décision finale. En
général, elle porte sur une question de procédure. Il n'est cependant pas
exclu qu'elle tranche un problème de fond (Moor, Droit administratif, vol.
II, 2ème édition mise à jour et augmentée, Berne 2002, p. 226; Benoît Bovay,
Procédure administrative, Berne 2000, p. 262 s.; André Grisel, Traité de
droit administratif, vol. II, p. 868). Les décisions d'ordonnancement de la
procédure au sens de l'art. 52 al. 1 in fine LPGA sont des décisions
incidentes en matière de procédure exclusivement, comme cela ressort
clairement des textes français et allemand de cette disposition (voir aussi
FF 1999 4261). A titre d'exemples de décisions d'ordonnancement de la
procédure la doctrine mentionne, en particulier, les décisions relatives à la
consultation du dossier, à la suspension de la procédure, à la récusation, à
l'assistance judiciaire gratuite ou encore des décisions en relation avec
l'établissement des faits (Kieser, op. cit., note 18 ad art. 52). Est
également mentionnée la décision sur la compétence au sens de l'art. 35 LPGA
(Bernard Rolli, La partie générale du droit des assurances sociales [Les
points forts de la nouvelle LPGA], dans In dubio, 1/2003 pp. 27 et 41, note
49).

3.
Selon l'art. 43 al. 3 LPGA, si l'assuré ou d'autres requérants refusent de
manière inexcusable de se conformer à leur obligation de renseigner ou de
collaborer à l'instruction, l'assureur peut se prononcer en l'état du dossier
ou clore l'instruction et décider de ne pas entrer en matière; il doit leur
avoir adressé une mise en demeure écrite les avertissant des conséquences
juridiques et leur impartissant un délai de réflexion convenable.

Avant l'entrée en vigueur de la LPGA, l'assureur social qui se heurtait à un
refus de collaborer d'une partie pouvait, après lui avoir imparti un délai
pour respecter ses obligations et l'avoir avertie des conséquences de son
attitude, se prononcer en l'état du dossier. Le cas échéant, il pouvait
rejeter la demande présentée par cette partie en considérant que les faits
dont elle entendait tirer un droit n'étaient pas démontrés (cf. ATF 117 V 264
consid. 3b et les références). Au lieu de se prononcer sur le fond, en l'état
du dossier, l'assureur pouvait également, selon les circonstances, rendre une
décision d'irrecevabilité de la demande dont il était saisi. Il ne devait
cependant faire usage de cette possibilité qu'avec la plus grande retenue,
autrement dit lorsque un examen sur le fond n'était pas possible sur la base
du dossier (cf. ATF 108 V 230 consid. 2; voir également, Kölz/Häner,
Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 2ème édition
1999, ch. 275; Kieser, Das Verwaltungsverfahren in der Sozialversicherung,
Zurich 1999, no 229, p. 108 s.; Maurer, Schweizerisches
Unfallversicherungsrecht, p. 256; Gabriela Riemer-Kafka, Die Pflicht zur
Selbstverantwortung, Fribourg 1999, p. 210).

Une décision d'irrecevabilité qui sanctionne un refus de collaborer a le
caractère d'une décision au sens de l'art. 5 al. 1 let. c PA. Elle met un
terme à la procédure - après clôture de l'instruction - en déclarant
irrecevables les conclusions prises par la partie requérante (voir ATF 108 V
229; cf. également l'arrêt D. du 14 janvier 2003 [K123/01] résumé dans HAVE
[Haftung und Versicherung]/REAS [Responsabilité et assurances], 2/2003 p.
156). En ce sens, elle est une décision finale, qui ne saurait ainsi être
qualifiée de simple décision d'ordonnancement de la procédure au sens de
l'art. 52 al. 1 LPGA. Une telle décision d'irrecevabilité est, partant,
sujette à opposition et non à un recours direct devant le tribunal cantonal
des assurances.

Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont décliné
leur compétence et considéré l'écriture de l'assuré du 27 février 2003 comme
une opposition, qu'ils ont transmise à la caisse de compensation.

4.
Vu la nature du litige, la procédure n'est pas gratuite (art. 134 OJ a
contrario). Succombant, la recourante en supportera les frais.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais de la cause, d'un montant de 500 fr., sont mis à la charge de la
Caisse cantonale neuchâteloise de compensation et sont compensés avec
l'avance de frais qu'elle a versée.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal administratif du
canton de Neuchâtel et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 25 novembre 2004

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la Ire Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.29/03
Date de la décision : 25/11/2004
Cour des assurances sociales

Analyses

Art. 43 al. 3, art. 49 al. 1, art. 52 al. 1 et art. 56 al. 1 LPGA; art. 5 al. 1 PA: Décisions attaquables par la voie de l'opposition et décisions d'ordonnancement de la procédure. Une décision d'irrecevabilité qui sanctionne un refus de collaborer met un terme à la procédure administrative en déclarant irrecevables les conclusions prises par la partie requérante. C'est pourquoi elle constitue une décision finale qui ne saurait être qualifiée de décision d'ordonnancement de la procédure au sens de l'art. 52 al. 1 LPGA. (consid. 3)


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2004-11-25;p.29.03 ?
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