La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/09/2004 | SUISSE | N°6P.95/2004

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 24 septembre 2004, 6P.95/2004


{T 0/2}
6P.95/2004 /rod
6S.270/2004

Arrêt du 24 septembre 2004
Cour de cassation pénale

MM. les Juges Schneider, Président,
Wiprächtiger, Kolly, Karlen et Zünd.
Greffier: M. Denys.

X. ________,
recourant, représenté par Me Agrippino Renda, avocat,

contre

Y.________,
intimée, représentée par Me Jean-Pierre Garbade, avocat,
Procureur général du canton de Genève,
case postale 3565, 1211 Genève 3,
Cour de justice du canton de Genève, Chambre pénale, case postale 3108, 1211

Genève 3.

Procédure pénale, arbitraire, présomption d'innocence; usure,

recours de droit public et pourvoi en nullit...

{T 0/2}
6P.95/2004 /rod
6S.270/2004

Arrêt du 24 septembre 2004
Cour de cassation pénale

MM. les Juges Schneider, Président,
Wiprächtiger, Kolly, Karlen et Zünd.
Greffier: M. Denys.

X. ________,
recourant, représenté par Me Agrippino Renda, avocat,

contre

Y.________,
intimée, représentée par Me Jean-Pierre Garbade, avocat,
Procureur général du canton de Genève,
case postale 3565, 1211 Genève 3,
Cour de justice du canton de Genève, Chambre pénale, case postale 3108, 1211
Genève 3.

Procédure pénale, arbitraire, présomption d'innocence; usure,

recours de droit public et pourvoi en nullité contre l'arrêt de la Cour de
justice genevoise, Chambre pénale, du
14 juin 2004.

Faits:

A.
Par jugement du 7 novembre 2003, le Tribunal de police du canton de Genève a
reconnu X.________ coupable d'usure (art. 157 CP) pour avoir, de mai 1997 à
novembre 1999, exploité l'inexpérience, l'incapacité de jugement, la
dépendance et la gêne de Y.________, employée de maison, à qui il a
uniquement versé 300 francs par mois dès juillet 1998, alors qu'un salaire
mensuel de 1'527 fr. 50 pour 50 heures hebdomadaires avait été convenu. Le
Tribunal de police a condamné X.________ à quatre mois d'emprisonnement avec
sursis durant quatre ans. Il a aussi alloué à Y.________ 3'000 francs à titre
de réparation du tort moral et a ordonné la confiscation des avoirs de trois
comptes bancaires dont X.________ était titulaire et leur allocation à
Y.________.

B.
Par arrêt du 14 juin 2004, la Chambre pénale de la Cour de justice genevoise
a rejeté le recours de X.________ et a confirmé le jugement du Tribunal de
police. Il ressort notamment ce qui suit de cet arrêt:

Le 14 décembre 2000, Y.________, née en 1975 et originaire du Ghana, a déposé
plainte pénale contre X.________, aussi originaire du Ghana, notamment pour
usure (art. 157 CP). Elle y expliquait avoir travaillé du 28 mai 1997 au 19
novembre 1999 comme employée de maison au service de X.________, conseiller
juridique auprès du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés. Le
27 mars 1997, elle avait signé au Ghana des documents fournis par la Mission
permanente de la Suisse en vue de l'obtention d'un visa. Puis elle avait
signé le 8 avril 1997 à l'Ambassade de Suisse au Ghana un contrat de travail
sur un formulaire pré-imprimé édité par le Département fédéral des affaires
étrangères, condition préalable à l'obtention du visa et d'une carte de
légitimation. Ce contrat prévoyait un salaire mensuel de 1'527 fr. 50 pour 50
heures de travail hebdomadaires, en sus du logement et de la nourriture. Ce
n'est qu'à partir de juillet 1998 que X.________ a ouvert pour elle un compte
bancaire et a commencé à lui verser 300 francs par mois. Elle n'a jamais pu
retirer cet argent, X.________ ayant conservé son passeport, sa carte de
légitimation et sa carte bancaire. L'épouse de X.________ lui versait 30
francs par mois à titre d'argent de poche. A l'appui de sa plainte,
Y.________ a notamment produit le contrat de travail signé le 8 avril 1997
ainsi que le dispositif du jugement rendu par défaut le 21 juin 2000 par la
juridiction des prud'hommes condamnant X.________ à lui payer 46'668 fr. 45 à
titre de salaire et 4'674 fr. à titre d'indemnité pour licenciement avec
effet immédiat.

X. ________ a été inculpé le 29 novembre 2002, en particulier pour usure. A
cette occasion, il a déclaré n'avoir pas payé le salaire convenu
contractuellement parce que, d'entente avec Y.________, celle-ci était venue
à Genève pour se mettre à son service plutôt comme membre de sa famille que
comme employée. Selon un contrat coutumier, elle intégrait la famille de
X.________ et, en échange, il était responsable d'elle pour la vie. Il
reconnaissait toutefois avoir commis une erreur en pensant pouvoir ainsi
déroger au droit suisse. Il n'avait pas tenu de décompte des heures de
travail effectuées. Il a confirmé qu'il avait chargé sa soeur de lui trouver
une femme de ménage susceptible de l'accompagner en Suisse.

Devant le Tribunal de police, X.________ et Y.________, tous deux assistés de
leur avocat, ont longuement été entendus. Y.________ a notamment indiqué
qu'elle avait auparavant travaillé durant deux ans pour son oncle au Ghana,
qu'elle n'avait pas été payée pour cela, et qu'elle ne s'attendait pas à
recevoir un salaire lorsqu'elle avait signé le 8 avril 1997 le contrat de
travail avec X.________, qu'elle n'avait d'ailleurs pas lu. De son côté, ce
dernier a admis être conscient que les conditions figurant dans le contrat de
travail du 8 avril 1997 étaient conformes à la loi suisse et qu'en ne les
respectant pas, il violait le droit suisse en la matière. Entendue comme
témoin, D.________ a déclaré avoir habité en 1998 durant un mois avec la
famille X.________. Selon elle, l'ambiance familiale était détendue et
Y.________ bien traitée; elle pouvait notamment se rendre à l'église le
dimanche. B.________, qui habitait à Genève sur le même étage que la famille
X.________, a mentionné que Y.________ lui avait confectionné, pour un prix
compris entre 25 et 30 fr., un petit débardeur avec une machine à coudre que
lui avait offerte X.________.

C.
X.________ forme un recours de droit public et un pourvoi en nullité au
Tribunal fédéral contre l'arrêt du 14 juin 2004. Il conclut à son annulation.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Conformément à l'art. 275 al. 5 PPF, le recours de droit public est examiné
en premier lieu.

I. Recours de droit public

2.
2.1 Le recours de droit public au Tribunal fédéral est ouvert contre une
décision cantonale pour violation des droits constitutionnels des citoyens
(art. 84 al. 1 let. a OJ). Il n'est en revanche pas ouvert pour se plaindre
d'une violation du droit fédéral, qui peut donner lieu à un pourvoi en
nullité (art. 269 al. 1 PPF); un tel grief ne peut donc pas être invoqué dans
le cadre d'un recours de droit public, qui est subsidiaire (art. 84 al. 2 OJ;
art. 269 al. 2 PPF).

2.2 En vertu de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte de recours doit, à peine
d'irrecevabilité, contenir un exposé succinct des droits constitutionnels ou
des principes juridiques violés et préciser en quoi consiste la violation.
Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'a donc pas à
vérifier de lui-même si la décision attaquée est en tous points conforme au
droit ou à l'équité. Il n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel
invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours. Le recourant ne
saurait se contenter de soulever de vagues griefs ou de renvoyer aux actes
cantonaux (ATF 129 I 185 consid. 1.6 p. 189, 113 consid. 2.1 p. 120; 125 I 71
consid. 1c p. 76). Le Tribunal fédéral n'entre pas non plus en matière sur
les critiques de nature appellatoire (ATF 125 I 492 consid. 1b p. 495).

3.
Le recourant critique l'établissement des faits. Il invoque à ce propos la
violation de la présomption d'innocence (ou de la maxime "in dubio pro reo")
et l'arbitraire dans l'appréciation des preuves.

Consacrée par les art. 32 al. 1 Cst. et 6 par. 2 CEDH, la présomption
d'innocence interdit au juge de prononcer une condamnation alors qu'il
éprouve des doutes sur la culpabilité de l'accusé. Des doutes abstraits ou
théoriques, qui sont toujours possibles, ne suffisent cependant pas à exclure
une condamnation. Pour invoquer utilement la présomption d'innocence, le
condamné doit donc démontrer que le juge de la cause pénale, à l'issue d'une
appréciation exempte d'arbitraire de l'ensemble des preuves à sa disposition,
aurait dû éprouver des doutes sérieux et irréductibles au sujet de la
culpabilité (ATF 127 I 38 consid. 2 p. 40; 124 IV 86 consid. 2a p. 87/88; 120
Ia 31 consid. 2e p. 38, consid. 4b p. 40).

Une décision est arbitraire, donc contraire à l'art. 9 Cst., lorsqu'elle
contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité.
Le Tribunal fédéral n'invalide l'appréciation retenue par le juge de la cause
que si elle apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la
situation effective ou adoptée sans motifs objectifs. Il ne suffit pas que
les motifs du verdict soient insoutenables; il faut en outre que
l'appréciation soit arbitraire dans son résultat (ATF 129 I 49 consid. 4 p.
58).

4.
4.1
Le recourant se plaint de la non-prise en compte de l'accord coutumier
préalable, selon lequel l'intimée est venue à Genève comme membre à part
entière de sa famille et non comme employée de maison. Le contrat de travail
signé le 8 avril 1997 n'a selon lui aucune valeur matérielle.

Dans une longue argumentation, le recourant procède uniquement à une libre
discussion des faits, purement appellatoire. Une telle motivation est
irrecevable dans un recours de droit public (supra, consid. 2.2). Au
demeurant, la Chambre pénale a refusé de prêter foi aux explications du
recourant relatives à l'accord coutumier pour le motif que le recourant était
juriste et qu'il savait donc que le contrat de travail signé le 8 avril 1997
s'appliquait (cf. arrêt attaqué, p. 8). La solution ainsi retenue quant à
l'état de conscience du recourant échappe à tout arbitraire. De plus, le
recourant a aussi admis qu'il avait chargé sa soeur de lui trouver une femme
de ménage pour l'accompagner en Suisse (cf. arrêt attaqué, p. 4), de sorte
qu'il n'apparaît pas non plus insoutenable de retenir que l'intimé est venue
à Genève comme employée de maison.

4.2 Le recourant conteste la durée hebdomadaire du travail effectué par
l'intimée. Il serait arbitraire de retenir qu'elle a travaillé une
cinquantaine d'heures par semaine.

Le recourant se borne à discuter librement des faits, ce qu'il n'est pas
habilité à faire dans un recours de droit public. Par conséquent, son
argumentation est irrecevable. Au demeurant, entendu devant le Tribunal de
police, le recourant a admis avoir convenu d'un salaire de 1'527 francs pour
50 heures par semaine, qu'il se sentait lié par ce qui était écrit et qu'il
n'avait pas payé le montant convenu (cf. procès-verbal d'audience du 10
octobre 2003, p. 1). Il ressort en outre du jugement du Tribunal de police
(p. 7), qu'a confirmé la Chambre pénale, que l'importance de l'activité de
l'intimée résulte aussi du fait qu'elle n'a suivi aucun cours, ni de langue
ni de formation professionnelle durant sa période de travail chez le
recourant. A partir de ces éléments, la déduction d'une activité hebdomadaire
de cinquante heures par semaine procède d'une appréciation qui n'est pas
insoutenable.

4.3 Le recourant soutient avoir versé spontanément 300 francs par mois à
l'intimée, comme il l'aurait fait pour sa propre fille. Pour lui, ce montant
ne correspondait pas à un salaire. De la sorte, le recourant présente encore
une argumentation appellatoire, irrecevable dans un recours de droit public.

4.4 Dans la dernière partie de son mémoire, le recourant prétend qu'il
n'avait pas d'intention délictueuse, qu'il n'a pas exploité l'intimée, qu'il
l'a accueillie comme un membre de sa propre famille, qu'elle n'a jamais
travaillé 50 heures par semaine, qu'elle est de mauvaise fois et qu'elle n'a
jamais été maltraitée.

Ce faisant, le recourant reprend sous une formulation quelque peu différente
ses critiques précédentes. Il ne respecte pas plus les exigences minimales de
motivation selon l'art. 90 al. 1 let. b OJ.

5.
Le recourant n'a présenté aucun grief recevable. Son recours de droit public
est ainsi irrecevable.

II. Pourvoi en nullité

6.
Saisi d'un pourvoi en nullité, le Tribunal fédéral contrôle l'application du
droit fédéral (art. 269 PPF) sur la base d'un état de fait définitivement
arrêté par l'autorité cantonale (cf. art. 273 al. 1 let. b et 277bis al. 1
PPF). Il ne peut donc pas revoir les faits retenus dans la décision attaquée
ni la manière dont ils ont été établis, de sorte que ces points, sous peine
d'irrecevabilité, ne peuvent pas être remis en cause dans le pourvoi (ATF 126
IV 65 consid. 1 p. 66/67).

7.
Le recourant se plaint d'une violation de l'art. 157 CP.

7.1 De manière répétée, le recourant introduit des faits non constatés en
instance cantonale ou discute et met en cause les faits retenus.
L'argumentation qu'il présente est ainsi très largement irrecevable (supra,
consid. 6).

7.2 Sous la note marginale "usure", l'art. 157 ch. 1 CP punit de la réclusion
pour cinq ans au plus ou de l'emprisonnement "celui qui aura exploité la
gêne, la dépendance, l'inexpérience ou la faiblesse de la capacité de
jugement d'une personne en se faisant accorder ou promettre par elle, pour
lui-même ou pour un tiers, en échange d'une prestation, des avantages
pécuniaires en disproportion évidente avec celle-ci sur le plan économique".

L'infraction consiste à obtenir ou à se faire promettre une contre-prestation
disproportionnée en exploitant la faiblesse de l'autre partie (ATF 111 IV 139
consid. 3a p. 140/141). Selon le texte légal, l'auteur doit obtenir
l'avantage patrimonial "en échange d'une prestation". L'usure ne peut donc
intervenir que dans le cadre d'un contrat onéreux (ATF 111 IV 139 consid. 3c
p. 142). L'avantage pécuniaire obtenu doit être en disproportion évidente,
sur le plan économique, avec la prestation fournie. L'évaluation doit être
objective (cf. Bernard Corboz Les infractions en droit suisse, vol. I, Berne
2002, art. 157 CP n. 31 et 32).

L'infraction est intentionnelle. Le dol éventuel suffit. Il faut donc que
l'auteur sache, au moins sous la forme du dol éventuel, que l'autre partie se
trouve dans une situation de faiblesse. Il doit également connaître, au moins
sous la forme du dol éventuel, la disproportion entre les prestations. Enfin,
il doit avoir conscience, au moins sous la forme du dol éventuel, que la
situation de faiblesse motive l'autre partie à accepter la disproportion
évidente entre les prestations (cf. Corboz,
op. cit., art. 157 CP n. 45 ss).

7.3 Le recourant conteste tout d'abord que l'intimée se soit trouvée en
situation de faiblesse.

Pour la Chambre pénale, l'intimée réalisait plusieurs des situations de
faiblesse (gêne, dépendance, inexpérience) décrites à l'art. 157 CP.

En ce qui concerne plus spécifiquement l'inexpérience, il doit s'agir d'une
inexpérience générale se rapportant au domaine des affaires et non pas d'une
inexpérience relative au contrat en cause (cf. Corboz, op. cit., art. 157 CP
n. 21; José Hurtado Pozo, Partie spéciale I, 3ème éd., Zurich 1997, § 49 n.
1222; Stefan Trechsel, Kurzkommentar, 2ème éd., Zurich 1997, art. 157 CP n.
3; Philippe Weissenberger, Basler Kommentar, Strafgesetzbuch II, 2003, art.
157 CP n. 13).

La Chambre pénale a indiqué que l'intimée était âgée de vingt-deux ans au
moment de venir en Suisse et qu'elle n'avait jamais quitté son pays natal;
qu'elle n'était pas en mesure de réaliser que son travail méritait un salaire
pour avoir auparavant travaillé durant deux ans pour son oncle sans être
payée. Sur la base de ces constatations, il apparaît donc que l'intimée
méconnaissait totalement le domaine des relations de travail en droit suisse
et son droit à être rémunérée. Aussi, est-ce à bon escient que la Chambre
pénale a conclu à l'inexpérience de l'intimée. La situation de faiblesse
étant réalisée pour ce motif, il n'est pas nécessaire d'examiner si elle
l'est également pour d'autres raisons car celles-ci ne pourraient qu'avoir
une incidence sur la peine (cf. Corboz, op. cit., art. 157 CP n. 10), que le
recourant ne critique pas en tant que telle.

7.4 Le recourant prétend n'avoir pas obtenu d'avantage pécuniaire, met en
cause l'existence d'une disproportion évidente entre les prestations et nie
avoir exploité la faiblesse de l'intimée pour obtenir d'elle une prestation
disproportionnée.

L'intimée travaillait 50 heures par semaine dans le ménage du recourant. En
contrepartie, elle était logée, nourrie et, dès juin 1998, a touché 300
francs par mois à titre de salaire. Le contrat signé le 8 avril 1997
prévoyait une rémunération mensuelle de 1'527 fr. 50 en sus du logement et de
la nourriture. L'intimée n'a pas lu ce contrat et ignorait son droit à une
rémunération.

Il est incontestable que l'intimée a fourni une prestation qui représente une
valeur économique. De la sorte, le recourant a obtenu un avantage pécuniaire.
En soi, il est vrai que le contrat signé le 8 avril 1997, qui prévoit pour
l'intimée une rémunération de 1'527 fr. 50 en sus du logement et de la
nourriture, n'apparaît pas usuraire. Toutefois, le Tribunal de police a
mentionné que le recourant y avait dérogé unilatéralement en sachant que
l'intimée ne protesterait pas (cf. jugement de première instance, p. 8). Il
ressort en outre des constatations cantonales que l'intimée ne réalisait pas
la portée du document signé. Autrement dit, le recourant a obtenu d'elle
qu'elle travaille pour lui à d'autres conditions que celles auxquelles il
s'était initialement engagé par écrit. Il s'est ainsi fait accorder un
avantage pécuniaire en parvenant à modifier l'équilibre contractuel. C'est
cette modification du contrat de travail qui est pertinente pour
l'application de l'art. 157 CP. Il saute aux yeux que l'avantage retiré par
le recourant est largement disproportionné, sur le plan économique, avec la
prestation qu'il a concrètement fournie en échange. Il faut aussi reconnaître
que c'est en exploitant l'inexpérience de l'intimée qu'il a pu obtenir un tel
avantage. Les critiques du recourant sont infondées dans la mesure où elles
sont recevables.

7.5 Le recourant s'en prend encore à la réalisation de l'élément subjectif de
l'infraction.

Selon les constatations cantonales, le recourant savait que l'intimée ne
protesterait pas face à l'exploitation, raison pour laquelle il a abusé de
cette situation. Il savait aussi que le travail fourni par l'intimée méritait
un salaire. Il en découle que le recourant, à tout le moins, a envisagé et
accepté que l'état de faiblesse de l'intimée soit à l'origine de sa
soumission aux conditions de travail imposées. L'élément intentionnel est
réalisé.

7.6 En conclusion, la condamnation du recourant en vertu de l'art. 157 ch. 1
CP ne viole pas le droit fédéral.

III. Frais et indemnité

8.
Le recourant, qui succombe, supporte les frais de la procédure devant le
Tribunal fédéral, lesquels sont fixés de manière à prendre en compte les deux
recours interjetés (art. 156 al. 1 OJ et 278 al. 1 PPF).

Il n'y a pas lieu d'allouer d'indemnité à l'intimée, qui n'a pas eu à
intervenir dans la procédure devant le Tribunal fédéral.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours de droit public est irrecevable.

2.
Le pourvoi en nullité est rejeté dans la mesure où il est recevable.

3.
Un émolument judiciaire de 4'000 francs est mis à la charge du recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties, au
Procureur général du canton de Genève et à la Cour de justice genevoise,
Chambre pénale.

Lausanne, le 24 septembre 2004

Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6P.95/2004
Date de la décision : 24/09/2004
Cour de cassation pénale

Analyses

Art. 157 CP; usure. Cas d'une ressortissante du Ghana, que l'un de ses compatriotes a fait venir en Suisse comme employée de maison. En profitant de l'inexpérience de son employée, l'employeur a obtenu d'elle 50 heures de travail hebdomadaires contre une rémunération de 300 francs par mois, outre le logement et la nourriture. Conditions pour admettre l'usure réalisées (consid. 7).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2004-09-24;6p.95.2004 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award