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13/07/2004 | SUISSE | N°2A.118/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 13 juillet 2004, 2A.118/2003


{T 0/2}
2A.118/2003 /viz

Arrêt du 13 juillet 2004
IIe Cour de droit public

MM. et Mme les Juges Wurzburger, Président,
Betschart, Hungerbühler, Müller et Yersin.
Greffier: M. Addy.

X. ________ S.A.,
recourante, représentée par Me Hervé Crausaz, avocat,

contre

Office cantonal de l'inspection et des relations du travail du canton de
Genève, rue Ferdinand-Hodler 23, case postale 3974, 1211 Genève 3,
Tribunal administratif du canton de Genève,
rue du Mont-Blanc 18, case postale 1956,
1211

Genève 1.

système de localisation GPS,

recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal adminis...

{T 0/2}
2A.118/2003 /viz

Arrêt du 13 juillet 2004
IIe Cour de droit public

MM. et Mme les Juges Wurzburger, Président,
Betschart, Hungerbühler, Müller et Yersin.
Greffier: M. Addy.

X. ________ S.A.,
recourante, représentée par Me Hervé Crausaz, avocat,

contre

Office cantonal de l'inspection et des relations du travail du canton de
Genève, rue Ferdinand-Hodler 23, case postale 3974, 1211 Genève 3,
Tribunal administratif du canton de Genève,
rue du Mont-Blanc 18, case postale 1956,
1211 Genève 1.

système de localisation GPS,

recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal administratif du
canton de Genève du 11 février 2003.

Faits:

A.
La société X.________ SA (ci-après: la Société) a pour but l'achat, la vente
et la fabrication de tout matériel concernant l'industrie. Elle s'occupe en
particulier de l'installation, de l'entretien et de la réparation
d'extincteurs incendie. Active dans toute la Suisse, elle déploie
principalement son activité en Suisse romande; elle est liée par des rapports
de groupe à d'autres sociétés, notamment la société Y.________ SA (ci-après:
la Société affiliée). A.________ est directeur et membre du Conseil
d'administration de la Société ainsi que de la Société affiliée.
Le groupe occupe une quinzaine de «techniciens-vérificateurs» (ci-après
également cités: les employés ou les collaborateurs) qui sont chargés de
vendre des extincteurs et d'en assurer le service après-vente et la
maintenance (instructions et conseils d'utilisation; révision, entretien et
recharge des appareils...). Cette activité implique de fréquentes et
régulières visites des clients, lesquels sont attribués et répartis entre les
différents collaborateurs selon un critère géographique, en ce sens que
chacun d'eux est en charge d'une région déterminée; à titre d'exemple, deux
collaborateurs se partagent la clientèle des cantons de Vaud et de Genève.
Pour accomplir leur tâche, les collaborateurs ont à leur disposition des
véhicules d'entreprise «équipés du matériel d'intervention» qu'ils utilisent
à raison de trois à quatre heures par jour pour leurs déplacements; bien
qu'ils conservent en permanence ces véhicules à leur domicile, ils ne doivent
pas, sauf accord préalable de l'employeur, les utiliser à des fins privées.
Tenus à un horaire de travail de quarante heures par semaine, les
techniciens-vérificateurs ne se rendent que de manière occasionnelle au siège
de la Société, afin d'y suivre des séances de formation ou pour régler des
problèmes d'ordre administratif. Ils remettent à l'employeur des rapports de
travail journaliers qui servent aussi bien à facturer les prestations aux
clients qu'à contrôler leur activité et à calculer la part de leur salaire
variable, composée de commissions sur les ventes et les contrôles effectués.

B.
Dans le cadre d'une restructuration du groupe, la Société a transféré avec
effet au 1er octobre 2000 l'ensemble de son personnel ainsi que son parc de
véhicules à la Société affiliée; elle a néanmoins conservé sa structure
juridique et continue à facturer ses services sous sa propre raison sociale.
Le 8 janvier 2002, la Société affiliée a installé sur ses véhicules
d'entreprise un système de localisation GPS (ci-après désigné: le système de
localisation), d'un coût de 40'000 fr.; les collaborateurs avaient
préalablement été informés de cette mesure. Le 31 janvier suivant, un
technicien-vérificateur a saisi l'Office cantonal genevois de l'inspection et
des relations de travail (ci-après: l'Office cantonal) d'une plainte, au
motif qu'il se sentait constamment surveillé par l'employeur depuis
l'installation du système de localisation, si bien qu'il estimait que ce
dernier était attentatoire à sa personnalité.
Après avoir entendu son directeur A.________ ainsi que plusieurs
techniciens-vérificateurs, l'Office cantonal a ordonné à la Société, par
décision du 5 avril 2002, de retirer de ses véhicules le système de
localisation. En bref, il a considéré que ce dispositif était contraire à
l'art. 26 de l'ordonnance 3 du 18 août 1993 relative à la loi sur le travail
(OLT 3 ou ordonnance 3; RS 822.113), car il mettait en danger la santé
psychique des travailleurs en permettant «une surveillance systématique,
durable, ciblée et préventive de (leurs) comportements.»

C.
La Société a recouru contre la décision précitée de l'Office cantonal, en
faisant valoir que le système de localisation ne tombait pas sous le coup de
l'interdiction prévue à l'art. 26 OLT 3, car il n'était pas destiné à
surveiller le comportement des travailleurs, mais poursuivait les objectifs
suivants:
«- équiper les véhicules d'entreprise d'un système antivol efficace;
- rationaliser la gestion du travail et optimaliser les temps de déplacement
des collaborateurs;
- contrôler l'activité des collaborateurs (en particulier leurs horaires de
travail et, dans une certaine mesure, la qualité de leur
travail).»
La Société relevait que l'introduction du système de localisation avait
permis de mettre à jour et de faire cesser certaines irrégularités ou abus de
la part de ses employés (non respect des horaires de travail, fiches de
travail fantaisistes...) ainsi que d'optimaliser leurs temps de déplacement
et d'intervention, ce qui avait conduit à une augmentation de la productivité
de 38 %. Elle insistait également sur le fait que la localisation en temps
réel des véhicules n'était possible que «sur requête» à une centrale de
télésurveillance basée en Belgique, mais non «en permanence», de sorte qu'il
était faux de prétendre, comme le faisait l'Office cantonal, que son système
permettait une surveillance ciblée et permanente des employés.
L'Office cantonal a maintenu son point de vue. Il a soutenu que,
contrairement aux allégations de l'employeur, la mesure incriminée visait en
priorité à surveiller le comportement des travailleurs sur leur lieu de
travail, les autres motifs invoqués n'étant que secondaires ou avancés pour
les besoins de la cause. L'Office cantonal était par ailleurs d'avis que,
dans la mesure où le système de localisation était destiné à contrôler le
rendement des employés, il ne respectait pas le principe de la
proportionnalité, car ce but pouvait être atteint par d'autres procédés moins
intrusifs, comme par exemple la remise de fiches ou de rapports d'activité
journaliers contresignés par les clients visités.
Par arrêt du 11 février 2003, le Tribunal administratif du canton de Genève a
rejeté le recours, en admettant les arguments de l'Office cantonal.

D.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, la Société demande au
Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt précité ainsi que la décision prise par
l'Office cantonal le 5 avril 2002 et de «valider en tant que de besoin le
système GPS mis en place au sein de l'entreprise X.________ SA»; à titre
subsidiaire, elle demande de renvoyer la cause à l'instance cantonale pour
nouvelle décision «dans le sens des considérants», c'est-à-dire après avoir
procédé à un complément d'instruction destiné à déterminer les réelles
possibilités du système de localisation. Pour l'essentiel, elle reprend
l'argumentation développée en instance cantonale.
L'Office cantonal conclut au rejet du recours. Le Département fédéral de
l'économie a déposé des observations, sans se prononcer sur le cas
particulier.

E.
Par ordonnance du 23 avril 2003, le Président de la IIe Cour de droit public
a partiellement admis la requête d'effet suspensif présentée par la Société,
en ce sens que cette dernière a été invitée à mettre hors service le système
de localisation installé sur ses véhicules, sans toutefois être tenue de
l'enlever immédiatement.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Formé en temps utile et dans les formes prescrites contre une décision fondée
sur le droit public fédéral prise par une autorité judiciaire statuant en
dernière instance cantonale, le présent recours ne relève d'aucune des
exceptions prévues aux art. 99 à 101 OJ. Dans la mesure où il émane d'une
personne morale qui a la qualité d'employeur au sens de l'art. 58 al. 1 de la
loi fédérale du 13 mars 1964 sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et
le commerce (loi sur le travail ou LTr; RS 822.11), il est donc recevable en
vertu des art. 97 ss OJ et de la règle particulière de l'art. 57 LTr.
Néanmoins, la conclusion de la recourante tendant à l'annulation de la
décision prise le 5 avril 2002 par l'Office cantonal est irrecevable, car
cette décision n'est pas le fait d'une autorité cantonale statuant en
dernière instance cantonale (cf. art. 98 lettre g OJ a contrario).

2.
Dans un premier moyen, la recourante fait grief à la juridiction cantonale
d'avoir violé l'art. 6 par. 1 CEDH en rejetant sa requête tendant à la tenue
d'une audience publique. Elle soutient également qu'en ne donnant pas suite à
sa demande d'auditionner l'auteur du rapport mettant en cause son système de
localisation, les premiers juges auraient méconnu son droit d'être entendue
(art. 29 al. 2 Cst.), en particulier son droit à participer à
l'administration des preuves.

2.1 Le droit d'être entendu découlant de l'art. 29 al. 2 Cst. ne comprend pas
le droit d'être entendu oralement (cf. ATF 125 I 209 consid. 9b p. 219; 122
II 464 consid. 4c p. 469), ni celui d'obtenir l'audition de témoins. En
effet, l'autorité peut mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves
administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une
manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont
encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient
l'amener à modifier son opinion (cf. ATF 125 I 127 consid. 6c/cc in fine p.
135, 417 consid. 7b p. 430; 124 I 208 consid. 4a p. 211/212, 274 consid. 5b
p. 285; 115 Ia 8 consid. 3a p. 11/12; 106 Ia 161 consid. 2b p. 162).
En l'espèce, le point de savoir si les premiers juges auraient dû, avant de
statuer, entendre le directeur de la Société ou procéder à l'audition de
témoins en vue d'éclaircir certains faits, est une question qui n'a pas de
portée propre par rapport au grief tiré d'une constatation inexacte des faits
et d'une mauvaise appréciation des preuves. Il se justifie donc de l'examiner
avec le fond du litige (cf. infra consid. 6.4 - 6.6).
2.2 Au titre des exigences minimales de procédure, l'art. 6 par. 1 CEDH
garantit notamment le droit à la tenue d'une audience publique lorsque sont
en jeu des «droits et obligations de caractère civil» (cf. ATF 127 II 306
consid. 5 p. 309 et les arrêts cités).
La notion de «droits et obligations de caractère civil» est autonome: l'art.
6 CEDH ne donne par lui-même aucun contenu matériel déterminé dans l'ordre
juridique des Etats contractants. Cette disposition implique l'existence
d'une «contestation» réelle et sérieuse; elle peut concerner aussi bien
l'existence même d'un droit que son étendue ou ses modalités d'exercice.
L'issue de la procédure doit être directement déterminante pour le droit en
question. Un lien ténu ou des répercussions lointaines ne suffisent pas à
faire entrer en jeu l'art. 6 par. 1 CEDH (cf. ATF 127 I 115 consid. 5b p.
120/121 et les arrêts cités). En définitive, le droit à un tribunal ne vaut
que pour les «contestations» relatives à des «droits et obligations de
caractère civil» que l'on peut prétendre, au moins de manière défendable,
reconnus en droit interne, qu'ils soient ou non protégés de surcroît par la
Convention; bien que de caractère autonome, cette notion implique donc
l'examen de la prétention selon le droit interne (ATF 127 I 115 consid. 5b p.
121).
Par contestation, au sens de l'art. 6 par. 1 CEDH, il faut entendre tout
litige surgissant entre deux particuliers ou entre un particulier et une
autorité étatique, par exemple lorsque cette dernière supprime ou restreint
l'exercice d'un droit. Il en va notamment ainsi lorsque sont invoqués des
droits de nature privée, telles la garantie de la propriété et la liberté
économique (voir les références citées in: Frowein/Peukert, EMRK-Kommentar,
2e éd., n. 19 et 21 ad art. 6). L'art. 6 par. 1 CEDH ne vise donc pas
seulement les contestations de droit privé au sens étroit - à savoir les
litiges entre les particuliers ou entre les particuliers et l'Etat agissant
au même titre qu'une personne privée -, mais aussi les actes administratifs
adoptés par une autorité dans l'exercice de la puissance publique, pour
autant qu'ils produisent un effet déterminant sur des droits de caractère
civil; de ce point de vue également, sont décisifs le contenu du droit
matériel et les effets que lui confère la législation nationale (ATF 125 I
209 consid. 7a p. 215/216 et les références citées).

2.3 La décision attaquée a été prise sur la base de l'art. 26 OLT 3 en vue de
protéger la santé physique et psychique des travailleurs (cf. infra consid.
3.3); elle a pour effet d'interdire à la Société d'équiper ses véhicules du
système de localisation dont elle a fait l'acquisition pour un montant de
40'000 fr.
Bien qu'elle vise la poursuite d'un objectif d'ordre social (protection de la
personnalité des travailleurs) ou de santé publique et qu'elle tire sa force
du droit public, la décision d'interdiction litigieuse influence directement
le contenu même du contrat de travail liant la Société et les
techniciens-vérificateurs, en ce sens qu'elle trace certaines obligations de
l'employeur en matière de protection de la personnalité des travailleurs.
Dans cette mesure, elle porte donc, indépendamment de son rattachement au
droit public, sur des droits et des obligations de caractère civil au sens
étroit (ou classique) du terme. D'ailleurs, les employés eux-mêmes auraient
pu saisir un juge civil pour faire respecter leurs droits en vertu des art.
328 à 328b CO (cf. infra consid. 3.3, 2ème paragraphe).
Au demeurant, à ce que prétend la recourante, le système de localisation
qu'elle a acquis pour un prix de 40'000 fr. lui permet
d'augmenter de manière
substantielle son rendement, en améliorant l'organisation du travail et la
surveillance de ses employés. La mesure d'interdiction qui la frappe
constitue donc une restriction importante, sinon à l'exercice de son droit de
propriété tel qu'il est garanti à l'art. 26 al. 1 Cst. (et aux art. 641 ss
CC), du moins à sa liberté économique: ancrée à l'art. 27 Cst., celle-ci
comprend en effet le libre exercice d'une activité économique lucrative
privée soit, notamment, le droit de choisir librement les moyens de
production et les conditions de travail (cf. Jörg Paul Müller, Grundrechte in
der Schweiz, 3ème éd., Berne 1999, p. 647/648; Auer/Malinverni/Hottelier,
Droit constitutionnel suisse, vol. II, Berne 2000, p. 338).

2.4 L'obligation d'organiser des débats publics présuppose toutefois une
demande formulée de manière claire et indiscutable par l'une des parties au
procès; de simples requêtes de preuves, comme des demandes tendant à une
comparution ou à une interrogation personnelle, à un interrogatoire des
parties, à une audition des témoins ou à une inspection locale, ne suffisent
pas pour fonder une semblable obligation (cf. ATF 125 V 37 consid. 2 p. 38;
122 V 47 consid. 3a p. 55; 121 I 30 consid. 5f p. 37/38).
En l'espèce, la recourante a sollicité devant le Tribunal administratif «la
fixation d'une audience de comparution personnelle», en ajoutant qu'elle
souhaiterait également «entendre et poser des questions à l'inspecteur de
(l'Office) ayant procédé à l'instruction de la cause, ce qui pourra également
se faire lors d'une éventuelle comparution personnelle, l'intimée n'étant
elle-même pas opposée à un tel procédé» (lettre du 23 octobre 2002). Il est
douteux qu'une telle demande puisse être interprétée autrement que comme une
simple requête de preuves n'obligeant pas les premiers juges à organiser des
débats publics. La question peut toutefois rester indécise, car le recours
doit de toute façon être admis pour un autre motif.

3.
3.1L'art. 6 LTr a la teneur suivante:
«1 L'employeur est tenu, pour protéger la santé des travailleurs, de prendre
toutes les mesures dont l'expérience a démontré la
nécessité, que l'état de la technique permet d'appliquer et qui
sont adaptées aux conditions d'exploitation de
l'entre- prise. Il doit en outre prendre toutes les
mesures nécessaires pour protéger l'in- tégrité personnelle
des travailleurs.
2 L'employeur doit notamment aménager ses installations et régler la marche
du travail de manière à préserver autant que possible
les travailleurs des dangers menaçant leur santé et du
surmenage.
(...)
4 Les mesures de protection de la santé qui doivent être prises dans les
entreprises sont déterminées par voie d'ordonnance.»
En vertu de la délégation de compétence prévue à l'art. 6 al. 4 LTr (en
relation avec l'art. 40 al. 1 lettre a LTr), le Conseil fédéral a édicté
l'ordonnance 3. Dans ses dispositions générales (chapitre premier), cette
réglementation précise que l'employeur est tenu de prendre toutes les mesures
nécessaires afin d'assurer et d'améliorer la protection de la santé et de
garantir la santé physique et psychique des travailleurs; il doit en
particulier faire en sorte qu'en matière d'ergonomie et d'hygiène, les
conditions de travail soient bonnes (art. 2 al. 1 lettre a OLT 3). Au titre
des exigences particulières en matière d'hygiène (chapitre 2), l'art. 26 OLT
3 dispose ceci:
«1 Il est interdit d'utiliser des systèmes de surveillance ou de contrôle
destinés à surveiller le comportement des travailleurs à
leur poste de travail.
2 Lorsque des systèmes de surveillance ou de contrôle sont nécessaires pour
d'autres raisons, ils doivent normalement être conçus
et disposés de façon à ne pas porter atteinte à la santé et à
la liberté de mouvement des travailleurs.»
3.2Cette dernière disposition trouve son origine dans une motion
parlementaire du 12 décembre 1984 (BO CN 1985 p. 724) qui demandait au
Conseil fédéral d'examiner la possibilité d'introduire dans le droit du
travail des dispositions visant à protéger concrètement les travailleurs
contre toute atteinte à leur personnalité. Les auteurs de la motion
n'ignoraient pas l'existence de semblables dispositions en droit privé (cf.
art. 328 CO); ils estimaient toutefois nécessaire de légiférer en la matière
en droit public, afin de garantir une certaine protection aux travailleurs
sans qu'ils aient à saisir eux-mêmes les tribunaux (civils), vu les
difficultés inhérentes à une telle démarche, surtout dans les périodes de
crise économique (loc. cit., p. 724/725). Les motionnaires, qui avaient en
vue «avant tout d'interdire les installations de surveillance qui contrôlent
en permanence les activités des travailleurs», invitaient le Conseil fédéral
à «établir des critères qui permettent de réglementer sans équivoque la mise
en place de dispositifs de surveillance devant servir à autre chose qu'au
contrôle du personnel».
Dans sa réponse à la motion (BO CN I p. 725), le Conseil fédéral a rappelé
que de nombreuses entreprises avaient déjà recours à des systèmes de
surveillance en vue de satisfaire des buts clairs tels que prévenir les
risques d'accidents (par exemple dans l'industrie) ou assurer la sécurité des
personnes et des biens (par exemple dans les banques ou les centres
commerciaux). Implicitement, il a admis que la poursuite de tels buts n'était
pas critiquable. Le Conseil fédéral s'est en revanche montré favorable à
l'interdiction de dispositifs de surveillance servant uniquement ou
essentiellement («ganz oder in erster Linie») à surveiller les travailleurs
eux-mêmes. A cet égard, il a souligné que la loi sur le travail ne visait pas
seulement à protéger la santé physique des travailleurs, mais aussi leur
santé psychique; or, cette dernière pouvait être compromise par l'utilisation
de certains systèmes de surveillance, comme par exemple des caméras de
surveillance en permanence braquées sur les travailleurs. Il a proposé de
transformer la motion en postulat et d'examiner à l'occasion de la révision
de l'ordonnance 3 - alors en chantier - la possibilité de réglementer cette
question (op. cit. p. 725), ce qu'il a ensuite fait en introduisant l'art. 26
OLT 3.

3.3 Par son but, à savoir protéger la santé, la liberté de mouvement et la
personnalité des travailleurs (cf. art. 26 al. 2 OLT 3; Gabriel Aubert, La
protection des données dans les rapports de travail, in: Journée 1995 de
droit du travail et de la sécurité sociale, Zurich 1999, p. 145 ss, 168 in
initio; Hans Ueli Schürer, Datenschutz im Arbeitsverhältnis, Zurich 1996, p.
61), et les moyens qu'il met en oeuvre, soit interdire les systèmes de
surveillance ou de contrôle destinés à surveiller le comportement des
travailleurs, l'art. 26 OLT 3 s'insère parfaitement dans le cadre de la
délégation de compétence prévue à l'art. 6 al. 4 LTr (en relation avec l'art.
40 al. 1 lettre a LTr). En effet, l'art. 6 LTr vise non seulement à protéger
la santé physique et psychique des travailleurs, mais aussi leur «intégrité
personnelle» (cf. art. 6 al. 1 in fine), soit leur personnalité au sens des
art. 328 ss CO. D'autre part, même si leurs effets exacts sur la santé ne
sont pas définitivement connus (cf. Workers' privacy, Part II: Monitoring and
surveillance in the workplace, in: Conditions of work digest, éd. par le
Bureau international du Travail, Genève 1993, p. 22), il est généralement
admis que les systèmes de surveillance induisent le plus souvent chez les
personnes observées des sentiments négatifs et détériorent le climat général
de l'entreprise et que, par conséquent, ils nuisent au bien-être, à la santé
psychique et, finalement, à la capacité de rendement des travailleurs (loc.
cit., p. 19 ss; voir aussi Santé au travail: Commentaire des ordonnances 3 et
4 relatives à la loi sur le travail, éd. par le secrétariat d'Etat à
l'économie, 2ème mise à jour, Berne 1999 [ci-après cité: directives du seco],
p. 1 ad art. 26 OLT 3; Aubert, op. cit., p. 166/167); au reste, c'est
spécifiquement en vue de protéger la santé psychique des travailleurs que le
Conseil fédéral a, semble-t-il, donné suite à la motion parlementaire à
l'origine de l'art. 26 OLT 3 (cf. supra consid. 3.2).
Par ailleurs, en dépit des doutes émis par Riesselmann-Saxer (in: Datenschutz
im privatlichen Arbeitsvertrag, Berne 2002, p. 112), l'art. 26 OLT 3 se
laisse concilier avec l'art. 328b CO qui, complétant et précisant la
protection de la personnalité des travailleurs prévue à l'art. 328 CO,
désigne le type de données personnelles concernant le travailleur que
l'employeur peut «traiter», en renvoyant pour le surplus aux dispositions de
la loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données (RS 235.1; LPD)
(cf. Brunner/Bühler/Waeber, Commentaire du contrat de travail, Lausanne 1996,
p. 107; Schürer, op. cit., p. 64/65). En vertu de l'art. 3 lettre e LPD, le
traitement des données au sens de l'art. 328b CO comprend notamment leur
récolte, leur conservation et leur exploitation (cf. ATF 123 III 129 consid.
3b/cc p. 134; Manfred Rehbinder, Schweizerisches Arbeitsrecht, 15ème éd.,
Berne 2002, n. 236). Contrairement à l'opinion de Riesselmann-Saxer (loc.
cit.), l'employeur ne peut cependant pas surveiller de façon générale ou
systématique le comportement des travailleurs sous prétexte de récolter des
données dont le traitement serait permis par l'art. 328b CO. Certes, les
données personnelles qui, selon les termes de cette disposition, «portent sur
les aptitudes du travailleur à remplir son emploi ou sont nécessaires à
l'exécution du contrat de travail», bénéficient de la présomption légale
qu'elles ne portent pas atteinte à la personnalité du travailleur (cf. art.
13 al. 1 LPD; Aubert, op. cit., p. 150). Il n'en demeure pas moins que le
procédé utilisé pour les récolter doit, lui aussi, respecter la personnalité
des travailleurs, conformément à l'art. 328 CO, et observer les principes
généraux du droit, en particulier ceux de la bonne foi et de la
proportionnalité (cf. Schürer, op. cit., p. 64/65; Rehbinder, op. cit., n.
236; Aubert, op. cit., p. 150/151; Brunner/ Bühler/Waeber, op. cit., p. 108;
Riesselmann-Saxer, op. cit., p. 25 ss, 111/112). Or, l'art. 328 CO protège
notamment la santé des travailleurs et leur intégrité physique et psychique,
ainsi que leur sphère privée, leur image, leur dignité, ou encore certaines
libertés personnelles (cf. Brunner/Bühler/Waeber, op. cit., p. 97; Rehbinder,
op. cit., n. 221; Jürg Brühwiler, Kommentar zum Einzelarbeitsvertrag, 2ème
éd., 1996, n. 4a ad art. 328; Adrian von Kaenel, Arbeitsrecht, Saint-Gall/
Zurich 1999, p. 55). C'est dire que seules sont admissibles, en vertu de la
disposition précitée, les mesures de surveillance objectivement justifiées
qui satisfont un intérêt prépondérant de l'employeur (cf.
Brunner/Bühler/Waeber, op. cit., p. 98; Rehbinder, op. cit., n. 222; von
Kaenel, op. cit., p. 55); entre plusieurs mesures possibles, ce dernier
choisira la moins intrusive (cf. Rémy Wyler, Droit du travail, Berne 2002, p.
224).
En d'autres termes, les choses ne sont pas fondamentalement différentes selon
qu'on les envisage sous l'angle des art. 328 et 328b CO ou de l'art. 26 OLT
3, l'application de cette dernière disposition impliquant aussi de respecter
le principe de la proportionnalité (cf. infra consid. 5.2 ss). Cette relative
similitude se comprend d'ailleurs aisément si l'on garde à l'esprit que
l'adoption de l'art. 26 OLT 3 a notamment visé à étendre au droit public la
protection de la personnalité du travailleur qui existait déjà depuis
longtemps en droit privé à l'art. 328 CO (cf. BO CN 1985, p. 724; directives
du seco, op. cit., p. 1 ad art. 26 OLT 3; Aubert, op. cit., p. 167). En tout
état de cause, l'art. 26 OLT 3 est donc conforme au principe de la légalité.

4.
4.1Comme l'indique sa lettre, en accord avec la volonté exprimée du Conseil
fédéral, l'art. 26 OLT 3 n'a pas pour objectif d'interdire de manière
générale l'utilisation de systèmes de surveillance ou de contrôle dans les
entreprises: seuls sont interdits ceux qui sont «destinés» à surveiller le
comportement des travailleurs à leur poste de travail (al. 1), mais non, en
principe, ceux qui sont nécessaires pour «d'autres raisons» (al. 2 ).
Autrement dit, c'est moins le type de surveillance ou ses effets comme tels
qui vont déterminer si un système de surveillance est admissible ou non, que
les motifs qui ont prévalu à sa mise en place ou les buts que poursuit son
utilisation (cf. Aubert, op. cit., p. 169/170; Riesselmann-Saxer, op. cit.,
p. 109).

4.2 Au titre des «autres raisons» susceptibles de justifier le recours à un
système de surveillance ou de contrôle, l'on songe, en premier lieu, dans le
droit fil de la réponse du Conseil fédéral à la motion parlementaire, à des
impératifs liés à la prévention des accidents ou à la protection ou la
sécurité des personnes et des biens (ci-après: les impératifs de sécurité).
Ainsi, pour autant qu'ils soient dans un rapport de proportionnalité avec le
but recherché, des systèmes de surveillance peuvent, en principe, être
disposés à des endroits stratégiques ou sensibles de l'entreprise, tels les
extérieurs des bâtiments, les parkings, les accès, les entrées, les guichets,
les caisses, les étals, les salles contenant des valeurs ou des documents
sensibles ou confidentiels (salles des coffres, archives...) ou encore, dans
l'industrie, les lieux abritant des machines, des installations ou des
produits dangereux (cf. directives du seco, op. cit., p. 1 et 2 ad art. 26
OLT 3).
Selon les circonstances et le type d'activité considérée, il n'est pas exclu
que des motifs tenant à l'organisation ou à la planification du travail
puissent justifier la mise en place de certains systèmes de surveillance. On
peut, par exemple, penser à des sociétés qui offrent des services financiers
en ligne (telle la possibilité de passer des ordres de bourse) et qui, pour
des motifs de preuve, doivent pouvoir enregistrer les conversations

téléphoniques entre leurs collaborateurs et les clients (avec l'accord de ces
derniers). On peut également avoir à l'esprit certaines activités (agences de
sécurité, entreprises de taxi ou de transport routier...) qui requièrent,
afin de rationaliser le travail et d'améliorer la qualité des prestations
offertes aux clients, que l'employeur ait la possibilité de localiser en tout
temps et aussi vite que possible la position de chacun des véhicules en
service. Là encore, une telle surveillance n'est cependant admissible que si
le moyen utilisé apparaît, au vu des circonstances, proportionné au but
recherché.
Par ailleurs, il est dans la nature même des relations de travail que
l'employeur puisse exercer un certain contrôle sur l'activité et les
prestations de son personnel. D'une part, la faculté qui lui est reconnue -
voire même, dans certains cas, l'obligation qui lui incombe, notamment pour
des motifs de sécurité (cf. ATF 102 II 18; 100 II 352) - d'établir des
directives générales et de donner des instructions particulières sur la
manière d'exécuter le travail ou de se conduire dans l'entreprise (cf. art.
321d CO; cf. Rehbinder, op. cit., n. 227; Streiff/von Kaenel, Leitfaden zum
Arbeitsvertragsrecht, 5ème éd., Zurich 1992, n. 14 s. ad art. 328; Wyler, op.
cit., p. 223/224) a pour corollaire qu'il doit pouvoir s'assurer - quand il
n'y est pas tenu - que ses consignes sont correctement suivies par les
travailleurs (cf. Rehbinder, op. cit., n. 233). D'autre part, le contrat de
travail se caractérise par un rapport d'échange en vertu duquel le
travailleur fournit une prestation de travail à l'employeur contre une
rémunération: ce dernier doit par conséquent être en mesure de vérifier que
les termes de cet échange répondent à ses attentes ou, du moins, sont
conformes à ce qui avait été convenu avec le travailleur. C'est pourquoi, en
accord aussi bien avec la doctrine que la pratique administrative, il faut
admettre que, outre des impératifs de sécurité ou des motifs tenant à
l'organisation ou à la planification du travail, l'employeur est également
habilité, sous réserve d'en avoir préalablement informé les travailleurs, à
prendre des mesures appropriées destinées à contrôler leur travail, en
particulier la qualité de leurs prestations et leur rendement (cf. directives
du seco, op. cit., p. 1 ad art. 26 OLT 3; Guide relatif à la surveillance de
l'utilisation d'internet et du courrier électronique au lieu de travail, éd.
par le préposé fédéral à la protection des données, Berne, état avril 2001,
p. 18/19 [ci-après cité: Guide du préposé fédéral à la protection des
données]; Riesselmann-Saxer, op. cit., p. 109 et 111; Rehbinder, op. cit., n.
233; Schürer, op. cit., p. 61; Aubert, op. cit., p. 167).

4.3 Il est souvent difficile, comme le souligne le seco dans ses directives,
de faire la distinction entre des mesures de surveillance licites, qui tirent
leur justification du droit de l'employeur de contrôler la qualité du travail
ou le rendement des travailleurs, et des mesures de surveillance illicites,
qui portent uniquement ou essentiellement sur le comportement de ceux-ci. En
effet, il n'est pas rare que ces questions soient intimement liées, comme
l'illustrent les exemples donnés par le seco (directives du seco, op. cit.,
p. 1 et 2 ad art. 26 OLT 3):
«Tombent sous la surveillance du rendement, par exemple, le comptage
automatique des pièces produites ou du nombre de frappes journalières sur
une installation de traitement de textes. Une saisie détaillée,
permettant la répartition temporelle des tâches et, par ce biais,
l'appréciation du comportement, n'est (en revanche) pas admise. Si,
en plus d'une surveillance de rendement, un contrôle visuel des
tra- vailleurs pendant leur activité est mis en place, ce dernier
constitue également une surveillance du comportement.
L'enregistrement du rendement doit aussi être utilisé raisonnablement
(principe de proportionnalité).»
4.4En résumé, un système de surveillance est interdit par l'art. 26 OLT 3
s'il vise uniquement ou essentiellement à surveiller le comportement comme
tel des travailleurs. En revanche, son utilisation n'est pas prohibée si,
bien qu'emportant objectivement un tel effet de surveillance, il est justifié
par des raisons légitimes, tels des impératifs de sécurité ou des motifs
tenant à l'organisation ou à la planification du travail ou encore à la
nature même des relations de travail. Encore faut-il, cependant, que le
système de surveillance choisi apparaisse, au vu de l'ensemble des
circonstances, comme un moyen proportionné au but poursuivi, et que les
travailleurs concernés aient préalablement été informés de son utilisation
(cf. les références citées supra consid. 4.2 in fine).

5.
5.1Dans un premier moyen, la recourante soutient que, dans la mesure où la
surveillance se fait en dehors de l'enceinte de l'entreprise et où elle ne
porte pas directement sur les travailleurs eux-mêmes, mais sur les véhicules
qu'ils utilisent, l'art. 26 OLT 3 ne s'applique pas.
Les possibilités techniques exactes offertes par le système de localisation
litigieux sont contestées par la recourante (sur cette question, cf. infra
consid. 6.4) qui admet néanmoins qu'elle est en mesure, grâce à ce système,
de savoir a posteriori, au moyen d'un «listing», l'heure à laquelle ses
collaborateurs commencent et terminent leur activité, quels clients ils
visitent durant la journée et à quelle heure, ainsi que le temps qu'ils
consacrent à chaque client. L'accès à ces informations lui permet ainsi de
connaître de manière relativement précise l'emploi du temps de ses
collaborateurs durant une journée de travail. Bien qu'il soit, à proprement
parler, utilisé en dehors de l'enceinte de l'entreprise, et qu'il ne porte
pas directement sur la personne même des techniciens-vérificateurs, le
système de localisation en cause a donc bien pour effet de saisir un aspect
particulier de leur comportement à leur poste de travail, soit, selon les
termes du seco, «la répartition temporelle des tâches» (cf. supra consid.
4.3); il n'échappe ainsi pas aux exigences découlant de l'art. 26 OLT 3. En
revanche, le fait que la surveillance ne soit qu'indirecte (ou médiate) n'est
pas sans importance pour apprécier la proportionnalité de la mesure (cf.
infra consid. 6.5).
Il convient dès lors d'examiner si le système de localisation - dont il est
constant que les travailleurs ont été préalablement avertis de l'installation
et de l'utilisation - poursuit des objectifs légitimes qui le font
apparaître, au vu des circonstances, comme un moyen proportionné pour
atteindre le but recherché.

5.2 Selon la jurisprudence, le principe de la proportionnalité se compose
traditionnellement de trois volets: la règle d'aptitude ou d'adéquation, qui
exige que le moyen choisi - ici: le système de localisa tion - soit propre à
atteindre le but visé - ici: les objectifs invoqués par l'employeur à titre
de motifs justificatifs; la règle de nécessité, qui impose qu'entre plusieurs
moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux
intérêts en cause - ici: la santé, la liberté de mouvement et la personnalité
des travailleurs; et la règle de proportionnalité au sens étroit, qui
requiert de mettre en balance les effets de la mesure choisie sur la
situation des personnes concernées avec le résultat escompté du point de vue
du but visé (cf. ATF 125 I 474 consid. 3).

5.3 La recourante soutient tout d'abord que le système de localisation lui
offre une protection antivol sans égal: en effet, au moyen d'une simple
requête adressée à une centrale de télésurveillance basée en Belgique, elle
peut immédiatement, en cas de nécessité, faire repérer et immobiliser
n'importe lequel de ses véhicules. Il ressort cependant du dossier (cf. les
encarts publicitaires du fournisseur) qu'un tel dispositif antivol peut être
installé sans qu'il soit nécessaire, comme cela a été fait en l'espèce, de le
coupler avec un système de localisation qui enregistre en tout temps les
lieux de stationnement des véhicules ainsi que les heures correspondantes. Le
résultat recherché pourrait donc être atteint par un moyen moins incisif, si
bien que la mesure litigieuse ne se justifie pas au regard de la règle de
nécessité.

5.4 La recourante fait ensuite valoir que le système de localisation a pour
but d'améliorer l'organisation du travail et le rendement grâce à une
meilleure planification du travail et un meilleur contrôle des
collaborateurs, ainsi que d'optimaliser la qualité du service offert à ses
clients. A l'appui de son propos, elle donne pêle-mêle toute une série
d'exemples.

5.4.1 Ainsi, elle allègue qu'il lui est important, en cas d'appel en urgence
de l'un de ses clients, de pouvoir immédiatement localiser et contacter le
collaborateur se trouvant le plus proche du lieu d'intervention, afin d'être
en mesure de le dépêcher le plus rapidement possible sur place.
Si, comme le soutient la recourante, le système de localisation lui permet
seulement de connaître d'une manière rétrospective («a posteriori»), le soir,
quand et où les véhicules ont stationné pendant la journée, on comprend mal
cet argument qui jette, à vrai dire, un doute sur l'étendue réelle des
possibilités de surveillance offertes par le système en question.
Quoi qu'il en soit, il apparaît que le rayon d'action des
techniciens-vérificateurs, qui sont au nombre d'une quinzaine pour toute la
Suisse, est pré-défini en fonction des codes postaux des clients dont ils ont
la charge, si bien que chacun d'eux s'occupe, en définitive, d'une région
déterminée. Ainsi, la clientèle des cantons de Vaud et de Genève est du
ressort de deux collaborateurs (cf. recours, allégué 7). On ne voit par
conséquent pas l'intérêt que peut avoir l'employeur de savoir en tout temps
où se trouvent ses techniciens-vérificateurs, puisqu'il suffit, en cas
d'appel en urgence, de contacter sur son téléphone portable celui d'entre eux
qui est en charge de la région concernée et de l'envoyer sur le lieu
d'intervention. A cet égard, la situation de la recourante ne se laisse
nullement comparer, comme elle le voudrait, aux besoins d'une entreprise de
taxis ou d'une agence de sécurité employant à son service de nombreux
collaborateurs, répartis sur une même aire géographique, qui doivent pouvoir
être atteints aussi rapidement que possible en fonction de leur position.
Quant aux allégations de la recourante relatives aux difficultés qu'il y
aurait à joindre les techniciens-vérificateurs sur leurs téléphones
portables, elles sont dénuées de pertinence, car elles ne permettent pas de
comprendre en quoi l'installation du système de localisation litigieux la
dispenserait de recourir à la téléphonie mobile classique pour contacter le
collaborateur désiré, la position de celui-ci eût-elle été repérée.
Le système de localisation est donc un moyen qui n'apparaît ni adéquat ni
même nécessaire pour effectuer des interventions en urgence.

5.4.2 Comme mesure de rationalisation du travail, la recourante soutient
également que le système de localisation est un outil performant et
indispensable pour «analyser toute faille dans son système de division des
rayons d'action et (...) établir des procédures permettant de réduire les
temps de déplacements de chacun de ses techniciens».
La recourante ne donne cependant pas d'exemples tangibles des «procédures»
que le système de localisation lui aurait permis - ou lui permettrait - de
prendre pour optimaliser les temps de déplacement. Quoi qu'il en soit, on ne
voit pas quelles peuvent concrètement être les améliorations auxquelles elle
fait vaguement allusion, surtout si l'on considère que les collaborateurs
semblent jouir d'une grande autonomie dans l'organisation de leur travail,
puisqu'ils ne se rendent, selon les propres déclarations de la recourante,
que de manière très occasionnelle au siège de la Société et que leur contrat
de travail ne contient aucune disposition laissant penser que leur
indépendance serait limitée. Une relative grande autonomie est d'ailleurs un
trait caractéristique des activités qui, à l'instar de celle ici en cause,
relèvent de la vente à domicile ou de la représentation, et impliquent le
plus souvent que l'employé prenne lui-même ses rendez-vous avec les clients
et gère seul son emploi du temps.
Certes, la recourante met également en avant le fait que la productivité
aurait augmenté de 15 % depuis qu'elle a mis en place le système de
localisation. Outre que la réalité de ce chiffre n'est pas démontrée - en
instance cantonale, la recourante parlait même d'une augmentation de 38 % -,
sa corrélation avec les prétendus avantages apportés par le système de
localisation en matière d'organisation du travail prête à discussion en
l'absence d'indications concrètes quant à la nature et la forme des
améliorations qui ont prétendument été réalisées. Supposé que l'augmentation
de la productivité de 15 % soit avérée, il semble en tout état de cause que
celle-ci doive davantage aux abus auxquels l'employeur a pu mettre fin grâce
à la mise en place du système de localisation (heures de travail non
effectuées, rapports d'activité fantaisistes...) qu'à de véritables
améliorations en matière de rationalisation du travail.
L'adéquation entre le système de localisation et le but prétendument
poursuivi de réduire les temps de déplacement et d'intervention n'est donc
pas établie.

5.4.3 La recourante allègue encore que le système de localisation lui
«facilite la facturation directe à la clientèle».
En l'absence de toute autre précision, il est malaisé de comprendre ce que
veut exprimer l'intéressée au travers de cet argument. Il semble toutefois
qu'elle cherche par là à soutenir que le système de localisation lui
épargnerait d'avoir à demander à ses collaborateurs des rapports d'activité
lorsqu'elle facture ses prestations aux clients.
Si l'on en croit la recourante, les motifs d'intervention sont nombreux et
variés (vente d'un extincteur; contrôle ou recharge d'un
appareil; dépannage;
conseils divers,...). Du moment que le système de localisation ne renseigne
pas sur la nature des prestations effectuées, il ne dispense nullement
l'employeur de recourir, pour la facturation, à des rapports ou des fiches de
travail établis par ses collaborateurs. En revanche, on peut admettre que la
possibilité de confronter le contenu de tels rapports ou fiches de travail
avec les informations que fournit le système de localisation constitue un
moyen adéquat - et nécessaire, dans la mesure où l'on ne voit pas par quel
autre biais ce but pourrait être atteint - de rendre plus sûr et plus précis
le détail des factures adressées aux clients. Quant à la proportionnalité -
au sens étroit - de ce moyen pour parvenir au but visé, elle nécessite une
pesée des intérêts qui ne peut se faire qu'après avoir examiné les éventuels
autres avantages que présente la mesure litigieuse pour l'employeur (cf.
infra consid. 6).

5.5 Comme ultime argument à l'appui de sa démonstration de l'utilité du
système de localisation, la recourante fait valoir que ce dernier lui permet
de s'assurer que les techniciens-vérificateurs accomplissent correctement
leur travail. Compte tenu des graves conséquences qui peuvent résulter de
l'utilisation d'un extincteur défectueux (mise en danger de la santé ou de la
vie des utilisateurs ou de tiers), elle relève, en particulier, qu'un
contrôle de la qualité du travail est indispensable. Elle doit notamment
pouvoir s'assurer que ses collaborateurs ont procédé à la révision annuelle
des extincteurs conformément aux règles de l'art. Or, fait-elle valoir, seule
la mesure litigieuse serait à même de lui apporter une telle assurance. Tout
autre dispositif de surveillance, outre qu'il serait moins sûr, lui
engendrerait de surcroît, à l'en croire, des coûts hors de proportion. Elle
ajoute que le système de localisation est également un moyen de surveiller
l'emploi du temps de ses collaborateurs et de prévenir les abus. A cet égard,
elle fait observer qu'il est «tout à fait impossible de se limiter au 21ème
siècle à travailler avec des seules fiches de travail manuelles adressées par
courriers ou par télécopies à l'employeur et/ou de prendre contact avec le
client pour vérifier que le technicien-vérificateur s'est bien rendu sur son
lieu d'intervention».

5.5.1 On discerne mal l'utilité du système de localisation pour contrôler la
qualité du travail effectué par les techniciens-vérificateurs: qu'un véhicule
d'entreprise ait stationné pendant une certaine durée à proximité de
l'adresse d'un client est en effet une indication qui ne dit rien à ce sujet,
ni même, d'ailleurs, qui garantit que le travail ait seulement été réalisé.
Elle ne renseigne pas davantage sur la nature exacte de la prestation en
cause (vente d'un extincteur; contrôle ou recharge d'un appareil; dépannage;
conseils divers,...). Par lui même, le système de localisation n'autorise
donc pas l'employeur à faire l'économie d'autres mesures pour contrôler la
qualité - au sens étroit - du travail accompli par ses collaborateurs
(contrôles ponctuels par sondages; enquêtes de satisfaction auprès des
clients,...).
5.5.2 Il n'en demeure pas moins que, dans la mesure où il fournit des
informations relativement précises sur l'emploi du temps de chacun des
techniciens-vérificateurs lorsqu'ils utilisent leur véhicule pour visiter les
clients - ce qui constitue l'essentiel de leur activité -, le système de
localisation permet à l'employeur de s'assurer que ses employés respectent
les horaires de travail auxquels ils sont tenus. En outre, grâce au fait
qu'il peut savoir qu'un véhicule a stationné durant un certain temps à
l'adresse d'un client, il obtient ainsi, sinon la confirmation qu'une visite
a effectivement été effectuée, du moins une indication l'autorisant à
présumer que tel a bien été le cas. C'est donc, pour l'employeur, un moyen
utile et efficace pour vérifier que ses employés se rendent chez les clients
dont ils ont la charge et qu'ils y demeurent le temps nécessaire pour remplir
correctement leur tâche. C'est dans cette mesure limitée qu'on peut admettre,
avec la recourante, que le système de localisation lui permet d'exercer un
certain contrôle sur la qualité - comprise au sens large - des prestations de
ses techniciens-vérificateurs. Cet objectif sert également, jusqu'à un
certain point, un intérêt de sécurité publique, en ce sens qu'une visite non
effectuée ou bâclée peut, en présence d'un extincteur défectueux qui n'est
pas remis en état, entraîner de graves conséquences pour les personnes et les
biens en cas d'incendie. A cet égard, la recourante peut être appelée à
répondre, en sa qualité d'employeur, des manquements de ses employés si elle
a elle-même négligé de prendre les mesures appropriées pour les surveiller
(culpa in custodiendo; cf. ATF 110 II 456).

5.5.3 En estimant que le même objectif pourrait être atteint par «des
solutions à la fois plus efficaces et moins onéreuses, et surtout moins
attentatoires à la personnalité et à la santé des travailleurs», les premiers
juges considèrent - implicitement - que le système de localisation, pour
adéquat qu'il soit, n'est pas conforme au principe de la proportionnalité
envisagé sous l'angle de la nécessité.
Il est certain que des fiches de travail ou des rapports d'activité détaillés
contenant la date, l'heure et la description des prestations effectuées
offrent davantage de renseignements utiles à l'employeur que les seules
informations que lui fournit le système de localisation. Il apparaît
toutefois qu'avant son introduction, certains employés n'hésitaient pas à
établir des rapports d'activité fantaisistes contenant des indications
erronées tant sur les heures et les jours travaillés que sur les prestations
réellement effectuées. Une telle façon de procéder n'est donc pas suffisante
pour contrôler efficacement l'activité et les prestations des
techniciens-vérificateurs, notamment pour s'assurer que ceux-ci effectuent
leur travail, et si possible correctement. En particulier, l'employeur doit
pouvoir prendre les mesures utiles destinées à lutter contre les abus,
surtout lorsque, comme en l'espèce, ils sont avérés ou que le risque qu'ils
se produisent (ou se reproduisent) est important (cf. Guide du préposé
fédéral à la protection des données, p. 18 s.; Riesselmann-Saxer, op. cit.,
p. 111; Rehbinder, op. cit., n. 233). Or, quand bien même les rapports
d'activité ou les fiches de travail seraient contresignés par les clients
visités, le risque d'abus n'en serait pas écarté: d'une part, il n'est pas
certain qu'il soit toujours possible d'obtenir une telle signature, le client
pouvant être absent lors de la visite; d'autre part, à supposer qu'elle
puisse être recueillie, lorsque la signature est le fait - ce qui n'est pas
rare dans la pratique - d'un employé ou d'un auxiliaire du client visité (par
exemple, le concierge de l'immeuble concerné), elle n'apparaît pas aussi
fiable que si elle émanait du client visité lui-même ou d'une personne
habilitée à le représenter.

5.5.4 On ne saurait donc suivre les premiers juges et l'intimée lorsqu'ils
prétendent que le système de localisation n'est pas nécessaire et adéquat
pour contrôler l'emploi du temps des techniciens-vérificateurs et prévenir
les abus, particulièrement en ce qui concerne le respect de certaines
obligations légales et contractuelles de base leur incombant (visite
régulière et effective des clients, horaires de travail,...). A la lumière de
cet objectif, il reste à examiner la proportionnalité, au sens étroit, de la
mesure litigieuse.

6.
6.1Pour en juger, il y a lieu de mettre en balance, d'une part, l'intérêt
public à protéger la santé, la liberté de mouvement et la personnalité des
travailleurs avec, d'autre part, l'intérêt privé de la Société à pouvoir
équiper ses véhicules du système de localisation litigieux. Les motifs
invoqués par l'employeur pour justifier le recours au dispositif contesté
doivent être d'autant plus importants que son utilisation est de nature à
porter gravement atteinte aux biens juridiques protégés par l'art. 26 OLT 3.

6.2 La gravité de l'atteinte dépend principalement de la nature et de
l'ampleur de la surveillance exercée ainsi que du type de moyen utilisé pour
la mettre en oeuvre. En particulier, selon qu'elle s'exerce directement sur
la personne même du travailleur ou qu'elle porte sur un autre aspect, par
exemple le résultat de ses prestations (surveillance directe/immédiate ou
indirecte/médiate), selon qu'elle englobe toute la personne du travailleur
(comme peut le faire une surveillance audiovisuelle) ou qu'elle se limite à
certaines facettes de sa personne ou de sa personnalité (comme son image, sa
voix, sa vitesse d'exécution,...), selon qu'elle vise spécifiquement un
travailleur ou qu'elle est envisagée plus largement par le nombre de
personnes qu'elle touche ou le point de vue qu'elle adopte (surveillance
particulière ou générale), selon qu'elle est permanente ou seulement
passagère, son intensité et, par conséquent, l'atteinte qu'elle est
susceptible de causer à la personnalité et la santé des travailleurs, sera
d'une gravité variable.
Dans tous les cas, c'est en fonction de l'ensemble des circonstances
concrètes du cas que devra s'apprécier cette gravité. Ainsi, tandis qu'une
caméra braquée en permanence sur un employé au guichet d'une banque est,
abstraitement, de nature à provoquer une atteinte importante à la
personnalité du travailleur concerné, il n'en est rien si cette même caméra
n'est pas reliée à une salle de contrôle, mais qu'elle ne fait qu'enregistrer
sur une bande, pour des motifs de sécurité, ce qui se passe, et que
l'enregistrement est ensuite détruit, sans être utilisé, sous réserve
d'exceptions bien définies à l'avance (par exemple au cas où un délit est
commis). Autrement dit, selon que la surveillance est strictement réglementée
ou qu'elle n'est soumise à aucune réglementation précise ou selon que ses
résultats sont détruits (instantanément ou à brève échéance) ou qu'ils sont
durablement enregistrés sur un support pour être réutilisés (bande son ou
vidéo, fichier informatique,...), l'intensité de l'atteinte ne sera pas la
même.
Quant aux motifs justificatifs avancés par l'employeur, leur importance dans
la pesée des intérêts dépend principalement de leur nature, notamment du
caractère privé ou public des intérêts qu'ils mettent en jeu, ainsi que des
conséquences prévisibles d'une interdiction du système de surveillance
incriminé. Lorsque le but poursuivi par l'employeur sert son seul intérêt
personnel, il pèsera ainsi, d'une manière générale, d'un poids moindre que si
d'autres intérêts, de nature privée (intérêts des travailleurs eux-mêmes ou
de clients, par exemple) ou publique, viennent s'y ajouter.

6.3 En l'espèce, il s'impose, avant toute chose, de souligner que les
techniciens-vérificateurs n'ont pas le droit, sauf accord préalable de la
Société, d'utiliser à des fins privées les véhicules d'entreprise mis à leur
disposition. Ce point est important. En effet, s'ils y étaient autorisés,
l'employeur ne pourrait pas, en principe, équiper ses véhicules d'un système
de localisation, sauf à porter une atteinte grave et disproportionnée à la
vie privée de ses employés. Du moins des aménagements devraient-ils être
prévus pour protéger autant que possible cet aspect de leur personnalité (par
analogie, au sujet de l'utilisation du téléphone dans l'entreprise et de la
possibilité de contrôler les numéros composés, cf. directives du seco, p. 3
ad art. 26 OLT 3; Aubert, op. cit., p. 171 ss; Schürer, op. cit., p. 62). Du
moment, toutefois, que seule une utilisation professionnelle des véhicules
est autorisée, l'employeur dispose d'un intérêt légitime à contrôler que les
travailleurs respectent cette prescription et l'on ne saurait affirmer, sans
autre examen, qu'un tel contrôle constitue une mesure disproportionnée par
rapport aux objectifs qu'il vise. Seule une soigneuse pesée des intérêts en
présence est à même de trancher cette question.

6.4 Les premiers juges ont retenu que le système de localisation permettait à
l'employeur de localiser de façon «permanente et en temps réel» les véhicules
utilisés par ses employés. Pour aboutir à cette conclusion, ils se sont
fondés, selon leurs propres termes, sur «les écritures contenues au dossier».
Il apparaît toutefois que, comme devant l'instance cantonale déjà, la
recourante nie avec la dernière énergie les propriétés et les qualités
prêtées au système de localisation par l'Office cantonal. Elle affirme n'être
en mesure de connaître la position de ses véhicule que «a posteriori», à la
fin de la journée de travail, au moyen d'un «listing» ne faisant qu'indiquer
les lieux et les heures de départ et d'arrivée des véhicules au cours de la
journée. A titre de moyen de preuve, elle renvoie au «listing» qu'elle avait
produit en instance cantonale. Elle précise que la localisation en temps réel
des véhicules n'est possible, en réalité, que «sur requête» de sa part à une
centrale de télésurveillance basée en Belgique, en ajoutant que c'est là un
service payant équivalent à une intervention sur alarme qu'elle n'aurait
encore jamais utilisé à ce jour. Enfin, elle réfute, comme elle l'avait déjà
fait en instance cantonale, les allégations de l'Office cantonal selon
lesquelles le directeur de la Société, A.________, appelait «très
régulièrement sur leurs portables (les techniciens-vérificateurs) afin
d'obtenir des justifications quant à leur positionnement».
Au vu de ces éléments, les premiers juges ne pouvaient pas se fonder sur les
seules affirmations de l'Office cantonal pour déterminer les possibilités de
surveillance offertes par le système de localisation; ils devaient, au
contraire, mettre en oeuvre un complément d'instruction sur cette question.
Dans cette mesure, les faits qu'ils ont constatés à ce sujet ne lient pas la
Cour de céans (cf. art. 104 lettre b et 105 al. 2 OJ).

6.5 Cela étant, l'on sait que la surveillance
induite par le système de
localisation est seulement médiate, car elle ne porte pas sur les
collaborateurs eux-mêmes, mais sur les véhicules qu'ils utilisent pour
visiter les clients dont ils ont la charge. Par ailleurs, il est également
établi qu'elle n'appréhende qu'un aspect particulier de leur comportement, à
savoir les déplacements, en temps et en lieu, qu'ils effectuent durant leur
journée de travail. Enfin, comme les collaborateurs ne sont à bord de leurs
véhicules que durant trois à quatre heures par jour, elle ne présente pas un
caractère permanent. Si les caractéristiques techniques offertes par le
système de localisation sont telles que les a décrites la recourante, sa
licéité doit par conséquent être admise: la surveillance n'étant
qu'indirecte, partielle et intermittente, l'atteinte qu'elle cause apparaît
proportionnée au but légitime visé par l'employeur, qui est de connaître
l'emploi du temps journalier de ses collaborateurs afin de prévenir les abus
et de s'assurer qu'ils accomplissent correctement leurs tâches, en
particulier qu'ils respectent les horaires de travail et qu'ils effectuent
bien les visites qu'ils sont tenus de faire. A cet égard, il n'est pas
inutile de rappeler qu'un tel contrôle ne sert pas seulement l'intérêt de
l'employeur, mais est également destiné, dans une certaine mesure, à
préserver la sécurité des personnes et des biens que seuls des extincteurs en
bon état de fonctionnement peuvent garantir en cas d'incendie (cf. supra
consid. 5.5.2 in fine). Quoi qu'il en soit, à supposer que la situation soit
techniquement telle que la dépeint la recourante, elle ne serait pas très
différente de celle que l'on peut trouver dans une entreprise équipée d'une
machine à timbrer, où les employés doivent pointer à chaque fois qu'ils
entrent dans l'entreprise ou qu'ils la quittent, y compris lorsqu'ils
s'absentent un court instant durant la journée, en indiquant, le cas échéant,
le motif (professionnel ou privé) de leur absence.
En revanche, si le système de localisation permet à l'employeur, comme l'ont
retenu les premiers juges, de suivre de manière continue et en temps réel le
trajet emprunté par les véhicules utilisés par les techniciens-vérificateurs,
il pourrait constituer un moyen de surveillance disproportionné par rapport
au but poursuivi. En effet, l'intensité de l'atteinte à la santé, à la
personnalité et à la liberté de mouvement des travailleurs concernés n'est
pas la même selon que ceux-ci sont soumis de manière continue et en temps
réel à la surveillance de leur employeur ou selon que seul un contrôle «a
posteriori» est effectué qui consiste, après la fin d'une journée, à
confronter le contenu de leurs rapports d'activité avec les informations
fournies par le système de localisation. D'une part, dans le premier cas, un
stress occasionné par le sentiment d'être en permanence observé par son
employeur existe, qui n'est pas présent dans le second cas. D'autre part, la
possibilité de suivre en temps réel le trajet des véhicules durant la journée
comporte le risque que l'employeur demande de manière répétée et inopinément
à ses collaborateurs de justifier leur position ou le choix de leur
itinéraire, perturbation qui viendrait alors s'ajouter au stress provoqué par
le sentiment d'être constamment surveillé. Selon les résultats de l'enquête
menée par l'Office cantonal, cet élément aurait d'ailleurs été mentionné par
les techniciens-vérificateurs qui ont été entendus. Le point mérite par
conséquent d'être éclairci. A cet égard, le Tribunal administratif ne saurait
se retrancher derrière l'art. 44 LTr pour refuser l'édition du rapport
d'enquête de l'Office cantonal ou pour renoncer à entendre des témoins:
certes, cette disposition prévoit que les personnes qui sont chargées de
tâches prévues par la loi sur le travail ou qui y participent sont tenues de
garder le secret à l'égard des tiers sur les faits qu'ils apprennent dans
l'exercice de leur fonction; à leur demande, certaines données peuvent
toutefois être communiquées aux tribunaux lorsque l'établissement de faits
ayant une portée juridique l'exige (cf. art. 44a al. 1 lettre b LTr).

6.6 Des mesures d'instructions complémentaires s'avèrent donc nécessaires en
vue d'élucider ces questions, en particulier pour déterminer - le cas échéant
au moyen d'une expertise - les véritables caractéristiques techniques et
l'étendue exacte des possibilités de surveillance offertes par le système de
localisation. Dans le cadre de la procédure cantonale, l'employeur s'est
montré peu enclin à fournir les renseignements qui lui étaient demandés,
nonobstant son obligation de collaborer à l'instruction de la cause (cf. art.
45 LTr); s'il devait persister dans cette attitude, il est rendu attentif au
fait qu'il devra en supporter les conséquences sur le plan du fardeau de la
preuve (cf. ATF 125 V 195 consid. 2 p. 196). Dans l'hypothèse où
l'instruction révélerait que le système incriminé recèle, en réalité, des
possibilités de surveillance plus étendues que ne le soutient la recourante,
les premiers juges se prononceront sur son admissibilité après avoir procédé
à une nouvelle pesée de tous les intérêts en présence.

7.
Il suit de ce qui précède que le recours doit être admis dans la mesure où il
est recevable et la décision attaquée annulée. La cause est renvoyée au
Tribunal administratif pour complément d'instruction et nouvelle décision au
sens des considérants.
L'Office cantonal succombant, le canton de Genève versera à la recourante une
indemnité à titre de dépens (art. 159 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu de
prélever des frais judiciaires (art. 156 al. 1 et 2 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis dans la mesure où il est recevable et l'arrêt attaqué
annulé, la cause étant renvoyée au Tribunal administratif du canton de Genève
pour instruction complémentaire et nouvelle décision dans le sens des
considérants.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le canton de Genève versera à la recourante un montant de 2'000 fr. à titre
de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la recourante, à
l'Office cantonal de l'inspection et des relations du travail et au Tribunal
administratif du canton de Genève ainsi qu'au Département fédéral de
l'économie.

Lausanne, le 13 juillet 2004

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.118/2003
Date de la décision : 13/07/2004
2e cour de droit public

Analyses

Art. 6 par. 1 CEDH; art. 26 OLT 3; droit à une audience publique dans un litige de droit administratif en matière de protection des travailleurs. Indépendamment de son rattachement au droit public, l'interdiction faite à un employeur d'utiliser un système de surveillance dans l'entreprise porte sur des "droits et obligations de caractère civil" au sens de l'art. 6 par. 1 CEDH (consid. 2.2 et 2.3). Art. 6 LTr; art. 26 OLT 3; art. 328 et 328b CO; système de localisation satellite GPS installé sur des véhicules d'entreprise. Légalité (consid. 3) et portée de l'art. 26 OLT 3 (consid. 4). Proportionnalité de la mesure de surveillance: adéquation du système de localisation incriminé par rapport au but visé (contrôle de l'emploi du temps des travailleurs et prévention des abus) et nécessité du système pour l'employeur (consid. 5); pesée des différents intérêts en présence (proportionnalité au sens étroit; consid. 6).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2004-07-13;2a.118.2003 ?
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