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22/06/2004 | SUISSE | N°4C.69/2004

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 22 juin 2004, 4C.69/2004


{T 0/2}
4C.69/2004 /fzc

Arrêt du 22 juin 2004
Ire Cour civile

MM. et Mmes les Juges Corboz, Président,
Rottenberg, Nyffeler, Favre et Kiss.
Greffière: Mme de Montmollin.

Y. ________ et Z.________,
Société en nom collectif,
demanderesse et recourante,
représentée par Me Jean-Pierre Moser, avocat,

contre

B.________SA,
défenderesse et intimée,
représentée par Me Jean-Pierre Carera, avocat,

Contrat d'entreprise; contrat d'entretien.

Recours en réforme contre l'arrê

t de la Chambre civile de la Cour de justice
du canton de Genève du 12 décembre 2003.

Faits:

A.
A.a Sous la raison ...

{T 0/2}
4C.69/2004 /fzc

Arrêt du 22 juin 2004
Ire Cour civile

MM. et Mmes les Juges Corboz, Président,
Rottenberg, Nyffeler, Favre et Kiss.
Greffière: Mme de Montmollin.

Y. ________ et Z.________,
Société en nom collectif,
demanderesse et recourante,
représentée par Me Jean-Pierre Moser, avocat,

contre

B.________SA,
défenderesse et intimée,
représentée par Me Jean-Pierre Carera, avocat,

Contrat d'entreprise; contrat d'entretien.

Recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice
du canton de Genève du 12 décembre 2003.

Faits:

A.
A.a Sous la raison sociale X.________, Y.________ et Z.________, forment une
société en nom collectif sise à Yverdon-les-Bains dont le but social est
l'exploitation d'un garage et la vente de véhicules d'occasion.

En 1983, X.________ a acheté deux extincteurs à la maison A.________. La
législation cantonale impose un contrôle de ces appareils tous les deux ans.
Conformément à un accord oral passé avec X.________, A.________ a procédé à
la vérification et à l'entretien de ceux-ci à quelques reprises, pour la
dernière fois en 1990. Ultérieurement, le garage a déménagé. A.________ n'a
pas été informée de la nouvelle adresse.

En 1992, B.________SA, dont le siège est à Carouge, a repris les activités de
A.________, y compris la cartothèque relative aux clients.

A.b En mars 1995, le représentant de B.________SA pour la région
d'Yverdon-les-Bains a fortuitement retrouvé le garage X.________. Il a
proposé à Y.________ et Z.________ de contrôler les extincteurs A.________,
ce que les deux hommes ont déclaré refuser pour l'immédiat, car ils avaient
acquis deux autres extincteurs de la marque C.________, qui venaient d'être
révisés.

En octobre 1995, le représentant de B.________SA a fait une nouvelle visite
au garage. Avec l'accord des associés, il a procédé au démontage et au
contrôle des appareils A.________. A cette occasion, il a constaté que la
cartouche du gaz propulseur de l'un d'eux était sous-dimensionnée. N'ayant
pas les pièces de rechange avec lui, il a indiqué qu'il repasserait la
semaine suivante; dans l'intervalle, l'un des extincteurs serait normalement
opérationnel, alors que l'autre fonctionnerait moins longuement en raison de
la pression diminuée de la cartouche. Il a complètement remonté les deux
engins.

A.c Le 25 octobre 1995, un incendie s'est déclaré chez X.________. L'un des
extincteurs A.________ n'a pas fonctionné. Le second a pu être utilisé, mais
n'a expulsé qu'une faible quantité de poudre. Le garage a subi des dégâts
pour plusieurs dizaines de milliers de francs.

Une enquête pénale a été ouverte, dans le cadre de laquelle une expertise des
extincteurs A.________ a été ordonnée. L'expert a rendu son rapport le 28
mars 1996.

Le 25 novembre 1996, Y.________ a fait notifier à B.________SA un
commandement de payer 200'000 fr.

Le 18 décembre 1996, le juge d'instruction a rendu une ordonnance de
non-lieu. Il a retenu que l'enquête n'avait pas permis d'établir la
commission d'une infraction pénale par Y.________ ou un tiers, ni les raisons
de la disparition de poudre dans les extincteurs.

B.
Le 24 septembre 2001, la société en nom collectif a assigné B.________SA en
paiement de 61'740 fr., avec intérêts à 5% dès le 25 octobre 1995,
représentant le dommage non pris en charge par l'assurance-incendie. Par
jugement du 15 mai 2003, le Tribunal de première instance du canton de Genève
a rejeté l'action, qu'il a estimée prescrite.

La Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a confirmé cette
décision dans un arrêt du 12 décembre 2003.

C.
La société en nom collectif recourt en réforme au Tribunal fédéral. Ses
conclusions tendent à l'annulation de l'arrêt du 12 décembre 2003 et à
l'admission de ses prétentions en dommages-intérêts.

B. ________SA invite le Tribunal fédéral à confirmer la décision attaquée.

La cour cantonale ne présente pas d'observations.

D. Par arrêt de ce jour, le Tribunal fédéral a rejeté un recours de droit
public interjeté parallèlement par la demanderesse contre l'arrêt du 12
décembre 2003.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Interjeté en temps utile (art. 54 al. 1 OJ en liaison avec l'art. 34 al. 1
let. b OJ), dans les formes requises (art. 55 al. 1 OJ), par la partie qui a
succombé dans ses conclusions au fond et dirigé contre un arrêt final rendu
en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 OJ) sur une
contestation civile dont la valeur atteint le seuil de 8'000 fr. (art. 46
OJ), le présent recours est recevable.

2.
Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral (art. 43
OJ). En revanche, il n'est pas recevable pour se plaindre de la violation
directe d'un droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1 2e phrase OJ), ni
de la violation du droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c).

Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal conduit son raisonnement juridique
sur la base des faits retenus dans la décision attaquée, à moins que des
dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il n'y
ait lieu de rectifier des constatations reposant sur une inadvertance
manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il ne faille compléter les constatations
de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits
pertinents, régulièrement allégués et clairement établis (art. 64 OJ; ATF 127
III 248 consid. 2c p. 252; 126 III 59 consid. 2a). Dans la mesure où la
demanderesse se fonde sur un état de fait qui s'écarte de celui contenu dans
la décision attaquée, sans se prévaloir avec précision de l'une des
exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'y a pas lieu d'en tenir compte
(ATF 127 III 248 consid. 2c p. 252). Il ne peut être présenté de griefs
contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux
(art. 55 al. 1 let. c OJ). Le recours en réforme n'est pas ouvert pour
remettre en cause l'appréciation des preuves et les constatations de fait qui
en découlent (ATF 130 III 102 consid. 2.2; 128 III 271 consid. 2b/aa p. 277;
127 III 543 consid. 2c p. 547; 126 III 189 consid. 2a).

Dans son examen du recours, le Tribunal fédéral n'a pas la faculté d'aller
au-delà des conclusions des parties, qui elles-mêmes ne peuvent formuler de
nouvelles prétentions (art. 55 al. 1 let. b OJ); en revanche, il n'est lié ni
par les motifs que les plaideurs invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni par
l'argumentation juridique de la cour cantonale (art. 63 al. 3 OJ). Il peut
donc admettre un recours pour d'autres motifs que ceux invoqués par la partie
recourante et peut également rejeter un recours en adoptant une autre
argumentation juridique que celle retenue par la cour cantonale (ATF 127 III
248 consid. 2c et les références citées).

3.
3.1 Déterminant la volonté réelle et commune des plaideurs (art. 18 CO; ATF
129 II 118 consid. 2.5), la cour cantonale a retenu que les sociétés étaient
liées par un contrat de nature ponctuelle portant sur la révision des
extincteurs. En l'absence d'un élément de durée, il fallait qualifier cette
convention de contrat d'entreprise au sens des art. 363 ss CO.

Cette qualification avait pour conséquence que la demanderesse était forclose
à invoquer la garantie des défauts, car le délai de prescription d'un an
applicable en matière de contrat d'entreprise était atteint au moment de
l'ouverture de l'action, en septembre 2001. Ce délai avait en effet commencé
à courir à partir de la remise des extincteurs prêts à l'emploi le 20 octobre
1995 et été interrompu valablement pour la dernière fois le 2 décembre 1996
dans le cadre de la poursuite introduite contre la défenderesse.

3.2 La demanderesse, qui conteste la qualification de contrat d'entreprise
retenue par la cour cantonale, au motif qu'il n'y aurait pas d'ouvrage, fonde
son argumentation sur un état de fait rectifié conformément à la thèse
qu'elle a soutenue dans le cadre du recours de droit public. Ce dernier, sur
lequel le Tribunal fédéral est d'abord entré en matière conformément à la
règle générale de l'art. 57 al. 5 OJ, a toutefois été rejeté par arrêt de ce
jour. Il convient donc de s'en tenir aux constatations de fait résultant de
la décision cantonale dans l'examen du présent recours, notamment en ce qui
concerne le contenu du contrat liant les plaideurs. Seules la qualification
et la portée juridiques de ce que les parties ont voulu peuvent être revues
par le Tribunal fédéral (art. 43, 63 al. 3 OJ).

4.
Selon l'art. 363 CO, le contrat d'entreprise est un contrat par lequel une
des parties (l'entrepreneur) s'oblige à exécuter un ouvrage, moyennant un
prix que l'autre partie (le maître) s'engage à lui payer.

Outre le paiement d'un prix, élément qui n'est nullement discuté en l'espèce,
l'exécution d'un ouvrage constitue la prestation caractéristique du contrat
d'entreprise. L'ouvrage se définit comme le résultat d'une activité. La
nature de l'activité n'intervient pas dans la définition. Elle peut être
intellectuelle ou physique, humaine ou mécanique, durable ou non, difficile
ou non. Il est sans pertinence que l'entrepreneur doive ou non fournir des
matériaux, qu'il soit ou non propriétaire de l'ouvrage jusqu'à sa livraison.
En revanche, il est nécessaire, pour qu'il y ait ouvrage, que l'activité
produise un résultat qui sera fourni au maître (Corboz, Contrat d'entreprise,
Généralités, in FJS 458, p. 9). Depuis l'ATF 109 II 34 - après un changement
temporaire de jurisprudence - le Tribunal fédéral considère que l'ouvrage au
sens des art. 363 ss CO peut revêtir une forme aussi bien matérielle
qu'immatérielle et consister, par exemple, dans l'organisation d'un spectacle
(ATF 127 III 328 consid. 2a et les arrêts cités).

L'ouvrage peut consister non seulement à créer une chose nouvelle, mais
encore, le point n'est pas contesté, à transformer une chose existante, à
l'agrandir, l'améliorer, la rénover, lui conférer des propriétés nouvelles
(Corboz, op. cit., p. 9 et 11). Entrent également dans la notion d'"exécution
d'ouvrage" les travaux de montage, de réparation, de nettoyage, de
vérification (ATF 116 II 454; 113 II 421 consid. 1; 92 II 328; Gauch, Le
contrat d'entreprise, n° 28 et 29).

La qualification du contrat s'opère en analysant les prestations conclues in
concreto (Corboz, op. cit., p. 3, note 8)

En l'occurrence, la cour cantonale a retenu que l'objet du contrat résidait
dans le bon fonctionnement des extincteurs en cas d'incendie. Avec elle, on
doit admettre que cela constitue une activité dont le résultat,
objectivement mesurable, peut être garanti (Chaix, Commentaire romand, n° 9
ad art. 363 CO; cf. aussi, a contrario, pour des activités de contrôle de
marchandise, arrêt 4C.141/1994 du 23. août 1994, consid. 2). En l'absence de
tout élément de durée pouvant impliquer d'éventuels conseils sur les mesures
à prendre pour la lutte contre l'incendie et l'entretien à long terme des
extincteurs, on ne peut que confirmer la qualification juridique de contrat
d'entreprise (Tercier, Les contrats spéciaux, 3e éd., n° 3878 ss; Gauch, op.
cit., n° 323; cf. aussi Chaix, op. cit., n° 24 ad art. 363 CO).

5.
Le contrat d'entreprise se distingue par le régime applicable à la garantie
des défauts, singulièrement en ce qui concerne les délais de prescription,
qui sont raccourcis par rapport aux dispositions générales, comme en matière
de vente. La demanderesse ne dirige aucun grief à l'encontre de l'arrêt
attaqué en ce qui concerne le délai applicable, le point de départ de
celui-ci et son interruption dans l'hypothèse du rejet de son moyen tiré de
l'absence de contrat d'entreprise. Il n'y a pas lieu de revenir sur ces
points (art. 55 al. 1 let. c OJ).

6.
La prescription étant atteinte, il n'y pas lieu non plus d'entrer en matière
sur les arguments de la demanderesse à propos de la réalisation des autres
conditions de ses prétentions en dommages-intérêts.

7.
Vu l'issue de la cause, la recourante supportera les frais de justice et
versera une indemnité de dépens à l'intimée (art. 156 al. 1, 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 3'000 fr. est mis à la charge de la recourante.

3.
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 3'500 fr. à titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 22 juin 2004

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:

l


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.69/2004
Date de la décision : 22/06/2004
1re cour civile

Analyses

Contrat ayant pour objet la révision d'extincteurs; nature juridique: contrat d'entretien ou contrat d'entreprise? En l'absence de tout élément de durée pouvant impliquer d'éventuels conseils sur les mesures à prendre pour la lutte contre l'incendie et l'entretien à long terme des extincteurs, un contrat portant sur la révision ponctuelle de tels appareils doit être qualifié de contrat d'entreprise (consid. 4). Conséquences sur les délais de prescription applicables à la garantie des défauts (consid. 3 et 5).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2004-06-22;4c.69.2004 ?
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