La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/05/2004 | SUISSE | N°1P.622/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 26 mai 2004, 1P.622/2003


{T 1/2}
1P.622/2003 /col

Séance du 26 mai 2004
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du Tribunal
fédéral, Nay, Vice-président du Tribunal fédéral, Aeschlimann, Reeb, Féraud,
Fonjallaz
et Eusebio.
Greffier: M. Kurz.

ASLOCA, Association genevoise de défense des locataires, boulevard Helvétique
27, 1205 Genève,
Comité d'initiative IN 120, 1-3, rue Chantepoulet,
1201 Genève,
Henri Gilliéron, boulevard des Promenades 6,
1227 Carouge GE,
Pierre Gr

iessen, promenade des Artisans 2,
1217 Meyrin,
Nathalie Landry, route de Sous-Moulin 9,
1225 Chêne-Bourg,
Al...

{T 1/2}
1P.622/2003 /col

Séance du 26 mai 2004
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du Tribunal
fédéral, Nay, Vice-président du Tribunal fédéral, Aeschlimann, Reeb, Féraud,
Fonjallaz
et Eusebio.
Greffier: M. Kurz.

ASLOCA, Association genevoise de défense des locataires, boulevard Helvétique
27, 1205 Genève,
Comité d'initiative IN 120, 1-3, rue Chantepoulet,
1201 Genève,
Henri Gilliéron, boulevard des Promenades 6,
1227 Carouge GE,
Pierre Griessen, promenade des Artisans 2,
1217 Meyrin,
Nathalie Landry, route de Sous-Moulin 9,
1225 Chêne-Bourg,
Albert Otter, chemin Blondel 9, 1212 Grand-Lancy,
Karine Thabuis, rue Baulacre 11, 1202 Genève,
recourants, représentés par Me Irène Buche, avocate, rue du Lac 12, case
postale 6150, 1211 Genève 6,

contre

Grand Conseil du canton de Genève, Chancellerie d'Etat, rue de
l'Hôtel-de-Ville 2, case postale 3964,
1211 Genève 3.
initiative populaire IN 120 "Pour la sauvegarde et le ren-forcement des
droits des locataires et des habitant-e-s de quartiers", unité du genre et de
la matière,
recours de droit public contre la décision du Grand Conseil du canton de
Genève du 18 septembre 2003.

Faits:

A.
Le 8 janvier 2003, le Conseil d'Etat du canton de Genève a constaté
l'aboutissement de l'initiative populaire IN 120, intitulée "Pour la
sauvegarde et le renforcement des droits des locataires et des habitant-e-s
de quartiers". Lancée par le comité "Droits des locataires" et munie de plus
de 10'000 signatures, cette initiative tend à l'adjonction, dans la
constitution genevoise, des dispositions suivantes:
Art. 53 A Référendum obligatoire (nouvelle teneur de la note),

al. 2 (nouveau)

2Est également soumise obligatoirement à l'approbation du Conseil général
(corps électoral) toute modification à l'une des lois de protection des
locataires et des habitants de quartier énumérées à l'article 160 I.

Titre X E Logement et protection des locataires et des habitants (nouveau,
comprenant les art. 160 D à 160 I)

Art. 160 D Droits des locataires et des habitants (nouveau)

1Les dispositions du présent titre, qui complètent l'article 10 A sur le
droit au logement, sont l'expression du droit d'initiative exercé par le
passé et visent à institutionnaliser une législation comportant des mesures
d'encouragement à la construction de logements locatifs ainsi que de
protection des locataires, de l'habitat et du cadre de vie dans les quartiers
dans le but de diminuer l'état de dépendance des locataires à l'égard de leur
bailleur, de répondre aux besoins de la population en matière d'habitat, de
lutter contre la spéculation immobilière et de favoriser la participation des
habitants des quartiers à la préservation de leur cadre de vie.

2Le droit d'intervention et de recours, dans le cadre des lois concernant
l'habitat, l'aménagement du territoire et la protection du patrimoine est
garanti aux communes concernées et aux associations à but idéal d'importance
cantonale ou de quartier, lorsque ces dernières existent depuis plus de 3
ans, ayant pour vocation de promouvoir la défense des locataires, des
habitants, de l'environnement, de l'aménagement du territoire, du patrimoine
ou de la qualité de vie dans les quartiers.

Art. 160 E Logements répondant aux besoins de la population (nouveau)

Pour favoriser la construction de logements locatifs d'utilité publique
garantissant à long terme des loyers répondant aux besoins de la majorité de
la population, l'Etat prend les mesures suivantes:

a) il accorde son appui financier en faveur de logements bon marché, qui
doivent dépendre de fondations de droit public si cette aide est
prépondérante;

b) il accorde son aide en priorité à des logements dépendant de collectivités
publiques ou d'organismes, notamment des coopératives, ne poursuivant pas de
but lucratif;

c) il crée des zones de développement, soumises à l'adoption d'un plan de
quartier, dont les surfaces bâties devront comporter (sauf exception
justifiée) 75% au moins de logements à des loyers accessibles à la majorité
de la population, avec une forte proportion de logements bon marché, le solde
pouvant être affecté aux activités, aux logements en propriété par étage ou
en loyer libre. Les plans financiers des immeubles ainsi que le prix du
terrain pris en compte sont approuvés par l'Etat. Le présent paragraphe
s'applique également aux zones de développement existantes, à moins que la
zone en cause ne prévoie d'autres affectations;

d) il instaure un contrôle des loyers sur tous les logements ou locaux
construits par ou avec l'aide de l'Etat ou d'autres collectivités publiques
ou corporations de droit public. Les loyers correspondent à un rendement
équitable des capitaux investis et à la couverture des charges d'exploitation
usuelles. Le contrôle est permanent pour les immeubles construits ou acquis
avec un capital de dotation de l'Etat tant qu'ils sont propriété de celui-ci,
de fondations ou de corporations de droit public; il s'applique initialement
aux autres immeubles pendant la durée de l'aide consentie ainsi que durant
une période de 20 ans pour les immeubles construits en zone de développement;
il continue à s'appliquer ensuite pendant une période de 5 ans, au début de
laquelle l'autorité compétente calcule la hausse éventuelle des loyers qui
résulterait, pendant ce laps de temps, du passage au droit fédéral, et
l'échelonne, de sorte que les majorations de loyers n'excèdent pas plus de 5%
par année, sous réserve d'une majoration due à des travaux de plus-value;

e) il n'autorise le déclassement de terrains agricoles pour la construction
des logements que si ces terrains sont soumis aux normes d'une zone de
développement et mis à disposition d'organismes publics ou privés sans but
lucratif et si leur valeur n'excède pas 100 fr. le m2, indexé au coût de la
vie;

f) il acquiert des terrains notamment par l'exercice de son droit de
préemption et les met à disposition d'organismes publics ou privés sans but
lucratif, dans le but de construire des logements bon marché.

Article 160 F Démolitions, transformations, rénovations et ventes
d'appartements (nouveau)

1Afin de préserver l'habitat existant, les démolitions, transformations et
rénovations de maisons d'habitation ne sont autorisées, hormis les villas,
que si la sécurité, la salubrité, l'intérêt public ou l'intérêt général
l'impose et pour autant que les loyers, après travaux, qui seront soumis au
contrôle de l'Etat durant 3 à 10 ans selon leur importance, répondent aux
besoins prépondérants de la population, c'est-à-dire ne dépassent pas, sauf
circonstance particulière, un loyer compris entre 2'400 fr. et 3'225 fr. la
pièce l'an. Ces montants sont susceptibles d'être révisés tous les 2 ans par
le Conseil d'Etat en fonction de l'évolution du revenu brut fiscal médian des
contribuables physiques.

2Les changements d'affectation d'un logement sont interdits sous réserve
d'une compensation ne portant pas atteinte au degré d'habitat du secteur
concerné. L'autorité compétente est tenue d'ordonner le rétablissement de
tout logement ayant changé d'affectation sans avoir bénéficié d'une
autorisation en bonne et due forme depuis que la législation applicable dans
ce domaine est en force.

3L'aliénation, sous quelque forme que ce soit, d'un appartement de moins de 8
pièces à usage d'habitation, jusqu'alors offert en location, est soumise à
autorisation tant que le taux général des logements locatifs vacants
répondant aux besoins prépondérants de la population n'atteint pas 2%.
L'autorité compétente refuse l'autorisation lorsqu'un motif d'intérêt public
ou général s'y oppose. Une autorisation d'acquisition peut être accordée pour
l'un des motifs suivants:

a) l'appartement n'a jamais été loué;
b) l'appartement a été, dès sa construction, soumis au régime de la propriété
par étage ou un régime analogue et a été cédé de manière individualisée avant
le 30 mars 1985 ou en vertu d'une autorisation délivrée depuis lors;
c) l'appartement est acquis par un locataire en place depuis plus de 3 ans,
si 60% des autres locataires de l'immeuble acceptent cette acquisition, suite
à leur consultation par l'autorité compétente.

Art. 160 G Préservation de l'habitat (nouveau)

1Afin de maintenir et de rétablir l'habitat dans les zones urbaines et d'y
favoriser une implantation des activités qui soit harmonieuse et équilibrée,
tout en assurant une qualité de vie appropriée aux habitants, les communes
élaborent en collaboration avec l'Etat des plans d'utilisation du sol
approuvés par leur Conseil municipal et dont la conformité avec le plan
directeur cantonal est vérifiée par le Conseil d'Etat.

2Ces plans fixent l'affectation du territoire communal. Les terrains
constructibles sont répartis par secteurs, soumis à des taux d'utilisation du
sol garantissant des espaces verts et des taux de répartition entre
logements, activités, selon leur nature, et équipements d'intérêt public.

3En ville de Genève, le taux de logements doit atteindre 70% dans les
quartiers d'habitation.

Art. 160 H Tribunal des baux et loyers et procédure administrative (nouveau)

1Un tribunal des baux et loyers, formé d'un juge de métier - respectivement
de 3 juges de métier en appel - et de deux juges assesseurs, choisis l'un par
les groupements représentatifs des locataires et l'autre par les milieux
immobiliers, est compétent pour statuer sur l'ensemble des litiges entre
bailleurs et locataires.

2Les recours contre les décisions relevant des dispositions légales relatives
à la démolition, transformation et rénovation d'une maison d'habitation sont
de la compétence, en première instance, d'une commission de recours puis du
Tribunal administratif, ceux relatifs aux dispositions applicables aux
immeubles soumis au contrôle cantonal des loyers relèvent directement du
Tribunal administratif. Ces instances siègent, dans ces domaines, à 3 juges
et 2 juges assesseurs choisis parmi les groupements représentatifs des
locataires et des milieux immobiliers.

3Les procédures relevant des juridictions précitées sont gratuites. Elles
sont précédées, pour celles relevant du Tribunal des baux et loyers, d'une
tentative obligatoire de conciliation devant la Commission de conciliation en
matière de baux, qui fonctionne dans la même composition que le Tribunal des
baux et loyers.
Art. 160 I Référendum obligatoire (nouveau)

Pour garantir la volonté populaire et les effets du droit d'initiative exercé
par le passé dans le domaine d'application des articles 160 D à 160 H, toute
modification des lois y relatives, qui ont été adoptées par le Peuple à la
suite d'une initiative populaire, doit être soumise obligatoirement à
votation populaire. Il s'agit des lois suivantes dans leur état exécutoire au
jour du dépôt de l'initiative populaire à l'origine du présent article:

a) la loi modifiant diverses lois concernant le Tribunal des baux et loyers,
à savoir les articles 29, 30, 35 B et 56 A à 56 D de la loi d'organisation
judiciaire et les articles 426 à 448 de la loi de procédure civile, du 4
décembre 1977;
b) la loi instituant la commission de conciliation en matière de baux et
loyers, du 4 décembre 1977;
c) la loi générale sur le logement et la protection des locataires, du 4
décembre 1977;
d) la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons
d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi), du
25 janvier 1996;
e) la loi sur les plans d'utilisation du sol, à savoir les articles 15 A à G
de la loi sur l'extension des voies de communication et l'aménagement des
quartiers ou localités, du 26 juin 1983.

Art. 182 al. 2 à 4 (nouveaux) Disposition transitoire

2Les articles 160D à 160H s'appliquent avec effet immédiat dès leur adoption
en votation populaire, si nécessaire en dérogation à la législation
existante.

3Les modifications des lois visées par l'article 160 I adoptées entre le
dépôt de l'initiative populaire à l'origine de l'article 160 I et l'entrée en
vigueur de cet article, sont soumises au référendum populaire obligatoire
dans les quatre mois qui suivent l'adoption de l'initiative. A défaut, elles
sont annulées de plein droit.

4Si la votation populaire prévue à l'alinéa 3 aboutit à une annulation de la
modification légale, cette annulation prend effet à la date de la votation
populaire et s'applique aux procédures pendantes devant l'autorité
administrative et aux décisions qui ne sont pas entrées en force, notamment
pour cause de recours. La même règle vaut en cas d'annulation de plein droit
d'une modification légale.
Selon les initiants, ces dispositions représentaient un acquis populaire en
matière de protection des locataires, résultant notamment de quatre
initiatives approuvées par le peuple genevois. On ne devrait pas pouvoir
revenir sur la volonté des citoyens sans leur consentement.

B.
Dans son rapport du 19 mars 2003 sur la validité de cette initiative, le
Conseil d'Etat a considéré que les principes d'unité de la matière, de la
forme et du genre étaient respectés. Certaines dispositions se prêtaient à
une interprétation conforme (art. 160 D let. c et d. Cst./GE). D'autres
posaient un problème de conformité avec le droit supérieur: la mise à
disposition des terrains déclassés à des organismes sans but lucratif (art.
160 E let. e, 2ème tiret Cst./GE) était disproportionnée, de même que
l'exigence de remise en état, inconditionnelle et illimitée dans le temps
(art. 160 F al. 2 Cst./GE); le taux de logement de 70% au moins dans les
quartiers d'habitation (art. 160 G al. 3 Cst./GE) ne pouvait être fixé que
par un plan d'utilisation du sol conforme à la LAT. Le taux de logements
subventionnés de 75% en zone de développement (contre 2/3
actuellement) était
excessif (art. 160 E let. c), de même que la durée du contrôle des loyers, de
20 ans (let. d). La démarche tendant à intégrer dans la constitution (art.
160 F al. 1, al. 2 première phrase et al. 3) diverses normes de la loi sur
les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation
(LDTR), était jugée comme superflue. L'art. 160 H al. 2 Cst./GE remettait en
cause la récente réforme de la procédure administrative (composition du
Tribunal administratif et gratuité des procédures). Les dispositions sur le
référendum permettaient d'assurer, en vertu du parallélisme des formes, que
les lois sur lesquelles le peuple s'était prononcé à la suite d'une
initiative populaire, ne soient modifiées ou abrogées qu'avec son
consentement; cela ne se justifiait pas en revanche pour les lois qui avaient
été adoptées, ou largement remaniées par le parlement, sans référendum. Le
Grand Conseil était invité à rejeter l'initiative.

C.
Dans son rapport de majorité du 26 août 2003, la Commission législative du
Grand Conseil a considéré que l'IN 120 ne respectait pas les principes
d'unité du genre et de la matière; l'élévation de normes législatives au rang
constitutionnel, afin d'en rendre le changement plus difficile, constituait
en outre un abus de droit. Par leur complexité et leur diversité, les
nouvelles dispositions constitutionnelles n'étaient pas compréhensibles pour
le citoyen appelé à signer l'initiative.

D.
Lors de sa séance du 18 septembre 2003, le Grand Conseil genevois a refusé de
renvoyer l'initiative à la Commission législative; appelé à se prononcer en
premier lieu sur le respect de l'unité du genre, il a déclaré nulle l'IN 120.
Cette décision, publiée sans motivation dans la Feuille d'avis officielle du
24 septembre 2003, fait l'objet d'un recours de droit public pour violation
des droits politiques de la part de l'ASLOCA, Association genevoise de
défense des locataires, du Comité d'initiative IN 120 ainsi que de cinq
citoyens et citoyennes genevois. Ceux-ci demandent au Tribunal fédéral
d'annuler la décision du Grand Conseil et d'inviter ce dernier à examiner
l'initiative sur le fond.
Le Grand Conseil conclut à l'irrecevabilité du grief relatif à l'unité du
genre, et au rejet du recours en considérant que le principe d'unité de la
matière ne serait pas non plus respecté.
En réplique, les recourants proposent notamment de soumettre à la votation
populaire le seul art. 160 I Cst./GE, qui constituerait un élément essentiel
de l'initiative. Le Grand Conseil a dupliqué.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
En vertu de l'art. 85 let. a OJ, le Tribunal fédéral connaît des recours de
droit public concernant le droit de vote des citoyens et de ceux qui ont
trait aux élections et aux votations cantonales, quelles que soient les
dispositions de la constitution cantonale et du droit fédéral régissant la
matière.

1.1 A l'instar du recours de droit public pour violation des droits
constitutionnels, le recours pour violation des droits politiques suppose
l'épuisement des voies de droit cantonal. Dès lors qu'il n'existe pas, en
droit genevois, de recours contre l'invalidation d'une initiative populaire
par le Grand Conseil, cette exigence est respectée.

1.2 Le recours institué par l'art. 85 let. a OJ permet au citoyen de se
plaindre de ce qu'une initiative a été indûment soustraite au scrutin
populaire, notamment parce qu'elle a été déclarée totalement ou partiellement
invalide par l'autorité cantonale chargée de cet examen, et quelle que soit
la motivation de cette décision d'invalidation. La qualité pour recourir dans
ce domaine appartient alors à toute personne à laquelle la législation
cantonale accorde l'exercice des droits politiques pour participer à la
votation en cause, même si elle n'a aucun intérêt juridique personnel à
l'annulation de l'acte attaqué (ATF 128 I 190 consid. 1 p. 192; 121 I 138
consid. 1 p. 139; 357 consid. 2a p. 360). La jurisprudence reconnaît
également la qualité pour recourir pour violation du droit de vote aux partis
politiques et aux organisations à caractère politique formées pour
l'occasion, à la condition qu'ils exercent leur activité dans la collectivité
publique concernée par l'élection ou la votation en cause et qu'ils soient
constitués en personne morale (ATF 121 I 334 consid. 1a p. 337; 115 Ia 148
consid. 1b p. 153; 114 Ia 267 consid. 1c p. 270; 112 Ia 208 consid. 1a p.
211).
La qualité pour agir des recourants agissant à titre personnel, électeurs
dans le canton de Genève, est indiscutable. Il en va de même pour le comité
d'initiative, constitué en personne morale, ainsi que pour l'Asloca, qui a
soutenu l'initiative aux côtés de divers groupements et partis politiques.

1.3 Dans le recours initial, les recourants rappellent que les votes sur la
recevabilité, au sein de la Commission législative, ont donné lieu à une
égalité des voix, de sorte qu'il n'y aurait pas de prise de position de la
part de cette commission. Les recourants estiment que l'exigence d'unité du
genre serait à l'évidence respectée, puisque l'initiative est exclusivement
de rang constitutionnel. L'essentiel du recours est ensuite consacré à la
règle d'unité de la matière; le grief est soulevé à titre subsidiaire,
puisque la décision du Grand Conseil est muette sur ce point. Les recourants
contestent enfin l'existence d'un abus du droit d'initiative.

1.3.1 Le Grand Conseil estime que le recours serait insuffisamment motivé sur
la question de l'unité du genre. Il relève que sa décision d'invalidation
serait aussi fondée sur l'irrespect de l'unité de la matière, ainsi que
l'existence d'un abus de droit; le Tribunal fédéral est donc également invité
à examiner ces questions.

1.3.2 Telle qu'elle est publiée dans la Feuille des avis officielle, la
décision d'invalidation n'est pas motivée. Compte tenu de la procédure
suivie, et de l'issue des délibérations du Grand Conseil, les recourants
pouvaient certes supposer que la majorité des députés avait suivi l'avis
exprimé dans le rapport de majorité de la Commission législative, et reconnu
que l'initiative ne respectait pas la règle de l'unité du genre. Les débats
du Grand Conseil montrent toutefois que les autres conditions de recevabilité
de l'initiative ont aussi été abordées, de sorte qu'en s'exprimant sur la
première question qui leur était soumise, soit l'unité du genre, les députés
ont peut-être exprimé une opinion d'ensemble sur la validité de l'initiative.
Compte tenu de la difficulté de connaître la motivation réelle de la décision
d'invalidation, la jurisprudence constante retient que la motivation de
l'acte attaqué n'intervient, dans un tel cas, qu'avec la réponse de
l'autorité intimée, sans que le Tribunal fédéral n'ait à rechercher si cette
motivation correspond bien aux débats qui se sont tenus devant cette
autorité. Conformément à l'art. 93 al. 2 OJ, un délai est ensuite imparti aux
recourants pour présenter un mémoire complétif, afin de faire valoir leur
droit d'être entendus. Cela permet de suppléer à une carence éventuelle de la
motivation de la décision (Kälin, Das Verfahen der staatsrechtlichen
Beschwerde, Berne 1994 p. 378).

1.3.3 En l'occurrence, la motivation fournie après coup par le Grand Conseil
porte sur l'unité du genre et de la matière, ainsi que sur l'existence d'un
abus de droit. Ces motifs correspondent aux objections soulevées lors des
débats parlementaires. Le Grand Conseil a ajouté des considérations sur la
possibilité de scinder l'initiative, comme le prévoit l'art. 66 al. 3
Cst./GE. Les recourants ont eu l'occasion de s'exprimer sur l'ensemble de ces
questions, de sorte qu'il n'y a pas lieu de limiter l'examen de la présente
cause au seul respect de l'unité du genre. Cette question, fondement
essentiel de la décision attaquée, doit néanmoins être tranchée en premier
lieu.

1.4 Saisi d'un recours pour violation des droits politiques, le Tribunal
fédéral revoit librement l'interprétation et l'application du droit fédéral
et du droit constitutionnel cantonal, ainsi que des dispositions de rang
inférieur qui sont étroitement liées au droit de vote ou en précisent le
contenu et l'étendue (ATF 129 I 185 consid. 2 p. 190); le recours est soumis
aux exigences de motivation de l'art. 90 al. 1 let. b OJ (ATF 129 I 185
consid. 1.6 p. 189 et les arrêts cités).

2.
Le Grand Conseil soutient que le grief relatif à l'unité du genre ne serait
pas suffisamment motivé, les recourants se contentant à cet égard d'une
simple contestation. L'argumentation des recourants tient certes en une
demi-page, mais elle est compréhensible: les recourants relèvent en effet que
l'IN 120 tend exclusivement à une modification de la constitution cantonale,
ce qui suffirait à satisfaire à l'unité du genre. Cette considération
apparaît effectivement suffisante sous l'angle de l'art. 90 al. 1 let. b OJ.
Le Grand Conseil apporte en réponse des explications complémentaires en
estimant que l'initiative proposerait d'inscrire dans la constitution
cantonale des règles de rang législatif, et ne respecterait pas la hiérarchie
des normes. En outre, l'initiative aurait pour effet de modifier tant la
constitution que la loi, puisqu'elle apporterait des modifications à
certaines normes législatives. Les recourants se sont également exprimés sur
ces questions dans leur réplique.

2.1 Selon la règle de l'unité du genre ou du rang - dite également "unité
normative" -, posée notamment à l'art. 66 al. 1 Cst./GE, une initiative
populaire ne peut tendre simultanément à l'adoption de normes qui
appartiennent à des rangs différents (E. Grisel, Les droits populaires au
niveau fédéral, in Thürer/Aubert/Müller, Droit constitutionnel suisse, Zurich
2001, p. 383-411, n. 22 p. 401). Dès lors que l'ordre juridique implique une
hiérarchie des normes et soumet chaque échelon à un contrôle démocratique
distinct, il serait abusif de proposer simultanément une disposition
constitutionnelle et la législation qui la met en oeuvre (E. Grisel,
Initiative et référendum populaires, Traité de la démocratie semi-directe en
Suisse, 3e éd., Berne 2004, n. 674 p. 261-262). Cela découle notamment du
principe de la liberté de vote: le citoyen doit savoir s'il se prononce sur
une modification constitutionnelle ou simplement législative, et doit avoir
le droit, le cas échéant, de se prononcer séparément sur les deux questions
(arrêt 1P.260/1989 du 12 décembre 1989, publié in ZBl 92/1991 164, consid.
5b; cf. aussi Auer, Problèmes et perspectives du droit d'initiative à Genève,
Lausanne 1987, p. 33, et Auer/Malinverni/Hottelier, Droit constitutionnel
suisse, Berne 2000, vol. 1, p. 266).

2.2 Comme l'admet le Grand Conseil, cette exigence est a priori respectée,
puisque l'IN 120 porte exclusivement sur une modification de la constitution
cantonale. Toutefois, l'autorité intimée soutient qu'il y aurait violation de
l'unité du genre en raison du mélange qu'opère l'initiative entre les normes
dites de "sauvegarde", et celles tendant au "renforcement", ce qui aurait
pour effet de modifier à la fois la constitution et, matériellement, la loi
genevoises.

2.3 L'initiative ne se limite effectivement pas à porter au rang
constitutionnel des dispositions figurant actuellement dans diverses lois
cantonales. Comme cela ressort de son titre ("sauvegarde et renforcement des
droits des locataires et des habitant-e-s de quartiers"), elle a également
pour objet de modifier matériellement certaines de ces normes législatives.
Sur le vu du rapport du Conseil d'Etat, et des observations du Grand Conseil,
il s'agit en particulier des normes suivantes:
- l'art. 160 E let. a, qui réserve l'aide cantonale prépondérante aux
fondations de droit public, alors que l'art. 1 LGL ne prévoit pas une telle
limite;
- l'art. 160 E let. c, qui impose 75 % de logements sociaux en zone de
développement (contre 2/3 selon la pratique habituelle du Conseil d'Etat);

- l'art. 160 E let. d, qui fait passer la durée du contrôle des loyers,
en zone de développement, à 20 ans (contre 10 ans selon l'actuel art. 5 al. 3
LGZD);

- l'art. 160 E let. e, qui fixe de nouvelles conditions de
déclassement, notamment le prix du terrain;

- l'art. 160 F al. 2 2e phrase, qui prévoit le rétablissement
inconditionnel des logements ayant changé d'affectation sans autorisation;

- l'art. 160 G al. 3 qui fixe à 70 % le taux de logements dans les
quartiers d'habitation de la ville de Genève;

- l'art. 160 H al. 2 qui impose la présence de deux assesseurs
représentatifs des locataires et des milieux immobiliers, alors qu'en
particulier le Tribunal administratif siège ordinairement avec cinq juges;
- l'art. 160 H al. 3 qui impose la gratuité des procédures.
Ces modifications matérielles posent certes un problème de technique
législative: dès lors que les dispositions législatives originales ne sont
pas formellement modifiées, l'adoption des normes proposées par l'initiative
conduira à la coexistence de dispositions réglant, sur deux niveaux
différents, les mêmes problèmes, en apportant des solutions partiellement
différentes. Cela étant, aucune règle constitutionnelle n'interdit d'inscrire
dans la constitution une disposition figurant jusqu'alors dans une loi, même
en la modifiant au passage. Le conflit qui peut en résulter doit évidemment
être résolu en faveur de la norme constitutionnelle; c'est d'ailleurs ce que
prévoit l'initiative selon la nouvelle teneur de l'art. 182 al. 2 Cst./GE. Il
n'est pas rare qu'une initiative constitutionnelle implique, en cas
d'acceptation, une révision d'actes de rang inférieur, sans pour autant que
l'unité du genre ne soit violée (ATF 128 I 190 consid. 3.1 concernant la
caducité d'autorisations de construire en cas d'acceptation d'une initiative
législative); tel est fréquemment le cas lorsque les initiants ne disposent -
comme en matière fédérale -, que de l'initiative constitutionnelle pour
réaliser leur objectif.
Du point de vue de l'unité du genre, le mélange entre
dispositions de sauvegarde et de renforcement n'est pas critiquable.

2.4 Par ailleurs, contrairement à ce que soutient le Grand Conseil, le
contenu de l'IN 120 n'est pas non plus incompatible avec la notion même de
constitution. Il est certes souhaitable que la constitution formelle coïncide
avec la notion de constitution matérielle, et regroupe l'ensemble des règles
les plus importantes relatives à l'Etat, c'est-à-dire les dispositions sur la
structure, l'organisation, l'activité de l'Etat et les limites du pouvoir
(cf. Aubert, Notion et fonctions de la Constitution, in Thürer/Aubert/Müller,
op. cit., p. 3-16; Auer/Malinverni/Hottelier, op. cit., n. 1371 p. 480).
Toutefois, outre les exigences démocratiques et la possibilité de révision
(art. 51 al. 1 Cst., art. 179 Cst./GE), le droit constitutionnel fédéral ne
pose aucune limite quant au contenu d'une constitution cantonale (cf. Auer,
Sans délais et sans limites? L'initiative populaire à la croisée des chemins,
Genève 2001, p. 83 ss). La constitution genevoise est elle aussi muette quant
à son propre contenu, et ne pose par conséquent pas de limite inférieure à sa
révisibilité. Elle contient d'ailleurs des dispositions fort détaillées,
notamment de procédure pénale (art. 14-37), dont le caractère fondamental
n'est pas évident, et que l'on retrouve textuellement dans le code genevois
de procédure pénale.
L'IN 120 regroupe des dispositions définissant des tâches de l'Etat, fixant
des règles de procédure et élargissant les droits populaires en instaurant un
référendum obligatoire pour la révision de certaines lois. Même si, en raison
de leur complexité et de leur longueur, ces dispositions peuvent avoir un
impact négatif sur la lisibilité de la constitution cantonale, il n'y a pas
de raison d'ordre constitutionnel de refuser leur insertion dans la norme
fondamentale cantonale. C'est en définitive au Constituant qu'il appartient
de décider des normes qu'il considère comme essentielles, en acceptant ou non
leur insertion dans la constitution cantonale.
Le Grand Conseil redoute également que l'insertion de dispositions du genre
de celles proposées par l'initiative aboutisse à une paralysie de l'action
législative; il s'agit toutefois là aussi d'un choix que le Constituant
cantonal est libre de faire, s'il entend soustraire certaines dispositions
aux atteintes du législateur ordinaire (Aubert, op. cit., n. 35 p. 13).

2.5 L'argument relatif à l'unité du rang ne saurait ainsi suffire pour
justifier la décision du Grand Conseil. Il y a lieu, dès lors, de
s'interroger sur la question de l'unité de la matière, voire, le cas échéant,
sur l'existence d'un abus du droit d'initiative.

3.
L'exigence d'unité de la matière découle de la liberté de vote et, en
particulier, du droit à la libre formation de l'opinion des citoyens et à
l'expression fidèle et sûre de leur volonté (art. 34 al. 2 Cst.). Cette
exigence interdit de mêler, dans un même objet soumis au peuple, plusieurs
propositions de nature ou de but différents, qui forceraient ainsi le citoyen
à une approbation ou à une opposition globales, alors qu'il pourrait n'être
d'accord qu'avec une partie des propositions qui lui sont soumises (ATF 90 I
69 consid. 2c p. 74). Il doit ainsi exister, entre les diverses parties d'une
initiative soumise au peuple, un rapport intrinsèque ainsi qu'une unité de
but (ATF 129 I 366 consid. 2.3 p. 371; 128 I 190 consid. 3.2 p. 197; 125 I
227 consid. 3c p. 231; 123 I 63 consid. 4b p. 71 et les arrêts cités),
c'est-à-dire un rapport de connexité qui fasse apparaître comme objectivement
justifiée la réunion de plusieurs propositions en une seule question soumise
au vote (ATF 112 Ia 391 consid. 3b p. 395; 104 Ia 215 consid. 2b p. 223-224
concernant le référendum financier). Ce principe est rappelé à l'art. 66 al.
2 Cst./GE, selon lequel il doit exister un "rapport intrinsèque" entre les
diverses parties d'une initiative. Les recourants soutiennent que cette règle
devrait être appliquée de manière plus souple, depuis la révision de la
constitution genevoise de 1992, dont le but était de favoriser les droits
populaires. Toutefois, la notion de "rapport intrinsèque" est commune aux
droits constitutionnels genevois et fédéral, et doit s'interpréter de la même
manière: le principe d'unité de la matière est inhérent à la notion même
d'initiative, celle-ci devant poser une question claire aux citoyens au
moment du vote. Le critère déterminant est donc de savoir si, telle qu'elle
est proposée, l'initiative permet d'exprimer librement la véritable volonté
des citoyens (ATF 129 I 381 consid. 2.1 p. 384; Grisel, Initiative et
référendum populaires, n. 682 p. 264).

3.1 L'exigence d'unité de la matière est plus contraignante à l'égard d'une
initiative portant sur une révision partielle que sur une révision totale de
la constitution, soumise à une procédure propre (ATF 113 Ia 46 consid. 4a p.
52). Il y a lieu également de se montrer plus sévère pour une initiative
rédigée de toutes pièces que pour une initiative non formulée: cette dernière
contient une proposition générale qu'il appartiendra encore au législateur de
concrétiser (ATF 123 I 63 consid. 4b p. 72 et les arrêts cités).
L'IN 120 porte sur une révision partielle de la constitution genevoise. Elle
est rédigée de toutes pièces, ce qui justifie que l'on se montre
particulièrement sévère au regard de l'exigence d'unité de la matière (ATF
129 I 381 consid. 2.2 p. 385; Auer/Malinverni/Hottelier, op. cit., n. 795 p.
264).

3.2 L'unité de la matière est une notion relative qui doit être appréciée en
fonction des circonstances concrètes (ATF 123 I 63 consid. 4 p. 70 ss). Une
initiative se présentant comme un ensemble de propositions diverses, certes
toutes orientées vers un même but, mais recouvrant des domaines aussi divers
qu'une politique économique, une réforme fiscale, le développement de la
formation, la réduction du temps de travail, la réinsertion des sans-emploi,
etc., viole la règle de l'unité de la matière (ATF 123 I 63 consid. 5 p.
73/74). En revanche, une initiative populaire peut mettre en oeuvre des
moyens variés, pour autant que ceux-ci sont rattachés sans artifice à l'idée
centrale défendue par les initiants (ATF 125 I 227 consid. 3c p. 231).
L'unité de la matière fait ainsi défaut lorsque l'initiative présente en
réalité un programme politique général (ATF 123 I 63 consid. 5 p. 73/74),
lorsqu'il n'y a pas de rapport suffisamment étroit entre les différentes
propositions, ou encore lorsque celles-ci sont réunies de manière
artificielle ou subjective (ATF 123 I 63 consid. 4d p. 73 et consid. 5 p.
73/74 ainsi que la doctrine citée). On peut, parmi les exemples de la
jurisprudence récente, citer les affaires suivantes:
- dans son arrêt Beer, le Tribunal fédéral a confirmé qu'une initiative
législative non formulée (IN 105) comprenant onze chapitres concernant la
favorisation de l'emploi, la lutte contre le chômage et la réforme de la
fiscalité, ne respectait pas l'unité de la matière, faute d'un rapport étroit
entre la multitude de propositions qu'elle contenait (ATF 123 I 63 consid. 5
p. 73-74);
- le Tribunal fédéral a en revanche considéré que l'unité de la matière était
respectée dans le cas de l'initiative genevoise IN 109, qui concernait la
politique de paix et envisageait divers moyens comme la réduction des
dépenses militaires, la prévention des conflits et le développement de moyens
non militaires pour assurer la sécurité de la population (ATF 125 I 227
consid. 3 p. 230). Le fil conducteur se retrouvait tout au long du texte de
l'initiative;
- l'initiative genevoise IN 118 concernait le redimensionnement du stade de
la Praille, une réduction de la subvention de l'Etat et la renonciation au
centre commercial situé dans le périmètre; les diverses propositions
tendaient toutes à remettre en cause un projet défini, de sorte que le
principe d'unité de la matière était respecté (ATF 128 I 190 consid. 3.2 p.
196);
- dans l'arrêt Schäppi (ATF 129 I 366), le Tribunal fédéral a considéré que
les quatre dispositions constitutionnelles proposées tendaient au même but,
soit à réaménager les rapports entre les églises et l'Etat. Les trois
domaines visés (autonomie des églises, financement et reconnaissance
étatique) étaient en étroite connexité;
- enfin, le Tribunal fédéral a confirmé la décision du Grand Conseil genevois
invalidant l'IN 119 intitulée "Pour une caisse-maladie publique à but social
et la défense du service public"; celle-ci comportait deux volets distincts,
soit, d'une part, la création d'un établissement cantonal d'assurance-maladie
comportant des règles détaillées de gestion et, d'autre part, la soumission
au référendum facultatif de toute décision relative à la privatisation ou au
transfert des activités de l'Etat, les deux projets étant de nature distincte
(ATF 129 I 381).

3.3 En l'occurrence, l'IN 120 vise un renforcement des droits politiques par
l'instauration du référendum obligatoire pour la modification de certaines
lois touchant à la protection des locataires. Son objet n'est toutefois pas
limité à cette démarche d'ordre formel (soit les art. 53 A et 160 I de
l'initiative, pour lesquels l'unité de la matière serait respectée),
puisqu'elle vise à l'élévation au rang constitutionnel de l'ensemble de ces
normes, ainsi qu'à une modification matérielle de certaines d'entre elles.

3.4 L'initiative apparaît multiple dans ses buts déjà, puisqu'elle vise la
sauvegarde et le renforcement des droits des locataires et des habitants de
quartiers. Elle s'attaque ainsi à la problématique, très réelle à Genève, de
la pénurie de logements et du coût des loyers, les dispositions du nouveau
titre étant ainsi censées compléter l'art. 10 A de la constitution genevoise
sur le droit au logement. Si l'encouragement à la construction de logements,
la lutte contre la spéculation immobilière et la protection des locataires
(art. 160 E et F) apparaissent comme des objectifs ayant un rapport de
connexité, il n'en va pas de même de la protection de l'habitat et du cadre
de vie des habitants de quartiers prévue à l'art. 160 G de l'initiative.
Cette dernière disposition tend à assurer une certaine qualité de vie aux
habitants de quartiers en garantissant une répartition harmonieuse et
équilibrée des activités, ainsi que des espaces verts. Cet objectif est
d'ordre beaucoup plus général; il concerne non seulement les locataires, mais
tous les habitants des agglomérations du canton de Genève - y compris les
propriétaires ou les locataires de logements pour lesquels il n'y a pas
pénurie - et tend ainsi à s'appliquer à l'ensemble de la population
genevoise, en visant le maintien d'un niveau de vie général. De ce point de
vue déjà, l'initiative poursuit deux buts distincts, dont la réunion ne
s'impose pas d'un point de vue objectif.

3.5 Comme cela est relevé ci-dessus, les initiants tentent, par leur
démarche, de protéger certaines dispositions légales contre leur abrogation
par le Grand Conseil, tout en apportant des modifications matérielles à ces
dispositions. Les moyens généraux mis en oeuvre sont eux aussi très
différents puisque l'initiative tend à un renforcement matériel des droits
des locataires, mais aussi à un élargissement des droits politiques de
l'ensemble des citoyens. La solution la plus logique, pour arriver à ces
fins, eût été d'agir par voie d'une ou de plusieurs initiatives législatives
(art. 65B Cst./GE) afin de proposer les modifications matérielles de la
législation existante et, par la voie de l'initiative constitutionnelle (art.
65A Cst./GE) pour instaurer le référendum obligatoire pour toute modification
de ces normes, comme le fait l'art. 160 I de l'initiative. Sans doute motivés
par une certaine urgence (ainsi qu'en témoigne la teneur des dispositions
transitoires de l'initiative), les initiants ont tenté de faire l'économie de
ces différentes démarches; leur réunion en un seul texte constitutionnel
apparaît dès lors purement artificielle et sans lien logique: il est
parfaitement concevable que les personnes par principe favorables à un
élargissement des droits politiques soient opposées au renforcement des
droits des locataires et des habitants de quartiers, tel que préconisé par
l'initiative.
Le mélange opéré par les initiants comporte aussi l'inconvénient que
l'électeur (en tout cas au moment de la récolte des signatures) n'est pas
rendu attentif aux changements matériels apportés à la réglementation
actuelle. Les explications figurant dans le formulaire de signatures
n'évoquent nullement ces changements matériels, de sorte que les signataires
n'étaient pas en mesure d'apprécier la portée de leur soutien. Il y a sur ce
point un manque de transparence préjudiciable aux droits politiques du
citoyen.

3.6 Le texte de l'initiative frappe d'emblée par sa longueur. Sous le titre X
E affecté au logement et à la protection des locataires et des habitants,
l'initiative comporte six dispositions consacrées au droit d'intervention et
de recours des communes et associations (art. 160 D al. 2), à la construction
de logements répondant aux besoins prépondérants de la population (art. 160
E), aux démolitions, transformations, rénovations et ventes d'appartements
(art. 160 F), à la préservation de l'habitat (art. 160 G), aux procédures de
recours (art. 160 H) et au référendum obligatoire (art. 160 I).
Lorsque les initiants entendent proposer un texte d'une telle envergure, ils
doivent particulièrement veiller à ce que les moyens mis en oeuvre non
seulement soient propres à atteindre le but recherché (principe d'aptitude
découlant de la proportionnalité), mais également ne s'écartent pas d'un fil
conducteur aisément reconnaissable, et présentent entre eux une véritable
cohésion. En l'occurrence, l'exercice est d'emblée difficile puisque le but
poursuivi par l'initiative est lui-même multiple. A supposer que soit
essentiellement visée la protection des locataires, force est d'admettre
que
l'initiative comporte des dispositions de nature trop différente: l'art. 160
E intègre des dispositions de la loi générale sur le logement et la
protection des locataires (LGL; RSG I 4 05) et de la loi générale sur les
zones de développement (LGZD; RSG L 1 35); il prévoit ainsi une aide de
l'Etat à la construction de logements d'utilité publique, assortie d'un
contrôle des loyers durant une période déterminée (cf. art. 1 LGL), ainsi que
la création de zones de développement comportant au moins 75 % de logements
aux loyers accessibles, avec également un contrôle des loyers (art. 5 LGZD).
L'art. 160 F est repris de la loi sur les démolitions, transformations et
rénovations de maisons d'habitation (LDTR; RSG L 5 20), en particulier de ses
art. 1, 5-6, 9-12 (art. 160 F al. 1), 7-8 (art. 160 F al. 2) et 39 (art. 160
F al. 3). L'art. 160 G a son origine dans la réglementation sur les plans
d'utilisation du sol (soit les art. 15A ss de la loi sur l'extension des
voies de communication et l'aménagement des quartiers ou localités [LExt; RSG
L 1 40]). Les dispositions sur les droits des communes et des associations,
ainsi que les règles sur la composition des instances de recours et la
gratuité de la procédure (art. 160 D al. 2 et 160 H) relèvent enfin de
différentes lois d'organisation judiciaire, de procédure civile et
administrative.
Comme l'admettent les recourants, le texte de l'IN 120 reprend la teneur de
deux initiatives populaires: la première, acceptée en 1977, avait pour but de
favoriser la construction de logements et instituer un contrôle renforcé des
loyers; elle a été concrétisée par trois lois (LGL, loi sur le Tribunal des
baux et loyers, loi sur la Commission de conciliation en matière de baux); la
seconde (IN 4814 "Pour la protection de l'habitat et contre les démolitions
abusives"), acceptée en 1983, a été concrétisée par la LDTR et la loi sur les
plans d'utilisation du sol; l'initiative tient compte en outre de deux
modifications apportées à cette dernière loi, également par le biais
d'initiatives populaires. L'IN 120 comporte ainsi des dispositions provenant,
principalement, de quatre lois cantonales différentes, dans des domaines
touchant à la politique du logement et la politique foncière, l'aménagement
du territoire et la procédure administrative, auxquelles viennent s'ajouter
des dispositions sur les droits populaires. Il s'agit d'une juxtaposition
plutôt que d'une complémentarité de moyens.
Ce foisonnement de propositions, ajouté à une diversité de buts et de moyens,
font apparaître l'initiative comme contraire au principe d'unité de la
matière. On se trouve davantage en présence d'une partie de programme
politique que d'une proposition homogène faite aux citoyens.

4.
Lorsqu'une initiative populaire ne respecte pas l'unité de la matière, elle
doit en principe être annulée, entièrement ou partiellement. Cette solution
est adoptée en droit fédéral (art. 75 al. 1 LDP [RS 161.1]), ainsi que,
généralement, dans les cantons, mais elle n'est pas imposée par le droit
constitutionnel fédéral; la scission de l'initiative en plusieurs parties,
soumises à des votes distincts, peut être prévue par le droit cantonal (ATF
129 I 381 consid. 4 p. 387; 123 I 63 consid. 4c p. 72; 81 I 192 consid. 6 p.
201). L'art. 66 al. 2 Cst./GE envisage précisément la scission de
l'initiative qui ne respecte pas l'unité de la matière, pour autant que ses
différentes parties soient en elles-mêmes valides (à savoir lorsque les
exigences de l'unité de la forme, de l'unité du genre et de la conformité au
droit supérieur sont remplies).

4.1 Cela ne signifie pas pour autant que les auteurs d'une initiative
puissent, dans chaque cas, exiger la scission de celle-ci en autant de
parties qu'elle contient de propositions. Admettre un tel mode de procéder
permettrait d'ignorer totalement le principe d'unité de la matière, et de
contourner systématiquement les règles cantonales relatives au nombre de
signatures, ce qui n'est pas admissible. Ainsi, selon la jurisprudence, les
auteurs d'une initiative qui ne respecte pas l'unité de la matière ne
sauraient exiger une scission, permettant de sauver leur démarche - lorsque
ce procédé est admis par le droit cantonal -, à n'importe quelles conditions
(cf. Kölz, Die kantonale Volksinitiative in der Rechtsprechung des
Bundesgerichts, ZBl 83/1982 p. 21). L'abus manifeste ou l'utilisation
insensée des institutions démocratiques n'est pas protégé (ATF 128 I 190
consid. 7.1 p. 204), et un abus du droit d'initiative doit en principe être
sanctionné par la nullité du projet présenté (cf. Wildhaber, Commentaire de
la Constitution fédérale, Bâle/Zurich/Berne 1988, n. 117 ad art. 118 Cst.;
Sameli, Treu und Glauben im öffentlichen Recht, RDS 96/1977 II p. 332 ss;
Grisel, Initiative et référendum populaires, n. 707 p. 272; cf. également ATF
101 Ia 354 consid. 8). L'irrecevabilité de l'initiative s'impose lorsque
celle-ci comporte de façon abusive plusieurs chapitres qui n'ont aucun lien
notoire entre eux (Auer, Problèmes et perspectives, p. 29).
La scission a ainsi été refusée pour une initiative genevoise comportant un
grand nombre de propositions différentes s'apparentant au programme d'un
parti politique; la démarche des initiants apparaissait comme abusive, et il
n'était pas possible, pour des raisons pratiques et de clarté, de séparer les
différents volets de l'initiative (ATF 123 I 63 consid. 6 p. 74). La scission
a aussi été refusée dans le cas d'une violation flagrante du principe de
l'unité de la matière: admettre le procédé permettrait aux initiants de
réunir dans un même texte deux objets fondamentalement différents (en
l'espèce, la création d'une caisse cantonale d'assurance-maladie et la
soumission au référendum populaire de toute privatisation du service public),
et d'en obtenir après coup la scission (ATF 129 I 381 consid. 4.3.3 p. 391).

4.2 Le Grand Conseil relève que les auteurs de l'initiative, députés ou
avocats, sont particulièrement au fait des exigences relatives à la
recevabilité d'une initiative populaire; ils auraient spéculé sur la scission
de l'initiative en plusieurs parties, ce qui serait abusif. En outre, le
défaut d'unité entachait déjà la récolte de signatures: la longueur et la
complexité du texte aurait dissuadé les signataires d'en étudier sérieusement
le contenu, de sorte qu'une réparation ne serait plus possible à ce stade.
Même en cas de scission par articles, l'unité de la matière ne serait pas
respectée.

4.3 Les recourants soutiennent qu'une scission serait possible entre l'art.
160 I et les autres dispositions de l'initiative (art. 160 D à 160 H). Si ces
dernières dispositions devaient être déclarées irrecevables, seul l'art. 160
I devrait être soumis au peuple, ainsi que les dispositions transitoires
correspondantes (art. 182 al. 3 et 4). Il s'agirait en effet d'un élément
essentiel de l'initiative, qui pourrait être adopté pour lui-même.

4.4 Les objections émises dans l'arrêt Beer (ATF 123 I 63 consid. 6c p. 76)
peuvent être reprises dans la présente espèce. Il n'appartient en principe
pas au Tribunal fédéral, dans le cadre de la procédure de recours de droit
public, de déterminer un mode de scission qui permettrait de soumettre aux
électeurs des propositions ou groupes de propositions respectant, pour chacun
d'eux, l'unité de la matière et les exigences du droit fédéral. La longueur
du texte proposé et la complexité de l'initiative s'opposent à une scission
de l'ensemble de ses dispositions. Même en admettant un découpage en 6
articles distincts (art. 160 D-160 H, art. 160 I et 53 A), il n'est pas
évident que l'unité de la matière soit encore respectée pour chacune de ces
dispositions. Comme cela est relevé ci-dessus, aux textes actuels sont
mélangées des modifications substantielles; le citoyen en principe favorable
à l'inscription de ces dispositions dans la constitution, ne pourra qu'en
accepter simultanément les modifications, ce qui n'est pas admissible.

5.
Il reste à examiner si, comme le préconisent les initiants, seul l'art. 160 I
de l'initiative (et ses corollaires, l'art. 53 A et les dispositions
transitoires y relatives) pourrait être soumis à la votation populaire. Il
s'agirait dans ce cas non pas d'une scission, mais d'une invalidation
partielle, prévue également à l'art. 66 al. 2 Cst./GE. Il faut pour cela que,
réduite à ce seul élément, cette partie de l'initiative respecte en elle-même
les conditions de validité, qu'elle conserve un sens et qu'elle corresponde à
la volonté des initiants et des signataires.

5.1 Selon les explications figurant dans le formulaire de récolte de
signatures, la démarche des initiants serait une réaction face à la nouvelle
majorité du Grand Conseil, désireuse de remettre en cause les lois
applicables en matière de logement et de protection des locataires.
L'initiative avait pour but "de compléter la constitution genevoise par des
dispositions qui résument les acquis populaires en la matière, tout en
prévoyant que toute modification des lois issues des quatre initiatives
populaires précitées devra être soumise à l'approbation du peuple (référendum
obligatoire)". L'idée en est que la volonté des citoyens ne devrait pas
pouvoir être "défaite ou modifiée sans leur consentement". Selon les
recourants, la majorité du Grand Conseil aurait entrepris un démantèlement du
droit des locataires et des habitants en procédant par réformes successives
afin de forcer les opposants à demander, à chaque fois, le référendum.
On peut effectivement considérer, avec les recourants, que l'aspect de
"sauvegarde" constitue l'essentiel de leur démarche, et que l'initiative a
été comprise de cette manière par ses signataires. L'aspect de "renforcement"
n'est en effet guère explicité, et seule une lecture attentive des normes
constitutionnelles proposées permettait de s'en rendre compte.

5.2 Limitée au seul art. 160 I, l'initiative correspond donc encore à
l'objectif principal poursuivi par les initiants, tel qu'il pouvait être
objectivement compris par les signataires (cf. ATF 129 I 381 consid. 4.4, où
l'invalidation partielle a été refusée car il n'était pas possible de
distinguer l'objet principal de l'initiative). Ainsi restreinte, l'initiative
permet par ailleurs d'arriver au but initialement visé, sans les
inconvénients liés au transfert formel des normes légales dans la
constitution (transparence de la démarche, lisibilité de la constitution). La
norme en question respecte en elle-même l'unité de la matière car, si elle
vise cinq lois différentes, son objet est limité à l'instauration du
référendum obligatoire. Assurément, une initiative tendant à l'instauration
du référendum législatif obligatoire serait conforme à l'unité de la matière;
il en va a fortiori de même dans la mesure où l'institution est limitée à
certaines lois déterminées.

5.3 Le Grand Conseil invoque l'interdiction de l'abus de droit: la longueur
et l'aridité du texte de l'initiative auraient dissuadé les électeurs d'en
étudier sérieusement le contenu; ce vice affectait déjà la récolte de
signatures, et ne serait pas réparable par une scission, respectivement une
invalidation partielle.
L'argument vise le texte de l'initiative tel que proposé initialement, ainsi
que le regroupement de normes différentes; la longueur et la complexité de
l'initiative pouvaient dissuader les signataires d'en prendre réellement
connaissance, et dissimulaient en outre les changements normatifs matériels;
l'argument du Grand Conseil ne vaut plus en revanche dans la mesure où seul
l'art. 160 I est finalement soumis au peuple. La démarche des initiants est
certes inhabituelle, mais elle n'apparaît pas comme un abus du droit
d'initiative. Il n'est pas illégitime, du point de vue du parallélisme des
formes, que les normes adoptées en vertu d'initiatives populaires, avec le
concours exprès du peuple, ne puissent être modifiées ou abrogées qu'avec ce
même concours, même si, comme le relève le Conseil d'Etat dans son rapport,
ces lois ont fait par la suite l'objet de modifications importantes adoptées
par le seul Grand Conseil. La question de savoir si une protection accrue par
le référendum obligatoire s'impose dans ce cas, est une question politique
qui devra être tranchée par le Constituant genevois. Aucune disposition du
droit constitutionnel, fédéral ou cantonal, n'interdit d'élargir la portée du
référendum obligatoire, comme cela a d'ailleurs récemment été fait à Genève
avec l'adjonction de l'art. 53 A al. 1 Cst./GE concernant le référendum
obligatoire en matière d'impôt. Le référendum obligatoire n'est pas limité
aux révisions constitutionnelles; certains cantons suisses (tous alémaniques)
connaissent le référendum obligatoire législatif (Grisel, Initiative et
référendum populaires, n. 865 p. 327), et la plupart admet en outre le
référendum financier à partir d'un certain montant (idem, n. 867 p. 328); le
référendum obligatoire peut encore s'étendre à d'autres actes, comme la
conclusion de conventions ou de traités, les préavis donnés par les cantons
dans le cadre de certaines procédures fédérales de consultation, ou certains
actes ayant des conséquences financières ou fiscales (idem, n. 868 p. 329;
Auer/Malinverni/Hottelier, op. cit., p. 259).

5.4 Comme le relève le Grand Conseil, le défaut d'unité de la matière affecte
dans une certaine mesure la régularité de la récolte de signatures.
Toutefois, comme l'a déjà relevé le Tribunal fédéral dans son arrêt relatif à
l'IN 119, si le droit constitutionnel cantonal permet de sauver une
initiative en réparant le défaut d'unité de la matière, cette réparation doit
nécessairement s'étendre à la phase de récolte de signatures; refuser la
scission - ou, en l'occurrence, une invalidation partielle - au seul motif
que l'unité de la matière n'est pas respectée, viderait de tout son sens
l'art. 66 al. 2 Cst./GE (ATF 129 I 381 consid. 4.2 p. 388-389).
Pour le surplus, l'objet de l'initiative, ainsi limité, est parfaitement
compréhensible pour le
citoyen, et ne recèle rien de trompeur.

5.5 La disposition transitoire à l'appui de l'art. 160 I (soit l'art. 182 al.
3 et 4 Cst./GE) ne pose pas de problème de conformité au droit supérieur.
Elle instaure un effet rétroactif de l'initiative en prévoyant (al. 3) la
soumission au vote populaire des modifications législatives adoptées entre le
dépôt de l'IN 120 et l'entrée en vigueur de l'art. 160 I Cst./GE; fixée dans
une norme constitutionnelle et limitée dans le temps, elle est destinée à
empêcher une modification, sans référendum obligatoire, des lois visées,
après le dépôt de l'initiative. L'al. 4 de cette disposition stipule, en cas
d'annulation de la modification législative en votation populaire, que cette
annulation s'applique aux procédures pendantes et aux décisions non entrées
en force; il s'agit de rétroactivité improprement dite, elle aussi
admissible.

6.
Sur le vu de ce qui précède, le recours de droit public doit être
partiellement admis; la décision d'invalidation du Grand Conseil est annulée,
en tant qu'elle porte sur les art. 53 A al. 2 Cst./GE, 160 I Cst./GE et 182
al. 3 et 4 Cst./GE. Le Grand Conseil est invité à traiter sur le fond cette
initiative, limitée aux dispositions précitées, en procédant aux adaptations
rédactionnelles nécessaires (suppression de la référence aux dispositions
invalidées). Le recours est rejeté pour le surplus. Selon la pratique
constante, il n'est pas perçu d'émolument judiciaire dans les procédures de
recours pour violation des droits politiques. En revanche, l'Etat de Genève
versera aux recourants une indemnité de dépens réduite (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est partiellement admis et la décision du Grand Conseil genevois
du 18 septembre 2003 est annulée en tant qu'elle déclare invalides les art.
53 A al. 2 Cst./GE, 160 I Cst./GE et 182 al. 3 et 4 Cst./GE. Le recours est
rejeté pour le surplus.

2.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

3.
L'Etat de Genève versera aux recourants une indemnité de dépens de 2000 fr.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie à la mandataire des recourants et au
Grand Conseil du canton de Genève.

Lausanne, le 26 mai 2004

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.622/2003
Date de la décision : 26/05/2004
1re cour de droit public

Analyses

Art. 85 let. a OJ; initiative populaire; unité du genre et de la matière; scission, invalidation partielle. L'initiative qui tend notamment à inscrire dans la constitution cantonale des dispositions figurant dans diverses lois, en les modifiant sur certains points, ne viole pas l'exigence d'unité du genre (consid. 2). Elle viole en revanche le principe d'unité de la matière, compte tenu de la diversité des buts poursuivis (élargissement des droits politiques et renforcement de la protection des locataires) et des dispositions mises en oeuvre (consid. 3). Si la longueur et la complexité du texte proposé s'opposent à une scission (consid. 4), la partie de l'initiative qui prévoit le référendum obligatoire pour la modification des lois de protection des locataires, constitue l'essentiel de la démarche des initiants; elle est en soi valide et peut ainsi être soumise au peuple (consid. 5).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2004-05-26;1p.622.2003 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award