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13/04/2004 | SUISSE | N°1A.185/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 13 avril 2004, 1A.185/2003


{T 1/2}
1A.185/2003/dxc
1A.186/2003
1A.187/2003

Arrêt du 13 avril 2004
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du Tribunal
fédéral,
Aeschlimann, Reeb, Féraud et Fonjallaz.
Greffier: M. Parmelin.

Swisscom SA, Alte Tiefenaustrasse 6,
3050 Berne Swisscom,
Swisscom Mobile SA, Schwarztorstrasse 61,
3050 Berne Swisscom,
recourantes, représentées par Me Albert Schmid, avocat, Stiffler et Nater,
Dufourstrasse 101, 8034 Zurich,

contre

Se

rvice des tâches spéciales, Palais fédéral Nord, 3003 Berne,
Commission de recours du Département fédéral de l'environn...

{T 1/2}
1A.185/2003/dxc
1A.186/2003
1A.187/2003

Arrêt du 13 avril 2004
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du Tribunal
fédéral,
Aeschlimann, Reeb, Féraud et Fonjallaz.
Greffier: M. Parmelin.

Swisscom SA, Alte Tiefenaustrasse 6,
3050 Berne Swisscom,
Swisscom Mobile SA, Schwarztorstrasse 61,
3050 Berne Swisscom,
recourantes, représentées par Me Albert Schmid, avocat, Stiffler et Nater,
Dufourstrasse 101, 8034 Zurich,

contre

Service des tâches spéciales, Palais fédéral Nord, 3003 Berne,
Commission de recours du Département fédéral de l'environnement, des
transports, de l'énergie et de la communication, 3003 Berne.

détermination de raccordements de téléphonie mobile,

recours de droit administratif contre les décisions de la Commission de
recours du Département fédéral de l'environnement, des transports, de
l'énergie et de la communication, du 9 juillet 2003.

Faits:

A.
Par actes des 10 avril, 29 mai et 13 juin 2002, le Service des tâches
spéciales du Département fédéral de l'environnement, des transports, de
l'énergie et de la communication (ci-après: le Service des tâches spéciales)
a transmis pour exécution à Swisscom SA et à Swisscom Mobile SA trois ordres
de surveillance émanant des autorités judiciaires pénales vaudoises et
genevoises, visant à obtenir les données relatives aux appels de téléphonie
mobile qui ont transité par leurs antennes desservant un lieu précis délimité
par ses coordonnées géographiques, durant un laps de temps déterminé.
Les sociétés concernées ayant refusé d'obtempérer en arguant du défaut de
base légale relative à ce type de surveillance, le Service des tâches
spéciales leur a enjoint de lui livrer les données exigées, le cas échéant de
les transmettre directement aux autorités requérantes, au terme de trois
décisions prises en date des 21 mai, 31 mai et 28 juin 2002.
Statuant le 9 juillet 2003 par trois décisions séparées rendues sur recours
de Swisscom SA et de Swisscom Mobile SA, la Commission de recours du
Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la
communication (ci-après: la Commission de recours) a confirmé ces décisions.
Elle a considéré que la question des frais inhérents à l'exécution de la
mesure de surveillance ordonnée ne faisait pas l'objet du litige et a déclaré
irrecevable la conclusion tendant à leur prise en charge par l'autorité
requérante en cas de rejet du recours. Elle a estimé au surplus que le
Service des tâches spéciales ne s'était à juste titre pas prononcé sur la
légalité de la mesure de surveillance incriminée, dès lors que cet examen
relevait de la compétence exclusive de l'autorité habilitée à autoriser une
telle surveillance.

B.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, Swisscom SA et
Swisscom Mobile SA demandent au Tribunal fédéral d'annuler ces décisions et,
à titre subsidiaire, de mettre l'intégralité des frais de surveillance à la
charge de l'autorité ayant ordonné cette mesure. Elles dénoncent une
violation de leur droit à un recours effectif au sens de l'art. 13 CEDH, de
leur droit d'être entendues consacré à l'art. 29 al. 2 Cst., de la garantie
de la propriété ancrée à l'art. 26 Cst., de la liberté économique définie à
l'art. 27 al. 1 Cst. et du secret des télécommunications découlant des art.
13 al. 1 Cst. et 43 de la loi fédérale sur les télécommunications (LTC; RS
784.10). Elles voient également une atteinte à la liberté de la langue, telle
que garantie aux art. 37 PA, 4, 18 et 70 Cst., dans le fait que les décisions
attaquées ont été rendues en français.
La Commission de recours et le Service des tâches spéciales concluent au
rejet des recours. Le Département fédéral de justice et police a renoncé à se
déterminer.

C.
Par ordonnance du 1er octobre 2003, le Président de la Ire Cour de droit
public a accordé l'effet suspensif aux recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Les recours sont dirigés contre trois décisions séparées prises le même jour
par la même autorité, qui confirment, par une motivation en tous points
identiques, l'obligation faite aux recourantes de transmettre des données
recueillies dans le cadre de mesures de surveillance qu'elles tiennent pour
non couvertes par la loi fédérale sur la surveillance de la correspondance
par poste et télécommunication (LSCPT; RS 780.1) et son ordonnance
d'application (OSCPT; RS 780.11). Il se justifie par conséquent de joindre
les causes et de statuer par un seul arrêt (cf. art. 40 OJ et 24 PCF; ATF 124
III 382 consid. 1a p. 385; 123 II 16 consid. 1 p. 20; 113 Ia 390 consid. 1 p.
394 et les arrêts cités).

2.
Le Tribunal fédéral examine d'office et avec une pleine cognition la
recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 129 I 337 consid. 1 p. 339;
129 II 453 consid. 2 p. 456).

2.1 La première question à résoudre est celle de la voie de droit ouverte
contre les décisions du Service des tâches spéciales, étant précisé que ces
dernières répondent manifestement à la notion de décision au sens des art. 5
PA et 97 al. 1 OJ en tant qu'elles imposent aux recourantes l'obligation de
transmettre des données recueillies en exécution d'un ordre de surveillance
qu'elles tiennent pour illégal. La Commission de recours a considéré que la
loi du 31 octobre 2001 sur la surveillance de la correspondance par poste et
télécommunication contenait une lacune qu'il convenait de combler en
reconnaissant aux fournisseurs de services de télécommunication un droit de
recourir devant elle contre ces décisions, conformément à l'art. 32 OSCPT.
Sous l'angle de l'ancien droit, l'Entreprise des PTT recevait les ordres de
surveillance téléphonique directement des autorités judiciaires cantonales
compétentes en vue de leur exécution. Les éventuelles contestations à ce
sujet devaient être portées directement auprès de la Chambre d'accusation du
Tribunal fédéral en vertu des art. 27 al. 5, 2ème phrase, et 252 al. 3 PPF,
dans la mesure où elles relevaient de l'entraide judiciaire entre la
Confédération et les cantons au sens de l'art. 352 CP (ATF 123 II 371 consid.
1c p. 373; 115 IV 67 consid. 1a p. 69; 79 IV 179 consid. 1 p. 182). Dans le
système légal actuel, les fournisseurs de services de télécommunication n'ont
aucun contact direct avec l'autorité requérante; ils reçoivent le mandat
d'exécuter la surveillance et de transmettre les données y relatives
directement du Service des tâches spéciales avec lequel ils sont liés par une
relation de droit administratif indépendante de la procédure pénale. Aussi,
en cas de contestation de la part des fournisseurs de services de
télécommunication, les décisions du Service des tâches spéciales doivent être
déférées auprès de la Commission de recours du Département fédéral de
l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication,
conformément à l'art. 32 OSCPT, les décisions prises par cette autorité étant
elles-mêmes sujettes à un recours de droit administratif auprès du Tribunal
fédéral (en ce sens, Bernhard Sträuli, La surveillance de la correspondance
par poste et télécommunication, in: Plus de sécurité - moins de liberté?,
Groupe Suisse de Travail de Criminologie, Zurich 2003, n. 285, p. 190).

2.2 La seconde question à résoudre est celle de savoir dans quelle mesure les
décisions du Service des tâches spéciales peuvent être attaquées par les
fournisseurs de services de télécommunication devant la Commission de
recours, puis devant le Tribunal fédéral et, en particulier, si ces derniers
peuvent recourir en invoquant l'illégalité de l'ordre de surveillance sur
lequel elles se fondent. Le Service des tâches spéciales ne s'est pas
prononcé sur cette question au motif qu'elle échappait à son contrôle. La
Commission de recours a confirmé le bien-fondé de cette décision, en relevant
que l'examen de la légalité de la mesure de surveillance requise incombait à
l'autorité habilitée à autoriser une telle surveillance.

2.2.1 Aux termes de l'art. 3 al. 1 LSCPT, pour qu'une surveillance soit
ordonnée, il est nécessaire que de graves soupçons reposant sur des faits
déterminés pèsent sur la personne concernée quant à la commission de l'un des
actes punissables visés à l'al. 2 ou 3, ou quant à sa participation à un tel
acte (let. a), que la gravité de l'acte le justifie (let. b) et que les
mesures prises jusqu'alors dans le cadre de l'instruction soient restées sans
succès ou que les recherches n'aient aucune chance d'aboutir ou qu'elles
soient excessivement difficiles en l'absence de surveillance (let. c). L'art.
4 LSCPT définit à quelles conditions la surveillance d'un tiers, d'un poste
public de télécommunication, d'un raccordement qui ne peut être attribué à
une personne connue, ou d'une personne tenue au secret professionnel, peut
être ordonnée. Les autorités habilitées à ordonner ou à autoriser une
surveillance sont énumérées aux art. 6 et 7 al. 1 LSCPT. Selon l'art. 7 al. 3
LSCPT, l'autorité habilitée à autoriser la surveillance examine si la mesure
portant atteinte à la personnalité est justifiée. Elle statue dans les cinq
jours à compter du moment où la surveillance a été ordonnée en indiquant
brièvement les motifs. Elle communique immédiatement sa décision au service
chargé de la surveillance de la correspondance par poste et
télécommunication, soit au Service des tâches spéciales. L'art. 13 al. 1 let.
a LSCPT prévoit qu'en cas de surveillance de la correspondance par
télécommunication, ce dernier vérifie que la surveillance concerne un acte
punissable mentionné à l'art. 3, al. 2 ou 3, et qu'elle a été ordonnée par
une autorité compétente; si l'ordre de surveillance est clairement erroné ou
s'il n'est pas motivé, le service prend contact avec l'autorité habilitée à
autoriser la surveillance avant de transmettre des informations à l'autorité
qui a ordonné celle-ci. L'art. 15 LSCPT dispose qu'à la demande du service,
les fournisseurs de services de télécommunication sont tenus de lui
transmettre les communications de la personne surveillée ainsi que les
données permettant d'identifier les usagers et celles relatives au trafic et
à la facturation. Ils sont également tenus de fournir les informations
nécessaires à la mise en oeuvre de la surveillance (al. 1). Ils transmettent
dans les meilleurs délais les données permettant l'identification des usagers
qui leur ont été demandées, les données relatives au trafic et à la
facturation et, si possible en temps réel, les communications de la personne
surveillée (al. 4). A teneur de l'art. 10 LSCPT, la surveillance est levée
par l'autorité qui l'a ordonnée dès qu'elle n'est plus utile au déroulement
de l'enquête ou lorsque l'autorisation ou sa prolongation ont été refusées
(al. 1). Au plus tard lors de la clôture de la procédure pénale ou de la
suspension de la procédure, l'autorité qui a ordonné la surveillance
communique les motifs, le mode et la durée de la surveillance aux suspects et
aux personnes dont l'adresse postale ou le raccordement ont fait l'objet
d'une surveillance, à l'exception des postes publics de télécommunication
(al. 2 let. a et b). Dans les 30 jours suivant la communication, la personne
ayant fait l'objet de la surveillance peut interjeter recours, en invoquant
le caractère illicite et l'absence de proportionnalité de la surveillance
(al. 5). Les personnes qui ont utilisé le même raccordement ou la même
adresse postale peuvent également interjeter recours. Elles ont le droit de
consulter les informations qui concernent leur personne et ont été utilisées
dans la procédure pénale et de demander l'élimination des informations qui ne
sont pas nécessaires (al. 6).

2.2.2 Suivant le Message du Conseil fédéral du 1er juillet 1998 concernant
les lois fédérales sur la surveillance de la correspondance postale et des
télécommunications et sur l'investigation secrète, le Service des tâches
spéciales joue un rôle d'intermédiaire entre les autorités habilitées à
ordonner une surveillance et les fournisseurs de services postaux et de
télécommunication pour l'exécution des mesures de surveillance. Il veille à
ce que la surveillance s'effectue dans la forme prescrite et que les mesures
de protection soient bien mises en oeuvre. Il donne les instructions aux
fournisseurs de services quant à la manière d'exécuter la surveillance. Le
Service des tâches spéciales n'exerce qu'un contrôle formel de la demande; il
vérifie que l'ordre de surveillance fait état d'une infraction visée par
l'art. 3 al. 2 et 3 LSCPT et qu'il émane de l'autorité compétente au regard
du droit de procédure applicable. Si l'ordre de surveillance est
manifestement non conforme, par exemple parce qu'aucun délit permettant
d'effectuer une surveillance n'y figure, ou s'il y manque des éléments
essentiels, soit notamment lorsqu'une personne tenue au secret professionnel
fait l'objet d'une surveillance sans que soient prises des mesures de
protection, il doit s'adresser à l'autorité habilitée à autoriser la
surveillance et lui demander des instructions. Il ne dispose en revanche
d'aucun pouvoir d'examen matériel vis-à-vis des décisions des autorités
habilitées à autoriser la surveillance. Il incombe ainsi exclusivement à ces
dernières de vérifier la légalité de l'atteinte portée aux droits des
personnes concernées par les mesures de surveillance (FF 1998 p. 3691,
3723-3725; August Biedermann, Bundesgesetz betreffend die Überwachung des
Post- und Fernmeldeverkehrs, RPS 120/2002 p. 96). Sur ce point, le rôle du
Service des tâches spéciales est le même que celui assigné sous l'ancien
droit à l'Entreprise des PTT (ATF 126 I 50 consid. 2b p. 55; 119 IV 86
consid. 2c p. 89/90; 115 IV 67 consid. 3b p. 71; 79 IV 179 consid. 3 p. 183;
arrêt 1P.608/2000, du 7 novembre 2000 consid. 3b reproduit in sic! 2001 p.
23/24; August Biedermann, op. cit., p. 97/98).
De même, en vertu des art. 14 al. 1 et 15 al. 1 LSCPT, les fournisseurs de
services postaux
et de télécommunication sont tenus de transmettre les
données requises dans la mesure où elles reposent sur un ordre de
surveillance approuvé par l'autorité habilitée à autoriser la surveillance
selon l'art. 7 LSCPT et vérifié par le Service des tâches spéciales en
application de l'art. 13 al. 1 let. a LSCPT, sans pouvoir contester la
conformité à la loi, la nécessité ou encore l'opportunité de la mesure de
surveillance ordonnée. Ils ne seraient d'ailleurs pas en état de le faire
puisque le Service des tâches spéciales n'est pas censé leur remettre une
copie de l'ordre de surveillance, contrairement à la pratique qui prévalait
sous l'ancien droit (FF 1998 p. 3727). De ce point de vue également, leur
situation n'est pas différente de celle de l'Entreprise des PTT, existant
avant l'entrée en vigueur de la loi fédérale sur la surveillance de la
correspondance par poste et télécommunications (ATF 115 IV 67 consid. 3b p.
71; 79 IV 179 consid. 3 p. 183/184; voir aussi, ATF 126 I 50 consid. 2b p.
55; Astrid von Bentivegni, Les mesures officielles de surveillance en
procédure pénale, thèse Lausanne 1986, p. 72).
Il ressort ainsi de la systématique de la loi et des travaux préparatoires
que le législateur a voulu assigner exclusivement un rôle d'exécutants tant
au Service des tâches spéciales qu'aux fournisseurs de services de
télécommunication et exclure toute possibilité de leur part de contester la
légalité d'un ordre de surveillance, celle-ci étant réservée uniquement aux
personnes ayant fait l'objet de la surveillance ou qui sont impliquées, selon
les modalités prévues à l'art. 10 al. 5 et 6 LSCPT. Le système légal ne
souffre à cet égard d'aucune lacune improprement dite qu'il appartiendrait à
la Commission de recours ou au Tribunal fédéral de combler par une extension
du droit de recours conféré aux fournisseurs de services à l'art. 32 OSCPT à
l'encontre des décisions du Service des tâches spéciales pour des motifs
relatifs à la validité de l'ordre de surveillance sur lequel elles se fondent
(cf. ATF 128 I 34 consid. 3b p. 42; 124 V 346 consid. 3b/aa p. 348; 121 III
219 consid. 1d/aa p. 225/226). Les fournisseurs de services ne sont donc pas
habilités à contester une décision du Service des tâches spéciales qui les
oblige à transmettre des données couvertes par un ordre de surveillance
dûment approuvé par l'autorité pénale compétente, en remettant en cause la
légalité de cet ordre. Le recours institué en leur faveur à l'art. 32 OSCPT
ne saurait donc porter sur ce point, mais uniquement sur des questions
d'ordre technique ou organisationnel liées à l'exécution de la mesure de
surveillance qui leur est demandée.
Pour le surplus, la question de savoir si les recherches par champ d'antennes
sont ou non couvertes par la loi et son ordonnance d'application a trait à la
légalité de la mesure de surveillance, dont l'examen ressortit à la
compétence exclusive de l'autorité habilitée à autoriser la surveillance.
Elle échappe ainsi au contrôle du Service des tâches spéciales et ne saurait
être soumise à la cognition de la Commission de recours par le biais du
recours prévu à l'art. 32 OSCPT, dans la mesure où les recourantes ne
prétendent pas que ce type de surveillance exigerait de leur part des
connaissances ou des moyens techniques qui leur feraient défaut (cf. arrêt
1P.608/2000 du 7 novembre 2000, consid. 3b reproduit in sic! 2001 p. 23/24;
d'un avis contraire, Thomas Hansjakob, Kommentar zum Bundesgesetz und zur
Verordnung über die Überwachung des Post- und Fernmeldeverkehrs, Saint-Gall
2002, n. 1 ad art. 32 OSCPT).

2.2.3 L'absence de recours en faveur des fournisseurs de services de
télécommunication contre une décision du Service des tâches spéciales leur
enjoignant d'exécuter un ordre de surveillance qu'ils tiennent pour illégal
ne consacre aucune violation de l'art. 13 CEDH. Cette disposition se borne à
garantir l'existence en droit interne d'un recours effectif permettant de
faire examiner le contenu des griefs fondés sur la Convention et d'obtenir le
redressement approprié (arrêt de la CourEDH du 12 mai 2000 dans la cause Khan
c. Royaume-Uni, Recueil CourEDJ 2000-V p. 303, par. 44). Or, les fournisseurs
de services de télécommunication ne peuvent se prévaloir de l'art. 8 CEDH
pour s'opposer à la transmission de données couvertes par le secret des
télécommunications, dont seuls les usagers concernés sont les bénéficiaires.
L'octroi d'un droit de recours étendu à la légalité de la mesure de
surveillance ne s'impose donc pas en vertu de l'art. 13 CEDH, pour autant que
cette disposition puisse être invoquée en l'occurrence. Pour le surplus, la
possibilité offerte par l'art. 10 al. 5 LSCPT à la personne surveillée de
recourir a posteriori contre un ordre de surveillance qu'elle tient pour
illégal ou disproportionné suffit à satisfaire les exigences d'un recours
effectif au sens de l'art. 13 CEDH (ATF 109 Ia 273 consid. 12 p. 298),
indépendamment d'une éventuelle voie de recours cantonale qui pourrait être
reconnue aux fournisseurs de services de télécommunication (cf. ATF 126 I
50). Ces derniers sont au demeurant suffisamment protégés par la possibilité
qui leur est offerte à l'art. 32 OSCPT de contester des ordres de
transmission qu'ils ne seraient pas en mesure d'exécuter pour des questions
techniques ou organisationnelles.

2.2.4 Les recourantes ne s'exposent au surplus à aucune poursuite pénale de
la part de leurs clients, dont le raccordement serait concerné par l'ordre de
surveillance, si ce dernier devait finalement se révéler non conforme à la
loi ou à son ordonnance d'application. Suivant la jurisprudence, une
violation du secret des télécommunications n'entre pas en considération
lorsque les données transmises font l'objet d'un ordre de surveillance dûment
approuvé par l'autorité habilitée pour le faire (ATF 115 IV 67 consid. 5b p.
74). De ce point de vue également, une extension du droit de recours des
fournisseurs de services de télécommunication portant sur la légalité de la
mesure de surveillance requise ne se justifie pas.

2.3 Vu ce qui précède, les recourantes ne sont pas habilitées à recourir
contre les décisions du Service des tâches spéciales leur enjoignant de
communiquer les données requises, en invoquant l'illégalité des mesures de
surveillance sur lesquelles elles se fondent. En tant qu'elles s'en prennent
directement à la légalité des ordres de surveillance, leurs recours sont
irrecevables. En revanche, elles peuvent se prévaloir d'un intérêt digne de
protection, au sens des art. 48 let. a PA et 103 let. a OJ, à faire examiner
si le Service des tâches spéciales a procédé à un contrôle des ordres de
surveillance qui s'inscrit dans le cadre défini par la loi. En examinant la
question de la légalité sous cet angle, la Commission de recours a
correctement apprécié son rôle d'autorité de recours; or, pour les raisons
exposées ci-dessus, elle a admis à juste titre que cette question échappait
au contrôle du Service des tâches spéciales et relevait exclusivement de la
compétence de l'autorité habilitée à autoriser la surveillance; sur ce point,
les recours sont mal fondés et doivent être rejetés. Pour le surplus,
Swisscom SA et Swisscom Mobile SA ne se prévalent pas d'inconvénients de
nature technique ou organisationnelle pour s'opposer à l'exécution des
mesures de surveillance qui leur sont imposées.

2.4 Enfin, les recourantes ne peuvent refuser de donner suite aux décisions
du Service des tâches spéciales en invoquant la nullité absolue de l'ordre de
surveillance sur lequel elles se fondent. En dehors des cas expressément
prévus par la loi, il n'y a lieu d'admettre d'office la nullité qu'à titre
exceptionnel, soit lorsque les circonstances sont telles que le système
d'annulabilité n'offre manifestement pas la protection nécessaire. Tel est le
cas lorsque le vice dont la décision est entachée est particulièrement grave,
est manifeste ou du moins facilement décelable et si, en outre, la
constatation de la nullité ne met pas sérieusement en danger la sécurité du
droit (ATF 129 I 361 consid. 2.1 p. 363/364 et les arrêts cités).
L'illégalité d'une décision ne constitue pas par principe un motif de
nullité; elle doit au contraire être invoquée dans le cadre des voies
ordinaires de recours, à tout le moins lorsque, comme en l'espèce, elle
n'apparaît pas d'emblée clairement établie et que la loi ouvre une voie de
recours a posteriori aux personnes concernées par la mesure de surveillance
pour faire constater l'illicéité d'un ordre de surveillance (cf. arrêt
1P.531/1996 du 19 décembre 1997, consid. 2 reproduit à la RDAT 1998 I n° 5 p.
23).

3.
Dans une conclusion subsidiaire, les recourantes demandent à ce que
l'intégralité des frais liés à l'exécution des mesures de surveillance soit
prise en charge par les autorités requérantes. Comme le relève à juste titre
la Commission de recours, cette question est prématurée. Conformément aux
art. 16 LSCPT, 30 et 31 OSCPT, l'indemnité versée aux fournisseurs de
services de télécommunication pour les frais occasionnés par la surveillance
fera l'objet d'une décision ultérieure du Service des tâches spéciales,
sujette à recours, sur la base du décompte que lui adresseront les
recourantes, de sorte qu'en l'état, ces dernières ne subissent aucun
préjudice matériel, dont elles pourraient se prévaloir pour faire constater
l'illégalité de la surveillance sous forme de recherche par champ d'antennes
par un recours fondé sur l'art. 32 OSCPT. Sur ce point, les recours sont
irrecevables.

4.
Les recourantes se plaignent enfin du fait que les décisions attaquées ont
été rédigées en français, alors qu'elles avaient adressé leurs recours en
allemand. Elles dénoncent à cet égard une violation des art. 37 PA et 4, 18
et 70 Cst.

4.1 La liberté de la langue, consacrée à l'art. 18 Cst., garantit l'usage de
la langue maternelle ou d'une autre langue proche, voire de toute langue de
son choix. Lorsque cette langue est en même temps une langue nationale ou une
langue officielle de la Confédération, son emploi est en outre protégé par
les art. 4 et 70 al. 1 Cst. Ces dispositions ne règlent toutefois pas
expressément le point soulevé par les recourantes. On peut d'ailleurs se
demander si celles-ci, en tant que personnes morales, sont titulaires de ce
droit (Andreas Auer/Giorgio Malinverni/Michel Hottelier, Droit
constitutionnel suisse, Berne 2000, vol. II, n° 944, p. 462, l'affirment,
mais sans autre démonstration). Cette question souffre de rester indécise en
l'espèce.
Selon la jurisprudence, lorsqu'elle correspond avec un administré,
l'administration fédérale doit utiliser celle des trois langues officielles
dans laquelle s'exprime le destinataire de la communication (ATF 108 V 208
consid. 1). Ce principe est concrétisé de manière générale à l'art. 37 PA,
aux termes duquel les autorités fédérales notifient leurs décisions dans la
langue officielle en laquelle les parties ont pris ou prendraient leurs
conclusions.

4.2 En principe, les décisions attaquées auraient dû être rendues en
allemand, langue dans laquelle le mandataire des recourantes avait pris ses
conclusions dans ses recours; il faut cependant tenir compte que les ordres
de surveillance litigieux ont été rendus dans le cadre de procédures pénales
instruites en français et qu'ils émanent d'autorités judiciaires
francophones, lesquelles ont été invitées à se déterminer sur le recours en
qualité d'intéressées à la procédure au sens de l'art. 57 al. 1 PA. La
Commission de recours avait ainsi de bonnes raisons de traiter l'ensemble des
procédures en français plutôt que d'adresser à chaque partie toutes les
communications dans sa langue, comme l'auraient voulu les recourantes. Une
dérogation sur ce point à l'art. 37 PA pouvait se justifier dans le cas
particulier. Par ailleurs, on pouvait raisonnablement attendre des sociétés
recourantes, dont le champ d'activité s'étend sur tout le territoire
national, qu'elle dispose de juristes maîtrisant suffisamment la langue
française pour comprendre la teneur des lettres et des décisions qui lui ont
été notifiées. Au demeurant, les recourantes ne prétendent pas avoir subi un
préjudice du fait que la procédure de recours a été menée en français et que
les décisions attaquées ont été notifiées dans cette langue. Le grief doit
donc être écarté.

5.
Les recours doivent par conséquent être rejetés dans la mesure où ils sont
recevables, aux frais des recourantes qui succombent (art. 156 al. 1 OJ). Il
n'y a pas lieu à l'octroi de dépens (art. 159 al. 2 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Les causes 1A.185/2003, 1A.186/2003 et 1A.187/2003 sont jointes.

2.
Les recours sont rejetés dans la mesure où ils sont recevables.

3.
Un émolument judiciaire de 4'000 fr. est mis à la charge des recourantes, à
raison de 2'000 fr. chacune.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire des recourantes, au
Service des tâches spéciales et à la Commission de recours du Département
fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la
communication, ainsi qu'au Département fédéral de justice et police.

Lausanne, le 13 avril 2004

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.185/2003
Date de la décision : 13/04/2004
1re cour de droit public

Analyses

Art. 32 OSCPT; voie de droit ouverte contre une décision du Service des tâches spéciales; étendue du droit de recours des fournisseurs de services de télécommunication. Les décisions du Service des tâches spéciales doivent être déférées auprès de la Commission de recours du Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication, les décisions prises par cette autorité étant quant à elles sujettes à un recours de droit administratif auprès du Tribunal fédéral (consid. 2.1). Les fournisseurs de services de télécommunication n'ont pas qualité pour recourir contre une décision du Service des tâches spéciales leur enjoignant de transmettre des données de téléphonie mobile en invoquant l'illégalité de l'ordre de surveillance sur lequel elle se base (consid. 2.2).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2004-04-13;1a.185.2003 ?
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