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11/02/2004 | SUISSE | N°B.47/01

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 11 février 2004, B.47/01


{T 7}
B 47/01

Arrêt du 11 février 2004
Ire Chambre

MM. et Mme les Juges Borella, Président, Leuzinger, Rüedi, Kernen et Frésard.
Greffière: Mme von Zwehl

S.________, recourant, représenté par Me Jämes Dällenbach, avocat, place de
la Gare 1, 2000 Neuchâtel,

contre

VISANA, Fondation de prévoyance professionnelle, Weltpoststrasse 21, 3003
Bern, intimée

Tribunal administratif du canton de Berne, Cour des affaires de langue
française, Berne

(Jugement du 23 mars 2001)

F

aits:

A.
Auparavant capitaine-instructeur à l'armée, S.________, né en 1946, a
travaillé dès le 1er avril 1984 au serv...

{T 7}
B 47/01

Arrêt du 11 février 2004
Ire Chambre

MM. et Mme les Juges Borella, Président, Leuzinger, Rüedi, Kernen et Frésard.
Greffière: Mme von Zwehl

S.________, recourant, représenté par Me Jämes Dällenbach, avocat, place de
la Gare 1, 2000 Neuchâtel,

contre

VISANA, Fondation de prévoyance professionnelle, Weltpoststrasse 21, 3003
Bern, intimée

Tribunal administratif du canton de Berne, Cour des affaires de langue
française, Berne

(Jugement du 23 mars 2001)

Faits:

A.
Auparavant capitaine-instructeur à l'armée, S.________, né en 1946, a
travaillé dès le 1er avril 1984 au service de la Société X.________. A ce
titre, il a été affilié auprès de la Fondation de prévoyance en faveur du
personnel de l'entreprise (actuellement: la Fondation de prévoyance
professionnelle Visana, successeur de X.________; ci-après: la fondation
Visana).

Pour raisons de santé, S.________ a dû mettre fin à son activité
professionnelle au cours de l'année 1992. Par décision du 29 octobre 1993, la
Caisse de compensation du canton de Berne lui a alloué une rente d'invalidité
entière, fondée sur un degré d'invalidité de 100 %, à partir du 1er janvier
1993, ainsi qu'une rente complémentaire pour son épouse. Le 17 décembre 1993,
l'Office fédéral de l'assurance militaire l'a également mis au bénéfice d'une
rente d'invalidité avec effet au 1er mai 1993; pour cause de
surindemnisation, le montant de cette rente a toutefois été réduit de 6'528
fr. à 5'236 fr. par mois.

Dans le courant de l'année 1997, S.________ s'est adressé à la fondation
Visana pour s'informer sur ses droits en matière de prévoyance
professionnelle, en particulier sur la possibilité d'un versement anticipé de
sa prestation de libre passage à titre d'encouragement à la propriété d'un
logement. La fondation Visana lui a répondu, d'une part, qu'elle ne pouvait
lui allouer de prestations d'invalidité en raison d'une surindemnisation et,
d'autre part, qu'il n'avait pas droit à un versement anticipé parce que dans
son cas, le risque assuré (en l'occurrence l'invalidité) était déjà survenu.

B.
Par écriture du 15 septembre 2000, S.________ a ouvert action contre la
fondation Visana devant le Tribunal administratif du canton de Berne. Il
concluait, sous suite de dépens, au versement de la prestation de libre
passage auquel il avait droit à l'âge de 50 ans ou de la prestation de libre
passage à laquelle il aura droit au moment du versement. La défenderesse a
conclu au rejet de la demande.

Statuant le 23 mars 2001, le tribunal a débouté le demandeur de ses
conclusions pour le motif que le risque assuré était survenu.

C.
S.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement, dont
il requiert l'annulation, en reprenant les conclusions formulées devant la
juridiction cantonale.

La fondation Visana conclut au rejet du recours. De son côté, l'Office
fédéral des assurances sociales a présenté des observations.

Considérant en droit:

1.
Introduit dans la loi par la novelle du 17 décembre 1993 sur l'encouragement
à la propriété du logement au moyen de la prévoyance professionnelle
(révision partielle de la LPP et du CO), en vigueur depuis le 1er janvier
1995 (RO 1994 2372), l'art. 30c LPP règle le versement anticipé. Aux termes
de cette disposition, l'assuré peut, au plus tard trois ans avant la
naissance du droit aux prestations de vieillesse, faire valoir auprès de son
institution de prévoyance le droit au versement d'un montant pour la
propriété d'un logement pour ses propres besoins (al. 1). Les assurés peuvent
obtenir, jusqu'à l'âge de 50 ans, un montant jusqu'à concurrence de leur
prestation de libre passage; les assurés âgés de plus de 50 ans peuvent
obtenir au maximum la prestation de libre passage à laquelle ils avaient
droit à l'âge de 50 ans ou la moitié de la prestation de libre passage à
laquelle ils ont droit au moment du versement (al. 2). Les modalités du
versement sont réglées dans l'ordonnance sur l'encouragement à la propriété
du logement au moyen de la prévoyance professionnelle (OEPL; RS 831.411).

2.
Le recourant soutient que les premiers juges ont, à tort, lié les
dispositions relatives à l'encouragement à la propriété du logement (art. 30a
à 30f LPP) à celles de la loi sur le libre passage (LFLP) du 17 décembre
1993, en particulier à l'art. 2 LFLP qui exclut le droit à une prestation de
sortie en cas de survenance d'un cas de prévoyance. Selon lui, les articles
30a à 30f LPP forment une réglementation spécifique dans la loi sur la
prévoyance professionnelle et doivent être interprétés de manière autonome.
Comme il ne ressort pas de ces dispositions qu'un versement anticipé est
octroyé à la seule condition qu'aucun cas d'assurance ne soit survenu
entre-temps, il estime que le refus de l'intimée de lui accorder ce versement
viole le droit fédéral. Il fait observer au surplus qu'il ne touche aucune
prestation de la fondation Visana pour cause de surindemnisation; or, il
serait choquant qu'il ne puisse jamais utiliser les fonds de prévoyance qu'il
a épargnés.

3.
3.1Le système de la prévoyance professionnelle en vertu de la LPP repose sur
le principe selon lequel les assurés ne peuvent pas disposer de leur avoir de
prévoyance avant la réalisation d'un risque assuré; c'est pourquoi en cas de
libre passage la prestation de sortie est obligatoirement versée auprès d'une
nouvelle institution ou transférée sur une police ou un compte de libre
passage (cf. Jürg Brühwiler, Obligatorische berufliche Vorsorge in :
Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, p. 39 sv.
n° 95). En ce sens, l'art. 30c LPP constitue une exception au système car il
donne aux assurés un droit légal et direct au capital épargné dans une
institution de prévoyance pour acquérir la propriété d'un logement destiné à
leur usage personnel (Message du Conseil fédéral du 19 août 1992 concernant
l'encouragement à la propriété du logement au moyen de la prévoyance
professionnelle; FF 1992 VI 256). L'idée à la base de cette possibilité de
versement en capital est que la propriété d'un logement offre une garantie de
prévoyance équivalente aux autres formes légales de maintien de la prévoyance
(les frais de logement constituant l'une des charges principales des
ménages).

3.2 La somme qu'un assuré peut utiliser à titre de versement anticipé pour
l'acquisition d'un logement dépend, comme le texte de l'art. 30c al. 2 LPP le
spécifie, du montant de la prestation de libre passage à laquelle il a droit.
Contrairement à ce qu'affirme le recourant, le versement anticipé est donc
directement lié à la réglementation sur le libre passage (LFLP). En fait, la
propriété du logement remplace la part de la prestation de libre passage
utilisée à cette fin, raison pour laquelle le versement anticipé entraîne
simultanément une diminution correspondante des prestations de prévoyance
(art. 30c al. 4 LPP). Ce sont en effet les mêmes fonds de prévoyance
accumulés par un assuré qui servent au financement des diverses prestations
prévues par la LPP, qu'il s'agisse des prétentions en matière de vieillesse,
d'invalidité et de survivants, de la prestation de sortie en cas de départ de
l'institution de prévoyance ou du versement anticipé dans le cadre des
dispositions sur l'encouragement à la propriété du logement. L'utilisation
d'un même avoir de prévoyance pour l'indemnisation des éventualités assurées
d'une part, et pour l'acquisition d'un logement d'autre part, est absolument
incompatible avec le système de prévoyance instauré par la LPP. Il s'ensuit
qu'à l'instar de la personne qui a atteint l'âge minimum de la retraite (voir
l'arrêt publié aux ATF 124 V 276), l'assuré reconnu totalement invalide ne
saurait prétendre un versement anticipé en vertu de l'art. 30c LPP (du même
avis : Markus Moser, Die Anforderungen des neuen
Wohneigentumsförderungsgesetzes [2. Teil], in RSAS 1995 p. 202 sv.).
3.3 Le fait que dans le cas particulier, le recourant (bénéficiaire d'une
rente d'invalidité entière de l'assurance-invalidité et de l'assurance
militaire) ne perçoit pas de prestations de la prévoyance professionnelle de
la part de l'intimée pour cause de surindemnisation n'y change rien. Le
Tribunal fédéral des assurances a déjà eu l'occasion, sous l'ancien droit
(art. 27 aLPP), de se prononcer sur la portée des règles de surindemnisation
en la matière. Dans un arrêt publié à la RSAS 1996 p. 71, il a ainsi jugé
qu'un assuré n'a pas droit à une prestation de libre passage dans le cas où,
par suite de surindemnisation, il ne touche pas de prestations de prévoyance;
ce droit, a-t-il rappelé, existe seulement lorsque l'assuré quitte
l'institution de prévoyance en raison de la dissolution des rapports de
travail et avant la survenance d'un cas d'assurance. Il n'en va pas
différemment sous le régime de la LFLP et des dispositions sur
l'encouragement à la propriété d'un logement. Avec cette révision partielle
de la LPP, le législateur n'a pas introduit un système fondamentalement
nouveau qui permettrait désormais à un assuré invalide ne percevant pas de
prestations de son institution de prévoyance en raison d'une surindemnisation
d'utiliser une partie de son avoir de libre passage pour accéder à la
propriété. La survenance du risque assuré impose que l'avoir de prévoyance
existant ne soit pas affecté à un autre but que celui de garantir le
versement des prestations prévues dans cette éventualité car il se peut aussi
que la situation à l'origine de la surindemnisation vienne à changer, par
exemple à la suite d'une réduction ou d'une suppression des prestations
concurrentes des autres assureurs sociaux. Enfin, si l'on admettait la thèse
soutenue par le recourant, cela reviendrait à placer ce dernier dans une
situation économique plus favorable après la réalisation du cas d'assurance
qu'avant, alors que les règles sur la surindemnisation ont justement pour
objectif d'empêcher que le cumul de prestations ne procure un avantage
injustifié à l'assuré. Ce serait vider de leur sens les dispositions légales
sur la surindemnisation.

La fondation Visana était par conséquent fondée à refuser au recourant le
versement anticipé qu'il a sollicité. Le recours se révèle mal fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal administratif du
canton de Berne, Cour des affaires de langue française, et à l'Office fédéral
des assurances sociales.

Lucerne, le 11 février 2004
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la Ire Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : B.47/01
Date de la décision : 11/02/2004
Cour des assurances sociales

Analyses

Art. 30c LPP: Versement anticipé pour acquérir la propriété d'un logement. Après la survenance d'un cas de prévoyance pour cause d'invalidité totale, l'octroi d'un versement anticipé en vue de l'acquisition d'un logement est exclu, même si l'assuré concerné ne perçoit pas de prestations de la part de son institution de prévoyance en raison d'une surindemnisation (concours de prestations entre l'assurance-invalidité et l'assurance militaire; consid. 3).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2004-02-11;b.47.01 ?
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