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30/12/2003 | SUISSE | N°I.238/03

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 30 décembre 2003, I.238/03


{T 7}
I 238/03

Arrêt du 30 décembre 2003
IIe Chambre

MM. et Mme les Juges Schön, Président, Widmer et Frésard. Greffière :
Mme
Gehring

B.________, recourant, représenté par Me Jean Lob, avocat, rue du
Lion d'Or
2, 1002 Lausanne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 22 octobre 2002)

Faits:

A.
B. ________, né en

1950, a achevé un apprentissage d'appareilleur.
Après
avoir travaillé pendant plusieurs années en qualité de marchand
ambulant, il
...

{T 7}
I 238/03

Arrêt du 30 décembre 2003
IIe Chambre

MM. et Mme les Juges Schön, Président, Widmer et Frésard. Greffière :
Mme
Gehring

B.________, recourant, représenté par Me Jean Lob, avocat, rue du
Lion d'Or
2, 1002 Lausanne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 22 octobre 2002)

Faits:

A.
B. ________, né en 1950, a achevé un apprentissage d'appareilleur.
Après
avoir travaillé pendant plusieurs années en qualité de marchand
ambulant, il
a repris l'exercice de son métier de formation à partir de 1983. A la
suite
d'un infarctus du myocarde survenu le 1er novembre 1987, il n'a plus
été en
mesure de pratiquer cette profession. Depuis lors, il se trouve sans
activité
lucrative.

Le 30 novembre 1988, B.________ a déposé une demande de prestations de
l'assurance-invalidité. Par décision du 10 août 1990, l'Office de
l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (ci-après: l'office) a
rejeté
la demande, motif pris que l'intéressé s'était soustrait à une mesure
de
réadaptation professionnelle. Le 10 décembre 1991, celui-ci a
présenté une
nouvelle demande que l'office a également rejetée, considérant que
l'intéressé présentait une capacité entière de travail dans une
activité
adaptée à son état de santé et que le degré d'invalidité (27,60 %)
était par
conséquent insuffisant pour ouvrir droit à la rente (décision du 6
avril
2001).

B.
Par jugement du 22 octobre 2002, le Tribunal des assurances du canton
de Vaud
a admis le recours interjeté par B.________ contre cette décision et
lui a
alloué à compter du 1er décembre 1990, une demi-rente fondée sur un
degré
d'invalidité de 63,84 %.

C.
B.________ interjette recours de droit administratif contre ce
jugement dont
il requiert l'annulation, en concluant, sous suite de frais et
dépens, à
l'octroi d'une rente entière à compter du 1er décembre 1990, au
paiement d'un
intérêt moratoire de 5 % l'an sur les prestations arriérées, ainsi
qu'au
bénéfice de l'assistance judiciaire.

L'office intimé conclut implicitement au rejet du recours, cependant
que
l'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
La loi fédérale sur la partie générale des assurances sociales (LPGA)
du 6
octobre 2000, entrée en vigueur au 1er janvier 2003, n'est pas
applicable au
présent litige, dès lors que le juge des assurances sociales n'a pas à
prendre en considération les modifications du droit ou de l'état de
fait
postérieures à la date déterminante de la décision litigieuse du 6
avril 2001
(ATF 127 V 467 consid. 1, 121 V 366 consid. 1b).

2.
Lorsqu'elle est saisie d'une nouvelle demande, l'administration doit
commencer par examiner si les allégations de l'assuré sont, d'une
manière
générale, plausibles. Si tel n'est pas le cas, l'affaire est liquidée
d'entrée de cause et sans autres investigations par un refus d'entrée
en
matière. A cet égard, l'administration se montrera d'autant plus
exigeante
pour apprécier le caractère plausible des allégations de l'assuré que
le laps
de temps qui s'est écoulé depuis sa décision antérieure est bref.
Elle jouit
sur ce point d'un certain pouvoir d'appréciation que le juge doit en
principe
respecter. Ainsi, le juge ne doit examiner comment l'administration a
tranché
la question de l'entrée en matière que lorsque ce point est litigieux,
c'est-à-dire quand l'administration a refusé d'entrer en matière en se
fondant sur l'art.87 al. 4 RAI et que l'assuré a interjeté recours
pour ce
motif. Ce contrôle par l'autorité judiciaire n'est en revanche pas
nécessaire
lorsque l'administration est entrée en matière sur la nouvelle
demande (ATF
109 V 114 consid. 2b).

Quand l'administration entre en matière sur la nouvelle demande, elle
doit
examiner l'affaire au fond, et vérifier que la modification du degré
d'invalidité ou de l'impotence rendue plausible par l'assuré est
réellement
intervenue. Elle doit par conséquent procéder de la même manière
qu'en cas de
révision au sens de l'art. 41 LAI. Si elle constate que l'invalidité
ou
l'impotence ne s'est pas modifiée depuis la décision précédente,
passée en
force, elle rejette la demande. Sinon, elle doit encore examiner si la
modification constatée suffit à fonder une invalidité ou une impotence
donnant droit à prestations et statuer en conséquence. En cas de
recours, le
même devoir de contrôle quant au fond incombe au juge (ATF 117 V 198
consid.
3a et la référence).
Selon l'art. 41 LAI, si l'invalidité d'un bénéficiaire de rente se
modifie de
manière à influencer le droit à la rente, celle-ci est, pour l'avenir,
augmentée, réduite ou supprimée. Tout changement important des
circonstances,
propre à influencer le degré d'invalidité, donc le droit à la rente,
peut
donner lieu à une révision de celle-ci. Le point de savoir si un tel
changement s'est produit doit être tranché en comparant les faits
tels qu'ils
se présentaient au moment de la décision initiale de rente et les
circonstances régnant à l'époque de la décision litigieuse (ATF 125 V
369
consid. 2 et la référence; voir également ATF 112 V 372 consid. 2b et
390
consid. 1b).

3.
En l'espèce, le recourant souffrait, au moment de la décision
initiale de
refus de rente, d'une maladie coronarienne bitronculaire, d'un status
post-infarctus antéro-septal, d'hypertriglycéridémie, de
cholestérolémie,
d'hyperuricémie et de tabagisme. En raison de ces affections, il
n'était plus
en mesure d'exercer sa profession et devait envisager une mesure de
réadaptation professionnelle compatible avec le risque coronarien
qu'il
présentait (rapport du 15 septembre 1988 des docteurs A.________,
C.________
et D.________, cardiologues, rapport du 12 décembre 1988 du docteur
E.________, médecin traitant et rapport du 7 novembre 1989 du docteur
F.________, cardiologue).

4.
4.1Selon les premiers juges, une modification notable de ces
circonstances se
serait produite en ce sens que la capacité de travail du recourant
aurait
diminué de 50 %. A l'appui de leur point de vue, ils se fondent sur
les
conclusions du rapport d'expertise pluridisciplinaire établi le 14
juillet
2000 par les docteurs G.________ et H.________ de la Policlinique
X.________
ainsi que du rapport du 11 mai 1999 du docteur I.________,
cardiologue).
Selon ces rapports, le recourant souffre d'une maladie coronarienne
bitronculaire sévère. En particulier, il présente un status après
infarctus
antéro-septal, un status après angioplastie de l'artère
inter-ventriculaire
antérieure proximale, un status après double angioplastie de l'artère
inter-ventriculaire antérieure distale et un status après
angioplastie de la
circonflexe proximale.

4.2 Sur le plan physique, ces affections imposent au recourant de
sérieuses
restrictions dans l'exercice de ses activités professionnelles et
privées. En
particulier, sa capacité de travail en qualité d'appareilleur et de
brocanteur, ainsi que dans toute autre activité impliquant le port de
charges
lourdes à moyennes est définitivement nulle. Par contre, il est en
mesure
d'accomplir des activités de mécanique ou de menuiserie légère, ainsi
que de
magasinage.

4.3
4.3.1Sur le plan psychique, le recourant a été considérablement
affecté par
la maladie coronarienne dont il est atteint et souffre de dysthymie
(F 34.1),
ainsi que de troubles de l'adaptation avec humeur anxieuse et
dépressive.
Selon le docteur J.________, psychiatre, l'infarctus a été vécu comme
une
menace vitale assimilable à un état de stress post-traumatique. Il
est peu
probable que le recourant, de crainte d'une nouvelle crise, reprenne
son
travail en raison d'une peur partiellement motivée mais très forte de
mourir
s'il devait reprendre une activité qui serait ressentie comme
stressante. La
menace flottante de mort qui envahit l'espace psychique et qui est en
partie
justifiée peut constituer une atteinte à la santé qui peut expliquer
une
inaptitude au travail d'au moins 50 %. L'évolution de la maladie de
son père
et de sa femme peuvent expliquer, de plus, les raisons pour lesquelles
l'intéressé sera vraisemblablement totalement incapable de
travailler. Les
experts retiennent dès lors que le vécu anxieux et la menace latente
de mort
présente en permanence justifient en partie une atteinte à la santé
psychique
entraînant une incapacité de travail de l'ordre de 50% dans une
activité
adaptée évitant le port de charges lourdes ou modérées.

4.3.2 Selon l'art. 4 al. 1 LAI, l'invalidité est la diminution de la
capacité
de gain, présumée permanente ou de longue durée, qui résulte d'une
atteinte à
la santé physique ou mentale provenant d'une infirmité congénitale,
d'une
maladie ou d'un accident.

Parmi les atteintes à la santé psychique, qui peuvent, comme les
atteintes
physiques, provoquer une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI, on
doit
mentionner - à part les maladies mentales proprement dites - les
anomalies
psychiques qui équivalent à des maladies. On ne considère pas comme
des
conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des
affections à
prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la
capacité
de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne
volonté; la
mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi
objectivement que
possible. Il faut donc établir si et dans quelle mesure un assuré
peut,
malgré son infirmité mentale, exercer une activité que le marché du
travail
lui offre, compte tenu de ses aptitudes. Le point déterminant est ici
de
savoir quelle activité peut raisonnablement être exigée dans son cas.
Pour
admettre l'existence d'une incapacité de gain causée par une atteinte
à la
santé mentale, il n'est donc pas décisif que l'assuré exerce une
activité
lucrative insuffisante; il faut bien plutôt se demander s'il y a lieu
d'admettre que la mise à profit de sa capacité de travail ne peut,
pratiquement, plus être raisonnablement exigée de lui, ou qu'elle
serait même
insupportable pour la société (ATF 102 V 165; VSI 2001 p. 224 consid.
2b et
les références; cf. aussi ATF 127 V 298 consid. 4c in fine).

4.3.3 En l'occurrence, le rapport d'expertise pluridisciplinaire du 14
juillet 2000 des docteurs G.________ et H.________ contient
suffisamment
d'éléments au plan psychiatrique pour que l'on puisse se convaincre
du fait
que l'intéressé n'est pas en mesure de reprendre pleinement une
activité
lucrative. En outre, ce rapport répond à toutes les exigences
permettant de
lui reconnaître pleine valeur probante (ATF 125 V 352 consid. 3a, 122
V 160
consid. 1c et les références), de sorte qu'il n'y a pas lieu de s'en
écarter.
En particulier, les conclusions claires des experts ne sont pas
sujettes à
interprétation et l'avis de l'office selon lequel une partie
seulement de
l'incapacité de travail du recourant résulterait d'une anxiété liée à
la
crainte de mourir, l'autre n'étant mise sur le compte d'aucune
affection
psychique de sorte qu'il présenterait en définitive une capacité
entière de
travail dans une activité adaptée, ne saurait être suivi. Par
ailleurs,
l'incapacité entière de travail présentée par le recourant à partir
du 17 mai
1993 (cf. rapport du 29 septembre 1993 du docteur E.________) n'est
pas
déterminante pour évaluer le degré d'invalidité de l'intéressé dans
la mesure
où elle reflète l'état de santé qu'il présentait avant de subir, au
cours du
mois de juillet 1993, une dilatation coronarienne pour récidive de
sténose de
l'artère inter-ventriculaire arrière. Enfin, dans la mesure où le
docteur
I.________ (rapport du 11 mai 1999) indique que les activités
physiques du
recourant sont fortement diminuées par la maladie coronarienne, son
avis
corrobore celui des experts qui considèrent que celui-ci n'est plus
en mesure
d'exercer son activité lucrative habituelle, mais qu'il dispose
toutefois
d'une capacité entière de travail dans une activité exigible. Par
contre,
dans la mesure où ce médecin s'exprime au sujet de l'état de santé
psychique
du recourant (rapports du 11 mai 1999 et du 2 décembre 1996), son
avis ne
saurait prévaloir sur celui des experts qui considèrent que ces
affections
entraînent une incapacité de travail de 50 %.

4.4 Sur le vu de ce qui précède, c'est à juste titre que la
juridiction
cantonale a retenu que le recourant présente une capacité résiduelle
de
travail de 50 % dans une activité adaptée. Dans la mesure où cette
capacité
est passée de 100 à 50 % entre le moment de la décision initiale de
refus de
rente et celui de la décision litigieuse, il s'est produit une
modification
des circonstances dont il convient d'évaluer le caractère notable en
examinant quelle en est l'incidence sur le degré d'invalidité du
recourant.

5.
5.1Chez les assurés actifs, le degré d'invalidité doit être déterminé
sur la
base d'une comparaison des revenus. Pour cela, le revenu du travail
que
l'invalide pourrait obtenir en exerçant l'activité qu'on peut
raisonnablement
attendre de lui, après exécution éventuelle de mesures de
réadaptation et
compte tenu d'une situation équilibrée du marché du travail, est
comparé au
revenu qu'il aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide (art. 28 al.
2 LAI).
La comparaison
des revenus s'effectue, en règle ordinaire, en
chiffrant aussi
exactement que possible les montants de ces deux revenus et en les
confrontant l'un avec l'autre, la différence permettant de calculer
le taux
d'invalidité (méthode générale de comparaison des revenus; ATF 128 V
30
consid. 1, 104 V 136 consid. 2a et 2b).

5.2 En l'espèce, le recourant est sans activité lucrative et ne
perçoit plus
de gain régulier depuis 1987. Avant la survenance de la maladie
coronarienne,
il a exercé, à titre indépendant, les métiers d'appareilleur et de
marchand
ambulant. A l'époque de la première demande de prestations, il a
indiqué
avoir réalisé ainsi des gains mensuels de l'ordre de 2'500 à 3'000
fr., mais
il n'a produit aucune pièce justificative et précisé n'avoir jamais
tenu de
comptabilité. Dans ces circonstances, il convient de déterminer les
revenus
avec et sans invalidité en se référant aux données statistiques,
telles
qu'elles résultent de l'enquête sur la structure des salaires (ESS)
publiée
par l'Office fédéral de la statistique (ATF 126 V 76 consid. 3b/aa et
bb), en
particulier, au salaire moyen auquel peuvent prétendre les hommes
effectuant
des activités simples et répétitives dans le secteur privé en 2001,
date de
la décision litigieuse. Lorsque les revenus avec et sans invalidité
sont
basés sur la même tabelle statistique, il est superflu de les
chiffrer avec
exactitude. En pareil cas, le degré d'invalidité se confond avec
celui de
l'incapacité de travail, sous réserve d'une éventuelle réduction du
salaire
statistique (arrêt M. du 15 avril 2003 [I 1/03] consid. 5.2). En
l'occurrence, compte tenu d'une incapacité de travail de 50 %, il
résulte un
degré d'invalidité inférieur à 66 % - cela même en procédant à
l'abattement
maximum de 25 % sur le revenu d'invalide (cf. ATF 126 V 78 consid. 5)
- de
sorte que le recourant n'a pas droit à une rente entière et que le
jugement
entrepris n'est pas critiquable.

6.
6.1Par ailleurs, le recourant conclut au versement d'intérêts
moratoires sur
les prestations arriérées, motif pris de la durée de la procédure.

6.2 L'art. 29 al. 1 Cst. - qui a succédé à l'art. 4 al. 1 aCst.
depuis le 1er
janvier 2000 - dispose que toute personne a droit, dans une procédure
judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée
équitablement et
jugée dans un délai raisonnable. A l'instar de l'art. 6 par. 1 CEDH -
qui
n'offre, à cet égard, pas une protection plus étendue (RCC 1978 p. 325
consid. 2) -, cette disposition consacre le principe de la célérité,
autrement dit prohibe le retard injustifié à statuer. L'autorité
viole cette
garantie constitutionnelle lorsqu'elle ne rend pas la décision qu'il
lui
incombe de prendre dans le délai prescrit par la loi ou dans un délai
que la
nature de l'affaire ainsi que toutes les autres circonstances font
apparaître
comme raisonnable (ATF 129 V 416 consid. 1, 126 V 249 consid. 4a, 124
I 139,
119 III 1, 117 Ia 117 consid. 3a, 197 consid. 1c; voir aussi
Auer/Malinverni/Hottelier, Droit constitutionnel suisse, vol. II, Les
droits
fondamentaux, p. 594 s. nos 1244 s.).

Le caractère raisonnable de la durée de la procédure s'apprécie en
fonction
des circonstances particulières de la cause, lesquelles commandent
généralement une évaluation globale. Entre autres critères sont
notamment
déterminants le degré de complexité de l'affaire, l'enjeu que revêt
le litige
pour l'intéressé ainsi que le comportement de ce dernier et celui des
autorités compétentes (ATF 124 I 142 consid. 2c, 119 Ib 325 consid.
5b et les
références indiquées). A cet égard, il appartient au justiciable
d'entreprendre ce qui est en son pouvoir pour que l'autorité fasse
diligence,
que ce soit en l'invitant à accélérer la procédure ou en recourant,
le cas
échéant, pour retard injustifié (ATF 107 Ib 155 consid. 2b et c p.
158 s.).
Cette obligation s'apprécie toutefois avec moins de rigueur en
procédure
pénale et administrative (Haefliger/Schürmann, Die Europäische
Menschenrechtskonvention und die Schweiz, Berne 1999, p. 203-204;
Auer/Malinverni/Hottelier, op. cit., n° 1243). On ne saurait par
ailleurs
reprocher à une autorité quelques temps morts; ceux-ci sont
inévitables dans
une procédure (ATF 124 I 142 consid. 2c, 119 Ib 325 consid. 5b et les
références indiquées). Une organisation déficiente ou une surcharge
structurelle ne peuvent cependant justifier la lenteur excessive d'une
procédure (ATF 122 IV 111 consid. I/4); il appartient en effet à
l'Etat
d'organiser ses juridictions de manière à garantir aux citoyens une
administration de la justice conforme aux règles (ATF 119 III 3
consid. 3;
Haefliger/Schürmann, op. cit., p. 204 s.; Auer/Malinverni/Hottelier,
op.
cit., nos 1244 ss).

Dans le domaine du droit des assurances sociales, le Tribunal fédéral
des
assurances considère depuis longtemps déjà qu'il n'y a en principe
pas place
pour des intérêts moratoires, dans la mesure où ils ne sont pas
prévus par la
législation. La principale raison de l'exclusion de la dette
d'intérêts dans
ce domaine réside dans le rôle dévolu à l'administration. Celle-ci se
présente comme détentrice de la puissance publique chargée
d'instruire,
parfois longuement, les demandes de prestations émanant des
particuliers et
leur appliquer le droit de manière objective. Lui imposer
systématiquement
des intérêts moratoires reviendrait à la pénaliser pour avoir
accompli son
devoir avec soin. Quant à l'assuré, la règle de l'égalité des parties
commande de le dispenser lui aussi du paiement d'intérêts de retard
lorsqu'il
a défendu ce qu'il estimait être son droit. De manière générale, l'on
peut
dire qu'il faut laisser l'administration exercer ses fonctions et
l'assuré
défendre ses droits sans craindre de devoir verser des intérêts
moratoires.
On ne saurait cependant laisser sans aucune sanction des manoeuvres
illicites
ou purement dilatoires. L'octroi d'intérêts de retard, dans ces
hypothèses,
se justifie même dans le domaine des assurances sociales, mais il ne
doit
intervenir qu'avec retenue. Il a ainsi été considéré qu'il n'y avait
pas lieu
d'admettre une obligation générale de verser des intérêts à des
groupes de
cas et que seules des situations particulières pouvaient, à titre
exceptionnel, donner lieu à un tel résultat, quand le sentiment du
droit est
heurté de manière particulière (ATF 119 V 81 sv. consid. 3 et 4,
ainsi que
les arrêts cités; RAMA 2000 U 360 p. 34 consid. 3a). Cette situation
a été
modifiée avec l'entrée en vigueur de l'art. 26 al. 2 LPGA, qui n'est
toutefois pas applicable en l'espèce (cf. supra consid. 1).

6.3
6.3.1La LAI ne prévoit pas le versement d'intérêts moratoires. Il
faut donc
examiner si la situation particulière du cas d'espèce justifie qu'il
en soit
alloué au recourant sous l'angle de la jurisprudence qui vient d'être
rappelée.

6.3.2 La demande de rente a été déposée le 10 décembre 1991 et la
décision
litigieuse prononcée le 6 avril 2001. Si l'exigence de la célérité de
la
procédure ne saurait l'emporter sur la nécessité d'une instruction
complète
(ATF 119 Ib 325 consid. 5), il n'en demeure pas moins que la durée
d'instruction du cas d'espèce (plus de neuf années entre le moment du
dépôt
de la demande et le prononcé de la décision litigieuse), considérée
dans son
ensemble, apparaît sans nul doute excessive. Certes a-t-elle été
prolongée en
raison du caractère labile de l'état de santé de l'assuré. Toutefois,
au mois
de février 1997, l'office a constaté que des mesures de réadaptation
professionnelle ne pouvaient être envisagées en raison de l'état de
santé
physique et psychique du recourant (cf. courrier du 4 février 1997).
Se
référant à un rapport du docteur I.________ établi le 2 décembre 1996,
l'office a souligné que la maladie coronarienne dont le recourant
souffrait
lui interdisait toute activité professionnelle non sédentaire tandis
que
l'évolution psychologique cumulée à de nombreuses somatisations
empêchait
tout reclassement professionnel dans une activité purement sédentaire
et
intellectuelle. L'office en a conclu que le recourant ne pouvait en
aucune
manière être réintégré dans le circuit économique, que sa capacité de
gain
était par conséquent nulle de sorte qu'il convenait d'archiver le
dossier en
ce qui concerne une éventuelle réadaptation. Dans la mesure où, de
surcroît,
ces conclusions confirmaient le pronostic défavorable sur les plans
médical
et professionnel posé par les médecins du Centre médical
d'Observation de
l'Assurance Invalidité (cf. un rapport du 14 août 1995), il y a lieu
d'admettre qu'au mois de février 1997, l'instruction de la procédure
était
suffisamment étayée pour permettre à l'office de statuer en
connaissance de
cause, ce qu'il n'a pas fait. Menée de manière peu méthodique, la
procédure a
dès lors occasionné des lenteurs inutiles, au demeurant non
imputables au
justiciable. Dans ces circonstances, l'office n'a pas statué dans un
délai
raisonnable au vu de la nature de l'affaire, du degré de complexité de
celle-ci ainsi que de l'enjeu que le litige revêtait pour
l'intéressé. Il y a
ainsi lieu d'admettre l'existence d'un retard injustifié à statuer
que l'on
peut assimiler à un acte illicite de l'administration (cf.
Jean-François
Egli, L'activité illicite du juge, cause de responsabilité pécuniaire
à
l'égard des tiers, in Hommage à Raymond Jeanprêtre, Neuchâtel 1982,
p. 18 ch.
4.3). Dès lors, il convient d'admettre dans le cas particulier, le
versement
d'intérêts moratoires à compter du mois de février 1997 au taux usuel
de 5
pour cent l'an. Il appartiendra à l'administration à laquelle la
cause est
renvoyée, d'en opérer le calcul.

7.
7.1Vu la nature du litige, il n'y a pas lieu de percevoir de frais de
justice
(art. 134 OJ).

7.2 En tant que le recourant obtient partiellement gain de cause, il
a en
principe droit à une indemnité de dépens réduite (art. 159 al. 3 OJ).
Etant
donné qu'il est toutefois constaté une violation du principe de la
célérité
de la procédure, il convient, sur le vu des circonstances, de
condamner
l'office intimé à lui verser une pleine indemnité de dépens (ATF 129
V 423
consid. 4; voir également Pra. 90/2001 n° 3 p. 22 consid. 5).

7.3 Dans la mesure où, d'une part, le recourant perçoit une pleine
indemnité
de dépens et où, d'autre part, la procédure est gratuite, la demande
d'assistance judiciaire est sans objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est partiellement admis. Le jugement du Tribunal des
assurances du
canton de Vaud du 22 octobre 2002 ainsi que la décision de l'Office
pour
l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud du 6 avril 2001 sont
modifiés
en ce sens que le recourant a droit au versement d'intérêts
moratoires sur
les prestations arriérées à partir du mois de février 1997. Le
recours est
rejeté pour le surplus.

2.
La cause est renvoyée audit office pour qu'il procède conformément aux
considérants.

3.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

4.
L'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud versera au
recourant la somme de 2'500 fr. à titre de dépens (y compris la taxe
sur la
valeur ajoutée) pour l'instance fédérale.

5.
Le Tribunal des assurances du canton de Vaud statuera sur les dépens
pour la
procédure de première instance, au regard de l'issue du procès de
dernière
instance.

6.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des
assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 30 décembre 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

p. le Président de la IIe Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.238/03
Date de la décision : 30/12/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-12-30;i.238.03 ?
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