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30/12/2003 | SUISSE | N°B.59/03

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 30 décembre 2003, B.59/03


{T 7}
B 59/03

Arrêt du 30 décembre 2003
IVe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Ferrari et Kernen.
Greffier : M.
Berthoud

Office fédéral des assurances sociales, Effingerstrasse 20, 3003
Berne,
recourant,

contre

Fondation collective LPP de la Rentenanstalt, intimée,

concernant P.________, Portugal, représenté par le
Centre social protestant, rue du Temple Allemand 23, 2300 La
Chaux-de-Fonds

Tribunal administratif de la République et canton de Genève, Ge

nève

(Jugement du 6 mai 2003)

Faits:

A.
P. ________ a été employé de E.________ SA, de siège à G.________,...

{T 7}
B 59/03

Arrêt du 30 décembre 2003
IVe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Ferrari et Kernen.
Greffier : M.
Berthoud

Office fédéral des assurances sociales, Effingerstrasse 20, 3003
Berne,
recourant,

contre

Fondation collective LPP de la Rentenanstalt, intimée,

concernant P.________, Portugal, représenté par le
Centre social protestant, rue du Temple Allemand 23, 2300 La
Chaux-de-Fonds

Tribunal administratif de la République et canton de Genève, Genève

(Jugement du 6 mai 2003)

Faits:

A.
P. ________ a été employé de E.________ SA, de siège à G.________, du
10
septembre au 31 décembre 1990. A compter du 1er janvier 1992, il
bénéficie
d'une rente entière d'invalidité, fondée sur un taux d'invalidité de
100 %
(cf. prononcé présidentiel de la Commission de l'assurance-invalidité
du
canton de Neuchâtel du 3 juin 1993).

Ayant appris que E.________ SA avait été affilié auprès de la
Fondation
collective LPP de la Rentenanstalt (ci-après la Fondation),
P.________ a
interpellé l'institution de prévoyance au sujet des prestations qui
lui
seraient dues. Dans le cadre d'un échange de correspondance, cette
dernière
lui a répondu que le contrat de prévoyance avec E.________ SA avait
été
résilié avec effet au 31 décembre 1987 et qu'elle ne le considérait
pas comme
assuré (cf. notamment lettres des 3 janvier 1997 et 1er novembre
2001).

B.
Par mémoire du 14 décembre 2001, l'intéressé a ouvert action contre la
Fondation devant le Tribunal administratif du canton de Genève
(aujourd'hui :
Tribunal cantonal des assurances sociales) en concluant
principalement à
l'octroi d'une rente. La Fondation a conclu au rejet de la demande.

La juridiction cantonale a, par jugement du 6 mai 2003, déclaré
celle-ci
irrecevable, au motif que la Fondation n'avait pas la qualité pour
défendre.

C.
L'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) interjette recours de
droit
administratif contre ce jugement dont il demande l'annulation. Il
conclut au
renvoi de la cause à la juridiction cantonale afin que celle-ci
déclare
recevable l'action dirigée par P.________ contre la Fondation et la
rejette,
puis qu'elle examine, le cas échéant, quelle autre institution de
prévoyance
est compétente pour verser des prestations d'invalidité au demandeur.

La Fondation conclut au rejet du recours en ce qui la concerne,
tandis que
P.________ en propose l'admission.

Considérant en droit:

1.
Aux termes de l'art. 73 al. 1 LPP, chaque canton désigne un tribunal
qui
connaît, en dernière instance cantonale, des contestations opposant
institutions de prévoyance, employeurs et ayants droit. Les décisions
des
tribunaux cantonaux peuvent être déférées au Tribunal fédéral des
assurances
par la voie du recours de droit administratif (art. 73 al. 4 LPP).

La compétence des autorités visées par l'art. 73 LPP est doublement
définie.
Elle l'est, tout d'abord, quant à la nature du litige : il faut que la
contestation entre les parties porte sur des questions spécifiques de
la
prévoyance professionnelle, au sens étroit ou au sens large. Ce sont
donc
principalement des litiges qui portent sur des prestations
d'assurance, des
prestations de libre passage (actuellement prestations d'entrée ou de
sortie)
et des cotisations. En revanche, les voies de droit de l'art. 73 LPP
ne sont
pas ouvertes lorsque la contestation a un fondement juridique autre
que le
droit de la prévoyance professionnelle, même si elle devait avoir des
effets
relevant du droit de ladite prévoyance (ATF 128 V 44 consid. 1b, 127
V 35
consid. 3b et les références).

Cette compétence est également limitée par le fait que la loi désigne
de
manière non équivoque les parties pouvant être liées à une
contestation,
savoir les institutions de prévoyance, les employeurs et les ayants
droit
(ATF 127 V 35 consid. 3b et les références; sur cette question, voir
aussi
Meyer-Blaser, Die Rechtswege nach dem BVG, RDS [106] 1987 I p. 610
ss, et
Schwarzenbach-Hanhart, Die Rechtspflege nach dem BVG, RSAS 1983 p.
174).

2.
Dans son écriture de recours comme dans ses conclusions, l'OFAS ne
conteste
pas le fait que la juridiction cantonale a libéré la Fondation LPP de
la
Rentenanstalt des fins de l'action ouverte à son encontre par
P.________. La
procédure a en effet permis d'établir que le contrat de prévoyance
passé avec
E.________ SA avait été résilié pour le 31 décembre 1987. Dès lors les
premiers juges pouvaient correctement en déduire que l'intimé qui a
travaillé
pour le compte de E.________ SA du 10 septembre au 31 décembre 1990
n'avait
jamais été affilié à cette institution de prévoyance. Au demeurant
c'est à
juste titre qu'ils ont considéré qu'une responsabilité de
l'institution de
prévoyance fondée sur une obligation d'informer n'était pas donnée.
On peut
sur ce point renvoyer à leurs considérants.
Reste à examiner si c'est à juste titre que la demande a été déclarée
irrecevable, au motif que l'institution de prévoyance intimée n'avait
pas
qualité pour défendre.

3.
3.1Le Tribunal fédéral des assurances n'étant pas lié par les motifs
que les
parties invoquent (art. 114 al. 1 en corrélation avec l'art. 132 OJ),
il
examine d'office si le jugement attaqué viole des normes de droit
public
fédéral ou si la juridiction de première instance a commis un excès
ou un
abus de son pouvoir d'appréciation (art. 104 let. a OJ). Il peut ainsi
admettre ou rejeter un recours sans égard aux griefs soulevés par le
recourant ou aux raisons retenues par le premier juge (ATF 125 V 500
consid.
1, 124 V 340 consid. 1b et les références).

3.2 La question de la qualité pour agir relève, comme dans un procès
civil,
du fondement matériel de l'action. L'absence de cette qualité, au
demeurant,
entraîne, non pas l'irrecevabilité, mais le rejet de la demande (ATF
111 V
347 consid. 1c, 108 II 217 consid. 1 et les références; SVR 1999 KV
n° 13 p.
29 consid. 2b). Le point de savoir si une partie a qualité pour agir
ou pour
défendre est donc une question de fond qui ne peut être tranchée que
par le
tribunal prévu par l'organisation judiciaire.

Dans le cas particulier, l'institution de prévoyance contre laquelle
était
dirigée l'action avait incontestablement qualité pour défendre.
D'ailleurs,
et malgré la formulation défectueuse du considérant topique et du
dispositif,
les juges cantonaux sont entrés en matière sur l'action qu'ils ont en
réalité
rejetée après avoir constaté que les prétentions de la partie
demanderesse
n'étaient pas fondées en droit. Il convient donc d'admettre le
recours sur ce
point et de réformer dans ce sens d'office le dispositif du jugement
attaqué.

4.
A l'appui de son recours, l'OFAS soutient qu'il appartenait à la
juridiction
cantonale de rechercher d'office, après avoir rejeté l'action dirigée
contre
la Fondation, si une autre institution de prévoyance devait prendre
en charge
le cas d'invalidité de P.________.

4.1 Alors que dans le contentieux administratif traditionnel soit
l'administration soit l'institution de droit public ou privé chargée
d'exécuter la législation en la matière rend une décision pour régler
un
rapport de droit avec un administré ou un assuré qui peut ensuite
faire
l'objet d'une opposition et/ou d'un recours, la voie de l'action est
imposée
par le droit fédéral aussi bien dans certaines procédures arbitrales
(par ex.
art. 89 LAMal) que dans le domaine de la prévoyance professionnelle
(cf. ATF
112 Ia 184 consid. 2a; voir aussi ATF 129 V 451 consid. 2 et les
références)
ou, jadis, en matière de responsabilité de l'employeur au sens de
l'art. 52
LAVS (cf. art. 81 al. 3 RAVS, en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002).

Ainsi dans la première hypothèse, l'intervention juridictionnelle
succède à
une première procédure. Elle a pour objet la validité d'une décision
prise
par l'instance précédente et constitue un contentieux dit objectif.
Dans la
seconde, le juge est la première instance et même parfois l'unique
instance.
Ce contentieux dit subjectif oppose deux ou plusieurs parties,
demanderesse
ou défenderesse, et a pour objet l'existence ou l'étendue d'un droit
ou d'une
obligation dont l'une d'elle prétend être titulaire contre l'autre
(Moor,
Droit administratif, vol. II p. 347).

L'art. 73 LPP se limite à fixer des règles-cadres de procédure.
Celle-ci doit
être simple, rapide et, en principe, gratuite. Lorsque le litige
porte sur
une contestation opposant ayant-droit et institution de prévoyance,
l'action
est ouverte à l'initiative du premier nommé par une écriture qui doit
désigner l'institution de prévoyance visée, contenir des conclusions
ainsi
qu'une motivation. C'est ainsi la partie qui déclenche l'ouverture de
la
procédure et détermine l'objet du litige (maxime de disposition). Le
juge
n'est toutefois pas lié par les conclusions des parties; il peut ainsi
adjuger plus ou moins que demandé à condition de respecter leur droit
d'être
entendues.

Après l'échange d'écritures, la procédure probatoire est conduite par
le juge
qui doit constater d'office les faits (art. 73 al. 2, 2e phrase LPP).
Suivant
la maxime inquisitoire, il incombe ensuite au juge d'établir
spontanément les
faits pertinents ou déterminants pour assurer une application
correcte de la
loi, les parties ayant le devoir de collaborer à la constatation des
faits.

4.2 En l'espèce, la procédure a été ouverte par la demande de
P.________
dirigée à l'encontre de la Fondation intimée à laquelle il réclamait
le
versement d'une rente d'invalidité. Le juge cantonal saisi a
correctement
réuni d'office les preuves pour dire le droit.

Ayant rendu son jugement dans le litige ainsi défini, il ne lui
incombait
cependant pas de rechercher d'office si l'action aurait dû être
dirigée
également contre une autre institution de prévoyance, voire de
statuer à
l'encontre de cette seconde institution. Une telle obligation ne
résulte pas
de la loi et ne peut être déduite des règles applicables à la
procédure de
l'action. Comme on l'a vu la maxime de disposition détermine aussi
bien
l'objet du litige que les parties en cause alors que la maxime
inquisitoire
n'oblige le juge qu'à réunir les preuves en vue d'établir les faits
déterminants pour statuer sur l'existence d'un droit dont le demandeur
prétend être titulaire contre l'intimée.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours de droit administratif est partiellement admis en ce sens
que le
premier paragraphe du dispositif du jugement du Tribunal
administratif du
canton de Genève du 6 mai 2003 est réformé comme suit : «La demande
déposée
par P.________ contre la Fondation collective LPP de la Rentenanstalt
est
rejetée».

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des
assurances sociales du canton de Genève et à P.________.

Lucerne, le 30 décembre 2003

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IVe Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : B.59/03
Date de la décision : 30/12/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-12-30;b.59.03 ?
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