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24/12/2003 | SUISSE | N°1P.627/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 24 décembre 2003, 1P.627/2003


{T 0/2}
1P.627/2003/col

Arrêt du 24 décembre 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Féraud et Fonjallaz.
Greffier: M. Parmelin.

la société G.________,
M.________,
recourants, tous deux représentés par Mes Christophe Sivilotti et
Anne Iseli,
avocats,

contre

K.________,
intimé, représenté par Me Boris Heinzer, avocat,
Commune de Vex, 1981 Vex, représentée par Me Jean-Pierre Schmid,
avocat,
a

venue du Midi 14, 1951 Sion,
Conseil d'Etat du canton du Valais,
Palais du Gouvernement, 1950 Sion,
Tribunal cantonal du canto...

{T 0/2}
1P.627/2003/col

Arrêt du 24 décembre 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Féraud et Fonjallaz.
Greffier: M. Parmelin.

la société G.________,
M.________,
recourants, tous deux représentés par Mes Christophe Sivilotti et
Anne Iseli,
avocats,

contre

K.________,
intimé, représenté par Me Boris Heinzer, avocat,
Commune de Vex, 1981 Vex, représentée par Me Jean-Pierre Schmid,
avocat,
avenue du Midi 14, 1951 Sion,
Conseil d'Etat du canton du Valais,
Palais du Gouvernement, 1950 Sion,
Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de droit public, Palais de
Justice, avenue Mathieu-Schiner 1,
1950 Sion 2.

ordre d'exécuter des travaux,
recours de droit public contre l'arrêt de la Cour de
droit public du Tribunal cantonal du canton du Valais
du 5 septembre 2003.

Faits:

A.
Le 22 septembre 1994, le Conseil communal de la Commune de Vex a
délivré à la
société anonyme G.________ l'autorisation de construire un chalet sur
la
parcelle n° 6535 du cadastre communal, propriété de M.________.
Le 30 octobre 1997, cette autorité a ordonné l'arrêt des travaux au
motif
qu'ils n'étaient pas conformes aux plans approuvés. Le 7 novembre
1997,
G.________ a mis à l'enquête publique une demande d'autorisation de
construire visant à régulariser les travaux. Le propriétaire voisin,
K.________, a fait opposition en invoquant notamment une surhauteur
du chalet
de 1,24 mètre par rapport à la hauteur maximale de 8,50 mètres fixée
à l'art.
18 du règlement du plan de quartier de l'Alpage de Thyon, homologué
le 21
février 1979 par le Conseil d'Etat du canton du Valais (ci-après: le
Conseil
d'Etat).
Par décision du 28 mai 1998, le Conseil communal de Vex a délivré à
G.________ l'autorisation de construire requise sous diverses
conditions et
levé l'opposition, estimant que le dépassement de la hauteur
réglementaire
n'était pas important au point de justifier un ordre de remise en
état des
lieux. Le Conseil d'Etat a rejeté le recours formé contre cette
décision par
K.________, au terme d'un prononcé rendu le 5 mai 1999 que la Cour de
droit
public du Tribunal cantonal du canton du Valais (ci-après: le Tribunal
cantonal ou la cour cantonale) a annulé pour des raisons formelles,
le 28
janvier 2000. Le 4 juillet 2001, le Conseil d'Etat a pris une nouvelle
décision, rejetant le recours de K.________ en tant qu'il concluait à
la
remise en conformité de la parcelle n° 6535 en son état avant les
travaux de
construction.
Au terme d'un arrêt rendu le 21 mars 2002, le Tribunal cantonal a
admis, dans
la mesure où il était recevable, le recours formé par K.________
contre cette
décision qu'il a annulée et a renvoyé le dossier à la Commune de Vex
pour
qu'elle rétablisse une situation conforme au droit, dans le sens d'un
abaissement de la hauteur du chalet de 78 centimètres. Dans sa séance
du 23
mai 2002, le Conseil communal de Vex a décidé d'ordonner la
démolition de la
surhauteur du chalet érigé sur la parcelle n° 6535 dans un délai de
six mois
sous peine d'amende en cas d'inexécution. Il précisait que "la
présente
décision est prise à l'encontre de G.________, qui exécutera
l'abaissement du
chalet à ses frais, ainsi qu'à l'encontre du propriétaire,
M.________, tenu
de tolérer la démolition".
Le Conseil d'Etat a rejeté le recours formé contre cette décision par
G.________ et M.________ au terme d'une décision prise le 22 janvier
2003.
Ces derniers ont recouru sans succès auprès du Tribunal cantonal.
Statuant
dans un arrêt du 5 septembre 2003, celui-ci a laissé indécise la
question de
la qualité pour recourir de G.________; sur le fond, il a estimé que
l'ordre
de remise en état était justifié.

B.
Agissant par la voie du recours de droit public, G.________ et
M.________
demandent au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt et de renvoyer la
cause à
la cour cantonale pour qu'elle statue à nouveau dans le sens des
considérants. Invoquant les art. 9, 26, 35 et 36 Cst., ils se
plaignent d'une
application arbitraire du droit cantonal, d'une violation des
principes de la
légalité et de la hiérarchie des normes et, s'agissant de M.________,
d'une
violation de la garantie de la propriété.
Le Tribunal cantonal a renoncé à déposer des observations. La Commune
de Vex
et le Conseil d'Etat concluent au rejet du recours. K.________
propose de le
déclarer irrecevable, subsidiairement de le rejeter.

C.
Par ordonnance du 17 novembre 2003, le Président de la Ire Cour de
droit
public a admis la demande d'effet suspensif présentée par les
recourants.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours
de droit public qui lui sont soumis (ATF 129 I 302 consid. 1 p. 305).

1.1 Selon la jurisprudence, une décision qui confirme ou exécute une
décision
antérieure entrée en force ne peut pas, en principe, être attaquée
par la
voie du recours de droit public au motif que la décision de base
serait
inconstitutionnelle; un tel recours serait tardif (cf. art. 89 al. 1
OJ; ATF
118 Ia 209 consid. 2b p. 212; 116 Ia 207 consid. 3b p. 211; 107 Ia 331
consid. 1a p. 333/334 et les arrêts cités). La jurisprudence a admis
certaines exceptions à ce principe lorsque l'acte d'exécution met en
cause
des droits constitutionnels inaliénables et imprescriptibles ou
lorsque la
décision inexécutée est frappée de nullité absolue. L'arrêt du 21
mars 2002
par lequel le Tribunal cantonal a constaté la non-conformité du
chalet édifié
sur la parcelle n° 6535 aux règles sur la hauteur des constructions
et a
renvoyé le dossier à la Commune de Vex pour qu'elle rétablisse une
situation
conforme au droit est devenu définitif, faute de recours. Dès lors, en
enjoignant à G.________ de ramener la construction litigieuse à la
hauteur
réglementaire, le Conseil communal de Vex n'a fait qu'exiger le
respect de
cet arrêt. Dans cette mesure, sa décision doit être qualifiée de
simple
décision d'exécution, tant en ce qui concerne le refus de régulariser
la
situation par l'octroi d'une autorisation dérogatoire que la
proportionnalité
de l'ordre de remise en état. Le recours de G.________ est donc
irrecevable
en tant qu'il remet en cause ces différents points, dans la mesure où
aucune
des exceptions posées par la jurisprudence n'entre en considération.
Pour le
surplus, la société recourante n'invoque aucun grief en relation avec
l'obligation nouvelle que lui fait le Conseil communal de Vex dans sa
décision du 23 mai 2002 de procéder à ses frais à la suppression de la
surhauteur. Le recours est donc irrecevable en tant qu'il émane de
G.________.

1.2 La question est plus délicate s'agissant de M.________, dans la
mesure où
celui-ci n'était pas formellement partie à la procédure qui a abouti à
l'arrêt du Tribunal cantonal du 21 mars 2002. Cependant, on peut se
demander
si le recourant n'a pas conféré à G.________ des pouvoirs de
représentation
tacite, qui justifieraient de lui opposer cet arrêt (cf. arrêt
1P.125/1991 du
13 janvier 1992, consid. 1b). Cette question peut rester indécise.
Lorsque,
comme en l'espèce, l'ordre de rétablissement est donné à un
perturbateur ne
disposant pas du bien-fonds sur lequel il doit effectuer les travaux,
il ne
peut être exécuté que si celui qui détient le pouvoir sur le terrain y
consent. L'ordre n'est pas nul si cette autorisation fait défaut; il
est
seulement inexécutable en l'état. L'autorité doit alors ordonner au
propriétaire d'éliminer l'état de fait contraire au droit ou de
tolérer les
travaux. Dans cette hypothèse, celui-ci ne peut s'opposer qu'à
l'obligation
qui lui est faite de tolérer la démolition et ne peut s'en prendre au
refus
de l'autorisation demandée après coup lorsque cette décision est
entrée en
force (ATF 107 Ia 19 consid. 4 p. 28; arrêt P.226/1987 du 18 avril
1988,
consid. 2). Le recours n'est donc recevable, en tant qu'il émane de
M.________, que dans la mesure où ce dernier s'en prend à l'ordre qui
lui est
fait de tolérer l'abaissement du toit de son chalet aux frais de
G.________.
En revanche, en tant qu'il reproche à la cour cantonale d'avoir violé
les
principes de la légalité et de la hiérarchie des normes en appliquant
les
dispositions du règlement de construction et de zones de la commune
de Vex en
lieu et place de la loi cantonale sur les constructions, entrée en
vigueur le
1er janvier 1997, pour calculer la hauteur du chalet, son recours est
irrecevable dès lors que cette question est liée à la procédure de
régularisation des travaux exécutés de manière non conforme aux plans
et non
à celle de la remise en état des lieux.

2.
Invoquant son droit de propriété garanti à l'art. 26 al. 1 Cst.,
M.________
tient l'ordre de démolition pour dénué de base légale et
disproportionné.

2.1 L'ordre de remise en état des lieux repose sur une base légale
expresse,
soit les art. 51 de la loi valaisanne sur les constructions du 8
février 1996
(LC) et 58 al. 2 de l'ordonnance sur les constructions du 2 octobre
1986
(OC), qui permettent à l'autorité compétente en matière de police des
constructions de prendre les mesures nécessaires pour rétablir une
situation
conforme au droit en cas d'exécution illicite des travaux de
construction ou
lorsque des dispositions en matière de construction ou des conditions
et
charges n'ont pas été respectées. Ces dispositions reconnaissent
ainsi une
certaine marge d'appréciation aux communes dans le choix de la mesure
adéquate pour rétablir une situation conforme au droit, dont elles
doivent
faire usage dans le respect des principes de la proportionnalité, de
l'égalité de traitement et de la bonne foi, et en tenant compte des
divers
intérêts publics et privés en présence (cf. Christine Ackermann
Schwendener,
Die klassische Ersatzvornahme als Vollstreckungsmittel des
Verwaltungsrechts,
thèse Zurich 2000, p. 62).
Selon la jurisprudence, l'ordre de démolir une construction ou un
ouvrage
édifié sans permis et pour lequel une autorisation ne pouvait être
accordée
n'est en principe pas contraire au principe de la proportionnalité.
Celui qui
place l'autorité devant un fait accompli doit s'attendre à ce qu'elle
se
préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que
des
inconvénients qui en découlent pour le constructeur (ATF 108 Ia 216
consid.
4b p. 218). L'autorité doit renoncer à une telle mesure si les
dérogations à
la règle sont mineures, si l'intérêt public lésé n'est pas de nature à
justifier le dommage que la démolition causerait au maître de
l'ouvrage, si
celui-ci pouvait de bonne foi se croire autorisé à construire ou
encore s'il
y a des chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme
conforme
au droit qui aurait changé dans l'intervalle (ATF 123 II 248 consid.
4a p.
255).

2.2 En l'occurrence, M.________ doit se laisser opposer la mauvaise
foi de la
société G.________, qui a procédé à divers travaux s'écartant des
plans
approuvés par la Commune de Vex (ATF 99 Ib 392 consid. 2b p. 396; ZBl
94/1993
p. 76 consid. 3 p. 78/79; ZBl 92/1991 p. 21 consid. 3a p. 23/24).
Selon
l'arrêt définitif et exécutoire du Tribunal cantonal du 21 mars 2002,
le
chalet du recourant présente une hauteur supérieure de 78 centimètres
à la
hauteur maximale de 8,50 mètres admise par le règlement du plan de
quartier
de l'Alpage de Thyon; ce dépassement de la hauteur autorisée ne
pourrait être
toléré que moyennant l'octroi d'une dérogation que le Conseil
communal de Vex
n'était pas tenu de délivrer. L'atteinte à la réglementation n'est pas
mineure (cf. ATF 98 Ia 271 où le Tribunal fédéral a confirmé un ordre
de
remise en état des lieux d'une construction présentant un dépassement
de 90
centimètres de la hauteur maximale autorisée fixée à 10 mètres). Elle
doit
être mise en balance avec celle portée au recourant. Or, il y a lieu
de
relever que dans sa décision du 23 mai 2002, le Conseil communal de
Vex a mis
l'intégralité des frais de démolition à la charge de G.________, en
tant que
perturbatrice par comportement, de sorte qu'il n'incombe en principe
pas à
M.________ d'assumer le coût des travaux de remise en état estimés à
20% du
prix de la construction. L'atteinte aux intérêts du recourant se
résume en
définitive à la suppression d'un étage habitable. Dans la mesure où
celle-ci
permettrait également de rétablir une situation conforme à la
réglementation
communale du point de vue du dépassement de la surface de plancher,
cette
atteinte, sans être négligeable, ne saurait être tenue pour
disproportionnée.

3.
Le recours doit par conséquent être rejeté, dans la mesure où il est
recevable, aux frais des recourants, qui succombent (art. 156 al. 1
OJ). Ces
derniers verseront une indemnité de dépens à l'intimé et à la Commune
de Vex,
qui obtiennent gain de cause avec l'assistance d'un avocat (art. 159
al. 1
OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 4'000 fr. est mis à la charge des
recourants.

3.
Une indemnité de 1'800 fr. est allouée à la Commune de Vex à titre de
dépens,
à la charge des recourants, solidairement entre eux.

4.
Une indemnité de 1'800 fr. est allouée à K.________ à titre de
dépens, à la
charge des recourants, solidairement
entre eux.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et de la
Commune de Vex, ainsi qu'au Conseil d'Etat et à la Cour de droit
public du
Tribunal cantonal du canton du Valais.

Lausanne, le 24 décembre 2003

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.627/2003
Date de la décision : 24/12/2003
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-12-24;1p.627.2003 ?
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