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23/12/2003 | SUISSE | N°1A.223/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 23 décembre 2003, 1A.223/2003


{T 0/2}
1A.223/2003 /col

Arrêt du 23 décembre 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Aeschlimann, Reeb, Féraud et Catenazzi.
Greffier: M. Zimmermann.

les époux P.________,
recourants, représentés par Me Marc Bonnant, avocat,

contre

Juge d'instruction du canton de Genève,
case postale 3344, 1211 Genève 3,
Chambre d'accusation du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1,
case
postale 3108, 1211 Genève 3.r>
entraide judiciaire internationale en matière pénale à la France,

recours de droit administratif contre l'ordonn...

{T 0/2}
1A.223/2003 /col

Arrêt du 23 décembre 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Aeschlimann, Reeb, Féraud et Catenazzi.
Greffier: M. Zimmermann.

les époux P.________,
recourants, représentés par Me Marc Bonnant, avocat,

contre

Juge d'instruction du canton de Genève,
case postale 3344, 1211 Genève 3,
Chambre d'accusation du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1,
case
postale 3108, 1211 Genève 3.

entraide judiciaire internationale en matière pénale à la France,

recours de droit administratif contre l'ordonnance de la Chambre
d'accusation
du canton de Genève du 27 août 2003.

Faits:

A.
Le 28 décembre 2000, le Procureur général de la Cour d'appel de Paris
a
adressé au Procureur général du canton de Genève une demande
d'entraide
judiciaire fondée sur la Convention européenne d'entraide judiciaire
conclue
à Strasbourg le 20 avril 1959 (CEEJ; RS 0.351.1), entrée en vigueur
le 20
mars 1967 pour la Suisse et le 21 août 1967 pour la France, ainsi que
sur
l'accord bilatéral complétant cette Convention (ci-après: l'Accord
complémentaire; RS 0.351.934.92), conclu le 28 octobre 1996, entré en
vigueur
le 1er mai 2000. La demande était présentée pour les besoins de la
procédure
conduite par les Juges d'instruction Philippe Courroye et Isabelle
Prevost-Desprez à l'encontre notamment des ressortissants français
D.________, H.________ et K.________, poursuivis pour blanchiment,
fraude
fiscale, recel, trafic d'influence et commerce illicite d'armes, et
complicité dans la commission de ces délits. Selon l'exposé des faits
joint à
la demande, D.________ et H.________ se seraient livrés, par
l'entremise des
sociétés Z.________ et Y.________ qu'ils contrôlaient, à un trafic
d'armes
illicite entre l'Europe de l'Est et l'Angola. Ils sont en outre
soupçonnés
d'avoir détourné, à des fins personnelles, des montants de 78'400'000
USD et
68'700'000 USD au détriment de Z.________ et de Y.________. Ces faits
constitueraient des abus de biens sociaux et des abus de confiance.
Une
partie des sommes détournées aurait servi au financement de campagnes
électorales, constituant des abus de biens sociaux, des abus de
confiance, du
trafic d'influence et du recel. Z.________ et Y.________ n'auraient
pas
produit de déclaration fiscale depuis 1995, alors qu'elles avaient
exercé une
activité lucrative importante. Enfin, D.________ et H.________
auraient, sous
le couvert de Z.________ et de Y.________, blanchi le produit des
délits
commis. La demande tendait à la remise de la documentation relative à
des
comptes ouverts à Genève.
Le 26 décembre 2000, le Juge d'instruction du canton de Genève a
ouvert la
procédure d'entraide, désignée sous la rubrique CP/414/ 2000. Il a
rendu une
décision d'entrée en matière au sens de l'art. 80e de la loi fédérale
sur
l'entraide internationale en matière pénale, du 20 mars 1981 (EIMP; RS
351.1), valant également comme ordonnance de perquisition et de
saisie au
sens de l'art. 178 ss CPP/GE.
En décembre 2000 et en janvier 2001, l'Office fédéral de la justice
(ci-après: l'Office fédéral) a transmis au Procureur général du
canton de
Genève des communications au sens de l'art. 10 LBA, concernant
H.________ et
Y.________. Parmi ces communications, la banque A.________ à Zurich a
informé
les autorités fédérales qu'un compte avait été ouvert auprès d'elle
au nom
d'une société T.________, aux Iles Caïman, dont K.________ était
l'ayant
droit. Ce compte avait été approvisionné par des fonds virés par
H.________.
Sur la base de ces informations, le Procureur général a ouvert une
information pénale confiée au Juge d'instruction chargé de la
procédure
CP/414/2000. Dans le cadre de cette procédure, désignée sous la
rubrique
P/16972/2000, le Juge d'instruction a ordonné la saisie du compte n°
xxx
ouvert auprès de la banque A.________, dont T.________ est la
titulaire et
K.________ l'ayant droit économique, ainsi que de la documentation
relative
aux opérations effectuées entre 1995 et 2000.
Le 23 février 2001, le Juge d'instruction a ordonné à la banque
B.________ de
lui remettre, pour les besoins de la procédure P/16972/2000, la
documentation
relative au compte n° yyy, dont la ressortissante française
P.________ est la
titulaire. Le Juge d'instruction a ordonné à la banque C.________ de
lui
remettre la documentation relative au compte n° zzz, dont P.________
et son
époux sont les titulaires.
Le 11 juillet 2001, le Juge d'instruction a rendu une décision de
clôture
partielle de la procédure d'entraide, portant sur la transmission de
l'intégralité de la documentation relative au compte n° xxx.

T. ________ a recouru auprès de la Chambre d'accusation du canton de
Genève,
qui l'a débouté. Par arrêt du 21 mars 2002, le Tribunal fédéral a
rejeté le
recours de droit administratif formé contre cette décision (cause
1A.205/2001).

B.
Le 17 mai 2002, le Juge Courroye a présenté une demande d'entraide
complémentaire, en exposant que l'examen de la documentation relative
au
compte n° xxx avait révélé que celui-ci avait servi à diverses
transactions
effectuées au crédit et au débit de comptes détenus par les époux
P.________.
Le 7 août 2002, le Juge d'instruction a ordonné l'apport de la
procédure
P/16972/2000 de la documentation relative aux comptes n°s yyy et zzz.
Le 13 janvier 2003, le Juge d'instruction a rendu une ordonnance de
clôture
portant sur la transmission de la documentation relative aux comptes
n°s yyy
et zzz. Le 20 janvier 2003, il a ordonné la saisie à titre
conservatoire des
fonds déposés sur le compte n° yyy.
Le 27 août 2003, la Chambre d'accusation a admis partiellement le
recours
formé par les époux P.________ contre les décisions des 13 et 20
janvier
2003. Elle a annulé la décision du 13 janvier 2003 en tant qu'elle
ordonnait
la remise des pièces antérieures au 1er janvier 1993. Elle a confirmé
les
décisions attaquées pour le surplus.

C.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, les époux
P.________
demandent principalement au Tribunal fédéral d'annuler la décision du
27 août
2003, ainsi que celles des 13 et 20 janvier 2003. A titre
subsidiaire, ils
concluent à ce qu'un engagement spécifique préalable soit donné par
l'administration fiscale française quant au respect du principe de la
spécialité et que ne soient transmis que les documents se rapportant
à neuf
transactions déterminées. Encore plus subsidiairement, ils requièrent
que la
saisie conservatoire ne porte que sur un montant de 1'183'000 FFR. Ils
invoquent l'art. 14 CEEJ, ainsi que les principes de la spécialité et
de la
proportionnalité.
La Chambre d'accusation se réfère à sa décision. Le Juge
d'instruction et
l'Office fédéral concluent au rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 L'entraide judiciaire entre la République française et la
Confédération
est régie par la CEEJ, ainsi que par l'Accord complémentaire. Les
dispositions de ces traités l'emportent sur le droit autonome se
rapportant à
la matière, soit en l'occurrence l'EIMP et son ordonnance d'exécution
(OEIMP;
RS 351.11). Celles-ci restent applicables aux questions non réglées,
explicitement ou implicitement, par le droit conventionnel, et
lorsque le
droit interne est plus favorable à l'entraide que le droit
conventionnel (ATF
123 II 134 consid. 1a p. 136; 122 II 140 consid. 2 p. 142; 120 Ib 120
consid.
1a p. 122/123, et les arrêts cités). Est réservé le respect des droits
fondamentaux (ATF 123 II 595 consid. 7c p. 617).

1.2 La voie du recours de droit administratif est ouverte contre la
décision
confirmant la transmission de la documentation bancaire à l'Etat
requérant
(cf. art. 25 al. 1 EIMP). Elle l'est aussi contre les décisions
incidentes
antérieures, y compris le séquestre du compte n° yyy.

1.3 La décision attaquée présente les traits d'une décision finale
partielle
qui peut, sur les points qu'elle tranche définitivement, faire
l'objet d'un
recours de droit administratif (ATF 129 II 384 consid. 2.3 p. 385, et
les
arrêts cités). Sous l'angle de la proportionnalité, le recours est
ainsi
recevable en tant qu'il porte sur la transmission de la documentation
postérieure au 1er janvier 1993.

1.4 Selon l'art. 80h let. b EIMP, mis en relation avec l'art. 9a let.
a
OEIMP, dame P.________ a qualité pour agir pour ce qui concerne la
transmission de la documentation relative au compte n° yyy, ainsi que
la
saisie de ce compte. Les époux P.________ sont recevables à recourir
pour ce
qui concerne la transmission de la documentation relative au compte
n° zzz,
dont ils sont titulaire et co-titulaires (ATF 127 II 198 consid 2d p.
205;
126 II 258 consid. 2d/aa p. 260; 125 II 356 consid. 3b/bb p. 362, et
les
arrêts cités).

1.5 Les conclusions qui vont au-delà de l'annulation de la décision
sont
recevables (art. 25 al. 6 EIMP; art. 114 OJ; ATF 122 II 373 consid.
1c p.
375; 118 Ib 269 consid. 2e p. 275; 117 Ib 51 consid. 1b p. 56, et les
arrêts
cités). Le Tribunal fédéral examine librement si les conditions pour
accorder
l'entraide sont remplies et dans quelle mesure la coopération
internationale
doit être prêtée (ATF 123 II 134 consid. 1d p. 136/137; 118 Ib 269
consid. 2e
p. 275). Il statue avec une cognition libre sur les griefs soulevés
sans être
toutefois tenu, comme le serait une autorité de surveillance, de
vérifier
d'office la conformité de la décision attaquée à l'ensemble des
dispositions
applicables en la matière (ATF 123 II 134 consid. 1d p. 136/137; 119
Ib 56
consid. 1d p. 59).

2.
Selon les recourants, la demande du 17 mai 2002 présenterait un
caractère
lacunaire et exploratoire.

2.1 La demande d'entraide doit indiquer l'organe dont elle émane et
le cas
échéant, l'autorité pénale compétente (art. 14 al. 1 let. a CEEJ et
28 al. 2
let. a EIMP), son objet et ses motifs (art. 14 al. 1 let. b CEEJ et
28 al. 2
let. b EIMP), la qualification juridique des faits (art. 14 al. 2
CEEJ et 28
al. 2 let. c EIMP), ainsi que la désignation aussi précise et
complète que
possible de la personne poursuivie (art. 14 al. 1 let. c CEEJ et 28
al. 2
let. d EIMP). Les indications fournies à ce titre doivent simplement
suffire
pour vérifier que la demande n'est pas d'emblée inadmissible (ATF 116
Ib 96
consid. 3a p. 101; 115 Ib 68 consid. 3b/aa p. 77).

2.2 La demande du 17 mai 2002 se réfère expressément aux nombreuses
demandes
antérieures. En soi, il n'y a rien à redire à un tel procédé (ATF 109
Ib 158
consid. 2b p. 161/162). Il faut donc prendre en considération
l'ensemble des
faits en relation avec H.________ et D.________, sans distinction
quant à la
demande dans laquelle ils ont été évoqués (ATF 109 Ib 158 consid. 2b
p. 162).
En l'occurrence, si le Juge Courroye s'intéresse aux comptes des
recourants,
c'est parce que ceux-ci ont été approvisionnés par T.________. Or, il
est
acquis que les comptes de cette société ont été utilisés par
K.________. Cela
suffit pour admettre que les investigations réclamées par les
autorités de
l'Etat requérant présentent un lien avec la procédure à raison de
laquelle la
poursuite pénale a été ouverte. La question de savoir s'il est
nécessaire de
remettre la documentation litigieuse ou si la démarche des autorités
requérantes relève d'une recherche indéterminée de preuves touche à
l'application du principe de la proportionnalité. Pour le surplus,
l'argument
selon lequel les recourants ne seraient pas impliqués dans la
procédure
française est hors de propos.

3.
Les recourants dénoncent le fait que l'administration fiscale
française,
partie civile à la procédure ouverte en France, aurait librement
accès au
dossier de celle-ci, en violation du principe de la spécialité.

3.1 Selon l'art. 67 al. 1 EIMP et la réserve faite par la Suisse à
l'art. 2
let. b CEEJ, les renseignements transmis ne peuvent, dans l'Etat
requérant,
ni être utilisés aux fins d'investigation, ni être produits comme
moyens de
preuve dans une procédure pénale visant une infraction pour laquelle
l'entraide est exclue, soit notamment pour la répression d'infractions
politiques, militaires ou fiscales, sous réserve, dans ce dernier
cas, des
infractions assimilables en droit suisse à une escroquerie fiscale
(art. 3
EIMP et 2 let. a CEEJ; ATF 128 II 305 consid. 3.1 p. 306-309; 126 II
316
consid. 2b p. 319; 125 II 258 consid. 7a/aa p. 260/261, et les arrêts
cités).
Ce principe de la spécialité est rappelé expressément à l'art. III
par. 1 de
l'Accord complémentaire. Au demeurant, il va de soi que les Etats
liés par la
CEEJ se conforment à leurs engagements internationaux, tels le
respect de la
règle de la spécialité, sans qu'il soit nécessaire de le leur faire
préciser
dans une déclaration expresse (ATF 115 Ib 373 consid. 8 p. 377; 107
Ib 64
consid. 4b p. 272, et les arrêts cités). En effet, l'Etat requérant
est
réputé observer fidèlement et scrupuleusement les obligations que le
traité
met à sa charge (ATF 118 Ib 547 consid. 6b p. 561; 110 Ib 392 consid.
5b p.
394/395; 107 Ib 264 consid. 4b p. 272; 104 Ia 49 consid. 5b p. 56-60).

3.2 La demande du 17 mai 2002 indique que l'administration des impôts
est
partie civile à la procédure ouverte dans l'Etat requérant. Le
principe de la
spécialité est opposable à cette autorité, comme à toutes celles de
l'Etat

requérant. Il lui interdit de faire usage, dans sa procédure, de
documents
remis par la Suisse pour la répression d'autres faits que ceux visés
dans la
demande. En l'espèce, le principe de la spécialité rappelé par le Juge
d'instruction dans sa décision de clôture prohibe l'usage des
documents
transmis pour toute action engagée contre un contribuable français
pour la
répression d'un délit qui ne serait pas assimilable à une escroquerie
fiscale
au sens du droit suisse (cf. art. 3 al. 3 EIMP). Pour le surplus, le
principe
de la spécialité n'empêche pas que les documents transmis par la
Suisse
soient portés à la connaissance des parties à la procédure pénale
ouverte
dans l'Etat requérant, dont l'administration fiscale. Celle-ci ne
pourra
toutefois se fonder sur ces documents pour ouvrir à l'encontre de
l'un ou de
l'autre protagoniste de l'affaire une procédure de redressement
fiscal pour
laquelle la Suisse n'accorde pas l'entraide (cf. ATF 115 Ib 373
consid. 8 p.
377). Reste réservée la possibilité d'un usage extensif ultérieur,
soumis à
l'autorisation de l'Office fédéral (art. 67 al. 2 EIMP et III par. 2
de
l'Accord complémentaire; cf. ATF 128 II 305 consid. 3.1 p. 307/308).
Si
malgré cela les recourants prétendent que le principe de la
spécialité aurait
été violé en l'occurrence, il leur incombe de faire valoir cet
argument
devant le juge du fond, voire de saisir l'Office fédéral d'une
dénonciation
au sens de l'art. 71 PA ou d'une demande d'intervention auprès des
autorités
françaises, afin de leur rappeler la portée du principe de la
spécialité. En
l'état, on ne se trouve pas dans une situation d'abus répétés qui
commanderait au Tribunal fédéral d'intervenir déjà au stade de
l'entraide
(cf. arrêt 1A.33/2003 du 20 mai 2003, consid. 4).

4.
Les recourants se prévalent du principe de la proportionnalité.

4.1 La demande du 17 mai 2002 tend à la remise de l'intégralité de la
documentation relative aux comptes des recourants. L'autorité
requérante a
précisé que cette mesure devait porter sur les documents d'ouverture,
le
relevé des opérations, le récapitulatif de toutes les opérations de
virement,
y compris tous les ordres donnés dans ce contexte, ainsi que tous les
éléments permettant d'identifier les virements effectués. Si elle
tient cette
demande pour admissible et nécessaire, l'autorité d'exécution remplit
fidèlement et complètement la mission qui lui est confiée. En
l'occurrence,
figurent au dossier de la procédure CP/414/2000 tous les documents
réclamés
pour ce qui concerne le compte n° zzz (soit les documents d'ouverture
du
compte, les relevés et les avis de virement, ainsi que les notes
internes).
Tel n'est pas le cas, en revanche, pour ce qui concerne le compte n°
yyy. En
effet, le dossier de la procédure CP/414/2000 contient uniquement les
relevés
des opérations effectuées sur ce compte. Il manque les documents
d'ouverture,
les avis de virement et les notes internes éventuelles. Ce défaut -
outre
qu'il a échappé tant au Juge d'instruction qu'à la Chambre
d'accusation et
aux recourants - a pour conséquence que la demande du 17 mai 2002 n'a
pas été
exécutée complètement. La transmission des seuls relevés n'est en
effet de
peu d'intérêt pour l'autorité étrangère qui a besoin des avis de
virement
pour retracer le cheminement des fonds. Invité à s'expliquer sur ce
point, le
Juge d'instruction qui a repris l'affaire de son prédécesseur a émis
l'hypothèse que ces documents n'auraient pas été apportés du dossier
de la
procédure P/16972/2000. Il s'agit là toutefois d'une hypothèse que le
Tribunal fédéral n'a pas à vérifier lui-même. Les décisions des 13
janvier et
27 août 2003 doivent ainsi être annulées et l'affaire renvoyée
directement au
Juge d'instruction pour nouvelle décision (art. 114 al. 2 OJ). Après
avoir
complété la saisie de la documentation relative au compte n° yyy, il
lui
appartiendra de statuer à nouveau sur la transmission des deux comptes
litigieux (le sort de l'un pouvant dépendre de l'autre), ainsi que
sur la
mesure de l'entraide à accorder. Dans l'intervalle, le séquestre du
compte n°
yyy, selon la décision du 20 janvier 2003, doit être maintenu.

4.2 Il incombera ensuite au Juge d'instruction de procéder à un
nouveau tri
des pièces à transmettre.

4.3 Lorsque, comme en l'espèce, l'autorité étrangère requiert la
remise d'une
documentation dont elle décrit de manière précise les éléments et que
cela
nécessite de procéder à une saisie dont les contours peuvent, selon
les
circonstances, être larges dans un premier temps, l'autorité
d'exécution a le
devoir de procéder au tri des documents avant d'ordonner leur remise
éventuelle. Elle ne saurait se défausser sur l'Etat requérant et lui
remettre
les pièces en vrac (ATF 122 II 367 consid. 2c p. 371; 115 Ib 186
consid. 4 p.
192/193). Pour le tri à effectuer, l'autorité d'exécution s'appuie
sur le
détenteur des documents. Selon l'arrêt Forus, la personne touchée par
la
perquisition et la saisie de documents lui appartenant est tenue, à
peine de
forclusion, d'indiquer à l'autorité d'exécution quels documents ne
devraient
pas, selon elle, être transmis et pour quels motifs (ATF 126 II 258
consid.
9b/aa p. 260; 122 II 367 consid. 2c p. 371/372). Sous l'angle de la
bonne
foi, il n'est pas admissible que le détenteur de documents saisis
laisse
l'autorité d'exécution procéder seule au tri des pièces, sans lui
prêter
aucun concours, pour lui reprocher après coup la méconnaissance du
principe
de la proportionnalité. L'autorité d'exécution doit auparavant donner
au
détenteur l'occasion, concrète et effective, de se déterminer, afin
qu'il
puisse exercer son droit d'être entendu et satisfaire à son
obligation de
coopérer à l'exécution de la demande (ATF 126 II 258 consid. 9b/aa p.
262).

4.4 Il est apparu que certaines autorités d'exécution, cantonales et
fédérales, combinant ces règles et le principe dit de l'"utilité
potentielle"
gouvernant l'examen de la proportionnalité de la mesure de contrainte
(cf.
ATF 121 II 241 consid. 3a p. 243), estiment que la documentation
saisie peut
être transmise dans son intégralité dès l'instant où elle paraît en
rapport
avec les faits poursuivis dans l'Etat requérant et que le détenteur
n'a pas
exposé de manière précise et détaillée les raisons qui s'opposent à la
transmission de telle ou telle pièce. Une telle pratique, qui repose
sur une
lecture partielle de la jurisprudence, équivaut pratiquement à une
remise en
vrac de la documentation, incompatible avec le principe de la
proportionnalité. Il convient de rappeler aux autorités d'exécution
les
étapes à suivre et les règles à observer à ce propos.
Après avoir saisi les documents qu'elle juge utiles pour l'exécution
de la
demande, l'autorité d'exécution trie les pièces à remettre en vue du
prononcé
d'une décision de clôture (qui peut être partielle). Cette opération
doit
intervenir dans un délai assez rapproché, afin d'atténuer le dommage
causé
par la saisie au détenteur. La participation à cette fin du magistrat
chargé
de la poursuite dans l'Etat requérant, prévue par l'art. 65a EIMP (cf.
également, en l'occurrence, l'art. VII de l'Accord complémentaire),
peut
représenter pour elle une aide précieuse. Lorsqu'elle accepte une
demande qui
lui est présentée à cette fin, l'autorité d'exécution procède au tri
en
présence du juge étranger et du détenteur (ou de son représentant).
Un accord
éventuel permet une remise facilitée au sens de l'art. 80c EIMP. A
défaut
d'un tel accord, l'autorité d'exécution fait établir un inventaire
précis des
pièces dont la remise est contestée. Elle impartit au détenteur un
délai (qui
peut être bref) pour faire valoir, pièce par pièce, les arguments
s'opposant
selon lui à la transmission. Après quoi, l'autorité d'exécution rend
une
décision de clôture soigneusement motivée. Que le détenteur néglige
de se
déterminer ou ne le fait que d'une manière insatisfaisante ne
dispense pas
l'autorité d'exécution d'effectuer le tri commandé par le principe de
la
proportionnalité.
Il conviendrait que l'Office fédéral, comme autorité de surveillance
(art. 3
OEIMP), attire l'attention des autorités d'exécution, fédérales et
cantonales, sur l'observation de ces règles.

5.
Le recours doit ainsi être admis partiellement au sens du considérant
qui
précède. Les décisions des 13 janvier et 27 août 2003 sont annulées.
La
décision du 20 janvier 2003 est maintenue provisoirement. La cause est
renvoyée au Juge d'instruction pour qu'il complète le dossier,
procède au tri
des pièces à transmettre et statue à nouveau. Compte tenu du fait que
le
recours est admis pour des motifs que les recourants n'ont pas
évoqués, il se
justifie de mettre à leur charge des frais, dont le montant sera
toutefois
réduit (art. 156 OJ). L'Etat de Genève leur versera des dépens,
également
réduits (art. 159 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis partiellement au sens des considérants. Les
décisions
des 13 janvier et 27 août 2003 sont annulées et la cause renvoyée au
Juge
d'instruction pour nouvelle décision. Le recours est rejeté pour le
surplus.

2.
Un émolument judiciaire de 3'000 fr. est mis à la charge des
recourants.

3.
L'Etat de Genève versera aux recourants une indemnité de 2'000 fr. à
titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire des
recourants, au
Juge d'instruction et à la Chambre d'accusation du canton de Genève
ainsi
qu'à l'Office fédéral de la justice (B 122 240 BOT)

Lausanne, le 23 décembre 2003

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.223/2003
Date de la décision : 23/12/2003
1re cour de droit public

Analyses

Entraide judiciaire internationale en matière pénale; obligation relative à l'exécution de la demande étrangère. Art. 63 EIMP; principe de la proportionnalité; tri des documents saisis. Obligation d'exécuter fidèlement et complètement la demande étrangère (consid. 4.1). Principe de la proportionnalité et tri des pièces; règles à suivre quant à la participation du détenteur et au tri des documents saisis (consid. 4.2-4.4).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-12-23;1a.223.2003 ?
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