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22/12/2003 | SUISSE | N°H.259/03

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 22 décembre 2003, H.259/03


{T 7}
H 259/03

Arrêt du 22 décembre 2003
IIe Chambre

MM. et Mme les Juges Schön, Président, Widmer et Frésard. Greffière :
Mme
Gehring

1. D.________,
2. S.________, recourants,
tous les 2 représentés par Me Christian Luscher, avocat, rue
Saint-Ours 5,
1205 Genève,

contre

Caisse cantonale genevoise de compensation, route de Chêne 54, 1208
Genève,
intimée,

Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI, Genève

(Jugement du 13 mars 2003)

Fait

s:

A.
La société X.________ SA a été inscrite au registre du commerce du
canton
Z.________ le 16 janvier 1984 en tant qu'entrepr...

{T 7}
H 259/03

Arrêt du 22 décembre 2003
IIe Chambre

MM. et Mme les Juges Schön, Président, Widmer et Frésard. Greffière :
Mme
Gehring

1. D.________,
2. S.________, recourants,
tous les 2 représentés par Me Christian Luscher, avocat, rue
Saint-Ours 5,
1205 Genève,

contre

Caisse cantonale genevoise de compensation, route de Chêne 54, 1208
Genève,
intimée,

Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI, Genève

(Jugement du 13 mars 2003)

Faits:

A.
La société X.________ SA a été inscrite au registre du commerce du
canton
Z.________ le 16 janvier 1984 en tant qu'entreprise spécialisée dans
l'exécution des travaux du second oeuvre et le commerce des produits
relatifs
à cette activité. En qualité d'employeur, elle a été affiliée
successivement
auprès de la Caisse du bâtiment, puis, à compter du 1er janvier 1992,
de la
Caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après : la caisse).
D.________
a exercé au service de cette entreprise, à partir de 1984,
respectivement
1990, les fonctions de fondé de procuration avec signature collective
à deux
puis de directeur avec signature individuelle. S.________ en a été
administratrice unique à partir de 1990.

La faillite de la société X.________ SA a été prononcée le 3 février
1994. La
caisse y a produit à titre définitif une créance de 64'204 fr. 10
correspondant aux cotisations sociales impayées en 1992 et 1993. Cette
créance a été admise à hauteur de 61'291 fr. 60 à l'état de
collocation
publié le 30 avril 1997. Au terme de la liquidation sommaire de la
société
faillie, la caisse a perçu un dividende de 8,13 % soit 4'984 fr. 55.
Le 9
février 1998, elle s'est vu délivrer un acte de défaut de biens d'un
montant
de 56'307 fr. 05 correspondant au solde impayé de sa créance. Par
décisions
séparées du 20 avril 1998, la caisse a reconnu D.________ et
S.________
solidairement responsables du préjudice qu'elle avait subi et leur a
réclamé
le remboursement de la somme de 52'545 fr. 75.

B.
Les prénommés ayant formé opposition contre cette décision, la caisse
a
porté, le 29 mai 1998, le cas devant la Commission cantonale de
recours en
matière d'AVS/AI (aujourd'hui, en matière d'assurances sociales :
Tribunal
cantonal des assurances sociales, Genève), en concluant à ce que les
défendeurs fussent condamnés à lui payer la somme de 52'545 fr. 75 (y
compris
les frais et les intérêts moratoires).

Par jugement daté du 13 mars 2003, la juridiction cantonale a admis
entièrement les conclusions de la caisse.

C.
D.________ et S.________ interjettent recours de droit administratif
contre
ce jugement dont ils requièrent, sous suite de frais et dépens,
l'annulation
en même temps qu'ils concluent à ce que la caisse soit déboutée de
toutes ses
conclusions.

La caisse conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
La décision litigieuse n'ayant pas pour objet l'octroi ou le refus de
prestations d'assurance, le Tribunal fédéral des assurances doit se
borner à
examiner si les premiers juges ont violé le droit fédéral, y compris
par
l'excès ou par l'abus de leur pouvoir d'appréciation, ou si les faits
pertinents ont été constatés d'une manière manifestement inexacte ou
incomplète, ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles
de
procédure (art. 132 en corrélation avec les art. 104 let. a et b et
105 al. 2
OJ).

2.
La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances
sociales du 6
octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003,
entraînant la
modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de
l'AVS,
notamment en ce qui concerne l'art. 52 LAVS. Désormais, la
responsabilité de
l'employeur est réglée de manière plus détaillée qu'auparavant à
l'art. 52
LAVS et les art. 81 et 82 RAVS ont été abrogés. Le cas d'espèce reste
toutefois régi par les dispositions en vigueur jusqu'au 31 décembre
2002, eu
égard au principe selon lequel les règles applicables sont celles en
vigueur
au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits
(ATF 127 V
467 consid. 1).

3.
Sur le plan formel, les recourants font d'une part valoir qu'au
mépris des
dispositions de procédure cantonale, le jugement entrepris n'a pas
été rendu
dans les quatre mois suivant la clôture de l'instruction (cf. art.
89A à 89H
de la loi genevoise sur la procédure administrative, auxquels renvoie
l'art.
7 du règlement de la commission cantonale de recours).

Leur point de vue ne saurait être partagé. En effet, le délai imparti
à
l'autorité afin qu'elle statue dans les quatre mois suivant la
clôture de
l'instruction - qui n'est au demeurant que très rarement appliqué en
matière
d'assurances sociales - s'avère être, de toute évidence, un délai
d'ordre et
non d'ordre public (cf. SJ 1985 p. 272). Les recourants ne peuvent
dès lors
rien déduire de ces dispositions en leur faveur.

4.
D'autre part, les recourants invoquent une violation du principe de la
célérité de la procédure garanti par les art. 6 § 1 CEDH et 29 al. 1
Cst.,
dans la mesure où la commission de recours a rendu son jugement trois
ans
environ après la clôture de l'instruction.

Ils ne sauraient être davantage suivis sur ce point. En tant que
l'autorité
de première instance a rendu son jugement, le point de savoir s'il y
a ou non
retard injustifié au sens des art. 29 al. 1 Cst. et 6 § 1 CEDH - soit
déni de
justice formel - ne présente plus d'intérêt actuel et ne saurait par
conséquent faire l'objet d'un examen, cela d'autant moins que les
recourants
ne concluent pas à la constatation par la Cour de céans d'une
violation du
principe de la célérité (comp. ATF 129 V 411). De plus, contrairement
à ce
que les recourants suggèrent, une éventuelle violation dudit principe
ne rend
pas nul ou annulable un jugement attaqué à ce motif.

5.
5.1Par ailleurs, les recourants se prévalent de la péremption du
droit de la
caisse de leur réclamer la réparation du dommage invoqué. Ils font
valoir que
l'ouverture de la faillite a été publiée dans la Feuille d'avis
officielle du
15 juin 1994, dans laquelle il était précisé que la société faillie
serait
liquidée selon les règles de la procédure sommaire. Cette liquidation
intervenant le plus souvent en raison de l'insuffisance du produit de
la
réalisation des biens inventoriés, les recourants en concluent que la
caisse
devait savoir, à partir de ce moment déjà, que sa créance ne serait
pas
couverte. En prononçant le 20 avril 1998 ses décisions en réparation
du
dommage subi, elle n'aurait ainsi pas agi dans le délai d'une année
prescrit
à l'art. 82 aRAVS.

5.2 L'art. 82 aRAVS (en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002) règle la
prescription du droit de la caisse de compensation de demander la
réparation
du dommage. Un tel droit se prescrit lorsque la caisse ne le fait pas
valoir
par une décision de réparation dans l'année après qu'elle a eu
connaissance
du dommage et, en tout cas, à l'expiration d'un délai de cinq ans à
compter
du fait dommageable (al. 1). Lorsque ce droit dérive d'un acte
punissable
soumis par le code pénal à un délai de prescription de plus longue
durée, ce
délai est applicable (al. 2). En dépit de la terminologie dont use
l'art. 82
aRAVS, les délais institués par cette norme ont un caractère
péremptoire (ATF
128 V 12 consid. 5a, 17 consid. 2a, 126 V 451 consid. 2a, 121 III 388
consid.
3b et les références).
Par moment de la «connaissance du dommage» au sens de l'art. 82 al. 1
aRAVS,
il faut entendre, en règle générale, le moment où la caisse de
compensation
aurait dû se rendre compte, en faisant preuve de l'attention
raisonnablement
exigible, que les circonstances effectives ne permettaient plus
d'exiger le
paiement des cotisations, mais pouvaient entraîner l'obligation de
réparer le
dommage (ATF 128 V 17 consid. 2a, 126 V 444 consid. 3a, 452 consid.
2a, 121
III 388 consid. 3b et les références).
En outre, la jurisprudence considère qu'en cas de faillite, le
dommage est en
règle ordinaire suffisamment connu au moment du dépôt de l'état de
collocation. Ces principes s'appliquent également lorsque la société
faillie
est liquidée selon les règles de la procédure sommaire car le jugement
ordonnant une telle liquidation ne permet pas à lui seul de prendre
connaissance d'un éventuel dommage (ATF 129 V 195 consid. 2.3, 126 V
445
consid. 3b et les références).

5.3 En l'occurrence, c'est par lettre du 30 avril 1997 de l'Office des
poursuites et des faillites Y.________ que la caisse a été informée
du dépôt
de l'état de collocation et de la publication de celui-ci le même
jour. Par
le biais dudit courrier, elle a en outre été avisée du fait que sa
créance
était admise en 2ème classe et qu'aucun dividende n'était prévisible
pour les
créanciers de la 5ème classe. En rendant ses décisions en réparation
du
dommage moins d'une année après cette communication, la caisse a agi
en temps
utile, de sorte que le moyen tiré de la péremption est mal fondé.

6.
6.1Sur le fond, les premiers juges ont considéré que la recourante ne
pouvait
se soustraire de sa responsabilité en alléguant avoir été nommée
administratrice de la société faillie en raison uniquement de sa
nationalité
suisse et d'avoir tout ignoré des affaires de celle-ci. Ils ont
également
constaté que la santé financière de la société faillie avait été
fortement
obérée à partir de 1990 déjà, dès lors que le montant total des dettes
bancaires s'élevait alors à 1'400'000 fr., qu'au cours des années
1991 et
1992, les recettes avaient à peine couvert les charges courantes et
que plus
aucun mandat n'avait été confié à l'entreprise à partir des mois de
mars-avril 1993. Dès lors, les recourants avaient maintenu
l'exploitation de
la société durant plus de huit mois sans s'acquitter des charges
sociales,
alors même que la santé financière de celle-ci était catastrophique
depuis
1990. Les premiers juges ont de surcroît relevé que le bénéfice des
mesures
d'assainissement entreprises avait été affecté en priorité au
paiement de
certains fournisseurs ainsi qu'au remboursement partiel de la dette
bancaire,
au détriment de la caisse. Ils en ont conclu que, ce faisant, les
recourants
avaient agi par négligence grave et qu'ils devaient être par
conséquent tenus
pour responsables du dommage subi par la caisse.

6.2 Les recourants contestent ce point de vue. Pour l'essentiel, ils
soutiennent que le non-paiement des cotisations sociales était, selon
une
appréciation raisonnable, objectivement indispensable à la survie de
l'entreprise, ou à tout le moins, de nature à lui permettre de
s'acquitter
des créances salariales colloquées en première classe. Ils font
également
valoir le fait de n'avoir bénéficié d'aucune formation en matière de
gestion
et d'administration d'entreprises, de n'avoir pas détourné les
cotisations
litigieuses à leur profit mais d'avoir au contraire entrepris tout ce
que
faire se pouvait afin de régler les dettes en particulier salariales
de
l'entreprise, notamment en augmentant la dette hypothécaire de la
recourante
en contre-partie d'une ligne de crédit supplémentaire accordée en
septembre
1993 à hauteur de 200'000 fr. et enfin, d'avoir été acquittés sur le
plan
pénal des préventions d'infractions à la loi sur la prévoyance
professionnelle et de soustraction de l'impôt à la source.

7.
En vertu de l'art. 52 aLAVS, l'employeur qui, intentionnellement ou
par
négligence grave, n'observe pas des prescriptions et cause ainsi un
dommage à
la caisse de compensation est tenu à réparation. Si l'employeur est
une
personne morale, la responsabilité peut s'étendre, à titre
subsidiaire, aux
organes qui ont agi en son nom (ATF 123 V 15 consid. 5b, 122 V 66
consid. 4a,
119 V 405 consid. 2 et les références).
L'art. 14 al. 1 LAVS, en corrélation avec les art. 34 ss aRAVS,
prescrit que
l'employeur doit déduire, lors de chaque paie, la cotisation du
salarié et
verser celle-ci à la caisse de compensation en même temps que sa
propre
cotisation. Les employeurs doivent remettre périodiquement aux
caisses les
pièces comptables concernant les salaires versés à leurs employés, de
manière
que les cotisations paritaires puissent être calculées et faire
l'objet de
décisions.
L'obligation de l'employeur de percevoir les cotisations et de régler
les
comptes est une tâche de droit public prescrite par la loi. A cet
égard, le
Tribunal fédéral des assurances a déclaré, à réitérées reprises, que
celui
qui néglige de l'accomplir enfreint les prescriptions au sens de
l'art. 52
aLAVS et doit, par conséquent, réparer la totalité du dommage ainsi
occasionné (ATF 118 V 195 consid. 2a et les références).
La condition essentielle de l'obligation de réparer le dommage
consiste,
selon le texte même de l'art. 52 aLAVS, dans le fait que l'employeur
a,
intentionnellement ou par négligence grave, violé des prescriptions
et ainsi
causé un préjudice. L'intention et la négligence constituent
différentes
formes de la faute. L'art. 52 aLAVS consacre en conséquence une
responsabilité pour faute résultant du droit public. Il n'y a
obligation de
réparer le dommage, dans un cas concret, que s'il n'existe aucune
circonstance justifiant le comportement fautif de l'employeur ou
excluant
l'intention et la négligence
grave. A cet égard, on peut envisager
qu'un
employeur cause un dommage à la caisse de compensation en violant
intentionnellement les prescriptions en matière d'AVS, sans que cela
entraîne
pour autant une obligation de réparer le préjudice. Tel est le cas
lorsque
l'inobservation des prescriptions apparaît, au vu des circonstances,
comme
légitime et non fautive (ATF 108 V 186 consid. 1b, 193 consid. 2b;
RCC 1985
p. 603 consid. 2, 647 consid. 3a). Ainsi, il peut arriver qu'en
retardant le
paiement de cotisations, l'employeur parvienne à maintenir son
entreprise en
vie, par exemple lors d'une passe délicate dans la trésorerie. Mais
il faut
alors, pour qu'un tel comportement ne tombe pas ultérieurement sous
le coup
de l'art. 52 aLAVS, que l'on puisse admettre que l'employeur avait,
au moment
où il a pris sa décision, des raisons sérieuses et objectives de
penser qu'il
pourrait s'acquitter des cotisations dues dans un délai raisonnable
(ATF 108
V 188; RCC 1992 p. 261 consid. 4b).
Selon la jurisprudence, se rend coupable d'une négligence grave
l'employeur
qui manque de l'attention qu'un homme raisonnable aurait observée
dans la
même situation et dans les mêmes circonstances. La mesure de la
diligence
requise s'apprécie d'après le devoir de diligence que l'on peut et
doit en
général attendre, en matière de gestion, d'un employeur de la même
catégorie
que celle de l'intéressé. En présence d'une société anonyme, il y a en
principe lieu de poser des exigences sévères en ce qui concerne
l'attention
qu'elle doit accorder au respect des prescriptions. Une
différenciation
semblable s'impose également lorsqu'il s'agit d'apprécier la
responsabilité
subsidiaire des organes de l'employeur (ATF 108 V 202 consid. 3a; RCC
1985 p.
51 consid. 2a et p. 648 consid. 3b).

8.
8.1En l'espèce, la qualité d'organe des recourants au moment des faits
juridiquement déterminants est indiscutable.

Dans le cas d'une société anonyme, la jurisprudence considère en
effet que la
notion d'organe responsable selon l'art. 52 aLAVS est en principe
identique à
celle qui ressort de l'art. 754 al. 1 CO. La responsabilité incombe
aux
membres du conseil d'administration, ainsi qu'à toutes les personnes
qui
s'occupent de la gestion ou de la liquidation, c'est-à-dire à celles
qui
prennent en fait les décisions normalement réservées aux organes ou
qui
pourvoient à la gestion, concourant ainsi à la formation de la volonté
sociale d'une manière déterminante (ATF 128 III 30 consid. 3a, 117 V
441
consid. 2b, 571 consid. 3, 107 II 353 consid. 5a). Il faut cependant,
dans
cette dernière éventualité, que la personne en question ait eu la
possibilité
de causer un dommage ou de l'empêcher, c'est-à-dire d'exercer
effectivement
une influence sur la marche des affaires de la société (ATF 128 III 30
consid. 3a, 117 V 442 consid. 2b, 111 II 84 consid. 2a). Un directeur
de
société a généralement la qualité d'organe en raison de l'étendue des
compétences que cette fonction suppose (ATF 104 II 197 consid. 3b;
Forstmoser/Meier-Hayoz/Nobel, Schweizerisches Aktienrecht, § 37, p.
443 note
17; Böckli, Schweizer Aktienrecht, 2e éd., note 1969 p. 1072). Mais
il ne
doit répondre que des actes ou des omissions qui relèvent de son
domaine
d'activités, ce qui, en d'autres termes, dépend de l'étendue des
droits et
des obligations qui découlent de ses rapports internes. Sinon, il
serait
amené à réparer un dommage dont il ne pouvait empêcher la survenance,
faute
de disposer des pouvoirs nécessaires (ATF 111 V 178 consid. 5a,
Forstmoser/Meier-Hayoz/Nobel, op. cit., § 37, p. 442 note 8).

En l'occurrence, en tant qu'administratrice unique de la société
faillie, la
recourante avait indiscutablement qualité d'organe typique de la
société
anonyme. Quant au recourant, il était le directeur de la société
faillie avec
signature individuelle. Selon les constatations des premiers juges, il
assumait la gestion administrative et financière de la société et
prenait
toutes les décisions qui engageaient cette dernière. On doit ainsi
admettre
que le paiement des salaires et des cotisations sociales relevait
également
de son domaine de compétences. Il a donc été en mesure d'exercer
effectivement une influence sur la marche des affaires de la société
faillie.
En particulier, il avait le pouvoir de décider du paiement des
cotisations
d'assurances sociales et d'éviter que le dommage subi par la caisse ne
survienne.

Dans ces circonstances, c'est à juste titre que la caisse et les
premiers
juges ont considéré que les recourants avaient agi en qualité
d'organes de la
société faillie.

8.2 Contrairement à l'opinion qu'elle défend, la recourante ne
saurait se
prévaloir de son manque d'expérience ou de formation dans le domaine
de la
gestion et de l'administration d'entreprises pour échapper à
l'obligation de
réparer le dommage subi par la caisse. Un administrateur ne saurait se
libérer de sa responsabilité en prétendant qu'il n'a jamais participé
à la
gestion de l'entreprise, car un tel comportement est déjà en soi
constitutif
d'un cas de négligence grave. La jurisprudence s'est toujours montrée
sévère,
lorsqu'il s'est agi d'apprécier la responsabilité d'administrateurs
qui
alléguaient avoir été exclus de la gestion d'une société et qui
s'étaient
accommodés de ce fait sans autre forme de procès (cf. notamment RCC
1992 p.
268-269 consid. 7b, 1989 p. 115-116 consid. 4). Celui qui se déclare
prêt à
assumer ou à conserver un mandat d'administrateur, tout en sachant
qu'il ne
pourra pas le remplir consciencieusement, viole son obligation de
diligence
(voir p. ex. ATF 122 III 200 consid. 3b).

8.3 Les recourants ne sauraient davantage se prévaloir de la
jurisprudence
selon laquelle il existe un motif d'exculpation quand le non-paiement
des
cotisations était, selon une appréciation raisonnable, nécessaire à
la survie
de l'entreprise.

On peut retenir des constatations des premiers juges que depuis 1990,
la
société faillie connaissait de graves difficultés. A cette époque en
effet,
la santé financière de celle-ci était des plus précaires étant donné
que le
montant total des dettes bancaires s'élevait à 1'400'000 fr. En
outre, au
cours des années 1991 et 1992, les recettes réalisées par
l'entreprise ont à
peine couvert les charges courantes. Enfin, à partir des mois de
mars-avril
1993, plus aucun mandat n'avait été confié à la société. Cette
année-là
d'ailleurs, moins de la moitié des cotisations d'assurances sociales
ont été
payées. Au moment où ils ont pris la décision de retarder le paiement
des
cotisations sociales, les recourants n'avaient ainsi aucun motif
sérieux et
objectif d'admettre qu'ils pourraient s'en acquitter dans un délai
raisonnable. Par ailleurs, il apparaît que les mesures
d'assainissement
entreprises par les recourants ont permis, selon leurs propres
allégués, de
réduire à 200'000 fr. les dettes bancaires de la société faillie,
soit de
rembourser près de 1'200'000 fr. aux banques au détriment de
l'intimée. Dès
lors, les recourants ne sauraient être mis au bénéfice de
circonstances
justifiant leur comportement à l'égard de la caisse.

8.4 Enfin, les recourants font valoir qu'ils ont été acquittés sur le
plan
pénal des préventions pour infractions à la loi sur la prévoyance
professionnelle et pour non-versement de l'impôt à la source, le juge
pénal
ayant constaté à cet égard que «rien ne démontrait que les époux
C.________
aient détourné à leur profit des cotisations LPP déduites des
salaires, ni
qu'ils aient commis des infractions relatives au paiement de l'impôt
à la
source». Cet élément ne saurait être décisif au regard des conditions
de la
responsabilité instituée à l'art. 52 aLAVS (voir consid. 7 supra),
dont
l'application, en particulier, ne suppose pas le détournement de
cotisations
sociales à des fins personnelles.

8.5 Quant au montant du dommage, il n'est pas contesté et il
n'apparaît au
demeurant pas sujet à discussion.

8.6 Sur le vu de ce qui précède, c'est juste titre que les premiers
juges ont
tenu les recourants pour responsables du dommage subi par la caisse.
Le
recours se révèle dès lors mal fondé.

9.
Vu la nature du litige, la procédure n'est pas gratuite de sorte que
les
recourants qui succombent (art. 156 al. 1 OJ), en supportent les
frais.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais de justice, d'un montant de 4'000 fr., sont mis à la charge
des
recourants et sont compensés avec l'avance de frais qu'ils ont versée.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal
genevois
des assurances sociales et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 22 décembre 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

p. le Président de la IIe Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : H.259/03
Date de la décision : 22/12/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-12-22;h.259.03 ?
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