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22/12/2003 | SUISSE | N°4P.205/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 22 décembre 2003, 4P.205/2003


{T 0/2}
4P.205/2003 /ech

Arrêt du 22 décembre 2003
Ire Cour civile

MM. et Mmes les Juges Corboz, Président, Walter, Klett, Rottenberg
Liatowitsch et Nyffeler.
Greffier: M. Ramelet.

X. ________ SA,
recourante, représentée par Me Jean-Christophe Diserens,

contre

A.________,
intimée, représentée par Me Odile Cavin,
Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud, route du
Signal
8, 1014 Lausanne.

art. 9 Cst. (appréciation arbitraire des preuves, procédure civile),>
recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre des recours du
Tribunal
cantonal vaudois du 20 août 2003.
...

{T 0/2}
4P.205/2003 /ech

Arrêt du 22 décembre 2003
Ire Cour civile

MM. et Mmes les Juges Corboz, Président, Walter, Klett, Rottenberg
Liatowitsch et Nyffeler.
Greffier: M. Ramelet.

X. ________ SA,
recourante, représentée par Me Jean-Christophe Diserens,

contre

A.________,
intimée, représentée par Me Odile Cavin,
Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud, route du
Signal
8, 1014 Lausanne.

art. 9 Cst. (appréciation arbitraire des preuves, procédure civile),

recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre des recours du
Tribunal
cantonal vaudois du 20 août 2003.

Faits:

A.
A.a A.________ (la demanderesse), née le 1er octobre 1950 (art. 64
al. 2 OJ),
licenciée en sciences politiques et en droit, est titulaire du brevet
d'avocat genevois depuis 1982. Après avoir pratiqué le barreau dans
deux
études d'affaires internationales réputées sur la place de Genève,
elle a
travaillé, du 1er août 1989 au 28 février 1993, comme avocat-conseil
au sein
d'un groupe spécialisé dans le négoce de produits agroalimentaires,
dénommé
"Y.________ SA". Ayant perdu son emploi en raison d'une
restructuration du
groupe, elle s'est retrouvée quelques mois au chômage avant d'être
engagée
dès le 23 août 1993 par X.________ SA (ci-après: X.________ ou la
défenderesse) en qualité de juriste/secrétaire générale. X.________
est une
société multinationale comportant de nombreuses filiales à
l'étranger, qui a
pour but la prise de participations dans des affaires financières,
commerciales, industrielles, mobilières et immobilières; à cette
époque,
l'actionnaire majoritaire de X.________ était la Banque Z.________,
dont
l'actionnaire unique était la société française W.________ SA.

Jusqu'en 1994, B.________ était le président de X.________. C'est
ensuite
C.________ qui a pris les rênes de la société; C.________ était en
même temps
directeur général adjoint du groupe Banque Z.________/W.________, à
Paris. En
1995, pour des raisons qui seront explicitées ci-dessous, C.________
a été
contraint de démissionner de la présidence de X.________.

A. ________ a succédé au sein de la défenderesse à D.________, né le 9
novembre 1941. B.________ avait précisé à l'intéressée qu'elle serait
d'une
aide précieuse pour les opérations de "Trade Finance" (ingénierie
financière
d'échanges commerciaux et internationaux), nouveau domaine d'activité
de
X.________.

A son entrée en fonction, A.________ a perçu un salaire mensuel brut
de 9'320
fr., qui a été porté à 10'770 fr. brut dès le 1er janvier 1994 versé
treize
fois, d'où une rémunération annuelle brute de 140'000 fr. pour
l'année 1994.
Selon son contrat de travail, elle avait droit, "en dérogation à
l'article 24
du Règlement général du personnel", à cinq semaines de vacances par
année et
bénéficiait d'un délai de résiliation de trois mois après le temps
d'essai.
Lors de la séance du conseil d'administration de X.________ du 23
septembre
1993, A.________ a été nommée secrétaire dudit conseil et
sous-directrice. Il
est précisé dans le procès-verbal de la séance que, "dans un proche
avenir",
la prénommée pourra être proposée au rang de directrice-adjointe. Il
a été
constaté que D.________ avait été désigné directeur-adjoint de
X.________ à
son entrée en fonction, en août 1986.

A partir d'octobre 1994, A.________ a été membre du conseil
d'administration
de sept sociétés, filiales du groupe X.________. Elle a résilié
l'ensemble de
ses mandats en décembre 1995 en raison des risques qu'ils
comportaient, sans
aucun préjudice pour son salaire.

A.b A.________ occupait un poste à responsabilité au sein de la
défenderesse.
Elle conseillait la direction générale et contribuait à l'élaboration
de
décisions concernant la politique générale de X.________ en émettant
des
suggestions. Son poste était comparable à celui occupé par son
prédécesseur
D.________, même si, selon B.________, elle n'était pas aussi proche
de la
direction générale et n'avait pas autant d'influence que D.________.
Le
président B.________ a toutefois admis qu'il ignorait la nature des
responsabilités que C.________, devenu président de la société, avait
confiées à A.________. Cette dernière coordonnait encore les
opérations
juridiques du groupe, singulièrement celles traitées par le bureau de
Lausanne, engageait et suivait les procédures judiciaires et
arbitrales avec
l'aide des mandataires extérieurs, assistait les responsables de
X.________
en matière de "Trade Finance", rédigeait des contrats, notamment ceux
relatifs aux acquisitions de sociétés, et participait à la rédaction
de
certains textes publiés dans le rapport annuel de la société.

A la fin 1994, X.________ est entrée dans une zone de turbulences.
C.________
a en effet incité X.________ à acquérir la société U.________, ex-
filiale de
la Banque Z.________. Dans le cadre de cette opération, C.________ a
accordé
des prêts par 15 millions de francs suisses à W.________ SA et des
dépôts par
10 millions des mêmes francs à la Banque Z.________, alors que ces
deux
sociétés étaient en difficulté financière. Il en est résulté une
grave crise
structurelle au sein de la défenderesse, dont l'existence même a été
mise en
péril, car les deux sociétés dont elle était créancière étaient
tombées en
redressement judiciaire et ne pouvaient pas honorer leurs dettes.
Cette
situation a conduit C.________ à présenter sa démission en 1995.

A. ________ a alors été chargée d'organiser et de suivre toutes les
procédures destinées au recouvrement des avances consenties à
W.________ SA
et à la Banque Z.________. Elle a ainsi dirigé, tant en Suisse qu'en
France,
les procédures de séquestre, les actions en contestation de
revendication y
relatives, les procédures en reconnaissance de jugements étrangers,
les
recours au Tribunal fédéral et a participé à des procédures
arbitrales, tout
en suivant, avec l'appui de conseils français, les procédures
françaises de
redressement judiciaire et les questions de droit international privé
qui se
posaient.

Les qualités professionnelles de la demanderesse, en particulier sa
diligence, son professionnalisme et son sens aigu du droit, ont été
reconnues. L'un des avocats français mandatés par X.________ a relevé
que
A.________ avait joué un rôle essentiel dans le succès des procédures
engagées.

A.c
A.c.aCe contexte particulier a péjoré les relations déjà difficiles
qu'entretenait A.________ avec C.________. Des différends sont
apparus à
propos de la prise de vacances et de rattrapage d'heures
supplémentaires. Il
a en outre été reproché à l'avocate, qui avait conservé son domicile
à Genève
et se déplaçait en train, d'être moins présente sur son lieu de
travail que
les autres membres de la direction.

De plus, dès l'automne 1994, A.________ s'est trouvée à maintes
reprises en
désaccord avec le président C.________, parce qu'elle s'efforçait de
sauvegarder les intérêts propres de X.________.

A partir de janvier 1995, elle a été privée de secrétaire personnelle.

A.c .bLe 3 octobre 1995, A.________ a écrit la lettre suivante à
C.________:
"(...) lors d'un entretien que nous avons eu le 2 décembre 1994, je
vous
avais demandé d'adapter mes conditions salariales à celles pratiquées
dans la
Société à Lausanne pour des personnes portant des responsabilités
équivalentes. En guise de réponse, vous avez accepté d'augmenter mon
salaire
de FS 10'000 par an dès janvier 1995, ce qui - après 16 mois de
service -
faisait passer mes revenus de FS 140'000 à FS 150'000 par an, tandis
que mes
frais de déplacement (FS 3'500 par an) n'étaient pas pris en charge:

(...)
A l'appui de ma requête, je vous avais indiqué que je venais
d'apprendre que
mon prédécesseur, M. D.________, percevait un salaire supérieur au
mien de FS
52'000 par an ...
(...)
Je demande donc une augmentation de salaire avec effet rétroactif au
1er
juillet, équivalant à un montant total de 208'000 francs par an.
Cette somme
correspond en effet tant aux salaires pratiqués à l'intérieur de la
Société
qu'à ceux pratiqués sur le marché des banques et sociétés financières
pour un
avocat ayant eu dix ans de pratique de barreau dans deux études
internationales prestigieuses et maîtrisant parfaitement trois langues
étrangères (...)".
X. ________, sous la plume de C.________, a nié vertement les
accusations de
discrimination proférées à l'encontre de la société. A.________ n'a
finalement obtenu pour l'année 1996 qu'une augmentation de salaire de
3% - ce
qui lui donnait un traitement annuel brut de 154'500 fr. - et
l'extension à
six mois de son délai de congé.

Il a été retenu que le salaire de tous les cadres supérieurs
masculins des
services administratifs du groupe étaient supérieurs à celui de la
demanderesse et que, hormis D.________, tous les cadres de la
défenderesse
avaient reçu entre 1993 et 1995 des bonus annuels qui s'ajoutaient au
salaire
nominal. En 1996, seuls certains d'entre eux ont bénéficié de cet
avantage.

En ce qui la concerne, A.________ n'a reçu un bonus qu'en 1995,
lequel se
montait à 7'000 fr.

A.d En 1996, le groupe V.________, devenu détenteur majoritaire du
capital de
X.________, a décidé de modifier, dès le 1er janvier 1997,
l'organigramme de
la société et de mettre en place un certain nombre de personnes
issues de son
organisation. Des employés ont été congédiés.

Par lettre du 5 février 1997, A.________ a été licenciée pour le 31
août
1997; libérée immédiatement de son obligation de travailler, il lui a
été
toutefois demandé de rester disponible pour répondre à des demandes
d'informations relatives aux dossiers dont elle avait la charge (art.
64 al.
2 OJ).

Pour remplacer la demanderesse, X.________ a engagé en 1997
E.________, né en
1960, en lui octroyant une rémunération égale à celle qu'avait
atteinte
l'intéressée en fin de contrat (cf. p. 64 in medio du jugement de la
Cour
civile).

A.e S'agissant de la formation et/ou de l'expérience professionnelle
acquises, de la date de l'engagement, des responsabilités exercées et
des
différentes rémunérations versées aux cadres de X.________, il a été
constaté
ce qui suit:
- D.________ (précédent juriste/secrétaire général de X.________) est
titulaire d'une double licence en droit et en HEC. Avant d'être
engagé par
X.________ le 1er juillet 1986, il avait travaillé dix ans dans les
milieux
diplomatiques affectés aux questions économiques; de 1983 à 1986, il
avait
ainsi été chef du Service économique et financier du Département
fédéral des
affaires étrangères, avec titre de ministre. En 1986, le salaire
annuel brut
de base de D.________ se montait à 130'000 fr. En 1992, il a touché
191'600
fr.50 (13 x 14'738, 50). Du 1er janvier au 3 septembre 1993, il a
encaissé un
revenu brut de 134'000 fr., ce qui correspondait à un salaire annuel
de
199'264 fr.;

- H.________, diplômé en "Public Accountancy" d'une université de
Montréal
(Canada), est entré en juin 1984 comme contrôleur au service de la
défenderesse, dont il a été nommé directeur du département
"Administration et
Finance" du groupe le 27 mars 1985. H.________ a été licencié à fin
1995
parce qu'il désapprouvait l'acquisition de U.________. Engagé avec un
salaire
annuel initial de 130'000 fr., il a touché, en 1994, 287'610 fr.
brut, bonus
compris (art. 64 al. 2 OJ). En 1995, H.________ a encaissé 243'880
fr.; s'il
n'a pas reçu de bonus, une indemnité de départ de 250'000 fr. lui a
été
allouée;

- I.________, "Certified Public Accountant" en Californie, est entré
au
service de la défenderesse en automne 1987 en qualité de chef de
l'administration de Lausanne avec le titre de sous-directeur. Son
salaire
annuel brut, arrêté initialement à 130'000 fr., a passé, bonus
compris, à
187'000 fr. en 1993, 192'350 fr. en 1994 et 232'500 fr. en 1995; hors
supplément, son salaire, cette dernière année, était de 195'000 fr.
I.________ a démissionné de son poste auprès de X.________ avec effet
au 31
mai 1996;

- J.________, né en 1965, a débuté son activité chez X.________ en
1997 comme
"assistant finances". Il ne possède apparemment pas de diplôme
universitaire.
Son salaire annuel brut initial a été fixé à plus de 130'000 fr.
(art. 64 al.
2 OJ). J.________ a repris les attribution habituelles de I.________;

- L.________, née en 1968, dont la formation n'a pas fait l'objet de
constatations, est entrée au service de X.________ en 1996, après le
départ
de H.________, pour prendre la tête du département "Administration".
Son
salaire initial brut ascendait à 127'500 fr. En 1997, son salaire a
dépassé
170'000 fr. par an;
- F.________, dont on ignore la formation, a été engagé par la
défenderesse
en 1968. En 1981, il a été nommé chef des services administratifs, qui
englobent le service du personnel, l'économat et les fondations de
prévoyance, puis directeur-adjoint en 1984. Ses certificats de
salaire 1995
et 1996 indiquent un montant brut annuel de respectivement 197'779
fr. et
204'153 fr. Le salaire de F.________ a diminué en 1997, sans qu'il
ait été
possible de déterminer en valeur la baisse qui est intervenue;

- G.________, qui avait travaillé 13 ans pour une société informatique
française, dont 10 ans comme responsable du secteur Banque, à Paris,
est
entré au service de X.________ en juin 1981 en qualité de chef du
service

informatique avec un salaire initial de 130'000 fr. En 1995, sa
rémunération
annuelle s'est élevée au moins à 249'000 fr., à laquelle s'est ajouté
un
bonus de 11'000 fr. Celle-ci a subi en 1996 une correction à la
baisse de
quelques milliers de francs du fait de la diminution du bonus; il en
a été de
même pour l'année 1997;

- M.________ a été engagé le 1er octobre 1989 comme adjoint du chef
comptable. Diplômé de "cours intercadres Vaud", son salaire annuel
initial de
91'000 fr. a atteint 120'900 fr. en 1995;

- N.________, ingénieur EPFL, qui est entré, à temps partiel, au
service de
X.________ le 1er novembre 1983 en tant que chef adjoint du service
EDP pour
un salaire annuel de 72'000 fr., a vu sa rémunération atteindre
126'100 fr.
en 1995 pour le même taux réduit d'activité;

- O.________, qui possède un diplôme algérien d'ingénieur analyste en
informatique et un certificat de 3e cycle en informatique de l'EPFL, a
commencé son activité d'analyste-programmeur auprès de la
défenderesse le 1er
février 1985. Son salaire, arrêté initialement à 84'500 fr. par an,
s'est
monté à 150'150 fr., bonus en sus, pour l'année 1995.

B.
B.aFaisant valoir qu'elle a été victime chez X.________ de
discriminations
salariales en comparaison des cadres masculins de ladite société,
A.________
a ouvert action contre celle-ci, par demande du 22 mai 1996, devant
la Cour
civile du Tribunal cantonal vaudois. Elle a conclu à ce que (I) la
défenderesse lui doive paiement de 282'750 fr., plus intérêts à 5 %
dès le 30
avril 1995, date moyenne, et (II) à ce qu'il soit dit que le salaire
annuel
dû par X.________, dès et y compris le 1er janvier 1997, est fixé à
250'000
fr.

La défenderesse a conclu à libération.

B.b En cours de procès, une expertise a été confiée à P.________, du
T.________ SA, qui a déposé son rapport le 29 mai 1998. L'expert a
relevé
qu'il n'existait certes pas d'organigramme officiel de la
défenderesse, mais
qu'il a été possible d'établir l'organisation de X.________ sur la
base des
indications du chef du personnel F.________. Ainsi, le poste
"Juridique et
Fiscal" est une fonction centrale de support directement rattachée au
président de la société. S'agissant plus particulièrement de la
position de
la demanderesse par rapport aux personnes qui ont occupé son poste,
l'expert
souligne que tant son prédécesseur D.________ que son successeur
E.________
avaient travaillé étroitement avec le président et participé aux
décisions
stratégiques du groupe, alors que A.________, qui s'entendait mal
avec le
président C.________, n'a pas été intégrée dans les principaux
processus
décisionnels. Il en déduit que la fonction de A.________ a été "plutôt
inférieure ou au mieux égale à celle de (D.________), et certainement
inférieure à celle de son successeur".

Selon les différents organigrammes dressés par cet expert, le poste
"Juridique et Fiscal" est placé hiérarchiquement à un niveau
supérieur que
les postes "Assistant finances" qu'ont occupé successivement
I.________ et
J.________, "Service comptable" de M.________, "Chef de projet" de
O.________
et "Chef adjoint EDP" de N.________.

Soulignant que la défenderesse n'a pas de politique salariale
explicitement
formulée, l'expert P.________, après avoir déclaré que les
rémunérations
servies par X.________ en 1997 correspondaient à celles de la branche
en
Suisse, a fait état de deux facteurs qui influaient sur leurs
montants entre
1992 et 1997. D'une part, chaque nouveau titulaire dans une fonction
supérieure a débuté pendant cette période avec une rémunération
relativement
basse, mais a vu celle-ci progresser ensuite sensiblement dès que
l'intéressé
avait fait ses preuves. D'autre part, durant la même période,
X.________ a de
manière générale corrigé à la baisse les salaires des personnes en
place, qui
correspondaient aux années de haute conjoncture des années 1980.
L'expert
s'est notamment référé aux rétributions accordées à F.________ et
G.________.
Passant à l'appréciation du traitement de A.________, l'expert a
concédé que
la demanderesse était nettement moins payée que son prédécesseur,
mais que
cela était logique au vu de la politique de rémunération alors
adoptée par
X.________. Le salaire de la demanderesse se situait dans la
fourchette
correspondant au marché lausannois, bien qu'il soit en dessous de la
ligne de
tendance de la branche. Pour l'expert, le brevet d'avocat n'était pas
un
élément déterminant pour le poste de la demanderesse, au contraire de
l'expérience diplomatique de D.________ qui, elle, était "un atout
important". Pour finir, il estime que A.________ aurait pu prétendre
à 10'000
fr. ou 15'000 fr. de plus par année en période plus favorable, mais
que cette
différence "provient du contexte et non d'une discrimination".

B.c Une seconde expertise a été confiée à Q.________, Professeur à
l'Université de Genève, qui a déposé son rapport le 17 juin 1999 et un
rapport complémentaire le 11 février 2000. L'expert s'est proposé,
dans un
premier temps, pour mettre en évidence la politique salariale
appliquée par
la défenderesse, de comparer le comportement de X.________ à l'égard
de son
personnel féminin avec la pratique prévalant dans le marché genevois
et
vaudois de la finance. Partant des données de l'année 1993, l'expert
a pris
en compte dans son analyse diverses variables rattachées à des
coefficients,
soit le capital humain compris comme la dotation du travailleur qui
accroît
sa productivité (niveau d'éducation, expérience sur le marché du
travail,
niveau d'ancienneté), le sexe, l'état civil, la taille de
l'entreprise, la
position hiérarchique, le niveau de formation requis pour le poste.
Sur cette
base, il a établi une équation des salaires mensuels bruts octroyés
aux
personnes oeuvrant dans le secteur considéré, ce qui lui a permis de
constater que A.________ aurait pu prétendre, sur ce marché, à une
rémunération annuelle de 180'756 fr. pour sa première année de
service.
Ajoutant une prime de 1,6 % par année de travail supplémentaire
découlant du
coefficient associé à la variable "expérience", il a arrêté le
préjudice
salarial minimum subi par la demanderesse pour toute la durée de son
activité
à 163'492 fr.

Afin de vérifier la pertinence de son analyse et de l'équation
salariale
utilisée, l'expert a appliqué cette méthode pour le calcul du salaire
d'autres collaborateurs et déterminé que D.________, s'il était resté
au
service de X.________, aurait dû toucher 194'531 fr. en 1993, 197'643
fr. en
1994, 200'806 fr. en 1995 et 204'019 fr. en 1996; quant à I.________
et
H.________, ils auraient dû en 1993 respectivement percevoir 172'106
fr. et
257'801 fr. L'expert en a déduit que la preuve était faite que la
méthode
qu'il préconise est un outil précis et performant pour l'évaluation
des
salaires auxquels peuvent aspirer les employés de X.________.

A la suite de la crise traversée par la défenderesse en 1994, le
brevet
d'avocat, qui n'était pas nécessaire au départ à l'exercice des
fonctions de
la demanderesse, est devenu apparemment indispensable, ce qui aurait

donner lieu à une revalorisation du traitement de A.________ les deux
années
suivantes. L'expert, intégrant cette donnée, a admis que le préjudice
salarial de la demanderesse doit être augmenté de 10'798 fr. pour
1995 et de
10'971 fr. pour 1996.

En se fondant sur les résultats fournis par l'enquête biennale
réalisée par
l'Office fédéral de la statistique et en les affinant pour prendre en
compte
les réalités du marché vaudois, l'expert Q.________ a calculé que les
rémunérations annuelles de A.________ et de D.________ devaient se
monter en
1993 à 189'645 fr. pour la première et à 203'436 fr. pour le second.
Pour
l'expert, ces résultats confirment l'existence du comportement
discriminatoire de la défenderesse à l'encontre de la demanderesse.

L'expert Q.________ a procédé à une seconde analyse pour déterminer
les
salaires des cadres de la défenderesse. Se basant cette fois-ci sur
les
données internes afférentes aux années 1994 à 1997 que X.________ lui
avait
communiquées, il a estimé l'équation des salaires annuels bruts
d'abord pour
l'ensemble du personnel de la recourante, puis pour son seul personnel
administratif.

Dans le premiers cas (95 observations), l'expert a arrêté le salaire
non
discriminatoire dû à A.________ en 1993 au montant de 200'787 fr.
Mais comme
le salaire de D.________, calculé sur cette même base, ascenderait à
211'204
fr., il a considéré que l'estimation devait être réduite de 6% pour
mieux
cerner la réalité. Après corrections, il a ainsi fixé le préjudice
salarial
de la demanderesse de 1993 à 1997 au montant total de 193'259 fr.

Dans le second cas (personnel administratif seul, 45 observations),
l'expert
a calculé que le salaire non discriminatoire de la demanderesse
s'élèverait à
195'243 fr. en 1993. Selon la même méthode, le salaire de I.________
se
monterait à 181'175 fr. et celui de H.________ à 244'575 fr. Après
prise en
considération de la même correction à la baisse que ci-dessus,
A.________, à
suivre l'expert, aurait subi pour les années 1993 à 1997 un dommage
salarial
de 171'426 fr. La différence par rapport au résultat précédent
proviendrait
du fait que l'expérience accumulée est plus valorisée pour l'ensemble
du
personnel (+ 3,6 %) que pour les seuls employés administratifs (+ 3.3
%).

L'expert a encore expliqué que les différences relevées entre les
deux sortes
d'analyses effectuées (sur la base de données externes pour l'une, de
données
internes pour l'autre) seraient dues au fait que l'augmentation
annuelle des
salaires accordée par X.________ est plus élevée que celle qui
résulte des
données externes.
Et l'expert Q.________ de conclure que, dans tous les cas de figure
envisagés, le personnel féminin de X.________ serait discriminé au
plan
salarial; et d'ajouter que "les femmes obtiennent un salaire
inférieur de
21,3 % à celui des hommes si l'on considère l'ensemble du personnel
de la
défenderesse et de 21,5 % s'agissant du seul personnel administratif".

B.d Le 23 juin 2000, la défenderesse a déposé une requête de réforme
au sens
des art. 153 ss CPC vaud., afin d'être autorisée à compléter sa
procédure par
l'introduction de nouveaux allégués. A l'appui de sa requête elle a
exposé
qu'elle souhaitait mettre en évidence les traits caractéristiques de
sa
politique salariale et démontrer, par l'évaluation du travail des
intéressés,
que les activités exercées par ses cadres n'étaient ni égales ni de
valeur
égale, d'où la disparité de salaire entre ses collaborateurs.
X.________ a
notamment voulu introduire l'allégué 364 dont la teneur est la
suivante: "En
1996, X.________ a vendu son secteur Trade Finance, qui faisait
partie des
activités de la demanderesse, allégeant d'autant le cahier des
charges de
cette dernière".

Par jugement incident du 12 octobre 2000, le Juge instructeur de la
Cour
civile a rejeté la requête, aux motifs que la réforme ne pouvait être
accordée pour introduire des allégués qui portaient sur des faits
ressortant
déjà des pièces et rapports versés au dossier ou qui constituaient
l'essence
même du litige, dont l'instruction avait déjà donné lieu à deux
expertises.
Ce magistrat a rappelé que la procédure civile vaudoise ne permet pas
qu'il
soit ordonné plus de deux expertises sur le même objet.

B.e Il résulte du préavis du 12 septembre 2001 rendu par le Bureau de
l'égalité entre les femmes et les hommes de l'Etat de Vaud que le
niveau d'un
poste doit être examiné au regard des tâches concrètes effectuées
plutôt
qu'en fonction du titre attribué à l'engagement. Selon le Bureau de
l'égalité, la dénomination du poste de la demanderesse ne
correspondait pas
aux responsabilités effectives qu'elle assumait. Ledit Bureau a
dénoncé la
faiblesse méthodologique de l'expertise réalisée par P.________, qui
ne
reposerait sur aucune base scientifique reconnue pour une analyse de
salaires, et a préconisé de suivre les conclusions de l'expert
Q.________,
lesquelles sont solidement étayées par des arguments économétriques
neutres.

B.f Par jugement du 22 novembre 2001, dont les considérants ont été
communiqués le 31 octobre 2002, la Cour civile du Tribunal cantonal
vaudois a
condamné la défenderesse à payer à la demanderesse la somme de
212'716 fr.
avec intérêts à 5 % l'an dès le 30 avril 1995, sous déduction des
charges
sociales usuelles (I) et dit que le salaire annuel non
discriminatoire de la
demanderesse depuis le 1er janvier 1997 est fixé à 199'814 fr.50,
bonus
annuel par 7'000 fr. compris (II).

Admettant que la réclamation de la demanderesse trouvait son
fondement dans
la loi fédérale du 24 mars 1995 sur l'égalité entre femmes et hommes
(Loi sur
l'égalité ou LEg; RS 151.1), entrée en vigueur le 1er juillet 1996,
la cour
cantonale, eu égard à l'allégement du fardeau de la preuve ancré à
l'art. 6
LEg, a préliminairement examiné si, sur la base des expertises
judiciaires et
des autres éléments du dossier, A.________ avait rendu vraisemblable
l'existence d'une discrimination liée au sexe sur chacun des points
qu'elle
avait allégués.

S'agissant tout d'abord du salaire fixe, l'autorité cantonale a
retenu, en
accord avec les deux experts, que le principe d'une comparaison avec
D.________ était justifié, étant donné qu'il est établi que le
prédécesseur
de la
demanderesse, à l'instar de celle-ci, n'avait pas de pouvoir
décisionnel chez X.________. Compte tenu que la rémunération de
D.________
était nettement plus élevée que celle de la demanderesse, la cour
cantonale a
jugé que la vraisemblance d'une discrimination sexiste était largement
acquise. A cela s'ajoutait que d'autres collaborateurs masculins de
X.________, qui, selon les organigrammes réalisés par l'expert
P.________,
avaient des responsabilités inférieures à A.________, étaient mieux
payés que
celle-ci. La Cour civile a considéré que ces constatations valaient
mutatis
mutandis pour la question du bonus, auquel tous les cadres de la
défenderesse, à l'exception de D.________ (qui a quitté X.________ à
fin
1993), avaient eu droit entre 1993 et 1995, alors que la demanderesse
n'avait
obtenu cet avantage qu'en 1995, et encore après avoir élevé des
réclamations.
Enfin, la non-nomination de la demanderesse au poste de
directrice-adjointe
rendait également vraisemblable une discrimination sur ce point. En
revanche,
la vraisemblance d'un comportement discriminatoire quant aux
conditions de
travail, au paiement des frais forfaitaires et à la participation à
un plan
d'intéressement autorisant la souscription d'actions n'avait pas été
rapportée, ont poursuivi les magistrats vaudois.

La cour cantonale s'est ensuite attachée à vérifier si, sur chacun
des trois
points où une discrimination avait été rendue vraisemblable, des
motifs
objectifs pouvaient justifier une différence de traitement. A propos
du
salaire fixe, l'autorité cantonale a considéré primo que la politique
salariale de la défenderesse évoquée par l'expert P.________ - soit
le fait
d'engager les nouveaux employés à des salaires relativement bas en
leur
octroyant au fil du temps des augmentations rapides - n'avait pas été
démontrée, dès l'instant où il n'est "pas possible de déterminer si
les
collaborateurs de la même division occupent effectivement des postes
équivalents à ceux qu'ils sont censés remplacer" et que la politique
des
salaires en question ne valait, semble-t-il, que pour A.________.
Secundo, la
politique de correction générale, à la baisse, des salaires hérités
des
années 1980, qui aurait été appliquée par X.________ à partir de 1992
ainsi
que l'a retenu l'expert P.________, n'aurait pas été établie par les
données
de l'expertise; de toute manière, cette politique de correction,
entreprise
en réalité seulement depuis 1996, n'expliquait pas la discrimination
dont la
demanderesse a été la victime dès son engagement en 1993. Tertio, en
ce qui
concernait la différence de fonctions par rapport au prédécesseur de
la
demanderesse, relevée par l'expert P.________, elle avait été plus que
compensée par les lourdes responsabilités assumées par A.________
lors des
difficultés traversées par la défenderesse. Quarto, les juges
cantonaux ont
admis qu'aucun des autres motifs objectifs invoqués en vrac par
X.________
dans son mémoire de droit - soit le droit de l'avocate à un surplus de
vacances, l'octroi d'un délai de résiliation plus long du contrat, la
non-répercussion de diminutions salariales et une présence moindre
sur le
lieu de travail - n'avait été prouvé. Au sujet du bonus, la
défenderesse n'a
allégué aucun élément objectif expliquant la discrimination subie à
cet égard
par A.________. L'autorité cantonale a enfin retenu qu'il en allait
de même
pour la non-promotion de la demanderesse.

Passant à l'étude du préjudice salarial subi par A.________, la Cour
civile a
retenu la méthode de calcul de l'expert Q.________, fondée sur les
données
internes de la défenderesse et centrée sur le personnel administratif
auquel
l'intéressée avait appartenu; cette analyse répondait en effet le
mieux aux
exigences de la jurisprudence et de la doctrine et permettait une
comparaison
particulièrement pointue. Il convenait toutefois de corriger les
chiffres de
l'expert en valorisant le salaire de chacune des années 1995 et 1996
du
montant de 10'000 fr. - calculé par l'expert - pour tenir compte que
ces
années-là le brevet d'avocat de la demanderesse s'était révélé un
atout
indispensable. La prise en compte de cet élément permettait du reste
d'indemniser ex aequo et bono la discrimination liée à la
non-nomination de
A.________ au poste de directrice-adjointe. Enfin, il y avait lieu
d'ajouter
un bonus de 7'000 fr. pour chaque année d'activité - sauf pour 1995
où la
demanderesse en a bénéficié -, calculé prorata temporis en 1993 et
1997.

En résumé, les magistrats vaudois ont jugé que A.________ avait droit
aux
salaires suivants:
«Années différence entre Bonus Brevet
Total
d'activité salaire dû et d'avocat
salaire perçu

____________________________________________________
1993 24'072.- 2'624.-* 26'696.-
1994 46'584.- 7'000.- 53'584.-
1995 38'824.- 10'000.- 48'824.-
1996 36'403.- 7'000.- 10'000.- 53'403.-
1997 25'543.- 4'666.-* 30'209.-

________
Total
212'716.-
calculé au prorata».

C.
C.aX.________ SA a formé parallèlement un recours de droit public et
un
recours en réforme au Tribunal fédéral contre le jugement précité.
X.________
a également déposé à l'encontre de la même décision un recours en
nullité
devant la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois.

Par arrêt du 20 août 2003, la Chambre des recours a rejeté le recours
en
nullité dans la mesure de sa recevabilité et confirmé le jugement
critiqué.
En substance, elle a nié que la Cour civile ait apprécié
arbitrairement tant
les expertises judiciaires que les témoignages recueillis. Elle a
affirmé que
la composition de la Cour civile ne donnait pas matière à récusation.
Pour
finir, la Chambre des recours a jugé que c'était sans violer le droit
cantonal de procédure que le Juge instructeur de la Cour civile avait
rejeté
la requête de réforme de la défenderesse.

C.b X.________ forme un recours de droit public au Tribunal fédéral
contre
l'arrêt de la Chambre des recours, dont elle requiert l'annulation.

L'intimée conclut au rejet du recours, alors que la Chambre des
recours se
réfère aux considérants de sa décision.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le recours de droit public au Tribunal fédéral est ouvert contre une
décision
cantonale pour violation des droits constitutionnels des citoyens
(art. 84
al. 1 let. a OJ).

L'arrêt rendu par la cour cantonale, qui a statué dans le cadre d'un
recours
en nullité pour arbitraire dans l'appréciation des preuves et déni de
justice
formel, outre qu'il est final, n'est susceptible d'aucun autre moyen
de droit
sur le plan fédéral ou cantonal dans la mesure où la recourante
invoque la
violation directe d'un droit de rang constitutionnel (ATF 126 I 257
consid.
1b), de sorte que la règle de la subsidiarité du recours de droit
public est
respectée (art. 84 al. 2 et 86 al. 1 OJ). En revanche, si la
recourante
soulève une question relevant de l'application du droit fédéral, le
grief
n'est pas recevable, parce qu'il pouvait faire l'objet d'un recours en
réforme contre le jugement de la Cour civile (art. 43 al. 1 et 84 al.
2 OJ).

La recourante est personnellement touchée par la décision attaquée,
qui la
condamne à paiement, de sorte qu'elle a un intérêt personnel, actuel
et
juridiquement protégé à ce que cette décision n'ait pas été prise en
violation de ses droits constitutionnels; en conséquence, elle a
qualité pour
recourir (art. 88 OJ).
Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine que
les
griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans
l'acte
de recours (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 129 I 113 consid. 2.1; 128
III 50
consid. 1c et les arrêts cités, p. 53/54).

2.
La recourante soutient que le choix opéré par la cour cantonale de
privilégier l'expertise de Q.________ au détriment de l'expertise de
P.________ serait insoutenable.

Puis la défenderesse taxe d'arbitraire les arguments que la cour
cantonale a
utilisés pour écarter les éléments mis en avant par P.________ à
propos de la
politique des salaires au sein de X.________. Elle soutient encore
que c'est
arbitrairement que la Cour civile s'est ralliée aux conclusions de
l'expertise Q.________.

2.1 Il convient, avant d'examiner l'ensemble de ces griefs, de
rappeler les
principes que l'autorité cantonale doit respecter si elle entend
donner la
préférence à l'avis d'un des experts qu'elle a commis et se rallier à
son
opinion et le contrôle que le Tribunal fédéral doit exercer dans ce
domaine.
Selon la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle est
manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un
principe
juridique clair et indiscuté, ou encore heurte de manière choquante le
sentiment de la justice et de l'équité. Il ne suffit pas que sa
motivation
soit insoutenable; encore faut-il que la décision apparaisse
arbitraire dans
son résultat. A cet égard, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la
solution
retenue que si celle-ci apparaît insoutenable, en contradiction
manifeste
avec la situation effective, adoptée sans motif objectif et en
violation d'un
droit certain. Il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une autre
solution
paraît également concevable, voire même préférable (ATF 129 I 8
consid. 2.1
et les arrêts cités).
En matière d'appréciation des preuves, il y a arbitraire lorsque
l'autorité
ne prend pas en compte, sans raison sérieuse, un élément de preuve
propre à
modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur le sens
et la
portée d'un tel élément, ou encore lorsqu'elle tire des constatations
insoutenables des éléments recueillis (ATF 129 I 8 consid. 2.1; 127 I
38
consid. 2a p. 41; 124 I 208 consid. 4a).

Lorsque l'autorité cantonale juge une expertise concluante et en fait
sien le
résultat, le Tribunal fédéral n'admet le grief d'appréciation
arbitraire que
si l'expert n'a pas répondu aux questions posées, si ses conclusions
sont
contradictoires ou si, d'une quelconque autre façon, l'expertise est
entachée
de défauts à ce point évidents et reconnaissables, même sans
connaissances
spécifiques, que le juge ne pouvait tout simplement pas les ignorer
(arrêt
5P.457/2000 du 20 avril 2001, consid. 4a). Il n'appartient pas au
Tribunal
fédéral de vérifier si toutes les affirmations de l'expert sont
exemptes
d'arbitraire; sa tâche se limite bien plutôt à examiner si l'autorité
intimée
pouvait, sans arbitraire, se rallier au résultat de l'expertise. Si
l'autorité cantonale est confrontée à plusieurs expertises
judiciaires et
qu'elle se rallie aux conclusions de l'une d'elles, elle est tenue de
motiver
son choix. Dans un tel cas, le Tribunal fédéral n'admet le grief
d'appréciation arbitraire des preuves que si cette motivation est
insoutenable ou si le résultat de l'expertise qui a eu la préférence
de
l'autorité cantonale est arbitraire pour l'un des motifs sus-indiqués
(cf.
arrêt 5P.187/2001 du 29 octobre 2001 consid. 2a et arrêt 5P.447/2000
du 20
avril 2001, ibidem).

2.2 La recourante reproche à la Cour civile d'avoir préféré l'avis de
l'expert Q.________, qui a montré que la demanderesse, pendant son
engagement
chez la défenderesse, a été moins payée que ses collègues masculins,
à celui
de l'expert P.________, qui a adopté l'opinion inverse.

Quoi qu'en pense la défenderesse, la cour cantonale a motivé ce
choix, en
soulignant le fait que l'expert Q.________, après avoir intégré dans
ses
études un grand nombre de données, est clairement arrivé à la
conclusion que
la différence de salaire n'était due à aucun facteur objectif et
qu'elle
n'avait touché que la demanderesse, seule femme parmi les cadres de la
défenderesse. Cette argumentation n'est nullement insoutenable au vu
des
pièces du dossier. Elle correspond d'ailleurs au préavis du Bureau
vaudois de
l'égalité, qui a dénoncé sans ambages les faiblesses méthodologiques
et
scientifiques de l'expertise P.________ et a recommandé l'adoption des
conclusions de l'expert Q.________, parce qu'elles reposent sur des
arguments
économétriques neutres.

2.3
2.3.1La recourante fait grief à la cour cantonale d'avoir considéré
que
n'était pas établie la politique salariale de la défenderesse décrite
par
l'expert P.________, selon laquelle, pour la période de 1992 à 1997,
X.________ a engagé ses cadres à un niveau de rémunération bas, puis a
augmenté rapidement leur salaire. Cette politique des salaires,
pratiquée
lors de l'engagement de la demanderesse, se serait poursuivie lors de
l'engagement ultérieur de nouveaux collaborateurs, tels R.________,
"K.________", et L.________.

L'engagement de la dénommée R.________ par X.________, sa formation et
l'évolution de sa rémunération n'ont fait l'objet d'aucune
constatation en
instance cantonale, et cela sans que la défenderesse n'invoque
l'arbitraire à
ce propos. Vu l'absence de toute information concernant les différents
salaires touchés par cette personne chez X.________ au cours des
années
considérées, on ne voit pas comment l'entrée en service de cette
collaboratrice et le niveau de rémunération qu'elle a atteint
ultérieurement
pourraient s'inscrire dans la politique des salaires décrite par
l'expert
P.________.

S'agissant de "K.________", la recourante admet qu'il a remplacé
I.________
comme "assistant finances". La Cour civile, à la page 20, consid. 6d,
de son
jugement, a fait état de ce nom en regard
de la fonction de chef
comptable.
Il apparaît pourtant que ce n'est pas "K.________", mais J.________
qui a
succédé à I.________. On peut se référer à cet égard aux
organigrammes de
l'expert P.________, reproduits aux pages 25 et 26 du jugement de la
Cour
civile, et à son tableau des fonctions et de leurs titulaires
figurant à la
p. 29 du même jugement. Du reste, la Chambre des recours, à la p. 14
de
l'arrêt déféré, a fait mention du patronyme "J.________" et de sa
fonction au
sein de X.________. Mais, il n'importe. En effet, l'évolution de la
rémunération chez X.________ de la personne engagée en 1997 comme
"assistant
finances" n'a derechef pas été constatée. Pour les motifs expliqués
plus
haut, la référence à cette personne est sans pertinence aucune.

Il a été retenu que L.________, entrée au service de la défenderesse
en 1996,
a dirigé le département "Administration". Engagée pour un montant
annuel brut
de 127'500 fr., son salaire a dépassé en 1997 le somme de 170'000 fr.
par an,
ce qui représente une hausse de plus de 33 % en une année. En ce qui
concerne
la demanderesse, elle a débuté son activité en 1993 avec un salaire
annuel
brut de 120'000 fr. et s'est vu rémunérer en 1997 sur la base d'un
salaire
annuel de 154'500 fr., d'où une augmentation d'environ 29 % par
rapport au
salaire initial, mais sur quatre ans. Il est donc évident que sa
rémunération
a moins augmenté en valeur que celle de L.________, et, de toute
manière,
infiniment moins rapidement. A cela s'ajoute que le successeur de
A.________,
E.________, qui est son cadet de dix ans, a été engagé en 1997 pour un
salaire annuel carrément équivalent à celui perçu par la demanderesse
la
dernière année de son contrat.
Il s'ensuit qu'il n'était nullement insoutenable de nier l'existence
de la
politique salariale précitée, clairement contredite par l'évolution
plutôt
lente du salaire de A.________ si on la compare à celle du traitement
de
L.________ et surtout par le niveau initial de la rétribution de
E.________.

2.3.2 La recourante critique la cour cantonale pour avoir écarté
arbitrairement la démonstration de l'expert P.________, selon
laquelle, de
1992 à 1997, la défenderesse a corrigé à la baisse les rétributions
des
personnes en place avant la demanderesse, lesquelles avaient été
fixées dans
les années 1980, alors que l'économie était florissante. Elle prétend
que
l'autorité cantonale aurait dû également prendre en compte les
salaires
d'engagement du personnel entré en service à la fin de la période
considérée,
soit "K.________" et L.________.

H. ________, directeur du département "Administration et Finance", a
certes
vu son salaire brut de 1994, soit 287'610 fr. avec bonus, ramené à
243'880
fr. en 1995. Il a toutefois encaissé cette dernière année une
indemnité de
départ de 250'000 fr., ce qui relativise pour le moins la correction
de
salaire alléguée.
Il résulte des certificats de salaire du chef des services
administratifs de
X.________, F.________, que, de 1995 à 1996, son salaire a passé de
197'779
fr. à 204'153 fr., ce qui représente une augmentation de 3 %. Sa
rétribution
a diminué en 1997, mais la baisse intervenue n'a pas été établie. La
politique de réduction progressive des salaires de X.________ entre
1992 et
1997 n'est en tout cas pas prouvée par ce cas d'espèce.

Le chef du service informatique G.________, qui touchait, bonus
compris,
260'000 fr. en 1995, a subi les deux années suivantes une baisse de
rémunération de quelques milliers de francs, du fait de la diminution
du
bonus accordé. Etant donné que la diminution salariale - du reste
légère - de
ce cadre résulte d'une baisse d'une gratification, l'autorité
cantonale
pouvait admettre sans arbitraire qu'elle ne concordait pas avec la
politique
des salaires présentée par P.________.

A propos des deux nouveaux collaborateurs, on ne sait si le salaire de
J.________ (et non "K.________") a été réduit après son engagement.
Quant à
L.________, sa rétribution, au lieu d'être diminuée après son entrée
en
service, a au contraire été très fortement augmentée l'année suivante.
Partant, il appert que c'est sans le moindre arbitraire que la Cour
civile a
pu retenir que l'existence invoquée par l'expert P.________ de cette
autre
politique des salaires chez X.________ n'a pas été établie.

2.4 La recourante prétend liminairement que la méthode utilisée par
l'expert
Q.________ ne répondrait pas aux exigences posées par la Loi sur
l'égalité et
que le résultat de l'expertise qu'il a menée serait indéfendable.

2.4.1 Si la recourante entend s'en prendre à la manière dont
l'évaluation de
la valeur des diverses activités d'une entreprise doit être opérée, il
soulève une question qui relève de l'application du droit fédéral, en
singulièrement de l'art. 3 LEg (Elisabeth Freivogel, Commentaire de
la loi
sur l'égalité, n. 103 s. ad art. 3 LEg; Margrith Bigler-Eggenberger,
Et si la
justice ôtait son bandeau ?, La jurisprudence du Tribunal fédéral sur
l'égalité entre femmes et hommes, n. 551 p. 285/286 et n. 651 s. p.
339/340).
Vu la subsidiarité absolue du recours de droit public, le grief est
irrecevable (art. 84 al. 2 OJ).

2.4.2 On ne voit pas en quoi l'adoption des conclusions de l'expertise
Q.________ conduirait à un résultat insoutenable. Les conclusions
finales de
cet expert, à teneur desquelles la demanderesse a été discriminée au
plan
salarial par rapport à des cadres masculins de X.________, sont
parfaitement
claires et exemptes de toutes contradictions.

2.5 La recourante soutient ensuite que l'expertise Q.________ serait
entachée
de défauts évidents, au point qu'elle serait inutilisable et qu'il
aurait été
arbitraire pour la Cour civile de s'y rallier.

2.5.1 La défenderesse fait valoir que l'expertise Q.________ ne
permettrait
pas d'évaluer si les activités de la demanderesse et celles de ses
collègues
masculins seraient de valeur égale.

Que ce soit dans son analyse fondée sur des données externes (marché
genevois
et vaudois de la finance) que dans celle fondée sur des données
internes,
l'expert a considéré que le poste de cadre de la demanderesse pouvait
être
comparé à ceux qu'avaient occupé H.________, I.________ et
D.________. On
peut certes douter de la pertinence d'une comparaison avec
H.________, qui
avait le statut de directeur depuis 1985, alors que A.________ était
sous-directrice. En revanche, mettre en balance le poste de cette
dernière
avec celui de son prédécesseur D.________ était tout à fait logique,
même si
l'ancien président B.________, qui ignorait d'ailleurs les tâches que
le
président C.________ avait confiées à dame A.________, a affirmé que
D.________ était plus proche de la direction générale. En ce qui
concerne
I.________, il s'agissait d'un cadre avec rang de sous-directeur, à
l'instar
de la demanderesse, ce qui permettait bien évidemment une comparaison,
d'autant qu'il n'apparaît pas que l'intéressé, dont la formation
était celle
de "Certified Public Accountant" ou expert-comptable diplômé, ait
possédé
l'équivalent d'un titre universitaire suisse.

2.5.2 D'après la recourante, l'expert Q.________ aurait dû se baser
sur le
contenu des différents postes de travail, "évalués in concreto dans
l'entreprise en question, qui a ses particularités propres". C'est
pourtant
exactement ce qu'a fait l'expert, lequel a admis qu'à partir de 1994,
époque
où la défenderesse a traversé une très grave crise structurelle, les
tâches
du poste juriste/secrétaire général s'étaient considérablement
modifiées, au
point que D.________, avec sa formation de diplomate, n'aurait plus
été
l'homme de la situation. De fait, il était alors devenu indispensable
que le
titulaire dudit poste possédât le brevet d'avocat pour coordonner les
nombreuses procédures judiciaires que la société avait été contrainte
d'engager en Suisse et en France. Autrement dit, l'expert a bel et
bien pris
en compte les compétences spécifiques que le juriste/secrétaire
général de
X.________ devait avoir dans le contexte particulier des années 1995
et 1996.

2.5.3 A suivre la recourante, l'expert se serait focalisé sur les
éléments
personnels des cadres de X.________ (formation, expérience, âge), sans
prendre en considération les fonctions et responsabilités exercées, la
conjoncture économique, ou les "éventuelles périodes de chômage"
survenues.

L'expert devait bien évidemment examiner le profil personnel des
cadres, dès
l'instant où l'ancienneté, la qualification et l'expérience font
partie des
motifs qui peuvent influencer la valeur même du travail (ATF 127 III
207
consid. 3c et les arrêts cités). Et l'expert, comme on vient de le
voir, n'a
pas négligé les responsabilités endossées par les cadres, et en
particulier
par la demanderesse.

Le rôle joué par la conjoncture économique dans les disparités
salariales est
une question relevant du droit fédéral (ATF 125 III 368 consid. 5c/ee
p.
381), qui n'a pas à être examinée dans la présente instance (art. 84
al. 2
OJ).

Quant aux éventuelles périodes d'inactivité forcée traversées par le
cadre
dans sa carrière, il s'agit d'un élément lié à l'expérience de
celui-ci, donc
à son profil personnel, critère que semble pourtant décrier la
défenderesse.

2.5.4 La recourante soutient que l'analyse purement interne à
laquelle a
procédé Q.________, faute d'être fiable, ne répondrait pas aux
exigences de
la Loi sur l'égalité. Il suffit, pour faire justice de ce grief, de
renvoyer
au considérant 2.4.1 ci-dessus.

3.
3.1Changeant son fusil d'épaule, la recourante fait grief à la Cour
civile de
n'avoir pas reproduit, dans son jugement, l'équation salariale, qui
constituerait la pierre angulaire de la démonstration de l'expert
Q.________.
Selon la défenderesse, il serait insoutenable de retenir le résultat
final
d'un calcul, dont les éléments constitutifs n'ont pas été exposés.

3.2 Ce grief a trait au devoir du juge de motiver sa décision. La
jurisprudence a déduit du droit d'être entendu, consacré par l'art.
29 al. 2
Cst., une telle obligation, cela afin que l'intéressé puisse
comprendre la
décision qui le concerne, l'attaquer utilement s'il y a lieu et que
l'autorité de recours puisse exercer son contrôle (ATF 126 I 15
consid.
2a/aa, 97 consid. 2b; 125 II 369 consid. 2c; 124 II 146 consid. 2a).
Il y a
également violation du droit d'être entendu si l'autorité ne
satisfait pas à
son devoir minimum d'examiner et de traiter les problèmes pertinents
(ATF 126
I 97 consid. 2b; 124 II 146 consid. 2a; 122 IV 8 consid. 2c).

En l'espèce, si la Cour civile n'a pas mentionné l'équation salariale
posée
par l'expert à partir des données internes de la défenderesse, elle a
fait
état, à la page 38 de son jugement, des variables qui composent
l'équation,
ainsi que des coefficients qui y sont rattachés. Elle a encore résumé
avec
soin les déclarations des deux experts judiciaires et scrupuleusement
discuté
chacun des motifs avancés par P.________ pour nier l'existence d'une
discrimination liée au sexe. Soutenir qu'un tel jugement, qui
comporte plus
de 70 pages, n'est pas motivé confine à la témérité.

Le moyen est dénué de tout fondement.

4.
La recourante prétend que c'est arbitrairement que la Cour civile a
écarté
les témoignages de F.________, S.________ et AA.________ aux motifs
qu'ils
étaient employés de X.________, alors que cette autorité a retenu les
déclarations de BB.________, qui est directrice du contrôle chez
X.________,
avec résidence à Londres.
Le moyen est totalement infondé. En effet, la Cour civile a clairement
expliqué, en p. 4 de son jugement, que les trois témoins précités, en
sus des
liens contractuels qu'ils avaient avec la défenderesse, avaient eu
connaissance de la procédure et avaient participé à des degrés divers
à son
élaboration, alors que tel n'avait pas été le cas de BB.________. On
cherche
vainement, dans ce contexte, comment il pourrait y avoir arbitraire à
dénier
toute valeur probante aux trois dépositions en cause.

5.
5.1La recourante allègue que la requête de réforme qu'elle a formée
le 23
juin 2002 (recte: 2000) a été arbitrairement rejetée par le Juge
instructeur
de la Cour civile. Elle fait valoir que le refus de l'introduction de
son
nouvel allégué 364 - qui avait pour objectif d'établir que X.________
avait
vendu son secteur "Trade Finance" en 1996, ce qui avait allégé
d'autant le
cahier des charges de la demanderesse - a influé sur le jugement
entrepris,
qu'il s'agissait d'un élément, offert à la preuve par témoins, qui ne
ressortait pas des pièces du dossier et que sa requête incidente
aurait dû
être accueillie d'autant plus que l'art. 6 LEg contraint la partie
défenderesse à un exercice "qui relève de la schizophrénie
procédurale".

5.2 La recourante ne se prévaut d'aucune violation d'une disposition
de la
procédure cantonale, ce qui rend douteux la recevabilité du grief au
regard
de l'art. 90 al. 1 let. b OJ.

Il n'importe, dès l'instant où la critique est sans consistance.

L'institution de la réforme, consacrée aux art. 153 à 157 CPC vaud.,
permet à
la partie qui désire obtenir la restitution d'un délai, corriger ou
compléter
sa procédure, de demander l'autorisation de se réformer jusqu'à la
clôture de
l'audience de jugement (art. 153 al. 1 CPC vaud.). La réforme ne sera
accordée que si le requérant y a un intérêt réel (art. 153 al. 2 CPC
vaud.).

La demande de réforme indique les motifs et l'étendue de la réforme
demandée
(art. 154 al. 1 CPC vaud.).
Selon la jurisprudence cantonale, il appartient au requérant de
démontrer
l'existence d'un intérêt réel, qui est une condition de la réforme
(JdT 1979
III 126). La partie qui sollicite la réforme doit notamment préciser
la liste
des témoins qu'elle veut faire entendre et exposer les motifs qui
permettraient de considérer que la réforme requise semble nécessaire
à la
solution de la querelle (cf. JT 1985 III 21; Jean-François
Poudret/Jacques
Haldy/Denis Tappy, Procédure civile vaudoise, 3e éd., n. 1 ad art.
154 CPC
vaud.).
A lire la requête de réforme de la défenderesse, il n'est exposé
nulle part
en quoi l'allégué 364 aurait une quelconque pertinence pour la
question à
résoudre. Bien que cet allégué soit offert à la preuve testimoniale,
la
recourante n'a pas précisé les témoins qui auraient dû être entendus
à son
propos. Il appert donc que c'est sans arbitraire que la cour
cantonale a pu
rejeter la réforme en tant qu'elle portait sur l'introduction de
l'allégué
364, dès l'instant où la requête ne précisait pas suffisamment ses
motifs,
étant encore précisé que la recourante ne s'en prend plus au refus
qui lui a
été opposé de présenter d'autres allégations en procédure.

6.
Dans un dernier moyen, la recourante critique la composition de la
Cour
civile, qui aurait été formée de trois juges, tous présentés par des
partis
de gauche, dont la sensibilité "monocolore" se serait manifestée par
l'adhésion "quasi aveugle" à l'expertise Q.________. Elle y voit une
violation de l'art. 1 al. 3 CPC vaud.

L'art. 1 al. 3 CPC vaud. prescrit, in initio, que le juge doit
veiller à ce
que l'égalité soit maintenue entre les parties. La recourante ne
précise
toutefois pas en quoi les plaideurs auraient été traités différemment
par la
Cour civile, ce qui rend sa critique irrecevable.

Si tant est que la recourante entende mettre en doute l'impartialité
des
juges vaudois, le moyen est constitutif d'un abus de droit.

L'art. 46 CPC vaud., qui dispose, à son al. 1, que la récusation doit
être
demandée d'entrée de cause, ne sanctionne pas, à son al. 2, la
tardiveté de
la demande par la déchéance du droit de récuser, mais par la seule
condamnation aux frais frustraires, ce que déplorent sans détour les
commentateurs du Code de procédure civile vaudois (cf.
Poudret/Haldy/Tappy,
op. cit., n. 1 ad art. 46 CPC vaud. ).
Le principe de la bonne foi doit être respecté en procédure civile,
tant par
les parties que par le juge (arrêt 4C. 347/2000 du 6 avril 2001,
consid. 2b;
Max Baumann, Commentaire zurichois, n. 34 et 35 ad art. 2 CC). Un des
principaux devoirs imposés au plaideur par la loyauté veut ainsi
qu'il se
prévale de ses moyens au moment prévu par la loi et sans tarder, à
défaut de
quoi il troublerait inutilement le cours du procès. D'après la
jurisprudence,
"il est contraire au principe de la bonne foi d'invoquer après coup
des
moyens que l'on avait renoncé à faire valoir en temps utile en cours
de
procédure, parce que la décision intervenue a finalement été
défavorable"
(ATF 111 Ia 161 consid. 1a; arrêt 4C. 347/2000 déjà cité, ibidem).

A considérer ces principes, la recourante, en invoquant un tel moyen
contre
la Cour civile, alors que la procédure devant cette autorité a duré
plus de
six ans, commet un abus de droit caractérisé, qui ne mérite aucune
protection.

7.
Il suit de là que le recours doit être rejeté. La procédure est
gratuite
(art. 12 al. 2 LEg et art. 343 al. 3 CO). Cela ne dispense pas la
recourante,
qui succombe, de verser des dépens à l'intimée.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

3.
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 10'000 fr. à titre
de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois.

Lausanne, le 22 décembre 2003

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.205/2003
Date de la décision : 22/12/2003
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-12-22;4p.205.2003 ?
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