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19/12/2003 | SUISSE | N°I.330/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 19 décembre 2003, I.330/02


{T 7}
I 330/02

Arrêt du 19 décembre 2003
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Lustenberger et Kernen. Greffière :
Mme von
Zwehl

D.________, recourant, c/o Me Yves Magnin, rue de la Rôtisserie 2,
1204
Genève,

contre

Caisse cantonale genevoise de compensation, route de Chêne 54, 1208
Genève,
intimée

Commission fédérale de recours en matière d'AVS/AI pour les personnes
résidant à l'étranger, Lausanne

(Jugement du 19 mars 2002)

Faits:
r> A.
D. ________, ressortissant suisse né en 1960, a été mis au bénéfice
d'une
rente extraordinaire simple d'invalidité dès le 1er avri...

{T 7}
I 330/02

Arrêt du 19 décembre 2003
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Lustenberger et Kernen. Greffière :
Mme von
Zwehl

D.________, recourant, c/o Me Yves Magnin, rue de la Rôtisserie 2,
1204
Genève,

contre

Caisse cantonale genevoise de compensation, route de Chêne 54, 1208
Genève,
intimée

Commission fédérale de recours en matière d'AVS/AI pour les personnes
résidant à l'étranger, Lausanne

(Jugement du 19 mars 2002)

Faits:

A.
D. ________, ressortissant suisse né en 1960, a été mis au bénéfice
d'une
rente extraordinaire simple d'invalidité dès le 1er avril 1985
(décision du
1er novembre 1990 de la Caisse cantonale genevoise de compensation
[ci-après
: la caisse]; jugement du 18 juillet 1991 de la Commission de recours
du
canton de Genève en matière d'assurance-vieillesse, survivants et
invalidité).

Le 1er octobre 1996, D.________ a informé la caisse qu'il quittait la
Suisse
dès cette date et qu'il avait désormais pour adresse le Consulat
Suisse en
République Dominicaine; il a également avisé l'Office AI du canton de
Genève
de son départ à l'étranger. La caisse a annulé ses décisions de
cotisations
AVS/AI/APG à partir du mois d'octobre 1996, mais a poursuivi le
versement de
la rente extraordinaire d'invalidité sur le compte en banque de
l'assuré en
Suisse. A la suite d'un échange de correspondance avec
l'assurance-militaire
fédérale, qui alloue aussi des prestations à l'assuré, la caisse
s'est rendue
compte que le paiement de la rente intervenait à tort dès le moment où
D.________ n'avait plus de domicile en Suisse. Elle a alors suspendu
le
versement de cette rente à compter du 1er avril 1998 et entrepris
diverses
démarches, notamment auprès du contrôle des habitants du canton de
Genève, de
l'assurance militaire fédérale et de l'Office AI pour les assurés
résidants à
l'étrangers, pour connaître l'adresse exacte de l'assuré. Ces
démarches ont
révélé que D.________ s'était annoncé au Consulat général de la
Suisse en
République Dominicaine le 30 octobre 1996, qu'il avait été rayé du
registre
d'immatriculation le 8 octobre 1998, et que sa dernière adresse
connue dans
le pays était X.________.

Par décision formelle du 9 mars 2000, la caisse a supprimé le droit de
l'assuré à la rente extraordinaire d'invalidité avec effet au 1er
novembre
1996 et réclamé la restitution d'un montant de 22'491 fr.
correspondant au
total des rentes indûment versées entre le 1er novembre 1996 et le 31
mars
1998. Cette décision n'a cependant pas pu être notifiée à son
destinataire.

B.
De passage dans la région genevoise au début du mois d'avril 2000,
D.________
a pris connaissance de la décision de la caisse du 9 mars 2000 et
recouru
contre celle-ci devant la Commission fédérale de recours en matière
d'assurance-vieillesse, survivants et invalidité pour les personnes
résidant
à l'étranger (ci-après : la commission).

Par jugement du 19 mars 2002, la commission a admis partiellement le
recours
et annulé la décision de la caisse en tant qu'elle réclamait à
l'assuré la
restitution des prestations versées à tort.

C.
D.________ interjette recours de droit administratif contre ce
jugement, dont
il demande l'annulation. Il conclut au renvoi du dossier à l'Office
AI pour
les étrangers, ou au maintien de son droit à une rente
extraordinaire, ou
encore au versement d'une rente ordinaire d'invalidité.

La caisse a présenté des observations, tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales renonce à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
1.1
Dans la mesure où le recourant demande l'octroi d'une rente
d'invalidité
ordinaire, son recours sort de l'objet de la contestation - qui est
déterminé
par la décision de la caisse du 9 mars 2000 (ATF 125 V 414 consid.
1a) - et
doit être déclaré irrecevable.

1.2 La question de la restitution des prestations versées n'étant plus
contestée, le litige porte uniquement sur le point de savoir si la
caisse
était en droit de revenir sur sa décision d'octroi de la rente
extraordinaire
d'invalidité et de supprimer cette rente.

2.
La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances
sociales
(LPGA), du 6 octobre 2000, est entrée en vigueur le 1er janvier 2003
entraînant la modification de nombreuses dispositions dans le domaine
de
l'assurance-invalidité et de l'assurance-vieillesse et survivants.
Selon la
jurisprudence, la législation applicable en cas de changement de
règles de
droit reste celle qui était en vigueur lors de la réalisation de
l'état de
fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences
juridiques (ATF 127 V 467 consid. 1, 126 V 166 consid. 4b), les faits
sur
lesquels le Tribunal fédéral des assurances peut être amené à se
prononcer
dans le cadre d'une procédure de recours de droit administratif étant
par
ailleurs ceux qui se sont produits jusqu'au moment de la décision
administrative litigieuse (ATF 121 V 366 consid. 1b). Aussi le cas
d'espèce
reste-t-il régi par la législation en vigueur jusqu'au 31 décembre
2002.

3.
D'après les premiers juges, il aurait appartenu à l'Office AI pour les
assurés résidants à l'étranger de notifier la décision querellée
puisque le
recourant avait quitté la Suisse le 1er octobre 1996. Par économie de
procédure, ils ont toutefois décidé de se prononcer directement sur
le fond
du litige. Ils ont retenu que le recourant ne pouvait plus prétendre
au
versement de la rente extraordinaire d'invalidité à partir du mois de
novembre 1996, ce dernier s'étant constitué un domicile en République
Dominicaine à partir du 1er octobre 1996. En revanche, ils ont jugé
que le
recourant n'était pas tenu de restituer les montants versés à tort
par la
caisse, car le droit de demander la restitution de ces prestations
était déjà
prescrit lorsque celle-ci s'était adressée à lui.

4.
4.1Selon un principe général du droit des assurances sociales,
l'administration peut reconsidérer une décision formellement passée
en force
de chose jugée et sur laquelle une autorité judiciaire ne s'est pas
prononcée
quant au fond, à condition qu'elle soit sans nul doute erronée et que
sa
rectification revête une importance notable (ATF 127 V 469 consid. 2c
et les
arrêts cités).

4.2 En vertu de l'art. 39 al. 1 LAI en corrélation avec l'art. 42
LAVS, ont
droit à une rente extraordinaire d'invalidité les ressortissants
suisses qui
ont leur domicile en Suisse (dans la teneur de ces dispositions au 1er
octobre 1996), ou qui ont leur domicile et leur résidence habituelle
en
Suisse (dans la teneur de ces dispositions au 9 mars 2000). En
l'occurrence,
les versements opérées par la caisse dès le 1er novembre 1996 sur la
base de
sa décision du 1er novembre 1990 étaient sans nul doute erronés,
faute pour
le recourant d'avoir gardé un domicile et une résidence habituelle en
Suisse
à partir du 1er octobre 1996. La rectification de l'acte
administratif revêt
par ailleurs une importance notable, si bien que la reconsidération
est
justifiée dans son principe.

5.
5.1Le recourant considère cependant que son droit à la rente
extraordinaire
d'invalidité doit être maintenu. Dans un premier moyen, il se prévaut
de
renseignements erronés donnés par la caisse avant son départ de la
Suisse et
de la poursuite, pendant plus de 17 mois, du versement de la
prestation alors
qu'il se trouvait à l'étranger.

5.2 Le droit à la protection de la bonne foi permet au citoyen
d'exiger que
l'autorité respecte ses promesses et qu'elle évite de se contredire.
Ainsi un
renseignement ou une décision erronée peuvent, à certaines conditions,
obliger l'administration à consentir à un administré un avantage
contraire à
la loi (ATF 127 I 36 consid. 3a, 121 V 66 consid. 2a et les
références
citées). Cependant lorsque est litigieuse une reconsidération avec
effet ex
nunc et pro futuro, l'administré ne peut pas, en principe, se
prévaloir du
droit à la protection de la bonne foi puisque, justement, l'autorité
est
revenue sur la décision erronée qui avait fondé la confiance de
l'intéressé.
Même si l'administré a pris des dispositions qui continuent de
produire des
effets dans l'avenir et sur lesquelles il ne peut revenir, les
principes de
la légalité et de l'égalité de traitement l'emportent, dans ce cas,
sur le
droit à la protection de la bonne foi (arrêt C. du 21 octobre 2003, I
453/02).

5.3 Dans le cas particulier, on ne voit pas à quels renseignements de
la
caisse le recourant se réfère; ses allégations à ce sujet sont pour
le moins
obscures. En tout état de cause, il n'apporte aucun élément concret
de nature
à démontrer que l'intimée lui aurait fait des promesses sur le
maintien de sa
rente même en cas de transfert du domicile à l'étranger. Quant à la
question
de savoir si le versement erroné de la rente extraordinaire pendant
plus
d'une année a réellement amené le recourant à prendre des
dispositions qu'il
ne saurait modifier sans subir un préjudice, elle peut être laissée
ouverte.
En effet, la reconsidération entreprise par la caisse n'a en
définitive que
des effets ex nunc et pro futuro. D'une part, il ressort de la
décision
litigieuse que le versement de la rente extraordinaire a été
interrompu dès
le 1er avril 1998; comme le recourant n'a pas perçu de prestations
depuis
lors, une éventuelle obligation de restituer des prestations indûment
perçues
jusqu'à la date de la décision de la caisse n'entre pas en ligne de
compte.
D'autre part, le recourant n'est pas non plus tenu à restituer les
montants
de la rente qu'il a reçus pour la période antérieure (du 1er octobre
1996 au
31 mars 1998) puisqu'il a obtenu gain de cause sur ce point en
procédure
cantonale. Aussi, ne peut-il se prévaloir d'une violation du principe
de la
bonne foi ou des droits acquis.

6.
6.1Dans un second moyen, le recourant estime que la décision
litigieuse a été
rendue par une autorité incompétente à raison de la matière, de sorte
que les
premiers juges n'auraient en fait pas dû entrer en matière sur le
fond du
litige.

6.2 Conformément aux art. 57 al. 1 let. e LAI et 41 al. 1 let. d RAI,
les
décisions relatives aux prestations, qui comprennent également celles
ayant
trait aux rentes extraordinaires d'invalidité (art. 39 LAI), relèvent
des
attributions des offices AI. La 3ème révision de la LAI a en effet
transformé
fondamentalement l'organisation de l'assurance-invalidité (art. 53 ss
LAI
[modification du 22 mars 1991] et art. 40 ss RAI [modification du 15
juin
1992]). Contrairement à la situation juridique antérieure, où les
caisses de
compensation cantonales et les caisses d'association étaient
compétentes en
matière de prestations d'invalidité (ancien art. 54 LAI), le pouvoir
décisionnel sur ce point réside depuis lors uniquement auprès des
offices AI
(ATF 127 V 213 consid. 1c/bb) et il ne reste pour l'essentiel aux
caisses de
compensation que les tâches décrites à l'art. 60 al. 1 LAI (ATF 123 V
182
consid. 5a). Cela vaut également s'agissant de la compétence de
reconsidérer
une décision d'octroi de prestations dès lors qu'il y a lieu
d'admettre, en
l'absence de disposition légale spéciale en matière de
reconsidération, que
seule l'autorité compétente pour allouer des prestations peut
supprimer
celles-ci par voie de la reconsidération.

6.3 Au vu de ce qui précède, il incombait donc à l'Office AI pour les
assurés
résidant à l'étranger de procéder à la reconsidération de la décision
initiale de la caisse, cette dernière ayant perdu toute compétence en
ce
domaine. A côté de ce vice grave et manifeste, qui mène généralement
à la
reconnaissance de la nullité de la décision qui en est affectée
(Moor, Droit
administratif, vol. II, p. 311), le recourant a été privé des
garanties de
procédure spécifiques que les dispositions légales offraient alors aux
assurés (art. 73 bis RAI). Dans ces conditions, les premiers juges ne
pouvaient faire appel à la maxime de l'économie de procédure et
considérer
que l'examen par leur soins de la décision entreprise pouvait
remédier aux
graves défauts dont elle était affligée. Sur ce point, le recours
s'avère
bien fondé et le dossier doit être renvoyé pour décision à l'autorité
compétente.

7.
Vu la nature du litige, la procédure est gratuite (art. 134 OJ).

Le recourant conclut au versement d'une indemnité de dépens. Bien
qu'il
obtienne gain de cause, il ne remplit cependant pas les conditions
auxquelles
une partie qui agit dans sa propre cause peut exceptionnellement
prétendre à
une telle indemnité (ATF 110 V 82 consid. 7).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Dans la mesure où il est recevable, le recours est admis. Le jugement
de la
Commission fédérale de recours en matière d'assurance-vieillesse,
survivants
et invalidité du 19 mars 2002, ainsi que la décision de la Caisse
cantonale
genevoise de compensation du 9 mars 2000, sont annulés en tant qu'ils
concernent la suppression du droit de D.________ à une rente
extraordinaire
d'invalidité.

2.
Le dossier est transmis à l'Office AI pour les assurés résidant à
l'étranger
pour décision au sens des considérants.

3.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la Commission
fédérale de
recours en matière
d'AVS/AI pour les personnes résidant à l'étranger,
à
l'Office AI pour les assurés résidant à l'étranger et à l'Office
fédéral des
assurances sociales.

Lucerne, le 19 décembre 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIIe Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.330/02
Date de la décision : 19/12/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-12-19;i.330.02 ?
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