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19/12/2003 | SUISSE | N°5P.377/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 19 décembre 2003, 5P.377/2003


{T 0/2}
5P.377/2003 /frs

Arrêt du 19 décembre 2003
IIe Cour civile

M. et Mmes les Juges Raselli, Président,
Escher et Hohl.
Greffier: M. Braconi.

X. ________ Ltd,
recourante, représentée par Me Benoît Carron, avocat,

contre

Y.________ Ltd,
intimée, représentée par Me Thierry Ulmann, avocat,

1ère Section de la Cour de justice du canton de Genève, place du
Bourg-de-Four 1, case postale 3108, 1211 Genève 3.

art. 9 Cst. (séquestre),

recours de droit public contre

l'arrêt de la 1ère Section de la Cour
de
justice du canton de Genève du 10 septembre 2003.

Le Tribunal fédéral considère...

{T 0/2}
5P.377/2003 /frs

Arrêt du 19 décembre 2003
IIe Cour civile

M. et Mmes les Juges Raselli, Président,
Escher et Hohl.
Greffier: M. Braconi.

X. ________ Ltd,
recourante, représentée par Me Benoît Carron, avocat,

contre

Y.________ Ltd,
intimée, représentée par Me Thierry Ulmann, avocat,

1ère Section de la Cour de justice du canton de Genève, place du
Bourg-de-Four 1, case postale 3108, 1211 Genève 3.

art. 9 Cst. (séquestre),

recours de droit public contre l'arrêt de la 1ère Section de la Cour
de
justice du canton de Genève du 10 septembre 2003.

Le Tribunal fédéral considère en fait et en droit:

1.
1.1 Donnant suite le 21 novembre 2002 à la réquisition de la société
Y.________ Ltd, le Tribunal de première instance de Genève a ordonné
au
préjudice de la société X.________ Ltd, en application de l'art. 271
al. 1
ch. 4 LP, un séquestre à concurrence de 7'049'745 fr.55 avec intérêts
à 5%
dès le 20 novembre 2002 et astreint la requérante à fournir la somme
de
50'000 fr. à titre de sûretés.

1.2 Le 5 mars 2003, la Présidente du Tribunal de première instance de
Genève
a déclaré irrecevable l'opposition formée par la séquestrée, en
considérant
que l'opposant (i.e. A.________) n'avait pas, en tant qu'ayant droit
économique, qualité pour agir en son nom personnel et qu'il n'avait
pas
davantage établi son pouvoir de représenter la société débitrice. Par
arrêt
du 10 septembre 2003, la 1ère Section de la Cour de justice du canton
de
Genève a déclaré «irrecevable» le recours de cette dernière, en
confirmant
(dans les motifs) la «décision du premier juge [...] concernant
l'opposition
à séquestre».

1.3 Agissant par la voie du recours de droit public au Tribunal
fédéral pour
violation de l'art. 9 Cst., X.________ Ltd conclut à l'annulation de
cet
arrêt.

Des observations n'ont pas été requises.

2.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours
qui lui sont soumis (ATF 129 III 415 consid. 2.1; 129 II 225 consid.
1 p. 227
et la jurisprudence citée).

2.1 Déposé à temps contre une décision sur opposition au séquestre
rendue en
dernière instance cantonale (SJ 1998 p. 146 consid. 2, non publié aux
ATF 123
III 494 ss; arrêt non publié 5P.117/2001 du 21 août 2001, consid. 1a,
in:
IWIR 2/2002 p. 72), le présent recours est ouvert du chef des art. 84
al. 2,
86 al. 1, 87 et 89 al. 1 OJ.

2.2 Dans un recours de droit public pour arbitraire, les moyens de
fait ou de
droit nouveaux sont prohibés (ATF 124 I 208 consid. 4b p. 212; 118
III 37
consid. 2a p. 39 et les arrêts cités). Le Tribunal fédéral s'en tient
dès
lors aux faits constatés par l'autorité cantonale, à moins que le
recourant
ne démontre que ces constatations sont arbitrairement fausses ou
lacunaires
(ATF 118 Ia 20 consid. 5a p. 26). Il s'ensuit que les compléments et
précisions que la recourante apporte à l'état de fait de l'arrêt
attaqué sont
irrecevables, sous réserve des griefs motivés en conformité avec les
exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ.

3.
Dans un unique moyen, la recourante reproche à l'autorité cantonale
d'être
tombée dans l'arbitraire en procédant à des constatations de fait
incomplètes
et en omettant de prendre en compte des faits pertinents pour savoir
qui
était habilité à représenter la société séquestrée dans le cadre de la
procédure d'opposition.

3.1 D'après la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle
est
manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un
principe
juridique clair et incontesté, ou heurte de manière choquante le
sentiment de
la justice et de l'équité; il ne suffit pas qu'une autre solution
apparaisse
concevable, voire préférable; pour que la décision attaquée soit
annulée,
encore faut-il qu'elle se révèle arbitraire, non seulement dans ses
motifs,
mais aussi dans son résultat (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9; 128 I 273
consid.
2.1 p. 275).

Conformément à l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte de recours doit -
sous peine
d'irrecevabilité (ATF 123 II 552 consid. 4d p. 558) - contenir un
exposé
succinct des droits constitutionnels ou des principes juridiques
violés,
précisant en quoi consiste la violation. Le justiciable qui exerce un
recours
de droit public pour arbitraire ne peut se borner à critiquer la
décision
attaquée comme il le ferait dans une procédure d'appel, où l'autorité
de
recours jouit d'une libre cognition; il ne peut se contenter
d'opposer sa
thèse à celle de l'autorité cantonale, mais doit démontrer, par une
argumentation détaillée, que cette décision se fonde sur une
application du
droit ou une appréciation des preuves manifestement insoutenables
(ATF 128 I
295 consid. 7a p. 312; 125 I 492 consid. 1b p. 495 et les arrêts
cités).

3.2 L'autorité cantonale a d'abord retenu que la société
séquestrante, partie
intimée au présent recours, était valablement représentée par
C.________. La
recourante ne critique pas cet avis, de sorte qu'il n'y a pas lieu
d'en
débattre plus avant.

3.3 Les juges cantonaux ont ensuite considéré que la qualité de
A.________
pour agir au nom de la société séquestrée n'avait pas été établie à
satisfaction de droit. Force est de constater que les parties n'ont
rien fait
pour éclaircir le débat, ainsi que leurs rôles et attributions
respectifs.
Cette situation a déjà été stigmatisée par la Banque Leu, en mains de
laquelle les fonds ont été séquestrés, qui avait tiré prétexte de ce
flou
juridique pour procéder à un blocage interne du compte; la fiduciaire
F.________, que le groupe A.________ utilisait comme intermédiaire, a
aussi
participé à la confusion entretenue en déclarant, le 27 juillet 2001,
ne plus
pouvoir gérer la situation de la société, car deux personnes
antagonistes
(i.e. C.________ et un dénommé W.________) s'étaient présentées comme
ayants
droit de la société. Plutôt que de se perdre en vaines explications,
la
recourante eût été bien mieux inspirée de produire un «certificate of
Incumbency» récent, ce qui eût révélé de façon concluante le nom de la
personne autorisée à représenter la société; la production d'un avis
de droit
d'un cabinet d'avocat des Bahamas ne répond pas à cet objectif,
d'autant
qu'il reste muet sur les raisons pour lesquelles le registre des
sociétés de
Nassau a été expurgé des références à A.F._______ & Co., qui n'est
plus
désigné comme «registered agent» de la société. En l'état, la force
probante
des documents officiels qui attestent de la qualité d'administratrice
unique
de C.________, à savoir les «certificate of Incumbency» des 1er
novembre et 5
décembre 2002, est supérieure à celle des «certificate of Incumbency»
des 15
mai 2000 et 3 août 2001, à teneur desquels A.________ et un certain
O.________ seraient les «directeurs» de la société.
En présence de deux thèses diamétralement opposées, étayées l'une et
l'autre
par pièces, le résultat auquel est parvenue la cour cantonale ne
saurait, en
soi, être qualifié d'arbitraire (cf. ATF 113 III 94 consid. 7 p. 98);
tel
serait le cas s'il reposait unilatéralement sur les moyens de preuve
de
l'intimée ou procédait d'une appréciation insoutenable des pièces du
dossier
(cf. ATF 118 Ia 28 consid. 1b p. 30 et les nombreux arrêts cités).
Or, la
recourante n'en apporte pas la démonstration. Loin d'infirmer les
indices sur
lesquels s'est fondée l'autorité cantonale, elle se borne à exposer
sa propre
version des relations entre les parties en prenant appui sur des faits
étrangers aux constatations de la décision attaquée, et dont la
pertinence
sur le sort du présent litige n'apparaît pas évidente (p.ex.
détention par
C.________ des actions de la société à titre uniquement fiduciaire),
ou en
insistant sur le contenu de pièces auxquelles n'a pas été attribuée
de portée
décisive («certificate of Incumbency» du 15 mai 2000, avis de droit de
l'étude d'avocats des Bahamas). Quant à la cession à un tiers (i.e. la
société S.________ Inc.) de la créance invoquée comme fondement du
séquestre
- opération, par ailleurs, arguée de faux -, elle n'influe que sur la
qualité
de créancière de l'intimée, sans impliquer, pour autant, la qualité de
A.________ pour représenter la société débitrice. Manifestement
appellatoire,
le recours est, partant, irrecevable sur ce point (supra, consid.
3.1).
Enfin, la recourante soutient que l'arrêt attaqué aboutit à un
résultat qui
contredit le «sentiment de la justice et de l'équité», puisque, en se
voyant
dénier le droit de représenter la société, A.________ ne peut pas
davantage
se voir notifier le commandement de payer dans la poursuite en
validation du
séquestre; or, si cet acte n'est pas frappé d'opposition - comme on
peut le
penser -, les avoirs placés sous main de justice seront transférés à
l'intimée, sans examen sur le fond de la prétention litigieuse. La
recourante
ne dit pas clairement (art. 90 al. 1 let. b OJ) si elle entend se
prévaloir
ici de l'interdiction de la double représentation (cf. à ce sujet:
ATF 127
III 332 consid. 2a p. 333/334; 126 III 361 consid. 3a p. 363 et les
références), ni en quoi ce principe aurait alors été violé; en outre,
il ne
ressort pas de la décision attaquée que ce moyen aurait été soulevé
dans les
mêmes termes en instance d'appel cantonale. Ainsi, en plus d'être
insuffisamment motivé, ce grief est nouveau (supra, consid. 2.1).

4.
En conclusion, le recours doit être déclaré irrecevable, aux frais de
la
recourante (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer des
dépens à
l'intimée, qui n'a pas été invitée à répondre.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est irrecevable.

2.
Un émolument judiciaire de 10'000 fr. est mis à la charge de la
recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
1ère Section de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 19 décembre 2003

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.377/2003
Date de la décision : 19/12/2003
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-12-19;5p.377.2003 ?
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