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19/12/2003 | SUISSE | N°4P.155/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 19 décembre 2003, 4P.155/2003


{T 0/2}
4P.155/2003 /ech

Arrêt du 19 décembre 2003
Ire Cour civile

MM. les Juges Corboz, Président, Walter et Nyffeler.
Greffière: Mme de Montmollin.

A. ________,
recourant, représenté par Me Bernard Cron,
contre
X.________ SA, intimée, représentée par Me Benoît Chappuis,
B.________, intimé,
C.________, intimé,
D.________, intimé,
les trois derniers représentés par Me Jean-François Marti,
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case
postale 3108,
1211 Genève 3.<

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art. 9 Cst. (procédure civile; appréciation des preuves)

recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre ci...

{T 0/2}
4P.155/2003 /ech

Arrêt du 19 décembre 2003
Ire Cour civile

MM. les Juges Corboz, Président, Walter et Nyffeler.
Greffière: Mme de Montmollin.

A. ________,
recourant, représenté par Me Bernard Cron,
contre
X.________ SA, intimée, représentée par Me Benoît Chappuis,
B.________, intimé,
C.________, intimé,
D.________, intimé,
les trois derniers représentés par Me Jean-François Marti,
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case
postale 3108,
1211 Genève 3.

art. 9 Cst. (procédure civile; appréciation des preuves)

recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre civile de la
Cour de
justice du canton de Genève du 22 mai 2003.

Faits:

A.
La banque X.________ dispose d'une créance - qui lui provient de
l'ancienne
Société Y.________ (ci-après: Y.________) - de 4 535 604 fr.
résultant d'un
crédit en compte courant accordé à une société simple constituée dans
le
cadre d'une promotion immobilière en Valais. La banque cherche à
recouvrer sa
créance.

X. ________ est également maintenant partie à une convention signée
par
Y.________ les 11 et 13 mars 1998 avec deux anciens membres de la
société
simple. L'accord prévoit que la banque s'engage à retirer toutes les
poursuites contre les débiteurs solidaires, à l'exception de l'un
d'entre
eux, A.________. En contrepartie, ses cocontractants s'obligent à
verser à la
banque 2 500 000 fr. Selon l'art. 4 de la convention, la banque
s'engage à
relever et garantir en capital, frais et honoraires de procédure,
intérêts en
sus, tous les codébiteurs solidaires répondant du crédit en compte
courant,
au cas où l'un ou l'autre de ceux-ci viendrait, suite au recouvrement
par la
banque de ses droits contre A.________ au titre de ce même crédit, à
faire
l'objet d'une action récursoire de ce dernier du chef des rapports
internes à
la société simple.

Le 10 octobre 1998, X.________ a fait notifier à A.________ un
commandement
de payer portant sur 4 535 604 fr. avec intérêts à 5 % dès le 12 mai
1998. Le
poursuivi a fait opposition. La mainlevée provisoire a été prononcée
par les
instances genevoises.

B.
Par acte du 19 octobre 1999, A.________ a agi en libération de dette
devant
le Tribunal de première instance du canton de Genève. Sans contester
ni
l'existence ni la quotité de la créance objet du commandement de
payer, le
débiteur a fait valoir les créances récursoires qu'il détenait à
l'encontre
des autres membres de la société simple, à savoir C.________,
E.________,
B.________ et D.________, dont il a requis l'appel en cause.

Le 26 septembre 2001, A.________ a retiré la demande d'appel en cause
en ce
qui concerne E.________, qui avait reconnu sa dette envers lui et lui
avait
cédé sa créance résultant de la convention des 11 et 13 mars 1998.
Par jugement du 29 novembre 2001, la 8ème Chambre du Tribunal de
première
instance du canton de Genève a déclaré recevable la demande d'appel
en cause.

Par jugement du 22 novembre 2002, la 26ème Chambre du Tribunal de
première
instance du canton de Genève a débouté A.________ des fins de sa
demande et
l'a condamné à payer à X.________ 4 535 604 fr. avec intérêts à 5 %
dès le 12
mai 1998, déclarant non fondée l'opposition formée au commandement de
payer
n° ... L. Sur appel du demandeur, la Chambre civile de la Cour de
justice a
confirmé cette décision par arrêt du 22 mai 2003.

C.
Parallèlement à un recours en réforme au Tribunal fédéral, A.________
interjette un recours de droit public contre l'arrêt du 22 mai 2003,
dont il
conclut à l'annulation. Il invoque une application arbitraire des
dispositions de procédure cantonale sur l'appel en cause et se plaint
de déni
de justice formel.

B. ________, C.________ et D.________ proposent le rejet du recours
de droit
public et la confirmation de l'arrêt attaqué.

Les conclusions de X.________ vont dans le même sens que celles des
prénommés.

La cour cantonale se réfère à ses considérants.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Conformément à la règle générale, il convient d'examiner le recours
de droit
public en premier lieu (art. 57 al. 5 OJ).

2.
Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, le recours de droit public
a une
fonction purement cassatoire (ATF 129 I 173 consid. 1.5; 128 III 50
consid.
1b; 112 Ia 353 consid. 3c/bb). Les conclusions qui vont au-delà de la
simple
annulation de l'arrêt attaqué sont inutiles ou irrecevables.

3.
Selon l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte de recours doit contenir un
exposé
succinct des droits constitutionnels ou des principes juridiques
violés,
précisant en quoi consiste la violation. Le Tribunal fédéral n'entre
en
matière que sur les griefs expressément soulevés et motivés dans
l'acte de
recours, c'est-à-dire qui font l'objet d'une argumentation précise et
détaillée, compréhensible à la seule lecture du recours, démontrant
en quoi
consiste concrètement la violation alléguée. Les renvois à des
arguments
contenus dans d'autres écritures sont irrecevables (ATF 129 I 113
consid.
2.1; 128 III 50 consid. 1c et les arrêts cités).

4.
Dans leurs observations sur le recours de droit public, les appelés
en cause
font valoir que le grief de violation des dispositions genevoises sur
l'appel
en cause serait tardif. Le recourant n'aurait en effet pas formulé
pareil
reproche à l'encontre du jugement de première instance dans son
mémoire de
recours à la Cour de justice, admettant ainsi implicitement que sa
créance
n'était pas exigible et que ses conclusions récursoires n'avaient pas
à être
examinées.

Cette objection ne tient pas. S'il est vrai qu'il découle du principe
de
l'épuisement des voies de recours cantonales (déduit de l'art. 86 al.
1 OJ)
que seuls sont recevables devant le Tribunal fédéral saisi d'un
recours de
droit public pour arbitraire les griefs qui, pouvant l'être, ont été
présentés à l'autorité cantonale de dernière instance (ATF 119 Ia 88
consid.
1a p. 90-91; 117 Ia 491 consid. 2a p. 495, 522 consid. 3 p. 525-526),
la
jurisprudence admet toutefois la recevabilité des moyens portant sur
des
questions dont l'examen s'imposait à l'évidence à la cour cantonale
(ATF 99
Ia 113 consid. 4a). Tel est le cas en l'occurrence des conclusions
récursoires renouvelées par le recourant dans son appel, qui
d'ailleurs
comprenait un chapitre expressément consacré au bien-fondé de l'appel
en
cause (p. 12).

5.
D'après l'arrêt attaqué, il est constant que le solde de la créance
détenue
par la banque s'élève à 4 535 604 fr. et que la part du recourant,
dans les
rapports entre les associés, est de 9,5 %. La cour cantonale souligne
aussi
qu'il ressort clairement de l'art. 4 de la convention des 11 et 13
mars 1998
que la banque s'engage à relever et garantir tous les associés, à
l'exception
du recourant, d'une éventuelle action récursoire de ce dernier
(consid. 5).

Vu ce qui précède, la cour cantonale avoue qu'elle ne "saisit donc
pas très
bien quel est l'intérêt de la banque à obtenir le remboursement de
l'intégralité du solde de la dette alors qu'après le paiement, elle
devrait
relever et garantir les associés de leur devoir envers l'appelant
dans le
cadre d'une action récursoire".

La cour cantonale retient néanmoins qu'en vertu des principes en
matière de
solidarité, la créancière peut choisir, selon son bon vouloir, la
personne
contre laquelle elle ouvrira action. Elle n'a pas à justifier de son
choix et
le débiteur ne peut lui opposer l'existence de codébiteurs solidaires
pour
tenter d'obtenir une libération partielle. Les raisons qui ont
conduit la
banque à actionner l'appelant de préférence à un de ses associés
n'importent
guère. Il serait contraire à l'essence même de la solidarité
d'admettre que
l'appel en cause des autres codébiteurs ou une cession de créance
permette au
débiteur recherché de se soustraire partiellement de son obligation à
l'égard
du créancier.

La cour considère que le recourant ne peut exciper de compensation au
sens de
l'art. 120 CO entre la créance que la banque détient à son égard et la
créance qu'il possède lui-même à l'égard de ses associés, car il n'y
a ni
identité ni réciprocité de sujets de droit. Par ailleurs, les
prétendues
dettes réciproques ne sont pas exigibles toutes deux. En effet,
conformément
à l'art. 148 al. 2 CO, l'action récursoire appartient au débiteur
solidaire
qui a payé plus que son dû et ne prend naissance qu'à partir du
moment où
celui-ci a fait sa prestation au créancier. Or le recourant n'a versé
aucun
montant à la banque. Faute de paiement, la créance récursoire n'est
pas
exigible. Quant à la convention des 11 et 13 mars 1993, elle n'est
d'aucun
secours au recourant parce qu'il résulte de l'art. 145 CO, a
contrario, que
l'un des débiteurs solidaires ne peut compenser sa dette avec une
prétention
que possède un autre codébiteur envers le créancier.

6.
Dans le recours de droit public, le recourant fait grief à la cour
cantonale
de n'avoir pas mis en oeuvre les possibilités offertes par
l'institution de
l'appel en cause, pourtant admis par le jugement du 9 novembre 2001,
sans
même reproduire ses conclusions subsidiaires concernant ses
prétentions
récursoires ou en garantie. La Chambre civile aurait gravement violé
les art.
104 et 105 de la loi de procédure civile genevoise (ci-après:
LPC/GE), se
rendant ainsi coupable d'arbitraire et d'un déni de justice formel
contraires
à l'art. 9 Cst.
Citant de larges extraits du Commentaire de la loi de procédure civile
genevoise ainsi que d'ouvrages de doctrine consacrés aux procédures
cantonales qui connaissent également cette institution, le recourant
reproche
à la cour cantonale d'avoir perdu de vue le but assigné à l'appel en
cause, à
savoir l'économie de procédure. Il soutient que tant la loi que la
doctrine
lui donnent le droit non seulement d'appeler ses associés en cause,
mais que
ceux-ci sont eux-mêmes légitimés à faire examiner leurs créances
récursoires
contre la banque, déjà partie au procès, afin de résoudre en une seule
procédure l'ensemble des créances en cascade. Il précise qu'il est en
droit
de prendre des conclusions à l'égard de la banque non seulement en sa
qualité
de défenderesse à l'action en libération de dette, mais également en
sa
qualité de garante de ses codébiteurs solidaires appelés en cause et
d'auteur
d'un acte illicite constitué par la violation de l'interdiction de
l'abus de
droit (art. 2 al. 2 CC), singulièrement du principe "dolo facit qui
petit
quod redditurus est" (cf. Paulus, Dig. 50, 17, 173 § 3).

Dès lors que son appel en cause a été jugé recevable, qu'il a chiffré
ses
conclusions à l'égard tant de la banque que des appelés en cause et
que tous
les intéressés sont parties à la procédure, le recourant soutient que
la cour
cantonale est tenue soit de le condamner à verser à la banque
défenderesse sa
seule part interne, soit de prononcer des condamnations en cascade
conditionnelles, soit encore de prononcer une scission de la cause et
de
produire deux jugements.

Le recourant allègue qu'il est victime d'un déni de justice formel
prohibé
par l'art. 9 Cst. dans la mesure où l'autorité cantonale n'a pas
statué sur
sa prétention récursoire envers ses codébiteurs solidaires, appelés
en cause.
Cette omission pourrait permettre à ces derniers, parties à la
présente
procédure, d'opposer l'autorité de chose jugée en cas de procès
ultérieurs à
leur encontre fondés sur l'art. 148 al. 2 CO.

L'argument de la cour cantonale quant à l'inexigibilité de la créance
récursoire au vu de l'art. 148 al. 2 CO n'est pas soutenable en
l'espèce. La
condition exigeant que le paiement du créancier intervienne avant
l'action
récursoire trouve sa raison d'être dans le risque que pourrait courir
le
codébiteur recherché dans le cadre de l'action récursoire de payer
deux fois
si le codébiteur qui intente dite action récursoire ne payait pas ou
que
partiellement le créancier, de sorte que ce dernier pourrait agir
directement
contre lui. L'exigence du paiement préalable n'est toutefois pas
absolue. Des
auteurs admettent un droit de recours anticipé dans certains cas (le
recourant cite Becker, Commentaire bernois, n° 6 ad art. 148 CO et von
Tuhr/Escher, Allgemeiner Teil des Schweizerischen Obligationenrechts,
Band
II, p. 310/311). Or en l'occurrence, le risque de non-paiement à la
banque
défenderesse par le demandeur et ainsi d'un double paiement par ses
codébiteurs appelés en cause, n'existerait pas, à en croire le
recourant,
puisque la banque créancière s'est engagée à relever les codébiteurs
de toute
action récursoire et que les protagonistes de cette relation
triangulaire
sont chacun partie à la même procédure par l'effet de l'appel en
cause.

7.
Selon la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle est
manifestement insoutenable, qu'elle méconnaît gravement une norme ou
un
principe juridique clair et indiscuté, ou encore qu'elle heurte de
manière
choquante le sentiment de la justice ou de l'équité. Il ne suffit pas
que la
motivation soit arbitraire; encore faut-il que la décision soit
arbitraire
dans son résultat. A cet égard, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la
solution retenue que si celle-ci apparaît insoutenable, en
contradiction
manifeste avec la situation effective, adoptée sans motif objectif
et
en
violation d'un droit certain. Il n'y a pas arbitraire du seul fait
qu'une
autre solution paraît également concevable voire préférable (ATF 129
I 8
consid. 2.1 et les arrêts cités).

8.
8.1L'appel en cause est une institution de droit cantonal qui permet
de
contraindre un tiers à être partie au procès de telle sorte que le
jugement à
rendre le soit également contre lui. Nullement imposé par le droit
matériel,
il tend pour l'essentiel à faire une économie de procédure. Il doit
permettre
de régler dans le procès initial des prétentions connexes contre un
tiers et,
le cas échéant, de celui-ci contre l'une ou l'autre des parties
principales
(Hohl, Procédure civile, Tome I, n° 644 ss;
Bertossa/Gaillard/Guyet/Schmidt,
Commentaire de la LPC/GE, n° 1 ad art. 104).

A Genève, l'appel en cause est régi par les art. 104 et 105 LPC/GE.
La loi ne
règle que partiellement la manière dont il doit être requis et
comment sa
recevabilité doit être instruite et jugée. Le Commentaire de la LPC,
cité par
le recourant, fournit certaines précisions
(Bertossa/Gaillard/Guyet/Schmidt,
op. cit., n° 6 ad art. 104). Il en ressort en particulier que la
possibilité
d'appeler en cause un tiers fait l'objet d'un jugement - en l'espèce
le
jugement du 29 novembre 2001 non critiqué - indiquant le délai dans
lequel
l'appel doit intervenir s'il est admis. Si ce délai est respecté, le
tiers
deviendra partie à la procédure principale dès l'introduction de
l'instance
d'appel en cause, sans qu'il ne faille, à proprement parler, joindre
les deux
causes. Il n'est pas contesté en l'occurrence que ces conditions sont
remplies.

Selon l'art. 104 LPC/GE, l'appel en cause doit être fondé sur un
"juste
motif". Les commentateurs (op. cit., n° 5 ad art. 104) observent à ce
sujet
que la loi n'émet en réalité pas d'autre exigence que l'existence d'un
rapport de codébiteur ou de garantie, et que ce n'est généralement
qu'au
moment où la cause sera en état d'être jugée au fond qu'il sera
possible de
décider si l'appel est fondé ou non au regard du droit matériel.

Le recourant invoque un déni de justice. Malgré l'admission de la
recevabilité de la demande d'appel en cause par le jugement du 9
novembre
2001, les instances ont cantonales n'ont pas statué sur ses
conclusions
récursoires, alors que l'art. 105 LPC/GE leur imposaient à tout le
moins,
sinon de se prononcer expressément sur celles-ci, à tout le moins de
disjoindre la cause et de lui réserver le droit de les faire valoir
dans une
procédure ultérieure.

Effectivement, la contradiction entre le jugement prononçant la
recevabilité
de l'appel en cause pour des motifs d'économie de procédure, compte
tenu de
l'existence d'une prétention récursoire du demandeur, et l'arrêt
attaqué
considérant que la même créance récursoire ne peut être invoquée par
la voie
de l'appel en cause ne manque pas de surprendre. La Cour de justice
appuie
avant tout son raisonnement sur l'art. 148 al. 2 CO et l'exigence que
cette
disposition pose quant au paiement effectif de la part du créancier
pour que
naisse la créance. La pertinence au regard du droit matériel du
raisonnement
de la cour cantonale n'a pas à être examinée dans le cadre du recours
de
droit public, vu le caractère subsidiaire de celui-ci (art. 84 al. 2
OJ),
dans la mesure où il touche l'application du droit privé fédéral pour
lequel
la voie du recours en réforme est ouverte en l'espèce (art. 43 ss
OJ). Le
Tribunal fédéral peut par contre entrer en matière sur les griefs
mettant en
cause la constitutionnalité du raisonnement de la cour cantonale
faisant
appel à des notions du droit fédéral pour interpréter le droit
cantonal de
procédure.
Cela étant, on doit retenir que, tant dans la jurisprudence que dans
la
doctrine, la règle voulant que la créance récursoire de l'art. 148
al. 2 CO
ne naisse en principe qu'avec le paiement effectif par le débiteur de
son dû
n'est pas remise en question (ATF 127 III 257 consid. 6c; 115 II 42
consid.
2a; Hubert Bugnon, L'action récursoire en matière de concours de
responsabilités civiles, thèse Fribourg 1982, p. 22-24). Cette
circonstance,
qui effectivement pourrait constituer un obstacle à l'applicabilité de
l'appel en cause (Vincent Salvadé, Dénonciation d'instance et appel
en cause,
Lausanne 1995, p. 133 ss) n'empêche cependant pas les auteurs du
Commentaire
de la LPC/GE d'avoir expressément mentionné la solidarité et l'art.
143 CO
dans les cas prévus par le droit de fond rendant possible un appel en
cause
(n° 3 ad art. 104 LPC/GE cité par le recourant). Ces auteurs ne
traitent pas
de la problématique entraînée par la non-exigibilité de la créance
récursoire
au moment de l'appel en cause et du jugement sur celui-ci, mais ils
donnent,
parmi d'autres exemples d'hypothèses permettant l'appel en cause,
celui du
droit de recours de la caution simple (art. 507 CO), qui, comme
l'action
récursoire de l'art. 148 al. 2 CO, ne prend naissance qu'à partir du
moment
où le créancier a été payé ou désintéressé. Dans ces conditions, il
n'apparaît pas que la mention de l'art. 143 dans la liste des
situations
permettant l'appel en cause soit le fait d'une inadvertance. Au
reste, d'un
point de vue théorique, l'obstacle apparent constitué par
l'inexigibilité de
la créance récursoire peut être levé aisément par le recours à la
condamnation conditionnelle (Salvadé, ibidem, citant la jurisprudence
en ce
sens de la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois ainsi
qu'une
décision plus récente d'un juge instructeur vaudois laissant le point
ouvert). Contrairement à ce que prétend la banque dans ses
observations sur
le recours de droit public (p. 7), la possibilité d'une condamnation
conditionnelle n'est pas inconnue dans la procédure civile genevoise
(cf.
Bertossa/Gaillard/Guyet/Schmidt, op. cit., n° 7 ad art. 465) - une
telle
exclusion serait d'ailleurs contraire au droit fédéral (cf. p. ex.,
l'art. 82
CO qui impose la condamnation conditionnelle; ATF 94 II 263 consid.
4; cf.
aussi l'art. 74 PCF). En refusant de prendre en considération les
conclusions
récursoires du recourant à l'encontre de ses codébiteurs solidaires
malgré le
jugement prononçant la recevabilité de celles-ci et la mention de la
solidarité passive dans les cas ouvrant l'appel en cause par la
doctrine
genevoise pertinente, la cour cantonale a manifestement violé l'art.
104
CPC/GE.

Pour être annulée, une décision ne doit pas seulement être
insoutenable dans
ses motifs, mais aussi dans son résultat.

La cour cantonale a considéré que le recourant ne pouvait se
prévaloir de la
convention des 11 et 13 mars 1998, qui lie la banque et les autres
codébiteurs. Le recourant conteste le point en invoquant l'art. 2 CC.
Il
n'est pas nécessaire d'entrer en matière sur ce problème. Si l'on
admet la
faculté pour le recourant de faire valoir son action récursoire
envers ses
codébiteurs, il faut reconnaître à ceux-ci le droit de se retourner
contre la
banque. Comme cela ressort du jugement du 29 novembre 2001, cette
dernière
est en effet déjà partie à la procédure nonobstant le fait qu'elle
n'est pas
un tiers au sens de l'art. 104 CPC/GE et l'économie de procédure
commande de
vider une fois pour toute le litige dans le cadre d'une seule
décision. On ne
voit pas ce qui empêcherait les appelés en cause de prendre à leur
tour des
conclusions récursoires contre la défenderesse.

Hormis les obstacles d'ordre purement juridique qu'on vient
d'examiner,
l'arrêt attaqué ne contient aucun élément montrant qu'il ne serait pas
conforme au principe d'économie de procédure de liquider l'ensemble
des
rapports entre les parties en une seule décision. Cette solution
semble même
s'imposer dans les circonstances particulières de l'espèce.

Au vu de ce qui précède, les griefs d'arbitraire et de déni de justice
formulés par le recourant à l'encontre de la Cour de justice
paraissent bien
fondés. Le recours de droit public doit être admis.

9.
Les intimés qui succombent supporteront solidairement l'émolument de
justice
et verseront une indemnité de dépens au recourant. Pour des motifs
d'équité,
ces frais seront mis par moitié à la charge de la défenderesse d'une
part et,
d'autre part, des trois codébiteurs appelés en cause qui ont agi
ensemble et
fait valoir les mêmes moyens (art. 156 al. 1 et 7, 159 al. 1 et 5 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et l'arrêt attaqué est annulé.

2.
Un émolument judiciaire de 18 000 fr. est solidairement mis à la
charge de
X.________ à raison de 9 000 fr. d'une part et à la charge de
B.________, de
C.________ et de D.________ à raison de 3 000 fr. chacun d'autre part.

3.
Les intimés, solidairement entre eux, verseront au recourant une
indemnité de
20 000 fr. à titre de dépens. Cette indemnité sera supportée à raison
de 10
000 fr. par X.________ à raison de 3 333 fr. 35 chacun par B.________,
C.________ et D.________.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 19 décembre 2003

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.155/2003
Date de la décision : 19/12/2003
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-12-19;4p.155.2003 ?
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