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19/12/2003 | SUISSE | N°2A.355/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 19 décembre 2003, 2A.355/2003


{T 0/2}
2A.355/2003 /dxc

Séance du 19 décembre 2003
IIe Cour de droit public

M. et Mme les Juges Wurzburger, Président, Hungerbühler, Müller,
Yersin et
Merkli.
Greffier: M. Langone.

Service des contributions du canton du Jura,
Service juridique,
2800 Delémont, recourant,

contre

X.________,
intimé,
Commission cantonale des recours en matière d'impôts du canton du
Jura, case
postale 2059,
2800 Delémont 2.

Impôt fédéral direct 2001,

recours de droit

administratif contre la décision de la Commission
cantonale
des recours en matière d'impôts du canton du Jura du 4 juillet 2003.

...

{T 0/2}
2A.355/2003 /dxc

Séance du 19 décembre 2003
IIe Cour de droit public

M. et Mme les Juges Wurzburger, Président, Hungerbühler, Müller,
Yersin et
Merkli.
Greffier: M. Langone.

Service des contributions du canton du Jura,
Service juridique,
2800 Delémont, recourant,

contre

X.________,
intimé,
Commission cantonale des recours en matière d'impôts du canton du
Jura, case
postale 2059,
2800 Delémont 2.

Impôt fédéral direct 2001,

recours de droit administratif contre la décision de la Commission
cantonale
des recours en matière d'impôts du canton du Jura du 4 juillet 2003.

Faits:

A.
Par avis de taxation du 30 août 2002 - communiqué sous pli simple -,
le
Service des contributions de la République et canton du Jura a fixé,
pour la
période fiscale 2001, le revenu imposable de X.________ à 43'550 fr.
pour
l'impôt d'Etat (impôt cantonal, communal et ecclésiastique) et à
44'450 fr.
(arrondi à 44'400 fr.) pour l'impôt fédéral direct.

Le 27 février 2003, le contribuable a déposé une réclamation contre
l'avis de
taxation du 30 août 2002, en indiquant qu'il n'avait reçu celui-ci
qu'à fin
janvier ou début février 2003. Par décision du 4 mars 2003, le
Service des
contributions n'est pas entré en matière sur cette réclamation, jugée
tardive.

B.
Par décision du 4 juillet 2003, la Commission cantonale des recours
du canton
du Jura a admis le recours formé par le contribuable contre la
décision sur
réclamation et renvoyé la cause à l'autorité inférieure, qui était
invitée à
traiter la réclamation du 27 février 2003; elle précisait que sa
décision
pouvait être attaquée devant la Cour administrative du Tribunal
cantonal
jurassien s'agissant de l'impôt d'Etat et directement devant le
Tribunal
fédéral en ce qui concerne l'impôt fédéral direct.

C.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, le Service des
contributions demande au Tribunal fédéral d'annuler la décision sur
recours
du 4 juillet 2003, de confirmer la décision de non-entrée en matière
du 4
mars 2003 et de dire que la taxation communiquée le 30 août 2002
fixant le
revenu du contribuable à 44'400 fr. pour l'impôt fédéral direct de
2001 est
entrée en force.
Le même jour, le Service des contributions a déposé un recours
parallèle
contre la même décision auprès de la Cour administrative du Tribunal
cantonal
pour ce qui concerne l'impôt d'Etat de 2001.

D.
Par lettre du 26 août 2003, le Président de la IIe Cour de droit
public du
Tribunal fédéral a relevé en substance que la voie du recours de droit
administratif était ouverte non seulement en matière d'impôt fédéral
direct,
mais également contre les décisions cantonales de dernière instance
concernant les impôts cantonaux lorsqu'elles portaient - comme en
l'espèce -
sur une matière réglée dans les titres 2 à 5 et 6, chapitre 1 de la
loi
fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs
des
cantons et des communes (LHID; RS 642.14; ci-après: loi fédérale
d'harmonisation). Il se posait dès lors la question de savoir si la
loi
fédérale d'harmonisation n'imposait pas un parallélisme des voies de
recours
cantonales. Vu la double instance de recours prévue par le droit
jurassien en
matière d'impôt d'Etat, on pouvait sérieusement se demander si les
décisions
prises par la Commission cantonale des recours en matière d'impôt
fédéral
direct ne devaient pas aussi faire l'objet d'un recours auprès du
Tribunal
cantonal avant d'être attaquées devant le Tribunal fédéral. En pareil
cas, la
décision attaquée en l'espèce ne pourrait pas être considérée comme
rendue en
dernière instance cantonale.

Le contribuable et les diverses autorités concernées ont été invités à
s'exprimer sur ces questions.

E.
Le Service des contributions est d'avis que le Tribunal cantonal est
effectivement compétent pour connaître du présent litige et demande
que le
recours soit transmis à cette juridiction comme objet de sa
compétence.

La Commission cantonale des recours a constaté que la loi jurassienne
prévoit
deux dernières instances cantonales différentes selon qu'il s'agit de
questions d'ordre cantonal ou fédéral et que, suivant l'arrêt du
Tribunal
fédéral, le Parlement devra en débattre. Par acte séparé, elle a
conclu au
rejet du recours.

Le Tribunal cantonal a notamment proposé diverses solutions
susceptibles
d'assurer le parallélisme des procédures de recours, tout en
précisant que
celui-ci n'était pas expressément prévu par la loi fédérale sur
l'harmonisation fiscale et que la doctrine était partagée sur cette
question.

Le contribuable s'en remet à justice quant à la recevabilité du
recours, en
concluant implicitement à son rejet.

L'Administration fédérale des contributions à constaté qu'une double
instance
cantonale présente également des inconvénients et que la dissymétrie
des
voies de recours a été tolérée jusqu'à aujourd'hui; il ne semblerait
pas que
le législateur ait voulu obliger les cantons qui connaissent cette
dissymétrie à modifier leur procédure en l'état actuel du droit.
L'administration fédérale s'en remet à justice sur la question de la
recevabilité du recours. Pour le reste, elle propose d'admettre le
recours
dans la mesure où il est recevable.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours
qui lui sont soumis (ATF 129 II 225 consid. 1; 129 IV 216 consid. 1
et les
arrêts cités).

2.
2.1 Selon l'art. 146 de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur
l'impôt
fédéral direct (LIFD; RS 642.11), entrée en vigueur le 1er janvier
1995, la
décision de la commission cantonale de recours ou celle d'une autre
instance
de recours au sens de l'art. 145 LFID peut faire l'objet d'un recours
de
droit administratif au Tribunal fédéral, dans les 30 jours dès sa
notification. L'administration cantonale de l'impôt fédéral direct a
également qualité pour recourir. L'art. 145 LIFD précise que, dans la
mesure
où le droit cantonal le prévoit, la décision sur recours peut encore
être
portée devant une autre instance cantonale, indépendante de
l'administration
(al. 1); dans ce cas, les art. 140 à 144 LIFD concernant la procédure
devant
la commission cantonale de recours s'appliquent par analogie (al. 2).

La possibilité pour les cantons d'instituer une seconde instance de
recours
pour les impôts directs cantonaux soumis à la loi fédérale
d'harmonisation
est expressément prévue par l'art. 50 LHID. D'après cette disposition
légale,
le contribuable peut interjeter un recours contre la décision sur
réclamation
devant une commission de recours indépendante des autorités fiscales
(al. 1);
le contribuable et l'administration fiscale cantonale peuvent porter
la
décision sur recours devant une instance cantonale supérieure
indépendante de
l'administration, à condition que le droit cantonal le prévoie (al.
3). Aux
termes de l'art. 73 LHID, les décisions cantonales de dernière
instance
(relatives aux impôts directs cantonaux) peuvent aussi faire l'objet
d'un
recours de droit administratif devant le Tribunal fédéral,
lorsqu'elles
portent sur une matière réglée dans les titres 2 à 5 et 6, chapitre 1
de
cette loi (al. 1); le contribuable, l'administration fiscale
cantonale et
l'Administration fédérale des contributions ont le droit de recourir
(al. 2).

2.2 En vertu de l'art. 14 de l'ordonnance jurassienne du 19 décembre
2000
d'exécution concernant l'impôt fédéral direct (ci-après: Ordonnance
jurassienne d'exécution IFD), la Commission cantonale des recours est
l'autorité de recours compétente au sens de l'art. 104 al. 3 LIFD,
prévoyant
que chaque canton institue une commission cantonale de recours en
matière
d'impôt fédéral direct.

Le législateur jurassien n'a pas fait usage de la compétence prévue à
l'art.
145 LIFD: il n'a pas instauré une double instance cantonale de
recours en ce
qui concerne l'impôt fédéral direct.
Il en va différemment pour les impôts directs cantonaux et communaux.
Les
décisions sur recours prises par la Commission cantonale des recours
en cette
matière peuvent encore faire l'objet d'un recours auprès de la Cour
administrative du Tribunal cantonal (art. 165 de la loi d'impôt
jurassienne
du 26 mai 1988; ci-après: Loi d'impôt/JU) et, le cas échéant, devant
le
Tribunal fédéral lorsque les conditions d'application de l'art. 73
al. 1 LHID
sont réalisées (art. 168a Loi d'impôt/JU).

2.3 En l'occurrence, la décision attaquée du 4 juillet 2003 concerne
à la
fois l'impôt fédéral direct et les impôts cantonaux pour la période
fiscale
2001. Le présent recours de droit administratif ne porte que sur
l'impôt
fédéral direct. En tant qu'elle a trait aux impôts cantonaux, la
décision
querellée a été portée devant la Cour administrative du Tribunal
cantonal,
conformément au droit cantonal de procédure.

Comme la décision attaquée porte sur l'une des matières mentionnées à
l'art.
73 al. 1 LHID et concerne l'année 2001, soit une période fiscale
suivant
l'échéance du délai de huit ans accordé aux cantons, à compter de
l'entrée en
vigueur de la loi fédérale d'harmonisation le 1er janvier 1993, pour
adapter
leur législation aux diverses dispositions de la loi (art. 72 al. 1
LHID),
l'arrêt qui sera rendu par la Cour administrative du Tribunal
cantonal en
matière d'impôts directs cantonaux pourra, le cas échéant, aussi être
attaqué
par la voie du recours de droit administratif auprès du Tribunal
fédéral pour
violation du droit fiscal harmonisé (cf. art. 73 al. 1 LHID; ATF 128
II 56
consid. 1 p. 58 s. et les références citées).

Dès lors, la question se pose de savoir si les mêmes voies de droit ne
devraient pas être ouvertes contre la décision querellée, qu'elle
porte sur
l'impôt fédéral direct ou sur les impôts cantonaux. S'agissant de
l'impôt
fédéral direct, il faut déterminer en particulier si cette décision a
été, ou
non, prise par une autorité cantonale statuant en dernière instance
au sens
des art. 98 let. g et 98a OJ.

2.4 Au surplus, déposé en temps utile et dans les formes légales par
l'administration cantonale de l'impôt fédéral direct contre un arrêt
fondé
sur le droit public fédéral, le présent recours est recevable sous
cet angle
tant en vertu des art. 97 ss OJ que de la règle particulière de
l'art. 146
LIFD.

3.
3.1 La loi fédérale d'harmonisation règle de manière sommaire la
procédure de
recours (art. 50 LHID), de sorte que les cantons ont gardé une
certaine
autonomie dans l'aménagement des voies de droit. Ils peuvent choisir
en
particulier s'ils entendent avoir une ou deux instances judiciaires
au sens
de l'art. 98a OJ. L'art. 145 LIFD n'indique pas expressément si,
lorsqu'ils
adoptent une double instance de recours pour les impôts directs
cantonaux
(comme c'est le cas dans le canton du Jura notamment), ils doivent -
ou
simplement s'ils peuvent - faire de même pour l'impôt fédéral direct.
Autrement dit, on peut se demander si le parallélisme des procédures
de
recours s'impose aux cantons ou si ceux-ci sont libres de prévoir des
voies
de recours différentes pour l'impôt fédéral direct et les impôts
directs
cantonaux.

3.2 Dans une affaire valaisanne concernant la voie à suivre en
matière
d'entraide fiscale au sens de l'art. 112 LIFD (correspondant à l'art.
39 al.
3 LHID qui règle la collaboration d'autres autorités de manière
analogue sur
le plan cantonal), le Tribunal fédéral a jugé que, dans les cantons
qui n'ont
pas défini de procédure déterminée dans le domaine en cause, le refus
ou
l'octroi de l'entraide en matière fiscale par des autorités autres que
fiscales peut être attaqué selon les mêmes voies que les décisions
sur le
fond (soit par la procédure de recours auprès des autorités
judiciaires
cantonales compétentes en matière d'impôts). A cette occasion, le
Tribunal
fédéral a constaté, de manière générale, que l'art. 145 LIFD, comme
l'art. 50
LHID, donnait aux cantons la possibilité de prévoir une double
instance
judiciaire cantonale (par exemple la Commission cantonale de recours,
puis le
Tribunal administratif). Cela pouvait supposer un parallélisme des
voies de
recours, la voie à deux instances s'appliquant (dès la période
fiscale 2001)
également en ce qui concerne l'impôt fédéral direct dans les cantons
qui
connaissaient déjà ce système sur le plan cantonal. La Commission
cantonale
de recours valaisanne (ou une autre autorité judiciaire au sens de
l'art. 98a
OJ qui restait à désigner) devrait donc veiller à indiquer, dans sa
décision,
une éventuelle voie de recours à une seconde instance cantonale, le
cas
échéant également en matière d'impôt fédéral direct (ATF 128 II 311
consid.

6.4 p. 323 s.). La question, laissée indécise dans l'arrêt en cause,
doit
être tranchée ici.

4.
4.1 Selon l'art. 145 LIFD, dans la mesure où le droit cantonal le
prévoit, la
décision sur recours (concernant l'impôt fédéral direct) peut encore
être
portée devant une autre instance cantonale, indépendante de
l'administration.
Cette disposition renvoie implicitement à l'art. 50 al. 3 LHID, sans
indiquer
expressément toutefois si les cantons sont tenus d'instaurer des
autorités et
des instances de recours rigoureusement identiques dans le domaine du
droit
fiscal harmonisé. La lettre de ces normes
n'exclut pas non plus que la
volonté du législateur fédéral était d'obliger les cantons à adopter
des
voies de recours semblables. En particulier, la mention que "la
décision peut
encore être portée (...)" indique simplement que la voie de recours
auprès de
la seconde instance est ouverte lorsque le canton a prévu une double
instance
de recours; on ne saurait déduire du terme "peut" que le législateur
fédéral
autorise le canton à adopter pour l'impôt fédéral direct une procédure
différente de celle des impôts cantonaux harmonisés. Deux
interprétations
sont donc possibles. A cet égard, le silence de la loi fédérale
d'harmonisation ne saurait, à lui seul, être compris comme conférant
une
marge d'autonomie aux cantons, en particulier lorsqu'il porte sur un
point
relevant d'un domaine dont l'harmonisation est expressément prévue
par la
Constitution fédérale, tel que la procédure (ATF 128 II 56 consid. 4
p. 62).
Il faut dans ce cas aussi rechercher le sens véritable des
dispositions en
cause, afin de déterminer l'étendue de l'autonomie dont dispose le
législateur cantonal pour aménager les voies de droit internes au vu
de la
loi fédérale d'harmonisation.

4.2 Selon la jurisprudence, la loi s'interprète en premier lieu
selon sa
lettre (interprétation littérale). Si le texte n'est pas absolument
clair, si
plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, il convient de
rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la
dégageant de
tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux
préparatoires
(interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi
que des
valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l'intérêt
protégé
(interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres
dispositions légales (interprétation systématique). Le sens que prend
la
disposition dans son contexte est également important (ATF 129 II 114
consid.

3.1 p. 118; 129 III 55 consid. 3.1.1 p. 56/57; 128 II 56 consid. 4
p. 62;
125
II 480 consid. 4 p. 484, 238 consid. 5a p. 244, 192 consid. 3a p.
196, 183
consid. 4 p. 185, 177 consid. 3 p. 179 et la jurisprudence citée).
Si plusieurs interprétations sont admissibles, il convient de choisir
celle
qui est conforme à la Constitution fédérale. En effet, même s'il ne
peut pas
examiner la constitutionnalité des lois fédérales (art. 191 Cst. et
art. 113
al. 3 aCst.), le Tribunal fédéral part de l'idée que le législateur
fédéral
ne propose pas de solution incompatible avec la Constitution
fédérale, à
moins que le contraire ne résulte clairement de la lettre ou de
l'esprit de
la loi (ATF 122 III 469 consid. 5a p. 474; 119 Ia 241 consid. 7a p.
248 et
les références citées).

De surcroît, le Tribunal fédéral ne peut, sous peine de violer le
principe de
la séparation des pouvoirs, s'écarter d'une interprétation qui
correspond à
l'évidence à la volonté du législateur, en se fondant, le cas
échéant, sur
des considérations relevant du droit désirable (de lege ferenda);
autrement
dit, le juge ne saurait se substituer au législateur par le biais
d'une
interprétation extensive (ou restrictive) des dispositions légales en
cause
(ATF 127 V 75 consid. 3 p. 79; 105 Ib 49 consid. 5b p. 62 et les
arrêts
cités).

5.
5.1 Il convient d'abord de situer l'art. 145 LIFD dans son contexte
constitutionnel.

La Constitution fédérale garantit aux cantons une large autonomie en
matière
d'organisation et de procédure. Ceux-ci sont en principe libres de
s'organiser comme ils l'entendent et de répartir le pouvoir cantonal
entre
les organes qu'ils instituent (art. 1, 3 et 47 Cst.). L'autonomie
constitutionnelle des cantons n'est cependant pas absolue. Elle est
limitée
par la Constitution fédérale elle-même, les lois fédérales et la
jurisprudence. S'agissant de la mise en oeuvre du droit fédéral, la
Confédération doit certes laisser aux cantons "une marge de manoeuvre
aussi
large que possible" et tenir compte de "leurs particularités" (art.
46 al. 2
Cst.): elle ne doit pas limiter sans nécessité la liberté d'action des
cantons et, partant, restreindre leur souveraineté. Toutefois,
lorsque les
cantons sont chargés de l'exécution de la législation fédérale,
celle-ci leur
indique souvent quels organes et quelles procédures sont nécessaires
à son
exécution. C'est dire que, dans le domaine du fédéralisme d'exécution
- tel
que la perception de l'impôt fédéral direct -, la législation
intervient
souvent dans l'organisation administrative et judiciaire des cantons
(cf.
notamment art. 104 al. 3 LIFD qui oblige les cantons à prévoir au
moins une
commission de recours en matière d'impôt fédéral direct). La
législation
fédérale (art. 98a OJ) oblige également tous les cantons à instituer
une
juridiction administrative indépendante au moins pour les décisions
qui
peuvent faire l'objet d'un recours de droit administratif au Tribunal
fédéral
(sur toutes ces questions, Andreas Auer/Giorgio Malinverni/Michel
Hottelier,
Droit constitutionnel suisse, vol. I, Berne 2000, p. 59-66, 72-75;
Message du
Conseil fédéral du 20 novembre 1996 relatif à une nouvelle
Constitution
fédérale, FF 1997 I 1 ss, p. 209-215).

5.2 L'art. 129 Cst. (qui correspond matériellement à l'art.
42quinquies
aCst.) consacre le principe de l'harmonisation fiscale. Selon cette
disposition constitutionnelle, la Confédération fixe les principes de
l'harmonisation des impôts directs de la Confédération, des cantons
et des
communes (...) (al. 1); l'harmonisation s'étend à l'assujettissement,
à
l'objet et à la période de calcul de l'impôt, à la procédure (...)
(al. 2).
La procédure fait donc elle-même partie des domaines qui doivent être
harmonisés.
Le constituant a prévu une harmonisation tant sur le plan horizontal
(entre
les cantons eux-mêmes, d'une part, et, dans le canton, entre les
communes
elles-mêmes, d'autre part) que sur le plan vertical (entre la
Confédération
et les cantons, respectivement entre les cantons et les communes). Le
législateur fédéral, qui a pour mandat constitutionnel de mettre en
oeuvre
l'harmonisation fiscale, doit ainsi veiller à ce que la réglementation
concernant l'impôt fédéral direct et les lois fiscales cantonales
concordent
entre elles (F. Cagianut, Commentaire de la Constitution fédérale
[ci-après:
Commentaire], état avril 1986, n. 5 ad art. 42quinquies aCst.;
Rapport du
groupe d'experts Cagianut sur l'harmonisation fiscale, Publications
de la
Chambre fiduciaire, Zurich 1994, [ci-après: Rapport Cagianut], vol.
128 p.
71). Il doit user de sa compétence législative dans le domaine de
l'impôt
fédéral direct de telle manière que son propre régime fiscal soit en
accord
avec les règles contenues dans la loi fédérale d'harmonisation (cf.
Cagianut,
Commentaire., n. 8 ad art. 42quinquies aCst.).

L'harmonisation fiscale vise à un ajustement réciproque des impôts
directs de
la Confédération et des cantons, une plus grande transparence du
système
fiscal suisse et une simplification de la taxation en particulier dans
l'intérêt des contribuables, tout en ménageant le plus possible
l'autonomie -
en particulier financière - des cantons (Rapport Cagianut, p. 73;
Markus
Reich, in Martin Zweifel/Peter Athanas, Bundesgesetz über die
Harmonisierung
der direkten Steuern der Kantone und Gemeinden [StHG], Kommentar zum
schweizerischen Steuerrecht [ci-après: Kommentar StHG], Bâle 2002, 2e
éd., n.
29 Vorbemerkungen ad art. 1/2 LHID, p. 10 s.; Urs R. Behnisch, Die
schweizerische Bundesverfassung, Kommentar [St. Galler Kommentar],
Zurich
2002, n. 7 et 23 ad art. 129 Cst.). Elle ne doit pas conduire à une
uniformisation des systèmes fiscaux, mais à leur coordination sur la
base du
principe de subsidiarité (art. 46 al. 2 Cst.). Toutefois, dans les
domaines
où il n'existe pas ou plus de besoin de régime cantonal différent, il
se
justifie d'admettre une harmonisation plus poussée sur la base du
droit
fédéral, même si cela ne ressort pas clairement de la lettre de la
loi. En
effet, le champ d'autonomie cantonale doit avoir une fonction claire
et
déterminée et n'est pas un but en soi (ATF 128 II 56 consid. 6a p. 64
s.;
Reich, Kommentar StHG, n. 34 et 39 ad art. 1 LHID). Au demeurant, la
cohérence du système juridique suisse exige, en matière d'impôts, la
cohérence des normes fiscales, fédérales et cantonales, ainsi que
celle de
leur interprétation. En effet, l'harmonisation fiscale a pour but de
mettre
sur pied un système fiscal cohérent de manière à permettre une vue
d'ensemble
de la législation fiscale. Cela exige des cantons qu'ils se
conforment aux
règles et à l'esprit de l'harmonisation. Le principe de cohérence veut
également que l'on interprète le droit de l'impôt fédéral direct et
le droit
cantonal qui règle la même matière de manière à réaliser une
"harmonisation
de la jurisprudence", ce que le législateur fédéral a réalisé en
prévoyant
que les décisions cantonales de dernière instance peuvent faire
l'objet d'un
recours de droit administratif au Tribunal fédéral lorsqu'elles
portent sur
une matière qui fait l'objet de l'harmonisation (art. 73 al. 1 LHID;
Jean-Marc Rivier, La relation entre le droit fédéral et le droit
cantonal en
matière d'impôts directs: harmonisation et uniformisation, in
Problèmes
actuels de droit fiscal, Mélanges en l'honneur du Professeur Raoul
Oberson,
Bâle 1995, p. 157 ss, 166 ss).
En l'espèce, ces principes valent aussi pour la procédure cantonale en
matière d'impôt fédéral direct dont le constituant a expressément
prévu
l'harmonisation. Dans ce domaine, la compétence des cantons se limite
à
l'exécution du droit fédéral et leur autonomie est de toute manière
restreinte. La question ne se pose donc pas dans les mêmes termes que
s'il
s'agissait de leur imposer une organisation judiciaire particulière en
matière d'impôts cantonaux (en particulier non harmonisés) en
dérogation à
l'autonomie cantonale généralement admise dans ce domaine.

5.3 En Suisse, la majorité des cantons et demi-cantons (dix-sept)
ont adopté
une législation prévoyant un parallélisme des voies de droit en ce qui
concerne les impôts directs cantonaux et fédéral (Genève, Argovie,
Appenzell
Rh.-Int. et Rh.-Ext., Nidwald, Vaud, Tessin, Fribourg, Zoug, Grisons,
Soleure, Schwyz, Uri, Lucerne, Schaffhouse, Neuchâtel et Glaris). A
l'exception de Genève et d'Argovie qui ont instauré une double
instance de
recours pour ces deux types d'impôts, ces cantons et demi-cantons
disposent
d'une seule et même instance cantonale de recours commune.
Neuf cantons et demi-cantons (Berne, Valais, Thurgovie, Saint-Gall,
Obwald,
Bâle-Ville, Bâle-Campagne, Jura et Zurich) prévoient des voies de
recours
internes différentes pour les impôts directs cantonaux et l'impôt
fédéral
direct. En règle générale, c'est la même commission cantonale de
recours qui
statue respectivement en première ou dernière instance cantonale,
selon qu'il
s'agit de litiges relatifs aux impôts directs cantonaux ou à l'impôt
fédéral
direct. Ses décisions peuvent faire l'objet d'un recours cantonal
auprès du
Tribunal cantonal (en principe le Tribunal administratif) en matière
d'impôts
cantonaux et, le cas échéant, d'un recours de droit administratif
devant le
Tribunal fédéral (art. 73 LHID), tandis qu'elles peuvent être
attaquées
directement auprès du Tribunal fédéral pour ce qui est de l'impôt
fédéral
direct (art. 146 LIFD en relation avec l'art. 73 LHID). Le canton de
Zurich a
institué plusieurs commissions cantonales de recours différentes et
indépendantes les unes des autres, dont les commissions cantonales de
recours
("Rekurskommissionen"; cf. § 112 de la loi cantonale d'impôt du 8
juin 1997)
pour les impôts cantonaux et la Commission cantonale de recours en
matière
d'impôt fédéral qui statue dans ce domaine en unique et dernière
instance
cantonale de recours ("Bundessteuer-Rekurskommission", cf. § 3 let. c
et § 13
al. 1 de l'ordonnance cantonale du 4 novembre 1998 d'exécution de
l'impôt
fédéral direct). Seules les décisions rendues par les commissions
cantonales
de recours en matière d'impôts cantonaux sont sujettes à recours
auprès du
Tribunal administratif (cf. § 153 de la loi cantonale d'impôt du 8
juin 1997)
avant d'être attaquées, le cas échéant, par la voie du recours de
droit
administratif auprès du Tribunal fédéral (art. 73 LHID).

6.
6.1 Dans son Message du 25 mai 1983 concernant les lois fédérales sur
l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes ainsi
que sur
l'impôt fédéral (ci-après: Message sur l'harmonisation fiscale; FF
1983 III 1
ss, p. 224), le Conseil fédéral relève à propos de l'art. 152 du
projet de la
loi sur l'impôt fédéral direct (actuellement art. 145 LIFD) que
l'art. 54 al.
3 du projet de la loi d'harmonisation (qui correspond à l'art. 50 al.
3 LHID)
"donne aux cantons la possibilité d'aménager une voie de recours à
deux
instances dans la procédure de recours en matière d'impôts directs
cantonaux.
Compte tenu de cette disposition, la voie de recours à deux instances
doit
désormais également pouvoir être appliquée en ce qui concerne l'impôt
fédéral
direct dans les cantons qui connaissent déjà ce système ou dans ceux
qui
désirent l'introduire". Le Conseil fédéral souligne que "ce
parallélisme dans
la procédure de recours est nécessaire" (dans la version allemande,
le verbe
's'imposer' est même utilisé: "Diese Parallelität des
Beschwerdeverfahrens
drängt sich auf", FF 1983 III 213 s.); "en effet,
dans le nouveau
droit, les
motifs des recours de droit administratif au Tribunal fédéral ayant
trait à
l'application de la LHID seront, dans la plupart des cas, les mêmes
que pour
ceux qui concerneront l'application de la LIFD. On contribue ainsi
également
à décharger le Tribunal fédéral".

Toujours selon le Conseil fédéral, la question s'est posée de savoir
si les
cantons qui connaissent, dans leur droit actuel, deux instances de
recours au
niveau cantonal (commission de recours et tribunal administratif,
comme p.
ex. Berne et Zurich) seraient autorisés à conserver ce système après
l'entrée
en vigueur de la loi fédérale d'harmonisation. Cette question a été
réglée
expressément par l'affirmative (art. 50 al. 3 LHID). Le maintien
d'une voie
de recours cantonale à deux instances a été considéré comme étant dans
l'intérêt des parties. De plus, les charges supplémentaires imposées
au
Tribunal fédéral ensuite de l'élargissement du champ d'application du
recours
de droit administratif (art. 73 LHID) seraient moins lourdes que si la
deuxième instance cantonale était supprimée, la seconde instance
cantonale,
comme la première, devant être indépendante de l'administration (FF
1983 III
143 s., ad art. 54 du projet de loi d'harmonisation).
Lors des débats parlementaires, l'art. 152 du projet de loi sur
l'impôt
fédéral direct (qui correspondait exactement à l'art. 145 LIFD) et
l'art. 54
du projet de loi d'harmonisation du Conseil fédéral (dont la teneur a
été
reprise à l'art. 50 LHID sous réserve d'une modification
rédactionnelle
minime) n'ont pas suscité de discussions et ont été adoptés par les
Chambres
fédérales sur proposition de leur commission d'adhérer au projet du
Conseil
fédéral (à propos de l'art. 152 de la loi sur l'impôt fédéral direct:
BO 1986
CE 207 et BO 1988 CN 71; à propos de l'art. 54 de la loi sur
l'harmonisation:
BO 1986 CE 155; BO 1989 CN 85).
Il ressort donc des travaux préparatoires que le législateur fédéral
a admis
que, grâce à l'adoption de l'art. 145 LIFD, les cantons - du moins
ceux qui
connaissaient deux instances de recours pour les impôts directs
cantonaux,
mais une seule pour l'impôt fédéral direct - introduiraient
nécessairement
une seconde instance de recours également pour l'impôt fédéral
direct, ce qui
n'était en principe pas possible sous l'empire de l'ancien arrêté du
Conseil
fédéral du 9 décembre 1940 concernant la perception d'un impôt
fédéral direct
(AIFD), en vigueur jusqu'au 31 décembre 1994 (cf. Heinz Masshardt,
Kommentar
zur direkten Bundessteuer, 2e éd., Zurich 1985, ad art. 69 AIFD, p.
385).

6.2 Cette interprétation est partagée par la doctrine majoritaire.
Certains
auteurs considèrent que l'art. 145 LIFD (en relation avec l'art. 50
LHID)
doit être interprété en ce sens que les cantons sont tenus, lorsqu'ils
instituent une double instance judiciaire de recours pour les impôts
cantonaux, de prévoir les mêmes voies de recours en matière d'impôt
fédéral
direct; ils se fondent principalement sur les travaux préparatoires
relatifs
à la disposition légale en cause, ainsi que sur l'art. 129 Cst. (art.
42quinquies aCst.) qui impose une harmonisation verticale de l'impôt
fédéral
direct et des impôts directs cantonaux, notamment en matière de
procédure
(Danielle Yersin, Harmonisation fiscale: La dernière ligne droite, in
Archives 69 p. 305 ss, 323 s.; du même auteur, Harmonisation fiscale:
procédure, interprétation et droit transitoire, in RDAF 2003 II p. 1
ss, 7;
Thomas Meister, Rechtsmittelsystem der Steuerharmonisierung, thèse
Saint-Gall
1994, p. 167 s., 207 ss; Hugo Casanova, Rekursverfahren, in Archives
61 p.
441 s.; Peter Agner/Beat Jund/Gotthard Steinmann, Commentaire de la
loi sur
l'impôt fédéral direct, Zurich 2001, ad art. 145 LIFD, p. 436 s.).
Un auteur estime au contraire qu'à défaut d'une règle fédérale
expresse, les
cantons - qui jouissent d'une très grande autonomie en matière
d'organisation
et de procédure - sont libres de prévoir des voies de recours
différentes
pour les impôts directs - fédéral et cantonal. Le parallélisme des
voies de
droit ne saurait donc leur être imposé. L'harmonisation verticale de
l'impôt
fédéral direct et des impôts directs cantonaux ne signifie pas que la
loi
fédérale sur l'harmonisation fiscale doive, sur tous les points, être
interprétée exactement de la même façon que la loi sur l'impôt
fédéral direct
de manière à aboutir forcément au même résultat. A cela s'ajoute que
la
création d'une seconde instance de recours cantonale pour l'impôt
fédéral
direct ne ferait que rallonger et renchérir encore la procédure de
recours
(Ulrich Cavelti, Kommentar StHG, n. 22 et 23 ad art. 50 LHID; du même
auteur,
in Martin Zweifel/Peter Athanas, Bundesgesetz über die direkte
Bundessteuer
[DBG], vol. I/2b, Kommentar zum schweizerischen Steuerrecht, Bâle 2000
[ci-après cité: Kommentar DBG], n. 1 ad art. 145 LIFD, où l'auteur
semble
admettre ici que le parallélisme des voies de droit a été voulu par le
législateur fédéral). Quant à Walter Ryser/Bernard Rolli (Précis de
droit
fiscal suisse, 4e éd., Berne 2002, p. 471 et 474), ils sont d'avis
qu'un
parallélisme entre les deux procédures est certainement souhaitable,
mais
qu'il ne s'impose pas de manière contraignante aux cantons, vu que la
loi sur
l'impôt fédéral direct et la loi fédérale d'harmonisation sont
muettes sur
les règles de procédure applicables à l'éventuelle seconde instance de
recours (ce qui n'est que partiellement exact car l'art. 145 LIFD
prévoit
expressément que les art. 140 à 144 s'appliquent par analogie à la
seconde
instance de recours cantonale).

6.3 Une interprétation de l'art. 145 LIFD, en relation avec l'art.
50 al. 3
LHID, dans le sens des travaux préparatoires et de la doctrine
majoritaire
apparaît conforme au but et à l'esprit de la législation fédérale sur
l'harmonisation fiscale. Le maintien de la dissymétrie des voies de
droit
entre les impôts directs cantonaux et fédéral - telle que prévue dans
le
canton du Jura - aurait pour effet de rendre plus difficile la
réalisation
des objectifs fixés par la Constitution (art. 129 Cst.) et
concrétisés par la
loi fédérale d'harmonisation, à savoir une meilleure concordance et
coordination entre les impôts directs de la Confédération et des
cantons, une
plus grande transparence et cohérence du système fiscal suisse - qui
comprend
la procédure - ainsi qu'une simplification de la taxation notamment
dans
l'intérêt des contribuables. Le souci d'assurer une application et une
interprétation uniforme et cohérente de la loi sur l'impôt fédéral
direct et
du droit cantonal déjà sur le plan cantonal plaide pour un
parallélisme des
voies de droit. Plus il existe, à l'intérieur d'un même canton,
d'autorités
différentes appelées par des procédures différentes à se prononcer
sur des
taxations relevant du droit fiscal harmonisé, plus grand sera le
risque
d'aboutir à des interprétations divergentes et donc à des décisions
contradictoires.

6.4 En ouvrant le recours de droit administratif au Tribunal fédéral
aussi
contre les décisions cantonales de dernière instance (art. 73 LHID),
le
législateur a voulu assurer une harmonisation approfondie du droit de
fond
cantonal et fédéral (y compris de leur interprétation) dans les
domaines
harmonisés. Il a aussi voulu obtenir une certaine simplicité et
économie de
procédure et permettre le choix de la voie de droit adéquate avec
sécurité.
L'introduction d'un tel recours n'aurait pas grand sens si les
décisions
attaquées n'émanent pas d'une même autorité de recours en dernière
instance
cantonale. Il appartient d'abord aux cantons d'instaurer une
procédure qui
garantisse l'harmonisation fiscale, qui pourra, le cas échéant, être
contrôlée en dernier lieu par le Tribunal fédéral.
Le maintien de procédures de recours différentes sur le plan cantonal
comporte le risque que les autorités cantonales jugent différemment en
matière d'impôt cantonal et d'impôt fédéral direct et que, sous
réserve de la
suspension de l'une des procédures et de l'adoption ultérieure par
l'autorité
cantonale de seconde instance d'une solution semblable à celle du
Tribunal
fédéral, celui-ci doive trancher deux fois la même question
litigieuse, soit
d'abord dans le cadre du recours de droit administratif interjeté
directement
contre la décision de la Commission cantonale des recours en ce qui
concerne
l'impôt fédéral direct, puis à l'occasion d'un éventuel recours de
droit
administratif déposé contre l'arrêt de la Cour administrative du
Tribunal
cantonal en matière d'impôts cantonaux.
Il existe également un risque de décisions contradictoires entre
l'une ou
l'autre des instances de recours cantonales et le Tribunal fédéral. En
particulier, ce risque peut résulter de ce que ces autorités
disposent de
pouvoirs d'appréciation différents, qui peuvent être plus ou moins
larges
quant aux constatations de fait, et d'une cognition plus ou moins
libre sur
le plan juridique. Ainsi, dans le canton du Jura, la Cour
administrative du
Tribunal cantonal jouit, en matière de constatations de fait, d'un
plus large
pouvoir d'appréciation que le Tribunal fédéral. Elle peut en effet
revoir
d'office les constatations inexactes ou incomplètes des faits
pertinents tels
qu'établis par la Commission cantonale des recours (art. 166 al. 3
let. b Loi
d'impôt/JU). En revanche, lorsque le recours de droit administratif
est
dirigé - comme c'est le cas en l'espèce - contre la décision émanant
d'une
autorité judiciaire - ce qu'est la Commission cantonale des recours,
comme le
Tribunal cantonal - le Tribunal fédéral est lié par les faits
constatés dans
la décision, sauf s'ils sont manifestement inexacts ou incomplets ou
s'ils
ont été établis au mépris de règles essentielles de procédure (art.
104 let.
b et art. 105 al. 2 OJ; ATF 128 II 145 consid. 1.2.1). Il est donc
possible
que la Cour administrative du Tribunal cantonal et le Tribunal fédéral
tranchent une même question juridique de manière différente sur la
base
d'autres états de fait. A noter que, si l'art. 98a al. 3 OJ prescrit
que les
motifs de recours (devant la juridiction cantonale de dernière
instance)
doivent être admis au moins aussi largement que pour le recours de
droit
administratif devant le Tribunal fédéral, cette disposition légale
n'interdit
cependant au législateur cantonal ni d'introduire des règles de
procédure qui
vont au-delà de ces exigences minimales, ni de prévoir un pouvoir
d'appréciation différent selon les autorités dans les limites de
l'art. 98a
OJ.
D'autres incohérences peuvent également surgir. Tel est le cas
notamment de
la question de la reformatio in peius vel melius qui n'est pas
nécessairement
prévue pour les impôts cantonaux (p. ex. en droit bernois), alors
qu'elle
l'est expressément par l'art. 143 LIFD pour la Commission de recours
et la
seconde instance (par renvoi de l'art. 145 al. 2 LIFD) et par l'art.
114 OJ
pour le Tribunal fédéral (Ryser/Rolli, op. cit., note de bas de page
129, p.
474).

6.5 Quant aux inconvénients relevés par la doctrine minoritaire
(renchérissement et allongement de la procédure; cf. consid. 6.2),
ils sont
compensés par d'autres avantages, selon le Message du Conseil fédéral
(cf.
consid. 6.1). De toute manière, ils justifieraient, le cas échéant,
le choix
d'une procédure réduite à une instance, mais non un système
dissymétrique qui
cumule les inconvénients à la fois de l'instance unique et de la
double
instance.

6.6 En résumé, il convient d'interpréter l'art. 145 LIFD (en
relation avec
l'art. 50 LHID) en ce sens que, lorsqu'un canton a instauré une double
instance de recours en matière d'impôts directs cantonaux, il doit
également
prévoir ce système pour l'impôt fédéral direct afin que les objectifs
poursuivis par la loi fédérale d'harmonisation puissent être réalisés
au
mieux. Une telle interprétation - qui résulte de la volonté du
législateur
fédéral - ne viole pas l'autonomie cantonale en matière de procédure.
Le
canton reste libre d'adopter une seule instance dans les deux cas
pour tout
le droit harmonisé, soit une commission de recours, soit un Tribunal
administratif (ou cantonal).
Il s'ensuit que l'art. 14 de l'Ordonnance jurassienne d'exécution IFD
-
prévoyant que la Commission cantonale des recours statue en dernière
instance
cantonale en matière d'impôt fédéral direct - est contraire à l'art.
145
LIFD.

7.
7.1 Il résulte de ce qui précède que la décision attaquée n'a pas été
rendue
par une autorité statuant en dernière instance cantonale (art. 98
let. g OJ)
pour ce qui concerne l'impôt fédéral direct. Partant, le présent
recours
s'avère irrecevable, les instances de recours cantonales n'ayant pas
été
épuisées.

7.2 Lorsque la réglementation sur les voies de droit est peu claire
ou
contradictoire, il se justifie, selon le principe de la bonne foi, de
transmettre l'affaire à l'autorité compétente, quand bien même le
recours de
droit administratif est déclaré irrecevable par le Tribunal fédéral
(cf. ATF
123 II 231 consid. 8 b/c p. 239 s.).
La présente affaire doit ainsi être transmise à la Cour
administrative du
Tribunal cantonal jurassien dont la compétence est probable, du moins
provisoirement, étant précisé que ce tribunal est déjà saisi d'un
recours
dirigé contre la même décision pour ce qui concerne les impôts directs
cantonaux. Cette juridiction cantonale devra néanmoins examiner
préalablement

sa compétence et, le cas échéant, transmettre l'affaire à l'autorité
qui sera
finalement désignée par le canton après avoir tenu compte de la
situation
juridique créée par le présent arrêt. Il n'appartient en effet pas au
Tribunal fédéral de désigner lui-même définitivement l'autorité
cantonale
compétente, cette question relevant de l'autonomie cantonale du
moment que
les règles fixées par les lois fédérales sur l'impôt fédéral direct et
d'harmonisation (cf. art. 145 LIFD et art. 50 LHID) se bornent à
prévoir le
parallélisme des procédures et laissent aux cantons le choix entre une
instance unique ou une double instance.
A cet égard, lorsque le canton a choisi d'instaurer une double
instance de
recours, il est pour le moins douteux que les autorités cantonales de
recours
de première instance puissent être différentes pour l'impôt fédéral
direct et
les impôts cantonaux (comme p. ex. dans le canton de Zurich), surtout
s'il
n'existe aucune coordination entre elles. Quoi qu'il en soit, la
seconde
instance cantonale de recours doit nécessairement être commune, afin
que le
droit fiscal harmonisé puisse être appliqué et interprété de manière
uniforme
déjà sur le plan cantonal. Il va sans dire que si une seule instance
de
recours cantonale est prévue, la même autorité devra connaître des
litiges en
matière d'impôt fédéral direct et d'impôt direct cantonal.

7.3 Cela dit, l'arrêt du Tribunal fédéral qui prononce
l'irrecevabilité du
recours de droit administratif en raison d'une incompétence
fonctionnelle
n'empêche pas l'autorité cantonale à laquelle l'affaire a été
renvoyée (ou
celle qui est finalement désignée) de se prononcer le cas échéant sur
les
moyens de fond du recourant, ou comme en l'espèce de l'autorité
recourante.
L'autorité de la chose jugée se limite à l'objet du présent arrêt, à
savoir
la question de la recevabilité, à ce stade, du recours de droit
administratif
au regard notamment de l'art. 145 LIFD en relation avec l'art. 50 al.
3 LHID
(cf. ATF 123 II 231 consid. 8d p. 240). En d'autres termes, comme
l'affaire
est renvoyée à la Cour administrative du Tribunal cantonal, le
présent arrêt
d'irrecevabilité n'a pas pour conséquence de rendre directement
exécutoire la
décision attaquée prise par la Commission cantonale de recours. Il
importe
par ailleurs que la procédure cantonale se déroule dans un délai
raisonnable
(art. 29 al. 1 Cst.).

8.
Au vu de ce qui précède, le présent recours est irrecevable pour
défaut
d'épuisement des instances cantonales, la cause étant renvoyée à la
Cour
administrative du Tribunal cantonal dans le sens des considérants.
Compte
tenu de l'ensemble des circonstances, il se justifie de statuer sans
frais.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est irrecevable.

2.
La cause est renvoyée à la Cour administrative du Tribunal cantonal
du canton
du Jura dans le sens des considérants.

3.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la
Commission
cantonale des recours en matière d'impôts du canton du Jura, ainsi
qu'à
l'Administration fédérale des contributions, Division juridique de
l'impôt
fédéral direct.

Lausanne, le 19 décembre 2003

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.355/2003
Date de la décision : 19/12/2003
2e cour de droit public

Analyses

Art. 145 al. 1 LIFD; art. 50 al. 3 et art. 73 al. 1 LHID; art. 129 Cst.: obligation pour les cantons d'instaurer un parallélisme des voies de recours en matière d'impôt fédéral direct et d'impôts cantonaux harmonisés; impôt fédéral direct 2001. Possibilité pour les cantons d'instituer une ou deux instances de recours judiciaires tant pour l'impôt fédéral direct (art. 145 al. 1 LIFD) que pour les impôts cantonaux harmonisés (art. 50 al. 3 LHID). Décision de dernière instance cantonale selon l'art. 73 al. 1 LHID (consid. 2 et 3). Principes d'interprétation d'une disposition légale (consid. 4). Portée de la garantie constitutionnelle de l'autonomie cantonale en matière d'organisation et de procédure (consid. 5.1) et de l'art. 129 Cst. qui consacre le principe de l'harmonisation fiscale aussi dans le domaine de la procédure (consid. 5.2). Examen des différentes solutions adoptées par les cantons en ce qui concerne l'aménagement des voies de recours (consid. 5.3). Au sens de l'art. 145 al. 1 LIFD, interprété en relation avec l'art. 50 al. 3 LHID, lorsqu'un canton a instauré une double instance de recours en matière d'impôts cantonaux harmonisés, il doit nécessairement prévoir les mêmes voies de droit pour l'impôt fédéral direct (consid. 6). Irrecevabilité du recours et transmission de l'affaire à l'autorité de recours cantonale supérieure (consid. 7).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-12-19;2a.355.2003 ?
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