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16/12/2003 | SUISSE | N°I.524/03

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 16 décembre 2003, I.524/03


{T 7}
I 524/03

Arrêt du 16 décembre 2003
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Meyer et Kernen. Greffière : Mme
Piquerez

O.________, recourant, représenté par Me Minh Son Nguyen, avocat, rue
du
Simplon 13, 1800 Vevey 1,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 11 février 2003)

Faits:

A.
A.a O.________, né en 195

7, a travaillé en qualité de maçon du 18 mai
1981 au
24 juin 1992, date à laquelle il a été mis en arrêt de travail
complet en
...

{T 7}
I 524/03

Arrêt du 16 décembre 2003
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Meyer et Kernen. Greffière : Mme
Piquerez

O.________, recourant, représenté par Me Minh Son Nguyen, avocat, rue
du
Simplon 13, 1800 Vevey 1,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 11 février 2003)

Faits:

A.
A.a O.________, né en 1957, a travaillé en qualité de maçon du 18 mai
1981 au
24 juin 1992, date à laquelle il a été mis en arrêt de travail
complet en
raison de douleurs lombaires. Le 14 juillet 1992, il a déposé une
demande de
prestations de l'assurance-invalidité tendant à l'octroi de mesures
médicales
de réadaptation ou d'une rente, auprès de l'agence communale
d'assurances
sociales de Vevey.

Dans un rapport du 20 août 1992 adressé à l'Office de
l'assurance-invalidité
pour le canton de Vaud (l'office), le docteur A.________, médecin
traitant, a
posé le diagnostic de lombalgies chroniques sur troubles et surcharge
psychogènes. Il a confirmé l'incapacité de travail totale et précisé
que la
profession habituelle était contre-indiquée; une activité sans charge
sur la
colonne lombo-sacrée était toutefois envisageable. Le docteur
B.________,
spécialiste en rhumatologie, s'est également prononcé en faveur d'une
réadaptation professionnelle (rapport du 31 août 1992).

L'office a mis en oeuvre des mesures de reclassement professionnel
(stage
d'évaluation dans le domaine du montage en électronique, formation en
tant
que monteur en assortiments électroniques et apprentissage de
monteur-électronicien, couronné par l'obtention d'un CFC au mois de
juin
1998).

Durant ce reclassement, l'assuré a été examiné par plusieurs
médecins. Dans
un rapport du 19 octobre 1995, la doctoresse C.________, spécialiste
en
médecine interne et rhumatologie, a diagnostiqué des lombalgies
chronifiées
sur troubles statiques rachidiens avec syndrome lombovertébral très
discret
sans atteinte radiculaire. Deux ans plus tard, l'examen clinique était
comparable au précédent; convaincue comme en 1995 qu'une composante
d'ordre
psychogène aggravait la perturbation du seuil à la douleur, la
doctoresse
C.________ a préconisé la reprise à temps complet de la formation
(rapport du
8 janvier 1998). Le 23 juin 1998, le médecin traitant a signalé une
évolution
défavorable; l'incapacité de travail à moyen terme n'était pas
supérieure à
50 %.

Dès le 1er octobre 1998, O.________ a bénéficié d'une nouvelle mesure
de
reclassement, sous la forme d'un stage pratique auprès de l'entreprise
X.________. Celui-ci a été interrompu après deux mois en raison de
l'état de
santé de l'assuré. Le docteur D.________, spécialiste en chirurgie
orthopédique et traumatologie, a conclu à un syndrome lombo-vertébral
relativement modeste et a déclaré partager l'avis de la doctoresse
C.________
quant à la présence d'une composante psychologique; une activité à 50
% lui
paraissait adéquate (rapport du 1er décembre 1998). Enfin, dans un
rapport du
14 décembre 1998, le médecin traitant a constaté des discordances
entre la
pauvreté des lésions organiques et les plaintes émises par le patient.

A.b Le 15 février 1999, O.________ a déposé une nouvelle demande de
prestations de l'assurance-invalidité tendant à l'octroi d'une rente.

L'office a soumis à l'assuré le 5 juillet 1999 un projet de décision,
selon
lequel il envisageait de lui accorder une demi-rente d'invalidité à
partir du
1er décembre 1998, fondée sur une incapacité de gain de 50 %.
L'assuré a
contesté ce projet en faisant état d'une aggravation de son état de
santé en
raison d'un état dépressif; à cet égard, le docteur A.________ avait
fixé son
incapacité de travail à 80 % dès le 8 mai 1999 (rapport du 1er
novembre
1999). L'office a alors confié une expertise au docteur E.________,
spécialiste en psychiatrie et psychothérapie. Ce médecin a
diagnostiqué un
trouble douloureux associé à des facteurs psychologiques, chronique.
Il a
conclu à une incapacité de travail globale de 50 % (rapport du 22
mars 2001).

Le 10 décembre 2001, l'office a signifié à l'assuré un second projet
de
décision annulant et remplaçant celui du 5 juillet 1999, par lequel il
envisageait de rejeter la demande de rente. Il a confirmé la teneur
de ce
projet par décision du 7 mars 2002.

B. O.________ a formé recours contre cette décision devant le Tribunal
cantonal des assurances du canton de Vaud qui l'a débouté par
jugement du 11
février 2003.

C. L'assuré interjette recours de droit administratif contre ce
jugement,
dont il requiert l'annulation, en concluant, sous suite de dépens, à
l'octroi
d'une rente d'invalidité dès le 1er décembre 1998, fondée sur un taux
d'invalidité de 50 % au moins.

L'office conclut au rejet du recours. L'office fédéral des assurances
sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le litige porte sur le droit du recourant à une rente d'invalidité,
singulièrement sur le taux d'invalidité à la base d'une telle rente.

2.
La loi fédérale sur la partie générale des assurances sociales
(LPGA), du 6
octobre 2000, entrée en vigueur au 1er janvier 2003, n'est pas
applicable au
présent litige, dès lors que le juge des assurances sociales n'a pas à
prendre en considération les modifications du droit ou de l'état de
fait
postérieures à la date déterminante de la décision litigieuse du 7
mars 2002
(ATF 127 V 467 consid. 1, 121 V 366 consid. 1b).

3.
Comme en première instance, le recourant fait grief à l'intimé d'avoir
remplacé le projet de décision initial, du 5 juillet 1999, par un
second
projet, du 10 décembre 2001, en l'absence de toute modification des
circonstances entre ces deux dates.

C'est en vain que le recourant invoque les règles applicables à la
révision
et à la reconsidération d'une décision administrative et se prévaut de
l'absence de faits nouveaux.

3.1 Quelle que soit la procédure à laquelle l'administration recourt
ultérieurement, révision au sens de l'art. 41 LAI (ATF 125 V 369
consid. 2),
reconsidération (ATF 125 V 369 consid. 2) ou révision procédurale
(ATF 127 V
469 consid. 2c et les références; voir également art. 53 al. 1 LPGA),
il faut
que l'administration ait au préalable rendu une décision (cf. Kieser,
ATSG
Kommentar, Zurich, 2003, nos 2 ss ad. art. 53 LPGA). En d'autre
termes, il
faut que l'administration ait pris, dans un premier temps, une mesure
dans un
cas d'espèce, fondée sur le droit public et ayant pour objet de
créer, de
modifier ou d'annuler des droits ou des obligations, de constater
l'existence, l'inexistence ou l'étendue de droits ou d'obligations, de
rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer,
modifier,
annuler ou constater des droits ou obligations (voir aussi Knapp,
Précis de
droit administratif, 4ème éd., Bâle et Francfort-sur-le-Main, 1991,
no 936
ss).

Or, le projet de décision, au sens de l'art. 73bis RAI, ne peut être
confondu
avec l'acte administratif défini à l'art. 5 PA. Par la notification
d'un
projet de décision, l'administration informe l'assuré de la suite
qu'elle
entend donner à sa requête, généralement sur le fond, et lui permet
de se
prononcer sur les éléments retenus et la position de l'administration
(garantie du droit d'être entendu dans la cadre de la procédure
préalable;
art. 73bis al. 1 RAI repris à l'art. 42 LPGA; Kieser, Das
Verwaltungsverfahren in der Sozialversicherung, Zurich, 1999, nos 170
et 171;
Kieser, ATSG Kommentar, op. cit., nos 7 et 8 ad art. 42 LPGA et les
références). Aussi, dans ce cadre, les principes régissant la
révision et la
reconsidération d'une décision administrative ne sont pas applicables.

3.2 En outre, dans ses observations du 9 juillet 1999, le recourant
s'est
référé à l'avis de son médecin-traitant et a contesté le taux
d'incapacité de
gain que l'administration se proposait de retenir. Le docteur
A.________
faisant état d'une nouvelle atteinte à la santé invalidante, de nature
psychique, le recourant ne peut reprocher à l'administration d'avoir
instruit
ce point et de s'être prononcée, en définitive, dans son second
projet de
décision, sur l'ensemble de la problématique douloureuse qu'il
présentait.

4.
Dans un second moyen, le recourant fait valoir que l'intimé, de même
que les
juges cantonaux, n'étaient pas fondés à s'écarter des conclusions de
l'expertise du docteur E.________ fixant une incapacité de travail de
50 %,
car celle-ci répondait aux réquisits jurisprudentiels permettant de
lui
octroyer pleine valeur probante.

4.1 Les premiers juges ont correctement exposé les règles légales et
principes jurisprudentiels relatifs à l'évaluation de l'invalidité,
notamment
lors d'une atteinte à la santé psychique et à la valeur probante des
rapports
médicaux, ainsi qu'aux tâches de l'expert, de sorte qu'il peut être
renvoyé à
leur jugement sur ces points.

4.2 La juridiction cantonale a considéré, sur la base de l'ensemble
des
pièces médicales, que le recourant ne souffrait pas d'une atteinte à
la santé
physique propre à entraîner une incapacité de travail et de gain
notable et
que le trouble douloureux diagnostiqué par l'expert psychiatre ne
présentait
pas le caractère d'une affection psychique invalidante.

4.3
4.3.1Il ressort des rapports médicaux figurant au dossier que le
recourant
présente des lombalgies chronifiées sur troubles statiques rachidiens
avec
syndrome lombo-vertébral très discret sans atteinte radiculaire. Au
vu de
l'absence de grandes contractures musculaires et de pathologie
articulaire
périphérique, de la pauvreté des lésions organiques, de la normalité
du
status neurologique, ainsi que de l'excellent état général du
recourant, les
différents médecins ont considéré que la pathologie présentée par
O.________
était bénigne au plan physique. En outre, les spécialistes consultés
ont
relevé des discordances entre les constatations cliniques et les
douleurs
persistantes alléguées par l'assuré, qui avait une attitude
démonstrative.
Tant les docteurs C.________ que D.________ se sont déclarés
convaincus
qu'une composante psychogène avec somatisation entretenait le
phénomène
douloureux. Ce dernier praticien a fait état d'une sinistrose chez un
patient
cherchant des facilités économiques. De même, le médecin traitant a
déclaré
que son patient espérait obtenir une rente pour rentrer en Italie.
Enfin, la
doctoresse C.________ et le docteur B.________, qui s'est prononcé en
faveur
d'une réadaptation professionnelle, ont estimé qu'un arrêt de travail
n'était
pas justifié. Seuls le médecin traitant et le docteur D.________,
dans une
certaine mesure, ont considéré qu'il y avait lieu de retenir une
incapacité
de travail de 50 % pour des raisons physiques.

4.3.2 L'avis du docteur D.________ ne peut être suivi. En effet, pour
autant
qu'il rapporte réellement l'incapacité de travail du recourant à une
atteinte
physique, il justifie celle-ci par le fait que la nature plaintive du
recourant ne permet pas d'attendre de lui l'exercice d'une activité
plus
poussée. Ce motif est étranger à l'invalidité (cf. ATF 107 V 21
consid. 2c;
VSI 1999 p. 247 consid. 1). Quant aux conclusions du docteur
A.________,
elles ne reposent pas sur une motivation suffisante pour être
retenues; en
outre, ses constatations, proches de celles de la doctoresse
C.________,
apparaissent en contradiction avec les conclusions relatives à la
capacité de
travail.

Dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que
le
recourant, qui a été reclassé dans une profession adaptée à ses
problèmes
dorsaux, n'était pas atteint d'une affection physique entravant sa
capacité
de travail et de gain.

4.4 Il reste donc à examiner si une autre atteinte à la santé, de
nature
psychique, entrave l'une ou l'autre.

4.4.1 Le recourant a été examiné dans le cadre d'une expertise
psychiatrique
par le docteur E.________. Ce médecin, qui conclut à un trouble
douloureux
associé à des facteurs psychologiques et à une incapacité de travail
de 50 %,
relève en substance que l'intéressé ne présente aucun élément
psychotique, ni
signe d'un état dépressif. Si le discours est dénué d'affectif et
d'introspection, il reste cohérent. Hormis le fait que l'assuré se
sente
peut-être déraciné - parce qu'éloigné de sa famille d'origine avec
laquelle
il entretient des liens très étroits, il n'en demeure pas moins qu'il
ne
souffre pas d'isolement social. Il a gardé d'excellents contacts avec
ses
anciens collègues, il voit chaque fin de semaine des membres de sa
famille
vivant en Suisse et il accompagne son fils aux matches de football
notamment.
De plus, l'assuré, dont la tendance démonstrative et revendicatrice
est une
nouvelle fois mise en évidence, tient le ménage familial, avec toutes
les
tâches que cela implique et ne prend plus de médicaments pour ses
douleurs
lombaires.

4.4.2 A l'examen de ces éléments, le recourant ne remplit pas les
conditions
qui, selon la jurisprudence en matière de troubles somatoformes
douloureux
(VSI 2000 p. 154 consid. 2c), permettent de ne pas retenir l'exercice
d'une
activité professionnelle comme exigible. En effet, outre l'absence de
traits
prémorbides, de comorbidité psychiatrique grave et d'isolement
social,
l'intéressé fait preuve d'une attitude démonstrative et
revendicatrice et ses
plaintes sont en contradiction avec les constatations médicales, de
même
qu'avec son comportement. Il semble par ailleurs que l'expert impute
- en
partie du moins - l'incapacité de travail aux difficultés
socio-culturelles
rencontrées en Suisse (déracinement). Or, de telles difficultés
constituent
des facteurs dont l'assurance-invalidité n'a pas à répondre (ATF 107
V 21
consid. 2c; VSI 1999, p. 247 consid. 1). Dès lors, nonobstant les
conclusions
quant à la capacité de travail, il y a lieu d'admettre que l'exercice
d'une
activité lucrative est pleinement exigible de la part du recourant.

4.5 Dans ces circonstances, les premiers juges étaient fondés à
considérer
que O.________ ne présentait pas d'invalidité et à confirmer la
décision de
refus de rente de l'intimé.

Le recours se révèle donc mal fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des
assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 16 décembre 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIIe Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.524/03
Date de la décision : 16/12/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-12-16;i.524.03 ?
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