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15/12/2003 | SUISSE | N°1P.687/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 15 décembre 2003, 1P.687/2003


{T 0/2}
1P.687/2003 /col

Arrêt du 15 décembre 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Aeschlimann et Reeb.
Greffier: M. Zimmermann.

P. ________,
recourant, représenté par Me Jean Lob, avocat,

contre

Procureur général du canton de Vaud, rue de l'Université 24, case
postale,
1014 Lausanne,
Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de cassation pénale, 1014
Lausanne.

art. 31 Cst., art. 5 par. 1 let. c

CEDH (détention préventive),

recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton
de Vaud
du 12 no...

{T 0/2}
1P.687/2003 /col

Arrêt du 15 décembre 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Aeschlimann et Reeb.
Greffier: M. Zimmermann.

P. ________,
recourant, représenté par Me Jean Lob, avocat,

contre

Procureur général du canton de Vaud, rue de l'Université 24, case
postale,
1014 Lausanne,
Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de cassation pénale, 1014
Lausanne.

art. 31 Cst., art. 5 par. 1 let. c CEDH (détention préventive),

recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton
de Vaud
du 12 novembre 2003.

Faits:

A.
Inculpé de divers délits d'ordre sexuel, le ressortissant espagnol
P.________
a été placé en détention préventive du 27 avril au 30 juin 2000.
Le 29 octobre 2002, le Juge d'instruction de l'arrondissement de l'Est
vaudois l'a renvoyé devant le Tribunal correctionnel du même
arrondissement.

P. ________ a été cité à comparaître à l'audience du 20 octobre 2003,
à
l'issue de laquelle le Président du Tribunal correctionnel, redoutant
que
l'accusé ne se présente pas à la lecture du jugement fixée au
lendemain, a
ordonné son arrestation immédiate.
Par jugement du 21 octobre 2003, le Tribunal correctionnel a reconnu
P.________ coupable de contrainte sexuelle, viol et menaces commis
sur sa
fille A.________ et l'a condamné à la peine de quatre ans de
réclusion, sous
déduction de soixante-sept jours de détention préventive, ainsi qu'à
l'expulsion du territoire suisse pour une durée de quinze ans, avec
sursis
pendant cinq ans.
Maintenu en détention après le prononcé de ce jugement, P.________ a
recouru,
par acte du 22 octobre 2003 reçu le lendemain, auprès du Président de
la Cour
de cassation pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud. Il a
conclu
principalement à ce que soit constaté le caractère illégal de sa
détention
après le prononcé du jugement. A titre subsidiaire, il a requis sa
libération
provisoire.
Le 23 octobre 2003, le Président de la Cour de cassation pénale a
décerné un
mandat d'arrêt contre P.________. Il a ordonné le maintien de la
détention
préventive, le 24 octobre 2003.

P. ________ a entrepris cette décision devant la Cour de cassation
pénale. Il
a demandé que lui soit donné acte du fait que sa période de détention
du 21
au 23 octobre était illégale. Il a requis l'annulation de la décision
du 24
octobre 2003 et sa libération immédiate.
Par arrêt du 12 novembre 2003, la Cour de cassation pénale a rejeté le
recours et confirmé la décision du 24 octobre 2003. Elle a considéré,
en
bref, que le mandat d'arrêt du 20 octobre 2003 avait continué de
produire ses
effets après le prononcé du jugement du 21 octobre 2003. Pour le
surplus,
elle a confirmé le maintien de la détention en retenant l'existence
d'un
risque de fuite et de récidive.

B.
Agissant par la voie du recours de droit public, P.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 12 novembre 2003 et d'ordonner
sa
libération immédiate. Il invoque les art. 31 Cst. et 5 CEDH. Il
requiert
l'assistance judiciaire limitée à la dispense des frais.
La Cour de cassation se réfère à son arrêt. Le Ministère public
propose le
rejet du recours.
Invité à répliquer, le recourant a maintenu ses conclusions.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Hormis des exceptions non réalisées en l'espèce, le recours de droit
public
n'a qu'un effet cassatoire (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 129 I 129
consid.
1.2.1 p. 131/132, 173 consid. 1.5 p. 176, et les arrêts cités). Il
est fait
exception à ce principe lorsque l'admission du recours ne suffit pas à
rétablir une situation conforme à la Constitution et qu'une mesure
positive
est nécessaire (ATF 129 I 129 consid. 1.2.1 p. 131/132). Tel est le
cas
notamment lorsqu'une mesure de détention préventive n'est pas - ou
n'est plus
- justifiée (ATF 115 Ia 293 consid. 1a p. 297; 107 Ia 256 consid. 1
p. 257;
105 Ia 26 consid. 1 p. 29).

2.
Dans un premier grief, le recourant conteste la légalité de la
période de
détention subie entre le prononcé du jugement, le 21 octobre 2003, et
le
décernement du mandat d'arrêt du 23 octobre 2003.

2.1 Le recours de droit public exige un intérêt actuel et pratique à
l'annulation de la décision attaquée, respectivement à l'examen des
griefs
soulevés (art. 88 OJ; ATF 127 III 41 consid. 2b p. 42; 120 Ia 165
consid. 1a
p. 166; 118 Ia 46 consid. 3c p. 53, 488 consid. 1a p. 490 et les
arrêts
cités). L'intérêt au recours doit encore exister au moment où statue
le
Tribunal fédéral, lequel se prononce sur des questions concrètes et
non
théoriques (ATF 127 III 41 consid. 2b p. 42; 125 I 394 consid. 4a p.
397; 125
II 86 consid. 5b p. 97, et les arrêts cités). L'intérêt actuel
nécessaire
fait défaut en particulier lorsque l'acte de l'autorité a été exécuté
ou est
devenu sans objet (ATF 125 II 86 consid. 5b p. 97; 120 Ia 165 consid.
1a p.
166, et les arrêts cités). Un recours de droit public dirigé contre la
détention préventive perd son intérêt actuel quand cette mesure prend
fin,
lorsque le prévenu est remis en liberté avant le dépôt du recours ou
durant
le cours de la procédure devant le Tribunal fédéral (ATF 125 I 394
consid. 4a
p. 397; 116 Ia 149 consid. 2a p. 150; 110 Ia 410; 104 Ia 487) ou
maintenu en
détention mais exclusivement à un autre titre, notamment l'exécution
d'une
peine.
Pour ce qui concerne le premier grief soulevé dans le recours,
celui-ci a
perdu son intérêt actuel, puisque la restriction à la liberté
personnelle
contestée a cessé de produire ses effets le 23 octobre 2003.

2.2 Le Tribunal fédéral renonce toutefois à faire de l'intérêt actuel
une
condition de recevabilité du recours de droit public lorsque cette
exigence
l'empêcherait de contrôler un acte qui peut se reproduire en tout
temps, qui,
en raison de la brève durée de ses effets, échapperait toujours à sa
censure
et lorsqu'il existe un intérêt public important à résoudre la
question de
principe que soulève le recours (ATF 127 I 164 consid. 1a p. 166; 125
I 394
consid. 4b p. 397; 124 I 231 consid. 1b p. 233, et les arrêts cités).
Il n'y
a toutefois pas lieu de faire exception à la règle de l'irrecevabilité
lorsque les griefs tirés notamment de la violation de l'art. 5 CEDH
peuvent
faire l'objet d'une procédure d'indemnisation au sens de l'art. 5
par. 5 CEDH
(ATF 125 I 394 consid. 5 p. 398ss).

2.3 En l'espèce, le recourant fait valoir que sa détention du 21 au 23
octobre 2003 ne reposerait pas sur une base légale. En cela, il
invoque
l'art. 31 al. 1 Cst., à teneur duquel la privation de liberté doit
être
prévue par la loi et selon les formes qu'elle prescrit, ainsi que
l'art. 5
par. 1 let. a CEDH qui permet la privation de liberté, selon les voies
légales, si la personne est détenue régulièrement après condamnation
par un
tribunal compétent. Le recourant prétend en outre avoir été privé de
la
possibilité de saisir un tribunal, en violation des art. 31 al. 4
Cst. et 5
par. 4 CEDH. De tels moyens peuvent être soulevés à l'appui d'une
demande
d'indemnisation au sens de l'art. 5 par. 5 CEDH (ATF 125 I 394
consid. 5a p.
399). Dans ce cadre, le demandeur peut non seulement demander la
réparation
matérielle et morale, mais aussi que soit constatée une violation de
la
Constitution ou de la Convention à son égard (ATF 125 I 394 consid.
5c p.
400/401; cf. ATF 124 I 327 consid. 4d p. 324). Le demandeur dispose
du droit,
déduit directement de l'art. 5 CEDH, à ce que le juge de
l'indemnisation
entre en matière sur cette conclusion constatatoire et vérifie si la
détention était conforme à la Convention (ATF 125 I 394 consid. 5c p.
401).
Avant la révision du 23 juin 2000, de telles prétentions pouvaient
être
émises devant le Tribunal fédéral dans le cadre du procès direct au
sens de
l'art. 42 aOJ (cf. par exemple, pour ce qui concerne le canton de
Vaud, ATF
112 Ib 446, 459, 460). En droit vaudois, le Code de procédure pénale
prévoit
une procédure d'indemnisation pour le cas où le prévenu a bénéficié
d'un
non-lieu ou d'un acquittement (art. 67 CPP/VD) ou a été détenu à tort
et n'a
pas fait l'objet d'une inculpation (art. 68 CPP/VD). En outre,
l'inculpé et
l'accusé libérés de la poursuite pénale peuvent dans certains cas
obtenir une
indemnité à ce titre (art. 163a CPP/VD). Ces hypothèses ne sont pas
réalisées
en l'espèce, puisque le recourant a été placé en détention après sa
condamnation, prétendument sans titre valable. Reste alors à
envisager la
possibilité d'une action fondée sur la loi cantonale sur la
responsabilité de
l'Etat, des communes et de leurs agents, du 16 mars 1961 (LREC), dont
l'application est réservée à l'art. 163a al. 4 CPP/VD. Cette loi règle
notamment la réparation du dommage commis illicitement par les agents
de la
fonction publique cantonale, dont font partie les magistrats de
l'ordre
judiciaire et les membres du Tribunal cantonal (art. 1 LREC, mis en
relation
avec les art. 3 ch. 1 et 5 de la même loi).
C'est par ces moyens qu'il appartient au recourant de faire valoir ses
prétentions. Il n'y a dès lors pas lieu d'entrer en matière sur ce
premier
moyen, faute d'intérêt actuel au sens de l'art. 88 OJ (ATF 125 I 394
consid.
5f et g p. 404/405).

3.
Le recourant critique l'arrêt attaqué en tant qu'il confirme la
décision du
24 octobre 2003.

3.1 La mise en détention après le prononcé du jugement de condamnation
constitue une restriction à la liberté personnelle (art. 10 al. 2
Cst.), qui
n'est admissible que si cette mesure repose sur une base légale, est
justifiée par l'intérêt public et proportionnée au but visé (art. 36
Cst.;
ATF 128 I 184 consid. 2.1 p. 186). Le Tribunal fédéral examine avec
une
cognition pleine l'application du droit cantonal; en revanche, il ne
revoit
les constatations de fait que sous l'angle restreint de l'arbitraire
(ATF 128
I 184 consid. 2.1 p. 186; 123 I 31 consid. 3a p. 35; 115 Ia 293
consid. 1b p.
297).

3.2 La Cour de cassation a appliqué par analogie l'art. 59 CPP/VD, à
teneur
duquel la détention préventive peut être ordonnée lorsqu'il existe des
"présomptions suffisantes de culpabilité" à l'égard du prévenu. En
l'espèce,
elle a retenu qu'il existait un risque de fuite, ce que conteste le
recourant.
Ressortissant espagnol né en 1958, le recourant s'est marié en 1978.
Trois
enfants sont nés de cette union, A.________, en 1979 et deux fils, en
1984 et
1986. Le recourant a émigré seul en Suisse en 1980. Sa famille est
demeurée
en Espagne, où il séjourne environ trois mois par an. A Vevey où il
s'est
installé, il vit en concubinage depuis 1989 avec une Suissesse. Sa
fille
A.________ est venue le rejoindre en 1996. Depuis 1988, il est
employé de la
même entreprise de construction où il occupe la fonction de
contremaître.
Depuis le prononcé du jugement, et sous réserve des moyens de droit à
sa
disposition, le recourant est exposé à une peine de quatre ans de
réclusion.
S'il était libéré, il pourrait objectivement être tenté de profiter
de sa
libération provisoire pour se soustraire à l'action de la justice.
Plutôt que
de devoir purger une peine de réclusion, il pourrait préférer
regagner son
pays où résident sa femme et ses fils dont il assure l'entretien.
Sans doute
est-il attaché à la Suisse, où il s'est expatrié depuis de longues
années et
vit maritalement depuis près de quinze ans avec la même personne. Ces
liens
pourraient toutefois ne pas résister à la tentation de fuir pour
échapper à
la prison.
L'arrêt contesté échappe sur ce point à la critique. Le grief doit
être
écarté sans qu'il soit nécessaire de vérifier de surcroît le risque de
récidive également retenu par la cour cantonale.

4.
Le recours doit ainsi être rejeté dans la mesure où il est recevable.
La
requête d'assistance judiciaire est admise (art. 152 OJ). Comme le
recourant
le demande, elle est limitée à la dispense des frais (art. 156 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
La demande d'assistance judiciaire est admise.

3.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant,
au
Procureur général et à la Cour de cassation pénale du Tribunal
cantonal du
canton de Vaud.

Lausanne, le 15 décembre 2003

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.687/2003
Date de la décision : 15/12/2003
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-12-15;1p.687.2003 ?
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