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12/12/2003 | SUISSE | N°4P.221/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 12 décembre 2003, 4P.221/2003


{T 0/2}
4P.221/2003 /ech

Arrêt du 12 décembre 2003
Ire Cour civile

MM. les Juges Corboz, Président, Walter et Nyffeler.
Greffier: M. Carruzzo.

les époux X.________,
recourants,

contre

Y.________,
intimé, représenté par Me Jean-Marc Siegrist,
Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève, case
postale 3108, 1211 Genève 3.

art. 9 Cst.; contrat de bail; droit du locataire à une indemnité,

recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre d'appel en

matière de
baux et loyers du canton de Genève du 8 septembre 2003.

Faits:

A.
A. ________, était propriétaire d...

{T 0/2}
4P.221/2003 /ech

Arrêt du 12 décembre 2003
Ire Cour civile

MM. les Juges Corboz, Président, Walter et Nyffeler.
Greffier: M. Carruzzo.

les époux X.________,
recourants,

contre

Y.________,
intimé, représenté par Me Jean-Marc Siegrist,
Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève, case
postale 3108, 1211 Genève 3.

art. 9 Cst.; contrat de bail; droit du locataire à une indemnité,

recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre d'appel en
matière de
baux et loyers du canton de Genève du 8 septembre 2003.

Faits:

A.
A. ________, était propriétaire d'un bien-fonds comportant une
habitation,
une dépendance et un garage. En 1974, elle a loué cette parcelle à
son fils
et à sa belle-fille, les époux X.________, pour un loyer de 360 fr.
par mois.
La banque créancière ayant intenté une poursuite contre A.________
pour le
paiement des intérêts hypothécaires et le remboursement de dettes,
l'immeuble
en question, estimé par l'Office des poursuites à 820'000 fr., a été
vendu
aux enchères publiques le 7 octobre 1997. Y.________ en a acquis la
propriété
pour le prix de 370'000 fr.

Le 11 septembre 1998, Y.________ a résilié le bail des époux
X.________ avec
effet au 31 décembre 1998, pour le cas où le précédent congé, notifié
le 17
février 1997 aux locataires par l'Office des poursuites, serait
déclaré non
valable.

S'en est suivie une procédure en contestation de ces congés et en
prolongation du bail, dans laquelle les époux X.________ ont encore
conclu au
paiement, par Y.________, de 550'000 fr., plus intérêts, du chef des
travaux
à plus-value réalisés par eux dans l'immeuble pris à bail. Par arrêt
du 31
mai 2002, la Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de
Genève, modifiant partiellement le jugement rendu le 10 mai 2001 par
le
Tribunal des baux et loyers, a déclaré irrecevable la conclusion en
paiement,
admis la validité de la résiliation du bail notifiée le 11 septembre
1998 et
accordé aux locataires une unique prolongation de leur bail jusqu'au
31
décembre 2002.

Statuant par arrêt du 8 novembre 2002, sur recours des époux
X.________, le
Tribunal fédéral a annulé l'arrêt cantonal, en tant qu'il avait
déclaré
irrecevable la conclusion tendant au paiement d'une indemnité de
550'000 fr.,
intérêts en sus, et l'a confirmé pour le surplus. Le dossier a été
renvoyé à
la Chambre d'appel pour qu'elle se prononce sur le mérite de la
prétention
pécuniaire élevée par les recourants.

B.
Par arrêt du 8 septembre 2003, la Chambre d'appel a confirmé le
jugement du
Tribunal des baux du 10 mai 2001 dans la mesure où il avait débouté
les époux
X.________ de leur demande visant au paiement, par Y.________, de
550'000 fr.
avec intérêts à 5% l'an dès le 1er décembre 1997.

Ledit arrêt repose, en substance, sur les motifs suivants: les travaux
litigieux, qui ont été exécutés avant le 1er juillet 1990, sont
soumis à
l'ancien droit en vigueur avant cette date. Sous l'empire de ce
droit, à
défaut d'une convention ad hoc, le locataire ne pouvait réclamer au
bailleur
une indemnité pour ses investissements dans la chose louée que sur la
base
des dispositions régissant l'enrichissement illégitime, lorsque
prenait fin
prématurément un bail dont les parties étaient convenues ou pensaient
l'une
et l'autre qu'il aurait une longue durée. En l'espèce, les défendeurs
allèguent avoir été autorisés par A.________ à effectuer des travaux,
qui ont
été exécutés de 1974 à 1978. Aucune pièce produite dans la procédure
et aucun
témoin n'attestent l'existence de travaux postérieurs. Il n'est pas
établi
que dame A.________ ait consenti à verser à ses locataires une
indemnité pour
les plus-values résultant desdits travaux. Il ne s'agit pas non plus
d'un cas
de résiliation anticipée d'un bail de longue durée convenu avec le
demandeur.
Ces travaux, qui remontent à plus de 20 ans, doivent être considérés
comme
entièrement amortis. Les défendeurs devaient compter avec cet
amortissement
pendant la durée du bail. Ils ne peuvent, dès lors, prétendre à aucune
indemnité.

C.
Parallèlement à un recours en réforme, les défendeurs ont déposé un
recours
de droit public en vue d'obtenir l'annulation de l'arrêt du 8
septembre 2003.

L'intimé et la Chambre d'appel n'ont pas été invités à déposer une
réponse.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le recours de droit public et le recours en réforme déposés
simultanément par
les défendeurs sont identiques à quelques détails près. Il ne
s'ensuit pas,
pour autant, l'irrecevabilité automatique des deux moyens de droit
connexes.
En effet, en présence de deux recours dont la motivation est
similaire, il
convient d'examiner si, pour chaque acte de recours, les moyens
invoqués
satisfont aux exigences de motivation qui lui sont propres. Si la
réponse est
affirmative, le recours est recevable, quand bien même le recourant
reprend
textuellement le même grief dans une autre écriture (ATF 118 IV 293
consid.
2a p. 295).

2.
2.1Les recourants, qui ont été déboutés entièrement de leur
conclusion en
paiement de l'indemnité qu'ils réclament à l'intimé, ont un intérêt
personnel, actuel et juridiquement protégé à ce que la décision
attaquée
n'ait pas été adoptée en violation de leurs droits constitutionnels;
en
conséquence, la qualité pour recourir doit leur être reconnue (art.
88 OJ).

Exercé en temps utile, dans la forme prévue par la loi (art. 90 al. 1
OJ), le
présent recours est recevable sous cet angle. Il ne l'est pas, en
revanche,
en vertu de l'art. 84 al. 2 OJ, dans la mesure où ses auteurs y
soulèvent des
questions qui relèvent du recours en réforme. Ainsi, la durée de vie
probable
des travaux de rénovation, décisive pour fixer le moment où les
différents
travaux ont été amortis, doit être déterminée d'après l'expérience de
la vie,
le Tribunal fédéral pouvant en revoir librement les critères en
procédure de
recours en réforme (cf. ATF 118 II 415 consid. 3c/bb). De même, c'est
dans le
cadre de cette dernière procédure que le Tribunal fédéral examinera la
question du droit transitoire, soulevée par les recourants.

2.2 Selon l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte de recours doit contenir
un
exposé succinct des droits constitutionnels ou des principes
juridiques
violés, précisant en quoi consiste la violation. Saisi d'un recours
de droit
public, le Tribunal fédéral n'examine que les griefs d'ordre
constitutionnel
soulevés et suffisamment motivés dans l'acte de recours (art. 90 al.
1 let. b
OJ; ATF 129 I 113 consid. 2.1, p. 120; 128 III 50 consid. 1c et les
arrêts
cités, p. 53/54).

Considéré sous cet angle, le recours des défendeurs laisse fortement à
désirer. En effet, il revêt un caractère appellatoire manifeste, ses
auteurs
se bornant, pour l'essentiel, à opposer leur propre thèse à celle
défendue
par la cour cantonale pour taxer la seconde d'arbitraire. De
surcroît, les
défendeurs émaillent leur acte de recours d'allégations et de preuves
nouvelles, telles que l'attestation que leur a délivrée A.________ le
15
septembre 2003, soit postérieurement au prononcé de l'arrêt cantonal,
ce qui
n'est pas admissible dans un recours de droit public (ATF 124 I 208
consid.
4b p. 212, 121 I 367 consid. 1b p. 370, 113 Ia 225 consid. 1b/bb p.
229 et
les arrêts cités).

3.
Les recourants invoquent l'art. 9 Cst. et reprochent à la Chambre
d'appel
d'avoir procédé à une appréciation arbitraire des preuves sur
plusieurs
points.

3.1 Selon la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle
est
manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un
principe
juridique clair et indiscuté, ou encore heurte de manière choquante le
sentiment de la justice et de l'équité. Il ne suffit pas que sa
motivation
soit insoutenable; encore faut-il que la décision apparaisse
arbitraire dans
son résultat. A cet égard, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la
solution
retenue que si celle-ci est insoutenable, en contradiction manifeste
avec la
situation effective, adoptée sans motif objectif et en violation d'un
droit
certain. Il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une autre solution
paraît
également concevable, voire même préférable (ATF 129 I 8 consid. 2.1;
128 I
81 consid. 2 p. 86, 177 consid. 2.1 p. 182, 273 consid. 2.1 p. 275;
128 II
259 consid. 5 p. 280).

En matière d'appréciation des preuves, il y a arbitraire lorsque
l'autorité
ne prend pas en compte, sans raison sérieuse, un élément de preuve
propre à
modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur le sens
et la
portée d'un tel élément, ou encore lorsqu'elle tire des constatations
insoutenables des éléments recueillis (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 41;
124 I
208 consid. 4a).

3.2
3.2.1Les recourants reprochent, en premier lieu, à la Chambre d'appel
d'avoir
constaté que l'existence de travaux à plus-value, qui auraient été
exécutés
postérieurement à 1978, n'est attestée par aucune pièce ni aucun
témoin.
Selon eux, le contraire ressort déjà de l'arrêt attaqué où il est
question de
l'installation d'une conduite d'eau et de gaz en 1990. En outre et
surtout,
l'évolution des valeurs d'assurance des bâtiments pris à bail
infirmerait
totalement les dires de la cour cantonale.

S'agissant du premier argument, force est de souligner que, dans le
passage
mentionné par les recourants, où il est question de la conduite d'eau
et de
gaz, la Chambre d'appel se contente de mentionner les travaux que les
intéressés déclarent avoir effectués, mais sans préciser si elle fait
siennes
les affirmations des recourants à cet égard. Ceux-ci ne peuvent donc
rien
déduire en faveur de leur thèse de la référence, faite dans le
passage en
question, à l'installation de la conduite d'eau et de gaz.

Quant au second argument, les recourants observent que la valeur
d'assurance
des bâtiments loués par eux n'a cessé d'évoluer à la hausse, passant
de
600'000 fr. en 1978 à 840'000 fr. en 1984, puis à 1'239'186 fr. en
1993,
étant précisé que l'augmentation de la valeur d'assurance ne
résultait pas
d'une simple indexation, mais bien d'investissements supplémentaires,
comme
l'avait indiqué l'agent général d'assurances B.________. Tel qu'il est
présenté, cet argument ne suffit pas à établir le caractère
insoutenable de
la constatation critiquée. D'abord, le témoin B.________ a déclaré,
lors de
son audition, qu'il s'était basé sur les indications fournies par
sieur
X.________ lui-même pour estimer la valeur des bâtiments. Ensuite, ce
témoin
n'a fait état que "d'investissements supplémentaires", sans plus
amples
explications, si bien que l'on ignore tout de la nature des travaux
qui
auraient été effectués par les recourants et qu'il n'est pas possible
de
vérifier, à les supposer réels, dans quelle mesure ils ont généré une
plus-value. Enfin, on ne sait pas non plus sur la base de quels
critères les
différents bâtiments loués par les recourants ont été estimés ni,
partant,
quel crédit l'on peut accorder à l'estimation faite par l'assureur,
lequel a
du reste pris en considération une "valeur à neuf". A cet égard, le
fait que
ces bâtiments, censés valoir 1'239'186 fr. en 1993, ont été vendus aux
enchères forcées pour le prix de 370'000 fr. en 1997 serait plutôt de
nature
à susciter des doutes en ce qui concerne le caractère probant du
moyen de
preuve invoqué par les recourants.

Cela étant, la constatation critiquée n'apparaît pas insoutenable, ce
qui
seul importe dans le cadre d'un examen fait sous l'angle de
l'arbitraire.

3.2.2 Les recourants contestent, par ailleurs, l'opinion de la cour
cantonale
selon laquelle les travaux exécutés de 1974 à 1978 doivent être
considérés
comme entièrement amortis à l'heure actuelle.

Dans la mesure où les recourants voudraient reprocher à la Chambre
d'appel
d'avoir méconnu la notion juridique de l'amortissement, leur recours
serait
irrecevable, en raison de la subsidiarité du recours de droit public,
comme
on l'a déjà noté plus haut.
Pour le surplus, les recourants avancent des généralités sur la
question de
l'amortissement et les distinctions qu'il convient de faire, à ce
propos,
entre les différents types de travaux (1er, 2ème ou 3ème oeuvre).
Cependant,
ils n'indiquent pas quelle était, selon eux, la durée de vie de
chacun des
différents travaux exécutés par eux jusqu'en 1978, empêchant ainsi le
Tribunal fédéral de se faire une idée exacte de la situation sur ce
point. La
manière dont ils argumentent n'est, dès lors, pas propre à établir
l'arbitraire qu'ils imputent à la cour cantonale dans le traitement
de cette
question.

3.2.3 Les autres moyens soulevés par les recourants sont eux aussi
voués à
l'échec.

Sous chiffre 34, les recourants reprochent à la Chambre d'appel
d'avoir
retenu l'argumentation développée par l'intimé. Toutefois, dans le
passage
auquel ils se réfèrent, la cour cantonale ne fait que relater cette
argumentation, sans prendre position à son sujet.

Sont nouveaux et, de ce fait, irrecevables les moyens fondés sur
l'aide
financière que l'intimé pourrait obtenir de l'Etat de Genève (ch. 35)
et sur
la question des frais de succession (ch. 37).

4.
Le recours de droit public formé par les défendeurs doit ainsi être
rejeté,
dans la mesure où il est recevable, pour les motifs
sus-indiqués. Ses
auteurs
supporteront solidairement les frais qu'ils ont occasionnés en le
déposant
(art. 156 al. 1 et 7 OJ). En revanche, ils n'auront pas à indemniser
l'intimé, qui n'a pas été invité à déposer une réponse.

Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 8'000 fr. est mis à la charge des
recourants,
solidairement entre eux.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la Chambre
d'appel
en matière de baux et loyers du canton de Genève.

Lausanne, le 12 décembre 2003

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.221/2003
Date de la décision : 12/12/2003
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-12-12;4p.221.2003 ?
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