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12/12/2003 | SUISSE | N°4C.283/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 12 décembre 2003, 4C.283/2003


{T 0/2}
4C.283/2003 /ech

Arrêt du 12 décembre 2003
Ire Cour civile

Mme et MM. les Juges Corboz, président, Rottenberg Liatowitsch et
Nyffeler.
Greffière: Mme Aubry Girardin.

X. ________ S.A.,
défenderesse et recourante, représentée par Me Dan Bally,

contre

A.________,
demandeur et intimé, représenté par Me Laurent Savoy,

contrat de travail; primes; interprétation

(recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre des recours du
Tribunal
cantonal vaudois du 16 septembr

e 2003).

Faits:

A.
Le 1er février 2001, A.________ a été engagé par X.________ S.A.
(ci-après:
X.________) en ...

{T 0/2}
4C.283/2003 /ech

Arrêt du 12 décembre 2003
Ire Cour civile

Mme et MM. les Juges Corboz, président, Rottenberg Liatowitsch et
Nyffeler.
Greffière: Mme Aubry Girardin.

X. ________ S.A.,
défenderesse et recourante, représentée par Me Dan Bally,

contre

A.________,
demandeur et intimé, représenté par Me Laurent Savoy,

contrat de travail; primes; interprétation

(recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre des recours du
Tribunal
cantonal vaudois du 16 septembre 2003).

Faits:

A.
Le 1er février 2001, A.________ a été engagé par X.________ S.A.
(ci-après:
X.________) en qualité de "vendeur flottes", pour un salaire mensuel
brut
total de 6'500 fr., plus une prime de vente progressive, qui
s'élevait à
20'000 fr. pour 80 véhicules.

Il ressort d'un document du 18 décembre 2000 annexé au contrat de
travail et
d'une lettre de confirmation d'engagement datée du 19 décembre 2000
que les
objectifs personnels de vente de A.________ pour 2001 étaient fixés à
100
véhicules, sans qu'il soit précisé s'il s'agissait de véhicules
"flottes" ou
de véhicules privés, vendus à de nouveaux ou à d'anciens clients. Il
était
également indiqué qu'au salaire total de 6'500 fr. s'ajoutait une
prime
progressive de 20'000 fr. pour 80 véhicules vendus (soit 80 % des
objectifs
personnels de vente pour 2001). Ces pièces ne contenaient aucune
précision ou
réserve relative aux véhicules vendus donnant droit à la prime
progressive.

Dans une note manuscrite relatant une entrevue entre A.________ et le
directeur de X.________ Lausanne, il est notamment mentionné, comme
objectif, "cent véhicules apport personnel".

Les conditions de rémunération de A.________ étaient différentes de
celles
des autres vendeurs de voitures auprès de X.________, qui
bénéficiaient d'un
salaire fixe inférieur, auquel s'ajoutaient une commission sur la
base des
ventes réalisées et un bonus. Un régime particulier a été institué
pour
A.________, car sa fonction était nouvelle et il ne voulait pas
prendre le
risque des autres vendeurs engagés à la commission.

En août 2001, X.________, sur demande de A.________, a accordé à
celui-ci une
avance de 8'000 fr. sur la prime à laquelle il aurait pu prétendre à
la fin
de l'année en cas de réalisation de ses objectifs.

Au début de l'année 2002, X.________ a relevé que A.________ n'avait
pas
atteint ses objectifs 2001. Selon l'employeur, seul le nombre des
véhicules
"flottes" vendus à de nouveaux clients acquis par A.________ devaient
être
pris en considération. Or, si celui-ci avait vendu plus de 80
véhicules, 38
l'avaient été à des clients appartenant déjà à X.________ et 16 à des
clients
privés. Les clients "flottes" apportés par A.________ n'avaient
acquis que 27
véhicules, ce qui était loin des objectifs fixés.
Au mois de février 2002, X.________ a prélevé une retenue de 1'000
fr. sur le
salaire de A.________ et l'a informé, par lettre du 20 mars 2002, que
le
montant accordé à titre d'avance sur la prime pour l'année 2001
devait être
remboursé. Aucune retenue n'a été opérée les mois suivants, en raison
de
l'incapacité de travail de A.________.

Le 6 février 2002, les parties ont conclu un nouveau contrat de
travail, aux
termes duquel A.________ était engagé en qualité de "vendeur
flottes", avec
un salaire de 3'500 fr. et une commission calculée selon un barème
pour les
affaires traitées par le vendeur, conclues et acceptées par
X.________.

Le 31 août 2002, les rapports de travail entre les parties ont pris
fin.

B.
Le 27 mars 2002, A.________ a déposé une demande en justice portant
sur le
versement, par X.________, de la somme de 13'000 fr. brut.

L'employeur a conclu à sa libération et, reconventionnellement, au
paiement
d'un montant de 7'000 fr. par A.________.

En cours de procédure, A.________ a par deux fois augmenté ses
conclusions.

Par jugement du 9 décembre 2002, le Président du Tribunal de
prud'hommes de
l'arrondissement de Lausanne, après avoir refusé de prendre en
considération
les augmentations de conclusions formulées par A.________, a prononcé
que
X.________ était la débitrice de son ancien employé de la somme de
3'952,05
fr. brut, sous déduction des retenues légales, avec intérêt à 5 %
l'an dès le
1er septembre 2002, correspondant à l'indemnisation du solde de
vacances non
prises. Faisant droit à la demande reconventionnelle de X.________, le
Président a condamné A.________ à payer à celle-ci la somme de 7'000
fr. net
en remboursement du solde de l'avance accordée en 2001.

Par arrêt du 16 septembre 2003, la Chambre des recours du Tribunal
cantonal
vaudois a admis le recours interjeté par A.________ et réformé le
jugement de
première instance dans le sens où X.________ est reconnue la
débitrice de
A.________ de la somme de 13'000 fr. sous déduction des retenues
légales.
Contrairement au premier juge, elle a considéré en substance que
l'ancien
vendeur avait droit à la prime de 20'000 fr. prévue contractuellement,
montant auquel il fallait déduire 7'000 fr. correspondant au solde de
l'avance faite par X.________, soit 13'000 fr. moins les cotisations
légales.
Limitée par les conclusions admises en première instance, la Chambre
des
recours a indiqué qu'elle ne pouvait statuer au-delà du montant de
13'000
fr., de sorte qu'elle n'avait pas besoin d'examiner la question du
droit aux
vacances, ni celle de l'intérêt moratoire.

C.
Contre cet arrêt, X.________ (la défenderesse) interjette un recours
en
réforme au Tribunal fédéral. Elle conclut, sous suite de dépens, à
l'admission du recours et à la réforme de l'arrêt du 16 septembre
2003 en ce
sens que le jugement de première instance est confirmé dans la mesure
où il
retient que X.________ n'est pas la débitrice de A.________ de la
somme de
13'000 fr.

A. ________ (le demandeur) propose le rejet des conclusions de
X.________,
avec suite de frais et dépens.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusions
libératoires et
dirigé contre un jugement final rendu en dernière instance cantonale
par un
tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur une contestation civile
(cf. ATF
129 III 301 consid. 1.2.2 et les références citées) dont la valeur
litigieuse
atteint le seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ), le présent recours en
réforme
apparaît en principe recevable, puisqu'il a été déposé en temps utile
(art.
54 al. 1 OJ) et dans les formes requises (art. 55 OJ).

Il convient toutefois de souligner que, selon les exigences posées
par l'art.
55 al. 1 let. c OJ, l'acte de recours doit contenir les motifs à
l'appui des
conclusions présentées; ceux-ci doivent indiquer quelles sont les
règles de
droit fédéral violées par la décision attaquée et en quoi consiste
cette
violation. Dans ce contexte, il est exclu de se référer aux écritures
déposées en instance cantonale (ATF 115 II 83 consid. 3 p. 85; 110 II
74
consid. I/1 p. 78). Le renvoi que fait la défenderesse, à la fin de
son
écriture, aux arguments développés dans son mémoire adressé à la
Chambre des
recours n'est donc pas admissible. Le Tribunal fédéral n'entrera
ainsi en
matière que sur les griefs dûment développés dans l'acte de recours.

2.
En l'absence de recours joint (art. 59 al. 2 OJ), le litige se
limitera au
bien-fondé du versement d'une prime de 20'000 fr. au demandeur pour
l'année
2001. La Cour de céans ne se prononcera donc pas sur les éventuelles
autres
prétentions découlant du contrat de travail que l'ancien employé de la
défenderesse aurait pu faire valoir.

3.
La Chambre des recours a été amenée à interpréter la clause
contractuelle
prévoyant le versement au demandeur d'une prime de 20'000 fr. en cas
de vente
de 80 véhicules en une année, pour savoir si, comme le soutenait
l'employeur,
seuls les véhicules "flottes" étaient concernés. Considérant que la
réelle et
commune volonté des parties ne pouvait être établie sur ce point,
elle a
appliqué le principe de la confiance et est parvenue à une conclusion
opposée
à celle du premier juge. Alors que ce dernier avait retenu que la
prime
progressive de 20'000 due à partir de 80 véhicules vendus ne se
rapportait
qu'aux véhicules "flottes", la Chambre des recours a considéré que
tous les
véhicules vendus par le demandeur au cours de l'année devaient être
compris
et que, leur total dépassant 80 en 2001, celui-ci pouvait prétendre à
la
prime de 20'000 fr. Pour parvenir à cette conclusion, les juges ont
examiné
les documents écrits en leur possession et ont relevé que ces pièces
ne
contenaient aucune précision ou réserve relative aux véhicules vendus
donnant
droit à la prime progressive à partir d'une vente de 80 véhicules. La
Chambre
des recours a ensuite examiné les circonstances et en a conclu
qu'aucun
élément ne lui permettait d'en déduire que le texte de ces deux
pièces ne
restituerait pas exactement le sens de l'accord conclu entre les
parties.

4.
La défenderesse s'en prend à cette interprétation, reprochant à la
Chambre
des recours d'avoir violé les art. 18 CO et 2 CC.

4.1 En présence d'un litige sur l'interprétation de clauses
contractuelles,
le juge doit tout d'abord s'efforcer de déterminer la commune et
réelle
intention des parties, sans s'arrêter aux expressions ou dénominations
inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour
déguiser la
nature véritable de la convention (art. 18 al. 1 CO).

La Chambre des recours a procédé à cet examen et est parvenue à la
conclusion
qu'il n'était pas possible de déterminer la réelle et commune
intention des
parties. Il s'agit là d'une question d'appréciation des preuves, qui
ne peut
être remise en cause dans un recours en réforme (ATF 126 II 171
consid. 4c/bb
p. 182; 123 III 165 consid. 3a). Il n'y a donc pas lieu de se
prononcer sur
les doutes émis par la défenderesse à ce propos.

4.2 Si la volonté réelle des parties ne peut pas être établie ou si
elle est
divergente, le juge doit interpréter les comportements et les
déclarations
selon la théorie de la confiance (ATF 128 III 265 consid. 3a p. 266,
419
consid. 2.2 p. 422). L'application du principe de la confiance est une
question de droit que le Tribunal fédéral, saisi d'un recours en
réforme,
peut examiner librement (ATF 129 III 118 consid. 2.5 p. 123; 127 III
248
consid. 3a). Le juge doit rechercher comment une déclaration ou une
attitude
pouvait être comprise de bonne foi en fonction de l'ensemble des
circonstances (ATF 129 III 118 consid. 2.5; 126 III 375 consid. 2e/aa
p.
380). Il doit être rappelé que le principe de la confiance permet
d'imputer à
une partie le sens objectif de son comportement, peu importe que
celui-ci ne
corresponde pas à sa volonté intime (ATF 129 III 118 consid. 2.5; 128
III 419
consid. 2.2 p. 422).

Même si la teneur d'une clause contractuelle paraît claire à première
vue, il
peut résulter d'autres conditions du contrat, du but poursuivi par les
parties ou d'autres circonstances que son texte ne restitue pas
exactement le
sens de l'accord conclu (ATF 127 III 444 consid. 1b); il n'y a
cependant pas
lieu de s'écarter du sens littéral lorsqu'il n'y a pas de raisons
sérieuses
de penser qu'il ne correspond pas à la volonté des parties (ATF 129
III 118
consid. 2.5; 128 III 265 consid. 3a p. 267).

4.3 Procédant à une interprétation sous l'angle du principe de la
confiance,
la Chambre des recours a commencé par examiner les documents écrits
produits
par les parties. Elle a relevé que ni la lettre du 18 décembre 2000,
ni la
confirmation du contrat du 19 décembre 2000 ne contenaient de clauses
restreignant la prime de 20'000 fr. prévue en cas de vente de 80
véhicules
par le demandeur aux seuls véhicules appartenant à la catégorie
"flotte". Les
juges ont également vérifié si d'autres circonstances permettaient de
retenir
l'interprétation soutenue par l'employeur et n'en ont trouvé aucune.
Ils ont
ainsi relevé qu'il n'était ni allégué ni établi que la vente d'un
véhicule à
un client "flotte" serait moins lucrative qu'à un client particulier.
En
outre, le fait que le demandeur ait été soumis à des conditions de
rémunération différentes de celles des autres vendeurs de la
défenderesse,
car il occupait une fonction nouvelle et ne voulait pas prendre de
risque, ne
permettait pas d'en déduire que seule la vente de véhicules "flottes"
était
visée. La comparaison avec les autres vendeurs de voitures était
également
sans pertinence, puisque le demandeur bénéficiait d'un régime
spécial. Enfin,
le nouveau contrat du 6 février 2002 conclu entre les parties ne
permettait
pas d'en déduire la volonté de restreindre le droit à une commission
pour les
seuls véhicules vendus à des clients "flottes", car il ne prévoyait
pas non
plus de restriction quant à la qualité des acheteurs de ces véhicules.

On ne voit manifestement pas qu'une telle interprétation aille à
l'encontre
de l'art. 18 CO ou soit contraire au principe de la bonne foi. Au
contraire,
la Chambre des recours n'a fait qu'appliquer les règles
d'interprétation
posées par la jurisprudence (cf. supra consid. 4.2).

Les critiques de la défenderesse sont du reste dépourvues de
pertinence.
Ainsi, on ne peut manifestement pas suivre l'employeur lorsqu'il
affirme que
la mention, dans la confirmation d'engagement
du 19 décembre 2000, du
terme
"vendeur flottes" pour qualifier la fonction du demandeur devait de
bonne foi
permettre de comprendre que seuls les véhicules vendus à des clients
"flottes" entraient dans le calcul de la prime. De même, la note
manuscrite
se référant à un entretien entre le directeur de Lausanne et le
demandeur,
qui indiquait à ce dernier, à titre d'objectif, "cent véhicules apport
personnel" n'a aucune pertinence s'agissant des conditions
assortissant le
versement de la prime due dès la vente de 80 véhicules. En outre, la
comparaison avec la rémunération des autres vendeurs de la
défenderesse ne
peut avoir de caractère probant, puisqu'il a été retenu que le
demandeur
était soumis à un régime particulier, lié à une fonction nouvelle.
Enfin,
l'organisation spécifique du secteur des ventes de l'entreprise dont
cherche
à se prévaloir la défenderesse repose sur des éléments de fait ne
ressortant
pas de l'arrêt entrepris, de sorte que l'on ne saurait en tenir
compte dans
un recours en réforme (art. 55 al. 1 let. c et 63 al. 2 OJ; ATF 127
III 248
consid. 2c; 126 III 59 consid. 2a).

Le recours ne peut par conséquent qu'être rejeté.

5.
La défenderesse, qui succombe, sera condamnée aux dépens (art. 159
al. 1 OJ).
En revanche, aucun frais ne sera perçu, puisque la valeur litigieuse,
calculée selon la prétention à l'ouverture de l'action (ATF 115 II 30
consid.
5b p. 41; 100 II 358 consid. a), n'atteint pas le seuil de 30'000 fr.
(art.
343 al. 2 et 3 CO).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
La défenderesse versera au demandeur une indemnité de 2'500 fr. à
titre de
dépens.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la Chambre
des
recours du Tribunal cantonal vaudois.

Lausanne, le 12 décembre 2003

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.283/2003
Date de la décision : 12/12/2003
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-12-12;4c.283.2003 ?
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