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09/12/2003 | SUISSE | N°I.563/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 09 décembre 2003, I.563/02


{T 7}
I 563/02

Arrêt du 9 décembre 2003
IVe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Ferrari.
Greffière : Mme
Moser-Szeless

D.________, recourant, représenté par Nicole Chollet, juriste, FSIH
Service
juridique, place du Grand-Saint-Jean 1, 1003 Lausanne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 18 avril 2002)

Fai

ts :

A.
D. ________, titulaire d'un CFC de mécanicien-électricien, a exercé
par
intermittence divers emplois comme v...

{T 7}
I 563/02

Arrêt du 9 décembre 2003
IVe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Ferrari.
Greffière : Mme
Moser-Szeless

D.________, recourant, représenté par Nicole Chollet, juriste, FSIH
Service
juridique, place du Grand-Saint-Jean 1, 1003 Lausanne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 18 avril 2002)

Faits :

A.
D. ________, titulaire d'un CFC de mécanicien-électricien, a exercé
par
intermittence divers emplois comme vendeur ou aide-électricien.
Confronté à
des problèmes de toxicomanie depuis 1980, il a débuté un traitement de
méthadone depuis 1994 et été régulièrement suivi d'abord par le
docteur
A.________, généraliste, puis par la doctoresse B.________,
psychiatre.

Le 28 avril 1997, il a sollicité une rente de l'assurance-invalidité,
en
invoquant la toxicomanie et une dépression chronique. L'Office de
l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (ci-après: l'office) a
requis
les avis médicaux des médecins traitants de l'assuré. Il a également
confié
une expertise au docteur C.________, spécialiste FMH en
psychothérapie et
psychiatrie. Se fondant sur le rapport rendu par ce médecin le 15
janvier
2001, l'office a rejeté la demande de D.________ par décision du 27
juin
2001. Il a estimé que ce dernier ne présentait pas d'incapacité de
travail,
ni d'atteinte à la santé, la toxicomanie, en tant que telle, ne
pouvant être
considérée comme une atteinte invalidante au sens de
l'assurance-invalidité.

B.
Saisi d'un recours de l'assuré contre cette décision, le Tribunal
cantonal
des assurances l'a rejeté par jugement du 18 avril 2002.

C.
D.________ interjette recours de droit administratif contre ce
jugement dont
il demande l'annulation. Il conclut, principalement, à la
reconnaissance de
son droit à une rente entière d'invalidité et, subsidiairement, au
renvoi de
la cause à l'administration pour la mise en oeuvre d'une nouvelle
expertise
psychiatrique. A l'appui de son recours, il produit un «courrier des
lecteurs» paru dans le quotidien «24 heures» du 17 juillet 2002, des
articles
de ce journal des 9 et 17 juillet 2002, relatifs au fonctionnement de
l'office AI du canton de Vaud et à la remise en cause des compétences
professionnelles du docteur C.________, ainsi que la copie d'un
courrier du
docteur E.________, médecin cantonal vaudois du 5 juillet 2001
adressé au
psychiatre.

L'office conclut implicitement au rejet du recours, tandis que
l'Office
fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer.

D.
En cours de procédure fédérale, il est apparu que D.________ a été
volontairement privé de l'exercice des droits civils; une tutrice lui
a été
désignée en la personne de F.________, à G.________, par décision du 8
septembre 1999 de la Justice de Paix du district de X.________.
Ratifiant
tacitement le recours de droit administratif de son pupille,
F.________ a
obtenu de ladite autorité tutélaire l'autorisation de plaider devant
le
Tribunal fédéral des assurances.

Considérant en droit :

1.
1.1 Selon l'art. 4 al. 1 LAI (dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31
décembre
2002 [entrée en vigueur de la loi fédérale sur la partie générale du
droit
des assurances sociales, LPGA, au 1er janvier 2003] applicable en
l'espèce
[ATF 127 V 467 consid. 1, 121 V 366 consid. 1b]), l'invalidité est la
diminution de la capacité de gain, présumée permanente ou de longue
durée,
qui résulte d'une atteinte à la santé physique ou mentale provenant
d'une
infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident.
Parmi les atteintes à la santé psychique, qui peuvent, comme les
atteintes
physiques, provoquer une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI, on
doit
mentionner - à part les maladies mentales proprement dites - les
anomalies
psychiques qui équivalent à des maladies.

1.2 A teneur de la jurisprudence constante concernant les dépendances
comme
l'alcoolisme, la pharmacodépendance et la toxicomanie, une telle
dépendance
ne constitue pas en soi une invalidité au sens de la loi. En
revanche, elle
joue un rôle dans l'assurance-invalidité lorsqu'elle a provoqué une
maladie
ou un accident qui entraîne une atteinte à la santé physique ou
mentale,
nuisant à la capacité de gain, ou si elle résulte elle-même d'une
atteinte à
la santé physique ou mentale qui a valeur de maladie (VSI 1996 pp.
317, 320
et 323; RCC 1992 p. 182 consid. 2b et les références).

2.
Les premiers juges ont nié le droit du recourant à une rente de
l'assurance-invalidité en se fondant essentiellement sur le rapport
d'expertise du docteur C.________.
Le recourant conteste toute valeur probante à l'expertise ordonnée par
l'office intimé, au motif qu'un certain nombre de psychiatres et des
membres
du personnel soignant ont publiquement fait état de l'incompétence et
de la
partialité du docteur C.________ (cf. courrier des lecteurs du «24
heures» du
17 juillet 2002) et que ce dernier aurait fait l'objet d'un
avertissement par
le médecin cantonal.

3.
3.1
Un expert passe pour prévenu lorsqu'il existe des circonstances
propres à
faire naître un doute sur son impartialité. Dans ce domaine, il s'agit
toutefois d'un état intérieur dont la preuve est difficile à
rapporter. C'est
pourquoi il n'est pas nécessaire de prouver que la prévention est
effective
pour récuser un expert. Il suffit que les circonstances donnent
l'apparence
de la prévention et fassent redouter une activité partiale de
l'expert.
L'appréciation des circonstances ne peut pas reposer sur les seules
impressions de l'expertisé, la méfiance à l'égard de l'expert devant
au
contraire apparaître comme fondée sur des éléments objectifs (ATF 125
V 353
sv. consid. 3b/ee, 123 V 176 consid. 3d et l'arrêt cité; VSI 2001 p.
109 sv.
consid. 3b/ee; RAMA 1999 n° U 332 p. 193 consid. 2a/bb et les
références).

3.2 Les extraits du quotidien «24 heures» produits par le recourant
portent
en première ligne sur le fonctionnement de l'office AI vaudois,
critiqué par
certains membres du corps médical et du personnel soignant. Les
auteurs du
courrier des lecteurs du 17 juillet 2002 accusent également cet
office de
confier un grand nombre d'expertises au docteur C.________, dont ils
discutent les compétences professionnelles. En tant qu'elle porte sur
ce
point, la «prise de position publique de 33 confrères psychiatres»,
comme
l'exprime le recourant, ne permet pas d'étayer le grief de prévention
soulevé
par ce dernier. La critique porte sur les qualités professionnelles du
praticien mis en cause et non sur son impartialité (voir infra
consid. 4.1).

Dût-on, au demeurant, déduire des lignes publiées que leurs auteurs
reprochent au docteur C.________ la sévérité de ses appréciations
médicales,
que cela ne permettrait pas encore de mettre en évidence les éléments
objectifs requis par la jurisprudence précitée. Il en va de même du
courrier
du docteur E.________, médecin cantonal, du 5 juillet 2001 à l'expert,
portant sur les plaintes d'une assurée à l'égard du déroulement des
entretiens qu'elle a eus avec le docteur C.________ au cours d'une
expertise,
lesquelles ont, du reste, fait l'objet d'un article dans l'édition du
«24
heures» du 9 juillet 2002 produit par le recourant. On ne saurait
tirer des
circonstances d'une expertise concernant une tierce personne que les
investigations menées par l'expert avec le recourant n'auraient pas
été
effectuées conformément aux règles de l'art. A cet égard, on relèvera
que le
recourant s'est rendu à deux reprises à la consultation du docteur
C.________
pour l'établissement du rapport sans soulever d'objection à l'égard du
médecin. Ce n'est qu'en procédure fédérale qu'il en conteste
l'objectivité,
sans toutefois se référer à des circonstances particulières relatives
au
déroulement de ses rencontres avec l'expert ou au contenu du rapport
de ce
dernier. En l'absence d'éléments concrets permettant de douter de la
probité
du docteur C.________ lors de l'expertise dont le recourant a fait
l'objet,
le moyen tiré de l'apparence de prévention n'est donc pas fondé.

4.
4.1En réalité, ce que le recourant tente de remettre en cause, c'est
l'appréciation des preuves à laquelle la juridiction cantonale a
procédé
lorsqu'elle a été appelée à examiner le rapport d'expertise rédigé
par le
docteur C.________ à son sujet; ce qu'il conteste en se référant aux
informations de la presse et au courrier du médecin cantonal, ce sont
les
compétences professionnelles de ce médecin et, sous cet angle, la
valeur
probante des conclusions de son expertise. Il n'appartient toutefois
pas au
Tribunal fédéral des assurances de se prononcer sur l'aptitude
professionnelle de ce médecin (cf. arrêt L. du 19 mars 2003, I
702/02). Ce
dernier, membre de la Fédération des médecins suisses (FMH) était, et
est
toujours, titulaire du titre de spécialiste FMH en psychiatrie et en
psychothérapie; le recourant n'allègue, par ailleurs, pas que le
médecin
aurait fait l'objet d'une procédure de retrait de l'autorisation de
pratiquer
(cf. art. 79 de la loi vaudoise du 29 mai 1985 sur la santé publique
[RSVD
5.01 A; LSP] et Règlement vaudois du 26 août 1987 sur la procédure en
matière
de retrait d'autorisation de pratiquer et de mesures disciplinaires
prévues
par la LSP [RSVD 5.01 O]). Il dispose partant des qualifications
nécessaires
pour pratiquer son art et effectuer des expertises médicales (art. 11
de la
loi fédérale concernant l'exercice des professions de médecin, de
pharmacien
et de vétérinaire dans la Confédération suisse [RS 811.11]; art. 91
let. a et
94 LSP).

4.2 En ce qui concerne la valeur probante du rapport d'expertise en
cause, on
relèvera que le psychiatre a posé son diagnostic au regard des
critères du
Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux DSM IV édité
par
l'Association des psychiatres américains (American Psychiatric
Association),
qui préconise l'évaluation multiaxiale. Il mentionne, sur l'axe I, une
dysthymie sévère actuellement d'intensité légère, dépendance et abus à
l'héroïne actuellement en rémission partielle (substituée à la
méthadone).
Sur l'axe II, il retient le diagnostic de personnalité immature et
dépendante
à traits évitants, ainsi que, sur l'axe IV, des difficultés
psychosociales,
alors qu'aucun diagnostic n'est posé sur l'axe III. Tout en relevant
que le
problème principal demeure la dépendance à l'héroïne présente depuis
1980, le
psychiatre est d'avis que celle-ci n'est pas secondaire à des troubles
psychiatriques, en particulier à un grave trouble de la personnalité.
Par
ailleurs, le trouble dysthymique, qui est apparu en 1994/1995 et s'est
aggravé par la suite en 1997, est, au moment de l'expertise, léger -
le
patient répondant apparemment bien au traitement -, si bien qu'il ne
représente pas un handicap majeur pour une activité professionnelle
adaptée
aux compétences de ce dernier. En tenant compte de la dysthymie et du
trouble
de la personnalité, le psychiatre estime la capacité de travail du
recourant
à un taux de 70 à 80%. Ces conclusions sont fondées sur deux
entretiens
personnels, des tests psychométriques et un examen clinique, l'étude
du
dossier, dont les rapports médicaux antérieurs des docteurs
A.________ et
B.________, et une anamnèse approfondie du patient. Par ailleurs, les
considérations médicales sont clairement exprimées et bien motivées.
Dès
lors, à l'instar des premiers juges, on peut retenir que ce rapport
répond à
toutes les exigences posées par la jurisprudence en la matière,
rappelées
dans le jugement entrepris auquel il suffit de renvoyer sur ce point
(cf.
consid. 2d; ATF 125 V 352 consid. 3a, 122 V 160 consid. 1c et les
références), si bien que l'on peut lui reconnaître pleine valeur
probante.

Pour le surplus, le recourant ne développe, devant la Cour de céans,
aucune
argumentation topique relatif au rapport d'expertise du docteur
C.________
dont il ne discute pas le résultat. En l'absence de tout élément
objectif
susceptible de montrer que l'appréciation de l'expert serait erronée,
il n'y
a pas lieu de s'en écarter, ni d'ordonner, comme le voudrait le
recourant, le
renvoi de la cause à l'administration pour la mise en oeuvre d'une
nouvelle
expertise psychiatrique.

5.
Compte tenu du diagnostic et des conclusions du docteur C.________,
il y a
lieu de retenir que le recourant présente des troubles psychiques au
sens de
l'art. 4 al. 1 aLAI (dysthymie et trouble de la personnalité) qui
entraînent
une diminution de sa capacité de travail de 20 à 30%. Au vu des
constatations
médicales, il n'existe toutefois pas de limitation dans le cadre de la
profession apprise, ni dans celle de vendeur exercée pendant un
certain temps
par le recourant, de sorte qu'on peut raisonnablement exiger de lui
qu'il
mette à profit sa capacité de travail dans cette activité. Par
ailleurs, en
l'absence d'indices laissant apparaître que la diminution de la
capacité de
gain du recourant serait plus importante proportionnellement que
celle qu'il
subit sur le plan de sa capacité de travail, on constate que le
recourant ne
présente pas un degré d'invalidité suffisant pour ouvrir droit à une
rente
(art. 28 al. 1 1ère phrase LAI).

Il est vrai, comme l'ont retenu les premiers juges, qu'un taux

d'invalidité
de l'ordre de 20 à 30% est propre à ouvrir le droit à une mesure de
reclassement (ATF 124 V 110 consid. 2b). Le cas échéant, il
appartiendra donc
à l'administration d'examiner, à la requête de l'assuré, quelle
mesure de
réadaptation d'ordre professionnel se justifierait au regard des
critères
dégagés par la jurisprudence à cet égard (ATF 124 V 109 consid. 2a).

6.
Au vu de ce qui précède, le recours se révèle mal fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des
assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 9 décembre 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IVe Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.563/02
Date de la décision : 09/12/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-12-09;i.563.02 ?
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