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09/12/2003 | SUISSE | N°C.141/03

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 09 décembre 2003, C.141/03


{T 7}
C 141/03

Arrêt du 9 décembre 2003
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Lustenberger et Kernen. Greffier :
M.
Berthoud

M.________, recourant,

contre

Service cantonal des arts et métiers et du travail du canton du Jura,
rue du
24-Septembre 1, 2800 Delémont, intimé

Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Chambre des
assurances,
Porrentruy

(Jugement du 5 mai 2003)

Faits:

A.
M.________ était associé gérant, avec signa

ture individuelle, de la
société
X.________ sàrl, dont le but social était l'importation de denrées
alimentaires. Il disposait d'une...

{T 7}
C 141/03

Arrêt du 9 décembre 2003
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Lustenberger et Kernen. Greffier :
M.
Berthoud

M.________, recourant,

contre

Service cantonal des arts et métiers et du travail du canton du Jura,
rue du
24-Septembre 1, 2800 Delémont, intimé

Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Chambre des
assurances,
Porrentruy

(Jugement du 5 mai 2003)

Faits:

A.
M.________ était associé gérant, avec signature individuelle, de la
société
X.________ sàrl, dont le but social était l'importation de denrées
alimentaires. Il disposait d'une part sociale de 19'000 fr., la
seconde, de
1'000 fr. étant en mains de Y.________, associé avec procuration
collective à
deux.

X. ________ sàrl a repris l'exploitation du restaurant Z.________ à
U.________ dès le mois de mars 2001. Pour des raisons économiques,
les deux
associés ont mis fin à l'exploitation du restaurant au 30 septembre
2002 et
X.________ sàrl a licencié M.________ pour cette date. La société
n'avait
plus d'activité commerciale, mais avait été maintenue en prévision
d'une
nouvelle activité.

M.________ a requis le versement d'indemnités de chômage à partir du
14
octobre 2002, en précisant qu'il avait été salarié de X.________ sàrl
(gestionnaire du restaurant Z.________) du 1er mars au 30 septembre
2002.
Statuant sur cas soumis à examen, le Service des arts et métiers et du
travail du canton du Jura a nié le droit du prénommé à l'indemnité,
par
décision du 20 décembre 2002.

B.
M.________ a déféré cette décision à la Chambre des assurances du
Tribunal
cantonal du canton du Jura, en concluant au versement d'indemnités de
chômage
dès le 14 octobre 2002.

La juridiction cantonale de recours l'a débouté, par jugement du 5
mai 2003.

C.
M.________ interjette recours de droit administratif contre ce
jugement dont
il demande l'annulation, avec suite de dépens, en reprenant les
conclusions
formulées en première instance.

L'intimé conclut au rejet du recours, tandis que le Secrétariat
d'Etat à
l'économie a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le litige porte sur le droit du recourant à l'indemnité de chômage
(art. 8
LACI) à partir du 14 octobre 2002. Il s'agit plus précisément
d'examiner si
son statut d'associé gérant dans la sàrl faisait obstacle au
versement de
l'indemnité.

2.
Pour nier le droit du recourant aux prestations de
l'assurance-chômage,
l'intimé et les premiers juges ont fait application de la
jurisprudence
découlant de l'arrêt ATF 123 V 234.

D'après cette jurisprudence, un travailleur qui jouit d'une situation
professionnelle comparable à celle d'un employeur n'a pas droit à
l'indemnité
de chômage lorsque, bien que licencié formellement par une
entreprise, il
continue de fixer les décisions de l'employeur ou à influencer
celles-ci de
manière déterminante. Dans le cas contraire, en effet, on
détournerait par le
biais d'une disposition sur l'indemnité de chômage la réglementation
en
matière d'indemnité en cas de réduction de l'horaire de travail, en
particulier l'art. 31 al. 3 let. c LACI. Selon cette disposition
légale,
n'ont pas droit à l'indemnité les personnes qui fixent les décisions
que
prend l'employeur - ou peuvent les influencer considérablement - en
qualité
d'associé, de membre d'un organe dirigeant de l'entreprise ou encore
de
détenteur d'une participation financière à l'entreprise; il en va de
même des
conjoints de ces personnes, qui sont occupés dans l'entreprise. Dans
ce sens,
il existe un étroit parallélisme entre l'indemnité en cas de
réduction de
l'horaire de travail et le droit à l'indemnité de chômage. La
situation est
en revanche différente quand le salarié, se trouvant dans une position
assimilable à celle de l'employeur, quitte définitivement
l'entreprise en
raison de la fermeture de celle-ci; en pareil cas, on ne saurait
parler d'un
comportement visant à éluder la loi. Il en va de même lorsque
l'entreprise
continue d'exister mais que le salarié, par suite de la résiliation
de son
contrat, rompt définitivement tout lien avec la société. Dans un cas
comme
dans l'autre, l'intéressé peut en principe prétendre des indemnités de
chômage (ATF 123 V 238 consid. 7b/bb; SVR 2001 ALV n° 14 pp. 41-42
consid.
2a; DTA 2002 p. 184 consid. 2, 2000 n° 14 p. 70 consid. 2).

3.
Le recourant n'ignore pas cette jurisprudence, qui a été confirmée
dans un
arrêt R. du 22 novembre 2002, C 37/02, et plus récemment dans un
arrêt F. du
14 avril 2003, C 92/02. En ce qui le concerne, le recourant soutient
que
l'application de cette jurisprudence relève du formalisme excessif.
En effet,
il allègue qu'il n'avait aucune intention de réactiver la société
X.________
sàrl (qui n'avait plus d'actifs ni d'activité), mais que celle-ci
avait été
maintenue uniquement en vue de la remettre à un tiers. Selon le
recourant, la
cessation de l'activité équivalait à une dissolution, ce qui s'est du
reste
produit quelques mois plus tard.

Il ajoute que l'administration lui fait un procès d'intention en
invoquant le
risque de détournement de la réglementation en matière d'indemnités
en cas de
réduction de l'horaire de travail. A cet égard, le recourant estime
que les
indemnités de chômage devraient pouvoir être allouées rétroactivement,
lorsqu'un assuré a rapporté la preuve de l'inactivité de sa société
et de son
absence de prise de décision ou d'influence quelconque.

Enfin, il reproche à la caisse de chômage d'avoir manqué à son devoir
de
l'informer sur la portée de la jurisprudence.

4.
Le fait de subordonner, pour un travailleur jouissant d'une position
analogue
à celle d'un employeur, le versement des indemnités de chômage à la
rupture
de tout lien avec la société qui l'employait, peut certes paraître
rigoureux
selon les circonstances du cas d'espèce. Il ne faut néanmoins pas
perdre de
vue les motifs qui ont présidé à cette exigence. Il s'est agi avant
tout de
permettre le contrôle de la perte de travail du demandeur d'emploi,
qui est
une des conditions mises au droit à l'indemnité de chômage (cf. art.
8 al. 1
let. b LACI). Or, si un tel contrôle est facilement exécutable
s'agissant
d'un employé qui perd son travail ne serait-ce que partiellement, il
n'en va
pas de même des personnes occupant une fonction dirigeante qui, bien
que
formellement licenciés, poursuivent une activité pour le compte de la
société
dans laquelle ils travaillaient. De par leur position particulière,
ces
personnes peuvent en effet exercer une influence sur la perte de
travail
qu'elles subissent, ce qui rend justement leur chômage difficilement
contrôlable. C'est la raison pour laquelle le Tribunal fédéral des
assurances
a posé des critères stricts permettant de lever d'emblée toute
ambiguïté
relativement à l'existence et à l'importance de la perte de travail
d'assurés
dont la situation professionnelle est comparable à celle d'un
employeur.
Contrairement à ce que prétend le recourant, il n'y a pas de place,
dans ce
contexte, pour un examen au cas par cas d'un éventuel abus de droit
de la
part d'un assuré. Lorsque l'administration statue pour la première
fois sur
le droit à l'indemnité d'un chômeur, elle émet un pronostic quant à la
réalisation des conditions prévues par l'art. 8 LACI. Aussi longtemps
qu'une
personne occupant une fonction dirigeante maintient des liens avec sa
société, non seulement la perte de travail qu'elle subit est
incontrôlable
mais la possibilité subsiste qu'elle décide d'en poursuivre le but
social
(cf. DTA 2002 p. 183; arrêt R. du 22 novembre 2002, C 37/02). Dans un
tel cas
de figure, il est donc impossible de déterminer si les conditions
légales
sont réunies sauf à procéder à un examen a posteriori de l'ensemble
de la
situation de l'intéressé, ce qui est contraire au principe selon
lequel cet
examen a lieu au moment où il est statué sur les droits de l'assuré.
Au
demeurant, ce n'est pas l'abus avéré comme tel que la loi et la
jurisprudence
entendent sanctionner ici, mais le risque d'abus que représente le
versement
d'indemnités à un travailleur jouissant d'une situation comparable à
celle
d'un employeur (arrêt F. du 14 avril 2003, C 92/02).

Quant au moyen tiré de la violation, par l'administration, de son
devoir de
renseigner, il est mal fondé. En effet, il sied de rappeler que les
organes
de l'assurance-chômage ne sont pas tenus de renseigner spontanément
l'assuré
- sans avoir été questionnés par celui-ci - ou d'attirer son
attention sur le
risque d'un préjudice. Il en va de même en ce qui concerne le risque
de
perdre des prestations d'assurances sociales. Seul l'art. 20 al. 4
OACI,
abrogé au 1er janvier 2003, prévoyait une exception, non pertinente en
l'occurrence (DTA 2002 p. 115 consid. 2c, 2000 n° 20 pp. 98-99
consid. 2b).
Quant aux nouvelles règles découlant de la loi fédérale sur la partie
générale du droit des assurances sociales (LPGA), entrée en vigueur
le 1er
janvier 2003, elles ne sont pas applicables car le juge n'a pas à
tenir
compte des modifications du droit ou de l'état de fait survenues
après que la
décision litigieuse a été rendue, in casu en 2002 (cf. ATF 127 V 467
consid.
1, 121 V 366 consid. 1b).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal de
la
République et canton du Jura, Chambre des assurances, et au
Secrétariat
d'Etat à l'économie.

Lucerne, le 9 décembre 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIIe Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.141/03
Date de la décision : 09/12/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-12-09;c.141.03 ?
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