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08/12/2003 | SUISSE | N°5P.363/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 08 décembre 2003, 5P.363/2003


{T 0/2}
5P.363/2003 /frs

Arrêt du 8 décembre 2003
IIe Cour civile

MM. et Mme les Juges Raselli, Président,
Hohl et Marazzi.
Greffier: M. Abrecht.

X. ________,
recourant, représenté par Me Aba Neeman, avocat,

contre

Banque Y.________,
intimée, représentée par Me Jacques Haldy, avocat,
Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal vaudois, route
du
Signal 8, 1014 Lausanne.

art. 9 Cst. (mainlevée provisoire de l'opposition),

recours de droit public contre l'ar

rêt de la Cour des poursuites et
faillites
du Tribunal cantonal vaudois du 10 avril 2003.

Faits:

A.
Par contr...

{T 0/2}
5P.363/2003 /frs

Arrêt du 8 décembre 2003
IIe Cour civile

MM. et Mme les Juges Raselli, Président,
Hohl et Marazzi.
Greffier: M. Abrecht.

X. ________,
recourant, représenté par Me Aba Neeman, avocat,

contre

Banque Y.________,
intimée, représentée par Me Jacques Haldy, avocat,
Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal vaudois, route
du
Signal 8, 1014 Lausanne.

art. 9 Cst. (mainlevée provisoire de l'opposition),

recours de droit public contre l'arrêt de la Cour des poursuites et
faillites
du Tribunal cantonal vaudois du 10 avril 2003.

Faits:

A.
Par contrat des 10 et 19 avril 1996, la Banque Y.________ (ci-après :
la
Banque) a accordé à X.________ (ci-après : le débiteur) un prêt
hypothécaire
à taux fixe de 6'000'000 fr., pour une durée de deux ans. Ce prêt
était
remboursable en totalité à l'échéance mais pouvait être renouvelé. A
titre de
garantie, le débiteur a notamment cédé à la Banque la propriété d'une
cédule
hypothécaire d'un capital de 7'000'000 fr., constituée en 1967,
inscrite en
premier rang et grevant la parcelle n° xxx de la commune de Lausanne.
Cette
cédule hypothécaire contient la clause suivante :
"Le prêt pourra être dénoncé au remboursement en tout temps par l'une
ou
l'autre des parties, moyennant un préavis de 6 mois. En dehors des cas
légaux, le créancier pourra exiger le remboursement immédiat du prêt
si la
débitrice ou la constituante du gage fait l'objet de l'un des procédés
juridiques de la LP ou si une hypothèque légale est inscrite sur les
immeubles grevés."
Par lettre de crédit du 20 février 2001, contresignée le 5 mars 2001
par le
débiteur, la Banque a confirmé le prêt hypothécaire de 6'000'000 fr.,
en
précisant que le prêt pouvait être dénoncé aux mêmes conditions que la
créance incorporée dans le titre hypothécaire remis en garantie.

B.
Le 11 juin 2002, le juge instructeur de la Cour civile du Tribunal
cantonal
vaudois a rendu une ordonnance de mesures préprovisionnelles ordonnant
l'inscription d'une hypothèque légale provisoire pour un montant de
120'885
fr. 10 sur la parcelle n° xxx de la commune de Lausanne.
Par ailleurs, selon une liste des poursuites du 24 juillet 2002, le
débiteur
faisait l'objet de deux poursuites : l'une, du 9 décembre 1988, était
frappée
d'opposition partielle; l'autre, du 5 décembre 2001, était au stade
de l'avis
de saisie provisoire, établi le 2 mai 2002.

Informée de cette situation, la Banque a dénoncé le 6 août 2002 au
remboursement avec effet immédiat la cédule hypothécaire de 7'000'000
fr. qui
lui avait été remise en garantie, et elle a fait valoir l'exigibilité
du
solde du prêt hypothécaire. Elle a ainsi mis le débiteur en demeure
de verser
jusqu'au 25 août 2002 la somme de 6'000'000 fr. (soit le capital du
prêt
hypothécaire, les intérêts étant réservés).

C.
A la même date du 6 août 2002, la Banque a déposé une réquisition de
poursuite en réalisation de gage immobilier pour le capital de la
cédule
hypothécaire. Le débiteur ayant fait opposition au commandement de
payer qui
lui a été notifié le 9 août 2002, la Banque a requis la mainlevée
provisoire
de l'opposition. Le 3 octobre 2002, le Président du Tribunal
d'arrondissement
de Lausanne a prononcé la mainlevée provisoire à concurrence de
7'000'000 fr.
plus intérêt à 6% l'an dès le 6 août 1999 et a constaté l'existence
du droit
de gage.
Par arrêt du 10 avril 2003, la Cour des poursuites et faillites du
Tribunal
cantonal vaudois, admettant partiellement le recours du débiteur, a
réformé
ce prononcé en ce sens que l'opposition n'a été levée qu'à
concurrence de
6'000'000 fr. plus intérêt à 6% l'an dès le 7 août 2002, le prononcé
étant
maintenu pour le surplus. La motivation de cet arrêt sera exposée
plus loin
(consid. 2.3) dans la mesure utile.

D.
Agissant par la voie du recours de droit public au Tribunal fédéral,
le
débiteur conclut avec suite de frais et dépens à l'annulation de cet
arrêt.
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
La décision prononçant ou refusant en dernière instance cantonale
(art. 86
al. 1 OJ) la mainlevée ¿ provisoire ou définitive ¿ de l'opposition
est une
décision finale (cf. art. 87 OJ) qui peut faire l'objet d'un recours
de droit
public (ATF 120 Ia 256 consid. 1a; 111 III 8 consid. 1; 98 Ia 348
consid. 1,
527 consid. 1 et les arrêts cités; 94 I 365 consid. 3). Le recours
est par
conséquent recevable de ce chef.

2.
2.1Dans un argument d'ordre formel qu'il convient d'examiner en
premier lieu
(cf. ATF 124 I 49 consid. 1), le recourant reproche à l'autorité
cantonale
une violation de son droit d'obtenir une décision motivée pour s'être
bornée,
après avoir relevé le manque de précision de la clause litigieuse, à
retenir
sans autres explications que la poursuite qui était au stade de la
saisie
provisoire en mai 2002 pouvait bien être considérée comme un "procédé
juridique de la LP". Selon le recourant, l'autorité cantonale aurait

expliciter pourquoi il était suffisant que la poursuite atteigne le
stade de
la saisie provisoire, et non celui de la saisie définitive, pour que
le prêt
puisse être valablement dénoncé; en outre, elle aurait dû rechercher
quelle
était l'intention des parties à ce propos.

2.2 Selon la jurisprudence, le droit d'être entendu (art. 29 al. 2
Cst.)
implique notamment l'obligation pour le juge de motiver ses
décisions, afin
que le justiciable puisse les comprendre et exercer ses droits de
recours à
bon escient. Le juge doit ainsi mentionner, au moins brièvement, les
motifs
qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à
ce que
l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et
l'attaquer en
connaissance de cause, mais aussi à ce que l'autorité de recours
puisse
contrôler l'application du droit (ATF 129 I 232 consid. 3.2; 126 I 97
consid.
2b; 122 IV 8 consid. 2c; 121 I 54 consid. 2c et les arrêts cités).

2.3 En l'espèce, les juges cantonaux ont relevé que la clause de
remboursement litigieuse n'était pas très précise et que l'expression
"procédés juridiques de la LP" pouvait être interprétée comme visant
"simplement l'existence de poursuites exécutoires ou, plus
strictement, d'une
saisie définitive"; sans expliciter plus avant leur interprétation,
ils ont
considéré que la poursuite engagée en décembre 2001, qui était au
stade de la
saisie provisoire en mai 2002, pouvait être considérée comme un
"procédé
juridique de la LP" au sens de la clause litigieuse.

Quoique brève et quelque peu elliptique, cette motivation satisfait
aux
exigences posées par la jurisprudence précitée. S'agissant d'une
interprétation selon le principe de la confiance ¿ une interprétation
fondée
sur la réelle et commune intention des parties étant exclue, puisque
la
clause litigieuse a été insérée dans la cédule hypothécaire en 1980
et que le
recourant a acquis l'immeuble grevé en 1994 ¿, la cour cantonale a
manifestement estimé que l'expression "procédés juridiques de la LP"
était
formulée de manière suffisamment large pour inclure en tout cas une
saisie
provisoire. Le recourant était parfaitement à même de saisir le
raisonnement
de l'autorité cantonale et de l'attaquer en connaissance de cause,
comme il
l'a d'ailleurs fait dans son grief principal qui sera examiné
ci-après.

3.
3.1Selon le recourant, l'autorité cantonale aurait fait une
interprétation
arbitraire de la clause de remboursement contenue dans la cédule
hypothécaire
en admettant que la saisie provisoire constituait un "procédé
juridique de la
LP" au sens de cette clause. Après avoir rappelé la nature et
l'origine de la
procédure sommaire de mainlevée provisoire de l'opposition, le
recourant
affirme qu'une interprétation téléologique de la loi (sic) devrait
forcément
conduire à constater que la saisie provisoire ne constitue pas un
"procédé
juridique de la LP" au sens de la clause litigieuse. En effet, le but
de
cette dernière serait clairement d'éviter les cas où le débiteur se
serait
trouvé dans une situation ne lui permettant pas d'honorer ses
engagements,
soit dans une situation proche de l'insolvabilité; or une simple
saisie
provisoire ne permettrait pas à elle seule d'établir que le débiteur
serait
proche de l'insolvabilité et ne serait pas en mesure de rembourser ses
dettes. En outre, reconnaître la saisie provisoire comme un "procédé
juridique de la LP" ouvrirait la voie à bon nombre de situations
abusives et
mettrait en péril la sécurité du droit et des rapports contractuels :
cela
signifierait en effet que tout un chacun, sollicité ou non par la
banque
créancière, serait en mesure de faire échec au maintien d'un contrat
de prêt
hypothécaire contenant une telle clause, par une simple réquisition de
poursuite qui n'aurait mené qu'à une saisie provisoire.

3.2 Par cette argumentation, le recourant ne démontre pas qu'il serait
arbitraire d'interpréter la clause litigieuse, selon le principe de la
confiance (cf. consid. 2.3 supra), en ce sens qu'une saisie provisoire
constitue "l'un des procédés juridiques de la LP" permettant au
créancier
d'exiger le remboursement immédiat du prêt. Il convient de souligner
d'emblée
que la portée de l'interprétation de cette clause, insérée en vertu de
l'autonomie de la volonté dans la cédule hypothécaire grevant
l'immeuble du
recourant, est limitée à la présente espèce. C'est dès lors en vain
que le
recourant tente d'argumenter comme s'il s'agissait de trancher une
question
qui se poserait dans un grand nombre de cas.
En outre, le dépôt d'une réquisition de poursuite ne suffit
évidemment pas
pour requérir une saisie provisoire; il faut encore que le créancier
ait
obtenu la mainlevée provisoire de l'opposition (cf. art. 83 al. 1
LP), ce qui
présuppose que le créancier ait pu produire une reconnaissance de
dette (cf.
art. 82 al. 1 LP) ¿ soit un titre apparemment probant quant à
l'existence et
à l'exigibilité de sa créance (Pierre-Robert Gilliéron, Commentaire
de la loi
fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, Articles 1-88,
1999, n.
22 ad art. 82 LP) ¿ et que le débiteur, de son côté, n'ait pas pu
rendre
vraisemblable sa libération (cf. art. 82 al. 2 LP). En d'autres
termes,
l'existence d'une saisie provisoire, à la différence de la seule
introduction
d'une poursuite (cf. art. 38 al. 1 et 67 al. 1 LP), implique que le
débiteur
n'a pas payé une dette dont l'existence et l'exigibilité ont à tout
le moins
été rendues vraisemblables. Cela étant, il n'apparaît en tout cas pas
arbitraire d'interpréter l'expression relativement large de "procédés
juridiques de la LP" comme comprenant la saisie provisoire, dont
l'existence
permet légitimement au créancier hypothécaire de craindre pour le
recouvrement de sa créance.

4.
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté comme
manifestement mal fondé. La requête d'assistance judiciaire fondée
sur l'art.
152 OJ doit également être rejetée, le recours apparaissant d'emblée
voué à
l'échec dès lors qu'il doit être rejeté dans le cadre de la procédure
simplifiée de l'art. 36a OJ (cf. Poudret/Sandoz-Monod, Commentaire de
la loi
fédérale d'organisation judiciaire, vol. V, 1992, n. 5 ad art. 152
OJ).
Partant, le recourant supportera les frais judiciaires (art. 156 al.
1 OJ).

Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
La requête d'assistance judiciaire du recourant est rejetée.

3.
Un émolument judiciaire de 15'000 fr. est mis à la charge du
recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal vaudois.

Lausanne, le 8 décembre 2003

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.363/2003
Date de la décision : 08/12/2003
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-12-08;5p.363.2003 ?
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