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04/12/2003 | SUISSE | N°6S.380/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 04 décembre 2003, 6S.380/2003


{T 0/2}
6S.380/2003 /pai

Arrêt du 4 décembre 2003
Cour de cassation pénale

MM. les Juges Schneider, Président,
Wiprächtiger et Kolly.
Greffière: Mme Kistler.

X. ________,
recourant, représenté par Me Gilles Monnier, avocat,

contre

Ministère public du canton de Vaud,
rue de l'Université 24, case postale, 1014 Lausanne.

Délit de fuite après accident (art. 92 al. 2 LCR); fixation de la
peine (art.
63 CP); sursis (art. 41 CP) et expulsion (art. 55 CP),

pourvoi en nullitÃ

© contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de
Vaud,
Cour de cassation pénale, du 10 février 2003.

Faits:

A....

{T 0/2}
6S.380/2003 /pai

Arrêt du 4 décembre 2003
Cour de cassation pénale

MM. les Juges Schneider, Président,
Wiprächtiger et Kolly.
Greffière: Mme Kistler.

X. ________,
recourant, représenté par Me Gilles Monnier, avocat,

contre

Ministère public du canton de Vaud,
rue de l'Université 24, case postale, 1014 Lausanne.

Délit de fuite après accident (art. 92 al. 2 LCR); fixation de la
peine (art.
63 CP); sursis (art. 41 CP) et expulsion (art. 55 CP),

pourvoi en nullité contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de
Vaud,
Cour de cassation pénale, du 10 février 2003.

Faits:

A.
Par jugement du 13 novembre 2002, le Tribunal correctionnel de
l'arrondissement de l'Est vaudois a condamné X.________ pour lésions
corporelles graves par négligence, violation grave des règles de la
circulation routière, délit de fuite après accident, conduite d'un
véhicule
sans assurance responsabilité civile et usage abusif de permis ou de
plaques,
à la peine de douze mois d'emprisonnement, sous déduction de six
jours de
détention préventive, ainsi qu'à une amende de 100 francs. Il a
ordonné en
outre l'expulsion de X.________ du territoire suisse pour une durée
de trois
ans, avec sursis pendant deux ans.

Statuant le 10 février 2003 sur recours de X.________, la Cour de
cassation
pénale du Tribunal cantonal vaudois a confirmé ce jugement.

B.
Cet arrêt repose pour l'essentiel sur les faits suivants:
B.aAlors qu'il roulait à vive allure sur la route principale,
X.________ a
entrepris de dépasser une colonne de véhicules et a percuté de plein
fouet le
véhicule conduit par A.________, qui avait régulièrement obliqué à
gauche,
clignoteur enclenché, pour s'engager sur une route secondaire. Alors
que les
secours s'organisaient, X.________ a quitté les lieux sans se
préoccuper de
l'état de la victime et sans laisser son identité. Il s'est rendu à la
gendarmerie de Villeneuve, puis au Centre AR de Rennaz. Il n'est
revenu sur
les lieux de l'accident qu'une heure et demie plus tard, sans
s'annoncer à la
gendarmerie qui procédait au constat. Interpellé par un gendarme,
X.________
a admis être un des occupants du véhicule qui avait causé l'accident,
mais a
contesté en être le conducteur. L'autorité cantonale s'est toutefois
déclarée
convaincue du contraire.

B.b Né au Kosovo en 1968, X.________ vit en Suisse depuis près de 20
ans. Il
a exercé une activité lucrative dans notre pays pendant 13 ans. Puis,
à cause
de problèmes de santé, il a dû réduire son taux d'activité,
n'exerçant plus
que quelques petits travaux. Marié en 1992, il a quatre enfants, le
dernier
étant né le 12 mai 2002; les trois aînés sont régulièrement
scolarisés dans
la région de Villeneuve. Son épouse exerce une activité régulière et
subvient
aux besoins du ménage.

La réputation de X.________ est contrastée. A la lecture du dossier,
il
apparaît comme étant joueur, bagarreur, dangereux et peu scrupuleux.
Les
témoins de moralité entendus à l'audience de jugement l'ont décrit en
revanche comme sympathique et menant une vie rangée. Il s'occuperait
bien de
ses enfants.

B.c Le casier judiciaire de X.________ mentionne quatre
condamnations: en
août 1991, cinq jours d'emprisonnement, avec sursis pendant deux ans,
et 300
francs d'amende, avec délai d'épreuve de même durée, pour violation
grave des
règles de la circulation, conduite sans permis et circulation avec un
véhicule en mauvais état d'entretien, sursis révoqué le 1er décembre
1993; en
juin 1993, vingt jours d'emprisonnement, avec sursis pendant deux
ans, et 400
francs d'amende, avec délai d'épreuve de même durée, pour faux dans
les
certificats, violation simple des règles de la circulation et
conduite malgré
un retrait du permis; en décembre 1993, quinze jours d'arrêts et 100
francs
d'amende pour conduite d'un véhicule malgré un retrait du permis
d'élève
conducteur; en septembre 1998, quarante-cinq jours d'emprisonnement,
pour
recel et contravention à la LStup.

Le fichier des mesures administratives en matière de circulation
comporte en
outre sept inscriptions sur une période de neuf ans.

C.
X.________ se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral. Invoquant une
violation de l'art. 92 al. 2 LCR, ainsi que des art. 63, 41 et 55 CP,
il
conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué. En outre, il sollicite
l'assistance judiciaire et l'effet suspensif.

La Cour de cassation vaudoise a renoncé à déposer des observations.
Le Ministère public vaudois conclut au rejet du pourvoi.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Saisi d'un pourvoi en nullité, le Tribunal fédéral contrôle
l'application du
droit fédéral (art. 269 PPF) sur la base exclusive de l'état de fait
définitivement arrêté par l'autorité cantonale (cf. art. 277bis et
273 al. 1
let. b PPF). Le raisonnement juridique doit se fonder sur les faits
retenus
dans la décision attaquée, dont le recourant ne peut s'écarter.
Le Tribunal fédéral n'est pas lié par les motifs invoqués, mais il ne
peut
aller au-delà des conclusions du recourant (art. 277bis PPF).
Celles-ci, qui
doivent être interprétées à la lumière de leur motivation,
circonscrivent les
points litigieux (ATF 126 IV 65 consid. 1 p. 66).

2.
Le recourant conteste avoir violé ses devoirs en cas d'accident;
c'est ainsi
à tort que l'autorité cantonale aurait retenu contre lui une
violation de
l'art. 92 al. 2 LCR.

2.1 Selon cette disposition, le conducteur qui a pris la fuite après
avoir
tué ou blessé une personne lors d'un accident de la circulation sera
puni de
l'emprisonnement.
En l'espèce, il n'est pas douteux que l'on se trouve en présence d'un
accident de la circulation, dès lors que le recourant, au volant de sa
voiture, a percuté de plein fouet le véhicule conduit par A.________.
Il est
également constant qu'une personne a été blessée lors de cet accident
et que
le recourant doit être qualifié de conducteur. Il reste donc
uniquement à
déterminer si le recourant a "pris la fuite".

2.2 Selon la jurisprudence, la fuite consiste à ne pas se tenir
disponible,
en tant que conducteur, sur les lieux de l'accident aussi longtemps
que les
constatations ne sont pas terminées (ATF 103 Ib 101 consid. 3 p.
107). En
réprimant la fuite du conducteur, l'art. 92 al. 2 LCR entend
poursuivre un
triple but: tout d'abord, limiter au minimum les dommages, grâce à
l'aide aux
blessés et à l'adoption de mesures propres à garantir la sécurité de
la
circulation, puis permettre l'établissement rapide et sûr des
circonstances
de l'accident et enfin identifier les intéressés et les témoins, cela
également en prévision d'un éventuel procès civil (ATF 95 IV 150
consid. 2 p.
152). En gardant l'anonymat, le conducteur peut échapper aux
recherches, ce
qui constitue justement la fuite (Bussy/Rusconi, Commentaire du Code
suisse
de la circulation routière, 3e éd., Lausanne 1996, n. 2.3 ad art. 92
LCR, p.
704).

En l'espèce, le recourant allègue avoir quitté les lieux de
l'accident pour
aller avertir la police et n'avoir ainsi pas violé l'art. 92 al. 2
LCR. En
effet, selon la jurisprudence, le conducteur ne prend pas la fuite
lorsqu'il
quitte les lieux de l'accident pour aller chercher du secours ou
quérir la
police (ATF 101 IV 333 consid. 4 p. 334 s.; 103 Ib 101 consid. 3 p.
107; 95
IV 150 consid. 1 et 2 p. 151 s.; Bussy/Rusconi, op. cit., n. 2.3. ad
art. 92
LCR, p. 703). La jurisprudence précise cependant que, même dans cette
hypothèse, le conducteur doit remplir tous ses devoirs sur place et
dans les
limites de ses possibilités, par exemple donner son identité à une
personne
présente ou à la police qu'il aura avertie (ATF 97 IV 224 p. 225; 95
IV 150
consid. 3 p. 153).

En l'occurrence, le recourant est parti chercher du secours, sans
s'acquitter
de ses obligations. Il n'a pas laissé son identité aux conducteurs
des autres
véhicules. Dans son mémoire de recours, il prétend avoir donné son
identité
au poste de police de Rennaz. Ce faisant, il s'éloigne cependant de
l'état de
fait cantonal, et son grief est dès lors irrecevable. Le recourant ne
s'est
en outre jamais préoccupé de la santé de la victime, ne serait-ce que
pour en
informer les secours. Enfin, de retour sur les lieux de l'accident,
il est
resté de côté et ne s'est pas mis à disposition de la police. Il a
attendu
qu'un gendarme l'interpelle et a alors admis être l'un des occupants
de la
voiture qui avait causé l'accident, tout en niant en être le
conducteur. Au
vu de l'ensemble de ces faits, le recourant ne peut prétendre de
bonne foi
avoir respecté ses devoirs en cas d'accident. C'est donc à juste
titre que
l'autorité cantonale l'a condamné pour l'infraction prévue à l'art.
92 al. 2
LCR. Mal fondés, les griefs du recourant doivent être rejetés.

3.
Invoquant une violation de l'art. 63 CP, le recourant soutient que la
peine
de douze mois ferme prononcée contre lui constitue une sanction
disproportionnée et arbitrairement sévère.

3.1 Aux termes de l'art. 63 CP, le juge fixe la peine d'après la
culpabilité
du délinquant, en tenant compte des mobiles, des antécédents et de la
situation personnelle de ce dernier. Le critère essentiel est celui
de la
gravité de la faute. Le juge doit prendre en considération, en
premier lieu,
les éléments qui portent sur l'acte lui-même, à savoir sur le
résultat de
l'activité illicite, le mode et l'exécution de l'acte et, du point de
vue
subjectif, sur l'intensité de la volonté délictueuse ainsi que sur les
mobiles. L'importance de la faute dépend aussi de la liberté de
décision dont
disposait l'auteur. Plus il lui aurait été facile de respecter la
norme qu'il
a enfreinte, plus lourdement pèse sa décision de l'avoir transgressée
et,
partant, plus grave est sa faute (ATF 127 IV 101 consid. 2a p. 103).
Les
autres éléments concernent la personne de l'auteur, soit ses
antécédents, sa
situation personnelle, familiale et professionnelle, sa formation et
sa
réputation (ATF 118 IV 21 consid. 2b p. 25).
Le Tribunal fédéral, qui n'interroge ni les accusés ni les témoins et
qui
n'établit pas les faits, est mal placé pour apprécier l'ensemble des
paramètres pertinents pour individualiser la peine. Son rôle est au
contraire
d'interpréter le droit fédéral et de dégager des critères et des
notions qui
ont une valeur générale. Il n'a donc pas à substituer sa propre
appréciation
à celle du juge de répression ni à ramener à une sorte de moyenne
toute peine
qui s'en écarterait. Il ne peut intervenir, en considérant le droit
fédéral
comme violé, que si la sanction a été fixée en dehors du cadre légal,
si elle
est fondée sur des critères étrangers à l'art. 63 CP, si les éléments
d'appréciation prévus par cette disposition n'ont pas été pris en
compte ou
enfin si la peine apparaît exagérément sévère ou clémente au point
que l'on
doive parler d'un abus du pouvoir d'appréciation (ATF 127 IV 101
consid. 2c
p. 104).

Cela étant, le juge doit exposer, dans sa décision, les éléments
essentiels
relatifs à l'acte ou à l'auteur qu'il prend en compte, de sorte que
l'on
puisse constater que tous les aspects pertinents ont été pris en
considération et comment ils ont été appréciés, que ce soit dans un
sens
atténuant ou aggravant. La motivation doit justifier la peine
prononcée, en
permettant de suivre le raisonnement adopté. Mais le juge n'est
nullement
tenu d'exprimer en chiffres ou en pourcentages l'importance qu'il
accorde à
chacun des éléments qu'il cite (ATF 127 IV 101 consid. 2c p. 104 s.).
3.2 En l'espèce, l'autorité cantonale a considéré que le recourant
s'était
comporté de manière totalement inadmissible et méritait une sanction
sévère.
A sa charge, elle a retenu le concours d'infractions au sens de
l'art. 68 ch.
1 CP, la réitération en cours d'enquête, une situation de récidive au
sens de
l'art. 67 ch. 1 CP et des antécédents judiciaires marqués. Elle a
également
retenu une absence de prise de conscience et de remords, à tel point
qu'il
n'avait même pas tenté de prendre contact avec sa victime. A sa
décharge,
elle a tenu compte de sa situation médicale difficile, ainsi que
d'une légère
diminution de sa responsabilité pénale, et fait application des art.
11 et 66
CP.

3.3 Le recourant reproche à l'autorité cantonale d'avoir omis
différents
éléments à décharge.

L'autorité cantonale n'aurait tout d'abord pas pris en considération
l'annonce faite à la police et le retour du recourant sur les lieux.
Ce grief
est infondé. Lorsque le juge motive la peine qu'il inflige, il n'est
pas tenu
de répéter les faits qu'il a déjà exposés dans le jugement: celui-ci
formant
un tout, on admet qu'il en garde à l'esprit l'ensemble des éléments
(Corboz,
La motivation de la peine, RJB 1995 p. 1 ss, spéc. p. 24). Or, en
l'espèce,
l'autorité cantonale mentionne que le recourant est allé chercher du
secours
et qu'il est revenu sur les lieux de l'accident dans la partie "fait"
de
l'arrêt ainsi que dans la partie "droit" lors de l'examen de l'art.
92 LCR.

Le recourant estime en outre que l'autorité cantonale a retenu à
tort, et
contrairement au fait susmentionné, qu'il s'était comporté comme un
"égoïste
de la route, dangereux et irresponsable", démontrant "son mépris
total pour
la vie humaine en quittant les lieux de l'accident sans même se
préoccuper de
sa victime qui gisait inanimée sur le sol". Ce grief est
également non
pertinent. On relèvera en effet que le recourant a circulé à une
vitesse
totalement inadaptée aux circonstances, a exécuté un dépassement sans
s'être
assuré que l'espace à disposition était suffisant, a remonté une file
de
véhicules sans avoir la certitude de pouvoir reprendre sa place sans
entraver
la circulation et sans égard pour les usagers dépassés. Au vu de ces
faits,
on peut sans aucun doute considérer que le recourant s'est comporté
comme un
conducteur égoïste et irresponsable.
Le recourant fait également valoir que l'autorité cantonale n'aurait
pas tenu
compte à satisfaction de droit de la réalité médicale et
psychologique qu'il
a vécue. Cela est inexact. L'autorité cantonale a expressément
mentionné à la
décharge du recourant sa situation médicale difficile. Dans la mesure
où le
recourant prétend que son état dépressif est incompatible avec une
peine
privative de liberté, il s'éloigne des constatations de fait
cantonales, et
son grief est irrecevable. En tout état de cause, on relèvera qu'il
ne faut
pas donner une trop grande importance au grand âge et à la maladie,
qui
relèvent plus de l'exécution que de la fixation de la peine.

Enfin, le recourant soutient qu'il vit en lui-même de façon
extrêmement
intense les conséquences de l'accident et que c'est donc à tort que
l'autorité cantonale a retenu à sa charge une absence de remords et
de prise
de conscience. Le recourant remet ainsi en cause une constatation de
fait.
Son grief est donc irrecevable.

3.4 En définitive, dans le cadre du large pouvoir d'appréciation dont
elle
bénéficie en la matière, l'autorité cantonale a tenu compte de tous
les
éléments nécessaires et pertinents et n'en a omis aucun pour arrêter
la peine
qu'elle a prononcée à l'égard du recourant. Elle a motivé par
ailleurs la
peine de manière suffisante. Au regard, notamment, de la gravité de
la faute
du recourant et de ses antécédents, la peine prononcée de douze mois
d'emprisonnement est adéquate et ne procède pas d'un abus du pouvoir
d'appréciation. Le grief de violation de l'art. 63 CP est dès lors
infondé.

4.
Le recourant soutient que l'autorité cantonale aurait fait une fausse
application de l'art. 41 ch. 1 CP en refusant d'assortir la peine
prononcée
du sursis. Se référant à plusieurs certificats médicaux, le recourant
soutient qu'une incarcération ne saurait qu'aggraver sa situation
déjà très
précaire et sollicite en conséquence l'octroi d'un sursis, subordonné
à un
suivi médical et au dépôt de son permis de conduire. Selon lui, cette
solution s'impose du fait que c'est en matière de circulation
routière que se
posent les problèmes.

4.1 Selon l'art. 41 ch. 1 al. 1 CP, le sursis à l'exécution d'une
peine
privative de liberté peut être octroyé si la durée de la peine
n'excède pas
dix-huit mois et si les antécédents et le caractère du condamné font
prévoir
que cette mesure le détournera de commettre d'autres crimes ou
délits. Selon
l'alinéa 2, le sursis ne peut pas être accordé lorsque le condamné a
subi, à
raison d'un crime ou d'un délit intentionnel, plus de trois mois de
réclusion
ou d'emprisonnement dans les cinq ans qui ont précédé la commission de
l'infraction.

En l'espèce, le recourant a été condamné à douze mois
d'emprisonnement et
n'a pas exécuté préalablement de peine privative de liberté de plus
de trois
mois. Les conditions objectives du sursis sont donc réunies. La seule
question litigieuse est dès lors de savoir si la condition dite
subjective
est réalisée, c'est-à-dire si l'on peut prévoir, en fonction des
antécédents
et du caractère du condamné, que cette mesure sera de nature à le
détourner
de commettre d'autres crimes ou délits. Il s'agit en d'autres termes
de faire
un pronostic quant au comportement futur du condamné.

4.2 Le juge posera son pronostic, quant aux chances d'amendement et,
partant,
quant à l'efficacité du sursis, sur la base des éléments propres à
éclairer
l'ensemble du caractère du délinquant. Il tiendra compte de sa
conduite
antérieure, de la nature des mobiles qui l'ont déterminé à agir, des
particularités de l'infraction elle-même, de la réputation et de la
situation
personnelle du prévenu au moment du jugement, et notamment de son état
d'esprit, ainsi que des connaissances personnelles de l'accusé que lui
procurent les débats (ATF 118 IV 97 consid. 2b p. 100 s.). Une
précédente
condamnation, dans un passé récent, pour une infraction de même
nature,
constituera un élément défavorable important. Elle n'exclura
cependant pas
automatiquement le sursis (ATF 118 IV 97 consid. 1a p. 99). Celui-ci
pourra
être envisagé si l'auteur manifeste une véritable prise de conscience
de ses
fautes et un revirement complet de son comportement rendant
improbable une
nouvelle infraction. De vagues espoirs quant à la conduite future du
délinquant ne suffisent cependant pas pour poser un pronostic
favorable (ATF
115 IV 81 consid. 2a p. 82). Vu le large pouvoir d'appréciation
laissé au
juge de répression pour effectuer le pronostic, le Tribunal fédéral
n'interviendra qu'en cas d'abus de ce pouvoir (ATF 119 IV 195 consid.
3b p.
198).

4.3 En l'espèce, l'autorité cantonale a rappelé que le recourant
avait déjà
subi plusieurs peines fermes (cinq, quinze et quarante-cinq jours),
dont
l'efficacité s'était révélée très relative. S'agissant du caractère du
recourant, elle a observé que celui-ci n'avait pas reconnu ses torts,
mais
qu'il avait persisté à nier, contre l'évidence, être le conducteur du
véhicule fautif, et qu'il n'avait à aucun moment lors des débats ou
en cours
d'instruction, démontré qu'il avait pris conscience de l'illicéité de
son
comportement. Enfin, elle a relevé que les experts étaient arrivés à
la
conclusion qu'il était possible de prononcer une peine privative de
liberté,
un éventuel traitement médical pouvant au demeurant se poursuivre en
détention.

4.4 Les antécédents du recourant et l'absence d'une véritable prise de
conscience de ses fautes justifient un pronostic défavorable et,
partant, le
refus du sursis. Pour renverser un tel pronostic, il aurait fallu des
renseignements généraux particulièrement positifs, qui n'existent pas
en
l'espèce. Le fait de subordonner le sursis au retrait du permis de
conduire
ne saurait au surplus modifier le pronostic. Ce n'est que si le
pronostic est
favorable que le sursis est envisageable et que, partant, la question
de la
règle de conduite se pose. Le recourant prétend en outre qu'une
incarcération
ne saurait qu'aggraver son état de santé. Ce faisant, il s'éloigne de
l'état
de fait cantonal, ce qu'il n'est pas habilité à faire dans un pourvoi
en
nullité; au demeurant, cette question relève plus de l'exécution des
peines
que du sursis (cf. consid. 3.3). En conclusion, vu les circonstances
et
compte tenu du large pouvoir laissé à l'autorité cantonale, l'on ne
saurait
admettre que celle-ci a violé le droit fédéral. Infondé, le grief du
recourant de violation de l'art. 41 CP doit être rejeté.

5.
Dans son dernier moyen, le recourant se plaint d'une violation de
l'art. 55
CP, faisant valoir que l'autorité cantonale n'a pas tenu compte du
fait qu'il
vivait en Suisse depuis près de 20 ans et qu'il y avait toute sa
famille.

5.1 Selon l'art. 55 al. 1 CP, le juge peut expulser du territoire
suisse,
pour une durée de trois à quinze ans, tout étranger condamné à la
réclusion
ou à l'emprisonnement. En cas de récidive, l'expulsion peut être
prononcée à
vie.

L'expulsion est à la fois une peine accessoire réprimant une
infraction et
une mesure servant à la protection de la sécurité publique. La
jurisprudence
récente admet qu'elle a principalement le caractère d'une mesure de
sûreté.
Pour décider de prononcer ou non une expulsion, le juge doit tenir
compte à
la fois des critères qui régissent la fixation d'une peine et du but
de
sécurité publique que remplit l'expulsion (ATF 123 IV 107 consid. 1 p.
108/109; 117 IV 112 consid. 3a p. 117/118, 229 consid. 1 p. 230/231).

La décision sur l'expulsion ne se confond cependant pas entièrement
avec la
fixation de la peine principale; elle suppose un examen spécifique de
la
situation personnelle de l'intéressé (ATF 104 IV 222 consid. 1b p.
223/224).
Le juge doit ainsi tenir compte du fait que l'expulsion touchera
modérément
l'étranger qui n'est venu en Suisse que pour y commettre des
infractions et
qui n'a pas de liens particuliers avec notre pays. A l'inverse, elle
représentera une sanction très lourde pour celui qui vit et travaille
en
Suisse, y est intégré depuis plusieurs années et y a, le cas échéant,
fondé
une famille. La situation du condamné détermine ainsi les conséquences
qu'aura pour lui l'expulsion et influence donc largement la gravité
que
revêtira cette sanction.

5.2 Selon les circonstances, un étranger dont la parenté a le droit de
résider durablement en Suisse peut se prévaloir du droit au respect
de la vie
privée et familiale garanti par l'art. 8 CEDH et l'art. 13 al. 1 Cst.
(arrêt
du Tribunal fédéral du 30 janvier 2001, 6S.802/2000; Béatrice Keller,
Basler
Kommentar, Strafgesetzbuch I, 2003, n. 25 ss ad art. 55).

La protection découlant de l'art. 8 CEDH n'est cependant pas absolue.
En
effet, une ingérence de l'autorité publique dans l'exercice de ce
droit est
permise si elle est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure
qui,
dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité
nationale, à la
sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de
l'ordre et
à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé
ou de la
morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (art. 8 §
2 CEDH).

Ainsi la Convention exige une pesée des intérêts en présence: d'un
côté,
l'intérêt privé au regroupement familial et, de l'autre, l'intérêt
public à
l'expulsion. Il faut prendre en considération en particulier la
gravité des
infractions reprochées et, éventuellement, les circonstances dans
lesquelles
le mariage a été contracté. Il faut aussi se demander si l'on peut
attendre
des membres de la famille autorisés à vivre en Suisse qu'ils aillent
vivre
dans un autre pays avec l'intéressé. La réponse à cette question ne
dépend
pas des souhaits des membres de la famille, mais d'une appréciation
objective
de toutes les circonstances personnelles (ATF 122 II 1 consid. 2 p.
6). Selon
la jurisprudence des organes de Strasbourg, dans le cas d'une relation
familiale effectivement vécue et intacte, l'expulsion n'est permise
que si
les infractions commises sont graves. L'intérêt de la collectivité
publique à
l'expulsion doit être plus important que celui des membres de la
famille à
s'intégrer dans le pays d'accueil (vgl. Frowein/Peukert,
EMRK-Kommentar, 2e
éd., 1996, n. 24 ad art. 8; Wildhaber/Breitenmoser, Internationaler
Kommentar
zur EMRK, 1992, n. 450 ad art. 8; Villiger, Handbuch der Europäischen
Menschenrechtskonvention, 2e éd., Zurich 1999, § 24 n. 582; René
Ernst, Die
Landesverweisung gemäss Artikel 55 des Strafgesetzbuches, thèse, Bâle
1998,
p. 100).

5.3 En l'espèce, le recourant vit dans notre pays depuis près de 20
ans. Il y
a travaillé comme manoeuvre pendant 13 ans. Actuellement, il n'exerce
certes
plus d'activité lucrative régulière, mais cela est dû à ses problèmes
de
santé. Marié en 1992, il a quatre enfants, dont les trois aînés sont
régulièrement scolarisés en Suisse, le dernier étant né le 12 mai
2002. Pour
le surplus, l'arrêt attaqué ne constate pas que le recourant a encore
des
liens concrets avec son pays d'origine et que sa famille pourrait
facilement
le suivre au Kosovo. Dans ces conditions, seules une sérieuse mise en
danger
de la sécurité publique et une faute grave seraient à même de
justifier une
expulsion et, partant, la séparation de la famille. Si l'on ne saurait
minimiser la gravité des infractions commises par le recourant, force
est de
constater que celles-ci sont liées à la circulation routière et
qu'elles ne
sauraient être comparées à des actes tels que des brigandages ou un
trafic de
stupéfiants. La dangerosité sociale du recourant pour la Suisse et sa
population n'apparaît donc pas à ce point importante pour justifier
son
expulsion et la séparation de sa famille.

Aussi, au vu de l'ensemble des circonstances, faut-il admettre que
l'autorité
cantonale a violé le droit fédéral en ordonnant l'expulsion du
recourant. Sur
ce point, le pourvoi est donc fondé et l'arrêt doit être annulé. A
noter que
l'octroi du sursis à la peine d'expulsion ne permet pas de prononcer
une
expulsion qui, si elle devait être exécutée, s'avérerait être d'une
sévérité
excessive.

6.
En conséquence, le pourvoi doit être partiellement admis.

Le recourant a sollicité l'assistance judiciaire. Sa requête est
admise car
il a suffisamment montré qu'il est dans le besoin et ses critiques ne
paraissaient pas d'emblée vouées à l'échec (art. 152 OJ). Il ne sera
par
conséquent pas perçu de frais et une indemnité sera allouée au
mandataire du
recourant.
La cause étant ainsi tranchée, la requête d'effet suspensif est
devenue sans
objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le pourvoi est partiellement admis, l'arrêt attaqué est annulé dans
la mesure
où il confirme la peine accessoire d'expulsion du territoire suisse
et la
cause est renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision.

2.

La requête d'assistance judiciaire est admise.

3.
Il n'est pas perçu de frais.

4.
La Caisse du Tribunal fédéral versera à Me Gilles Monnier, mandataire
du
recourant, une indemnité de 3'000 francs à titre de dépens.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant,
au
Ministère public du canton de Vaud et au Tribunal cantonal vaudois,
Cour de
cassation pénale, ainsi qu'à Me Laurent Savoy, mandataire de la
victime.

Lausanne, le 4 décembre 2003

Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6S.380/2003
Date de la décision : 04/12/2003
Cour de cassation pénale

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-12-04;6s.380.2003 ?
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