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04/12/2003 | SUISSE | N°2A.321/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 04 décembre 2003, 2A.321/2003


2A.321/2003/KJE/elo
{T 0/2}

Arrêt du 4 décembre 2003
IIe Cour de droit public

MM. les Juges Wurzburger, Président,
Müller et Meylan, juge suppléant.
Greffière: Mme Kurtoglu-Jolidon.

X. ________ Corporation, recourante,
représentée par Coresa.

contre

Administration fiscale cantonale du canton de Genève, rue du Stand
26, case
postale 3937,
1211 Genève 3,
Tribunal administratif du canton de Genève, rue du Mont-Blanc 18, case
postale 1956, 1211 Genève 1.

assujettissement

à l'impôt fédéral direct, administration effective
d'une
personne morale,

recours de droit administratif contre l'ar...

2A.321/2003/KJE/elo
{T 0/2}

Arrêt du 4 décembre 2003
IIe Cour de droit public

MM. les Juges Wurzburger, Président,
Müller et Meylan, juge suppléant.
Greffière: Mme Kurtoglu-Jolidon.

X. ________ Corporation, recourante,
représentée par Coresa.

contre

Administration fiscale cantonale du canton de Genève, rue du Stand
26, case
postale 3937,
1211 Genève 3,
Tribunal administratif du canton de Genève, rue du Mont-Blanc 18, case
postale 1956, 1211 Genève 1.

assujettissement à l'impôt fédéral direct, administration effective
d'une
personne morale,

recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal
administratif du
canton de Genève du 27 mai 2003.

Faits:

A.
X. ________ Corporation est une société active dans le commerce
international
du pétrole et du gasoil. Elle a été créée le 29 mars 1994 aux Iles
Vierges
britanniques. Elle y paie une taxe annuelle indépendante du résultat.
Elle a
pour bénéficiaire économique et administrateur unique A.________,
ressortissant allemand d'origine russe, domicilié à Rome.

Le groupe X.________ est constitué de différentes sociétés dont la
société
suisse X.________ Management, ayant son siège à Genève, X.________
S.R.L,
sise à Rome, et X.________ Oil, à Moscou.

X. ________ Management, qui n'est pas en cause dans le cas présent,
est
considérée par les autorités fiscales genevoises comme une société de
services et imposée comme telle. Elle a pour administrateur unique
Maurice
Taylor et pour directeur financier Vincent de Spoelberch.

X. ________ Corporation achète du pétrole à la société genevoise
Y.________
S.A., dont B.________ est depuis fin septembre 1994 l'administrateur
unique
et A.________ a été, pour un temps, un des actionnaires minoritaires.
L'actionnaire d'abord majoritaire, puis unique est C.________, qui,
par
l'intermédiaire de ses sociétés russes, a pu obtenir des quotas
d'exportation
de pétrole russe et qui en a fourni à Y.________ S.A. De nombreux
contrats
ont ainsi été signés à Genève entre 1994 et 1997 entre X.________
Corporation, représentée par A.________, et Y.________ S.A.,
représentée par
B.________. Ils ont porté sur un montant total de plus de 570
millions US$ et
sur plus de 12 millions de tonnes de produits pétroliers. Ces contrats
prévoient que le droit suisse est applicable et qu'en cas de litige
le for
est auprès des tribunaux genevois.

X. ________ Corporation a recouru jusqu'en 1998 aux services d'un
négociant
indépendant, D.________, établi à Rome. Entendu en mai 1999 dans le
cadre
d'une enquête diligentée à Genève et dirigée contre C.________ et
A.________,
D.________ a déclaré avoir travaillé pour X.________ Corporation de
1994 à
fin 1998. Il était rémunéré directement par cette dernière. II se
chargeait
en outre des travaux de dactylographie de X.________ S.R.L. et était,
de ce
chef, rémunéré par celle-ci, chez qui il sous-louait des locaux et
qui ne
comportait qu'un collaborateur unique, un dénommé E.________. II
avait été
introduit auprès de A.________ par un tiers; A.________ l'avait alors
invité
à se rendre à Genève où il avait été reçu, à son souvenir, dans les
bureaux
de Y.________ S.A. C.________ et B.________ assistaient à l'entrevue.
D.________ était chargé, pour le compte de X.________ Corporation, de
rechercher des acquéreurs pour du pétrole brut ou des produits
dérivés, de
préparer, rédiger et négocier des contrats pétroliers avec
l'acquéreur et
d'en suivre l'exécution. II prospectait uniquement sur les marchés
occidentaux et a apporté des acquéreurs pour quelque 2 à 3 millions de
tonnes. En ce qui concerne la partie du marché de "l'Est", il n'a pas
participé à des négociations, n'a pas vu A.________ y prendre part
non plus
et il pensait qu'elles se déroulaient à Genève ou peut-être à Rome.
II n'a
pas eu le sentiment que ni A.________, ni B.________ fussent des
spécialistes
en matière pétrolière. Quant à F.________, il était "le responsable
financier
à Genève pour X.________ International". Tout ce qui était lié aux
paiements
dans les contrats passait par Genève et par celui-ci. II figure au
dossier un
contrat entre X.________ Corporation et D.________ conclu à Rome le 19
décembre 1995 dans lequel il est stipulé que toute notification
devant être
effectuée à X.________ Corporation en vertu de ce contrat doit être
faite
"c/o Y.________ SA".

Entendu en mars 2000 dans le cadre de la même enquête, B.________ a
expliqué
avoir travaillé, entre 1991 et fin avril 1993, pour la Banque
Z.________ S.A.
à Genève dans le service du financement international. Dès mai 1993,
il s'est
mis à son compte comme consultant indépendant, son activité dans le
secteur
du négoce international étant plus particulièrement concentrée dans le
secteur pétrolier. C'est en été 1994 que son activité indépendante a
vraiment
démarré. Il a alors été mis en contact avec A.________, dont il lui
était dit
qu'il souhaitait développer une société de trading pétrolier en
Suisse. Il a
rencontré A.________ à Genève en août 1994. Celui-ci lui a alors
expliqué
qu'il voulait lui présenter ses partenaires et qu'il souhaitait que
B.________ constitue une équipe pour gérer et administrer des
opérations de
trading pétrolier à Genève. Le lende- main, A.________ lui a présenté
plusieurs personnes, dont C.________, comme étant ses associés.

Entendu lui aussi en mars 2000 dans le même cadre, F.________ a dit
avoir
travaillé trois ans à la Banque W.________ dont deux dans le négoce de
matières premières, essentiellement voire exclusivement le négoce du
pétrole,
puis à la V.________ Bank, où il s'occupait de pétrole et de métaux.
Il a été
engagé par X.________ Management en 1996, étant précisé que c'est
B.________
qui est venu le chercher. II a expliqué que le travail qu'il faisait
pour
X.________ Management était similaire à celui qu'il effectuait pour la
V.________ Bank seulement en ce qui concerne le suivi des affaires:
émission
des lettres de crédit, réception de celles-ci couvrant la revente,
suivi du
bon déroulement de l'affaire, soit le chargement du bateau dans les
délais
prévus par les différentes lettres de crédit, suivi de la remise des
documents, de la négociation des lettres de crédit couvrant la
revente et,
enfin, encaissement du montant lié à la vente et paiement du
fournisseur.
Toutefois, il devait également suivre l'évolution du financement et
du risque
de chaque opération ainsi que de la globalité des affaires conduites,
s'occuper de la trésorerie et donner des instructions y relatives à la
banque, gérer la facturation dans l'ensemble des opérations et
vérifier aussi
que les contrats de vente "soient conformes à ce qui est nécessaire
pour une
affaire particulière". Interrogé sur les activités du "bureau de
Rome",
F.________ a déclaré que D.________ ne travaillait plus pour ce
bureau depuis
le début de l'année 1998 et que son assistante était décédée "depuis
plus
d'une année" et n'avait pas été remplacée et que E.________ s'occupait
toujours des "affaires de grains" pour ce bureau. II a encore
expliqué que
l'activité de X.________ Management était très réduite, étant donné
qu'il n'y
avait plus d'affaires pétrolières depuis juin 1999, que lui-même, dès
cette
époque, ne consacrait plus à cette société que 20 à 30% de son temps
et, bien
qu'il continuât à percevoir de celle-ci une pleine rémunération, qu'il
consacrait le reste son temps à une société de services, détenue
notamment
par B.________, qui conseille des négociants en matières premières.
II a
enfin révélé que, sur le marché russe du pétrole, il était nécessaire
de
verser d'importantes commissions aux intervenants qui rendaient les
affaires
possibles, l'un d'eux étant C.________, à qui, sur instructions de
A.________, il versait des montants importants en sus du prix payé à
Y.________ S.A. pour les fournitures de pétrole. Parmi ces
intervenants, il a
nommé en outre D.________.

B. ________ disposait de la procuration sur les comptes bancaires de
X.________ Corporation auprès de la Banque W.________ S.A., de la
U.________
Bank et de Banque Z.________ S.A. F.________ avait lui aussi une
procuration
sur le compte de la U.________ Bank. De plus, il a, sous sa seule
signature,
fait ouvrir, en date du 20 décembre 1996, un compte auprès de
G.________ S.A.
au nom de X.________ Corporation et signé de sa main le formulaire
désignant
A.________ comme bénéficiaire économique de ce compte. H.________
s'est vu
conférer une procuration limitée sur le compte de X.________
Corporation
auprès de la Banque W.________; ce document, daté du 27 octobre 1995,
porte
la signature de B.________. Sous la même signature, cette procuration
a été
annulée le 14 novembre 1996 et le nouveau document transmis par les
soins de
F.________. On note encore que C.________ a eu la signature sur le
compte
U.________ Bank précité jusqu'au 15 janvier 1996.

Le dossier contient de nombreux documents signés au nom et pour le
compte de
X.________ Corporation par F.________ et par H.________.

Outre la convention précitée entre D.________ et X.________
Corporation,
plusieurs autres documents font apparaître une domici- liation de
cette
dernière chez Y.________ S.A. Un document daté du 26 mars 1996
communique à
la Banque W.________ un changement d'adresse pour X.________
Corporation, la
nouvelle adresse étant désormais celle de X.________ Management.
Toutefois,
un telex de la U.________ Bank daté du 7 juin 1996 est toujours
adressé à
X.________ Corporation "c/o Y.________" à l'attention de F.________.
D'un
telex de la U.________ Bank du 3 juin 1996, il résulte que le numéro
de telex
de Y.________ S.A. est xxxxxx et de la convention précitée que son
numéro de
fax est le ...... Par la suite, des documents seront reçus par
F.________
sous ce même numéro de telex ou émis par lui toujours sous ce même
numéro de
telex mais sous un autre numéro de fax. Un telex de U.________ Bank
du 1er
juillet 1997 est adressé à Y.________ S.A. à l'attention de
H.________ sous
numéro yyyyyy avec copie conforme à F.________ sous numéro xxxxxx.

II résulte enfin du dossier que A.________ a effectué de nombreux et
brefs
séjours à Genève (notamment 16 fois en 1995, 19 fois en 1996, et 10
fois en
1997), mais ceux-ci ne coïncident jamais avec la date de conclusion, à
Genève, des contrats d'achat avec Y.________ S.A., lesquels portent
cependant
sa signature.

B.
Par décision du 2 mars 1999, confirmée par décision sur réclamation
du 20
janvier 2000, l'Administration fiscale cantonale du canton de Genève
(ci-après: l'Administration fiscale cantonale), considérant que
l'administration effective de X.________ Corporation était à Genève,
a décidé
d'assujettir celle-ci de manière illimitée à l'impôt fédéral direct,
avec
effet rétroactif au 1er janvier 1995.

X. ________ Corporation a recouru auprès de la Commission cantonale de
recours de l'impôt fédéral direct du canton de Genève (ci-après: la
Commission de recours) qui, par décision du 5 décembre 2001, a annulé
la
décision attaquée et prononcé que X.________ Corporation n'était pas
soumise
à l'impôt fédéral direct, les indices sur lesquels l'Administration
fiscale
cantonale s'était fondée n'étant pas suffisants pour admettre la
localisation
à Genève de l'administration effective de X.________ Corporation.

L'Administration fiscale cantonale a recouru au Tribunal
administratif du
canton de Genève (ci-après: le Tribunal administratif) qui, par arrêt
du 27
mai 2003, a admis le recours.

Ce Tribunal a considéré en substance que si, considérés isolément, es
différents indices de l'activité ou de la présence de l'intimée à
Genève
n'étaient pas propres à démontrer qu'elle y aurait son administration
effective, leur assemblage rendait en revanche cette thèse plus
vraisemblable. Il a cité à cet égard les nombreux contrats négociés,
en tout
cas pour partie, par A.________, le contrôle de leur exécution
effectué
depuis Genève par des personnes disposant, en outre, d'importants
pouvoirs
sur les comptes bancaires ouverts à Genève au nom de l'intimée, le
contrôle
effectué par F.________ sur les contrats en cours de négociation. Il a
considéré enfin que le rattachement à Genève était encore renforcé
par le
fait que l'intimée n'avait pas réussi à rendre vraisemblable que son
administration effective serait localisée à Rome, d'où il résultait,
en
définitive, que le rattachement personnel genevois devait être retenu
comme
ayant été démontré avec un degré de vraisemblance suffisante.

C.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, X.________
Corporation demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et
dépens,
d'annuler l'arrêt du Tribunal administratif du 27 mai 2003 et de
confirmer la
décision de la Commission cantonale de recours en matière d'impôt
fédéral
direct du 5 décembre 2001.

Le Tribunal administratif, sans formuler d'observations, déclare
persister
dans les termes et conclusions de son arrêt. L'Administration fiscale
cantonale conclut au rejet du recours.

L'Administration fédérale des contributions se prononce dans le même
sens et
déclare faire siennes les considérations émises par l'Adminis tration
fiscale
cantonale.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours
qui lui sont soumis (ATF 129 I 173 consid. 1 p. 174, 129 II 225

consid. 1 p.
227 et la jurisprudence citée).

1.1 Déposé en temps utile et dans les formes prescrites par la loi
contre une
décision rendue par une autorité judiciaire statuant en dernière
instance
cantonale et fondée sur le droit public fédéral, le présent recours
est
recevable en vertu des art. 97 ss OJ, ainsi que de la règle
particulière de
l'art. 146 de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral
direct
(ci-après: LIFD ou la loi sur l'impôt fédéral direct; RS 642.11), en
vigueur
depuis le 1er janvier 1995.

1.2 Conformément à l'art. 104 lettre a OJ, le recours de droit
administratif
peut être formé pour violation du droit fédéral, y compris l'excès et
l'abus
du pouvoir d'appréciation (ATF 128 II 145 consid. 1.2.1 p. 150). Le
Tribunal
fédéral revoit d'office l'application du droit fédéral qui englobe
notamment
les droits constitutionnels du citoyen (ATF 129 II 183 consid. 3.4 p.
188;
128 II 56 consid. 2b p. 60; 126 V 252 consid. 1a p. 254). Comme il
n'est pas
lié par les motifs que les parties invoquent, il peut admettre le
recours
pour d'autres raisons que celles avancées par le recourant ou, au
contraire,
confirmer l'arrêt attaqué pour d'autres motifs que ceux retenus par
l'autorité intimée (art. 114 al. 1 in fine OJ; ATF 129 II 183 consid.
3.4 p.
188; 127 II 8 consid. 1b p. 12 , 264 consid. 1b p. 268; 125 II 497
consid.
1b/aa p. 500 et les arrêts cités).

En revanche, lorsque le recours est dirigé, comme en l'occurrence,
contre
l'arrêt d'une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral est lié par
les faits
constatés dans l'arrêt, sauf s'ils sont manifestement inexacts ou
incomplets
ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles de
procédure (art.
104 lettre b et 105 al. 2 OJ; ATF 128 II 145 consid. 1.2.1 p. 150;
126 II 196
consid. 1 p. 198). En outre, le Tribunal fédéral ne peut pas revoir
l'opportunité de l'arrêt entrepris, le droit fédéral ne prévoyant pas
un tel
examen en la matière (art. 104 lettre c ch. 3 OJ).

2.
Le Tribunal fédéral étant lié par les faits constatés dans l'arrêt
attaqué
(consid. 1.2; art. 105 al. 2 OJ), la possibilité d'alléguer des faits
nouveaux ou de nouveaux moyens de preuve est très restreinte (ATF 125
II 217
consid. 3a p. 221; 124 II 409 consid. 3a p. 420; 121 II 97 consid. 1c
p. 99;
Fritz Gygi, Bundesverwaltungsrechtspflege, 2e éd., 1983, p. 286/287);
seuls
sont admissibles dans ce cas les preuves que l'autorité inférieure
aurait dû
retenir d'office et dont le défaut d'administration constitue une
violation
des règles essentielles de la procédure (ATF 124 II 409 consid. 3a p.
420;
121 II 97 consid. 1c p. 99).

La recourante a produit diverses pièces, à l'appui de son recours,
qui toutes
figuraient déjà au dossier du Tribunal administratif, à l'exception
d'une,
soit un extrait du Registre du commerce concernant X.________
Management au
27 juin 2003. Au vu de ce qui précède, cette nouvelle pièce produite
par la
recourante pour la première fois devant le Tribunal fédéral n'est pas
recevable.

3.
3.1Selon l'art. 50 LIFD, les personnes morales sont assujetties de
manière
illimitée à l'impôt en raison de leur rattachement personnel
lorsqu'elles ont
leur siège ou leur administration effective en Suisse. Ce second
rattachement
alternatif ne concerne que les sociétés ayant leur siège à l'étranger
(StE
2002 B 91.3 no 3, 2A.196/2001)

Hormis l'arrêt précité, qui concernait une société suisse, le Tribunal
fédéral n'a pas eu à se prononcer au sujet de ce second rattachement
tel
qu'il est consacré par l'art. 50 LIFD. II a eu, en revanche, à
trancher à
diverses reprises des conflits de double imposition intercantonale.
Dans ce
contexte, il a jugé que le lieu de l'administration effective se
trouvait à
l'endroit où la société avait le centre effectif et économique de son
existence (ATF 54 I 301 consid. 2 p. 308), à l'endroit où est assurée
la
gestion qui, normalement, se déploie au siège de la société, à
l'endroit où
sont accomplis les actes qui, dans leur ensemble, servent à la
réalisation du
but statutaire (ATF 50 I 100 consid. 2 p. 103).

La doctrine (Peter Athanas / Stefan Widmer, in : Martin Zweifel /
Peter
Athanas, Kommentar zum schweizerischen Steuerrecht, I/2a,
Bundesgesetz über
die direkte Bundessteuer (DBG), n. 6 ss. ad art. 50 LIFD, p. 553;
Peter
Athanas / Stefan Widmer, in : Martin Zweifel / Peter Athanas,
Kommentar zum
schweizerischen Steuerrecht, I/1, Bundesgesetz über die
Harmonisierung der
direkten Steuern der Kantone und Gemeinden (StHG), 2e éd., n. 28 ss.
ad art.
20 LHID, p. 320; Peter Locher, Einführung in das internationale
Steuerrecht
der Schweiz, 2e éd., p. 242; Peter Mäusli, Die Ansässigkeit von
Gesellschaften im internationalen Steuerrecht, p. 66 ss.) admet pour
sa part
que cette jurisprudence doit s'appliquer également s'agissant de
l'administration effective au sens de l'art. 50 LIFD. La
détermination du
lieu de l'administration effective s'effectue à l'aide d'indices dont
la
résidence des organes directionnels de la société, le lieu où les
opérations
de gestion s'effectuent, voire celui où les documents sont conservés
(Xavier
Oberson, Droit fiscal suisse, 2e éd., p. 171). La doctrine définit
l'administration effective comme la direction courante, notion qui
s'oppose à
une simple activité administrative d'exécution ainsi qu'à une
activité des
organes sociaux suprêmes de la société limitée soit à Ia prise des
décisions
fondamentales de principe, de caractère stratégique, soit au contrôle
de la
direction courante proprement dite. Elle ne considère comme
nécessairement
détermi- nants ni le lieu où se tiennent les séances du conseil
d'administration ou les assemblées générales, ni le domicile des
actionnaires. Enfin, lorsque cette activité de direction courante est
exercée
en plusieurs endroits, est déterminant celui où elle est déployée de
manière
prépondérante, celui où se situe son centre de gravité.

3.2 Il n'est en l'espèce pas contesté que l'administration effective
ne se
trouve en aucun cas localisée au siège statutaire de la recourante.
La seule
question qui se pose dès lors est de savoir si elle peut être
considérée
comme I'étant en Suisse.

La recourante soutient que toute ses activités commerciales (de «
trading »)
étaient le fait de son administrateur unique, A.________ qui, depuis
Rome,
prospectait les clients (en utilisant les services de D.________ pour
le
marché occidental), négociait et signait les contrats d'achat et de
vente, en
surveillait l'exécution et négociait les lignes de crédit avec les
banques.
L'activité du personnel de X.________ Management, société de service
et
d'ailleurs reconnue comme telle par les autorités fiscales
genevoises, se
bornerait au simple suivi administratif et financier.

Au vu des divers éléments du dossier, cette thèse n'est pas
vraisemblable. II
est exact que tous les contrats d'achat et de vente de pétrole
figurant comme
tels au dossier, respectivement énumérés dans des listes qui s'y
trouvent,
portent la signature de A.________. Toutefois, les contrats d'achat de
pétrole de la recourante conclus avec Y.________ S.A. l'ont été à
Genève,
prévoient l'application du droit suisse et désignent comme compétents
les
tribunaux suisses. La recourante explique que cela n'a rien que de
très
naturel, dès lors que sa contrepartie, de surcroît partie venderesse,
est une
société suisse sise en Suisse. L'argumentation serait éventuellement
convaincante s'il s'était par ailleurs avéré que, comme la recourante
n'a
cessé de le soutenir en procédure cantonale, Y.________ S.A. était une
société totalement indépendante de X.________ Corporation. C'est une
image
totalement différente qui se dégage des divers éléments du dossier,
lesquels
font apparaître au contraire des liens multiples et de profondes
imbrications, voire une véritable perméabilité entre les deux
sociétés. Il
est, à cet égard, tout à fait significatif que X.________ Corporation
figure
sur de nombreux documents avec la mention "c/o Y.________", dont un
adressé à
X.________ Corporation "c/o Y.________" et à l'attention de
F.________ . Il
est également notable que l'administrateur unique de Y.________ S.A.
et de
X.________ Managament soit une seule et même personne, soit
B.________,
lequel, comme on va le voir, était sensiblement plus impliqué dans les
opérations de direction courante de la recourante que celle-ci ne
veut bien
l'admettre. En outre, il est significatif que C.________, actionnaire
majoritaire, puis unique de Y.________ S.A., dont A.________ avait été
lui-même un temps actionnaire minoritaire, ait disposé de la
signature sur un
compte bancaire de X.________ Corporation. Il faut enfin relever que,
de
l'aveu même de la recourante, celle-ci est à nouveau domiciliée dans
les
locaux de Y.________ S.A.

La thèse d'une activité commerciale concentrée entre les seules mains
de
A.________ est démentie par la déposition de D.________ dans la
procédure
d'enquête pénale. Celui-ci a en effet déclaré qu'il était chargé,
pour le
compte de X.________ Corporation, de rechercher des acquéreurs pour du
pétrole brut ou des produits dérivés, de préparer, rédiger et
négocier des
contrats avec l'acquéreur et d'en suivre l'exécution. Il a encore
précisé
qu'en ce qui concerne le marché de l'Est il n'avait pas participé à
des
négociations et n'avait pas vu A.________ y prendre part non plus. Il
pensait
que ces négociations se faisaient à Genève ou peut-être à Rome. Il
n'avait
pas eu le sentiment que A.________ fût un spécialiste en matière
pétrolière.
II résulte clairement de ces déclarations que, s'agissant des
activités
commerciales de X.________ Corporation déployées depuis l'Italie,
D.________
exerçait une part importante, voire la plus importante, de la
direction
courante au sens défini ci-dessus (consid. 3.1). Tout porte à croire
que
l'autre partie des activités commerciales de X.________ Corporation
s'exerçait depuis Genève selon un schéma semblable. II faut en effet
rapprocher les déclarations de D.________ de celles faites, dans le
même
cadre, par B.________ et F.________. II en résulte que, contrairement
à ce
qu'affirme la recourante, ni l'un, ni l'autre ne sont dépourvus de
compétence
et d'expérience dans le domaine du négoce international et, plus
particulièrement, du négoce international portant sur des produits
pétroliers. B.________ a du reste indiqué que, lorsqu'il a quitté la
Banque
Z.________ S.A., une société pétrolière, qui était de ses clients
lorsqu'il
travaillait au service de cet établissement, l'avait "suivi". En
outre, le
premier contact entre B.________ et A.________ s'inscrivait dans la
perspective du développement par celui-ci d'une société de trading
pétrolier
en Suisse. On sait aussi que B.________ avait eu, à la banque
susmentionnée,
divers clients de l'Est dans le secteur pétrolier.

Dans la description qu'il a faite des tâches qui lui incombaient,
F.________
a distingué très clairement deux volets : le premier incluait des
tâches
similaires à celles qu'il accomplissait pour son employeur précédent,
et qui
peuvent effectivement être considérées comme relevant d'un simple
suivi
administratif et financier (déroule- ment au jour le jour
d'opérations de
crédits documentaires). Le deuxième volet de ses activités se situe à
un
niveau nettement plus élevé. Il s'agissait de suivre l'évolution du
financement et du risque de chacune des différentes opérations ainsi
que de
celle de la globalité des affaires, de s'occuper de la trésorerie et
donner
des instructions y relatives à la banque, de gérer la facturation dans
l'ensemble des opérations et vérifier aussi que les contrats de vente
"soient
conformes à ce qui est nécessaire pour une affaire particulière". Il
n'est
pas contestable que cette seconde catégorie de tâches ressortit au
domaine
des activités commerciales, par opposition à de simples opérations de
pure
exécution et de suivi administratif et, tout au moins pour certaines,
à un
niveau de direction courante.

Au vu de ces divers éléments, il est établi avec une suffisante
vraisemblance
qu'une partie au moins des opérations proprement commerciales et des
opérations de direction courante de X.________ Corporation était
effectuée
depuis Genève. Une autre partie l'était, assurément, depuis Rome,
s'agissant
des activités déployées par D.________. Aux dires de celui-ci, les
quantités
qu'il a réussi à placer pendant la période où il a oeuvré pour le
compte de
la recourante a représenté de 2 à 3 millions de tonnes de produits
pétroliers. Or, on sait que les quantités achetées à Y.________ S.A.
durant
cette même période ont représenté plus de 12 millions de tonnes; la
part des
activités commerciales de la recourante déployées en Italie ne
saurait donc
être qualifiée de prépondérante. Deux autres éléments achèvent de
donner aux
activités genevoises un caractère nettement prépondérant. II s'agit,
d'une
part, du fait que les contrats d'achat par X.________ Corporation à
Y.________ S.A. ont été signés à Genève et, d'autre part, du fait que
F.________ exerçait certaines tâches excédant nettement un simple
suivi
administratif et financier sur l'ensemble des opérations, soit
également sur
celles effectuées à partir de l'Italie. Pour ce qui est enfin des
déplacements de A.________ à Genève, leur nombre et la brièveté des
séjours
effectués ne permet certes pas de retenir que celui-ci
y exerçait
d'importantes activités pour le compte de X.________ Corporation,
comme le
relevait justement la Commission de recours. Cette circonstance est
précisément de nature à renforcer la thèse selon laquelle la part
d'activités
commerciales et de direction courante non localisée en Italie était
exercée
certes à Genève mais par d'autres que A.________.

Enfin, s'il est vrai que les activités pétrolières de X.________
Corporation
en Suisse paraissent être au point mort depuis l'été 1999, il semble
ne pas
en aller très différemment en Italie depuis le départ de D.________
et le
décès, en 1999, de son assistante qui n'a pas été remplacée. Cette
circonstance n'est donc pas de nature à faire apparaître la
répartition des
activités commerciales et de direction courante entre Genève et Rome
sous un
jour différent, ni, partant, à avoir des incidences sur le sort du
présent
recours.

3.3 En définitive, le dossier fait apparaître un faisceau d'indices
d'où il
résulte avec une suffisante vraisemblance que, pour une part
prépondérante,
la direction courante de X.________ Corporation est exercée à Genève.
En
l'occurrence, le Tribunal fédéral ne peut s'écarter des faits
constatés dans
l'arrêt du Tribunal administratif que s'ils sont manifestement
inexacts ou
incomplets ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles
de
procédure (cf. supra consid. 1.2). Les constatations qui précèdent
permettent
de dire que tel n'est pas le cas.

Inversement, la recourante a échoué à établir des faits propres à
détruire
cette vraisemblance. En confirmant l'assujettissement illimité de la
recourante en application du rattachement de la direction effective,
le
Tribunal administratif n'a donc non seulement pas violé l'art. 50
LFID, mais
il n'a pas non plus enfreint les règles sur la répartition du fardeau
de la
preuve, ainsi que la recourante le lui reproche également. En effet,
Le
Tribunal administratif a admis la réalité des faits tels que
déterminés par
l'Administration fiscale cantonale (cf. supra consid. 3.2). A cet
égard,
celle-ci a réuni de nombreux éléments allant dans le sens d'une
administration effective de la recourante localisée à Genève et le
Tribunal
administratif aconsidéré que ce faisceau d'indices constituait une
preuve
suffisante. Il incombait alors à la recourante d'infirmer ces
éléments par la
preuve du contraire du moment que les faits établis, sur la base
d'indices
précis, étaient hautement vraisemblables (RDAF 1993 32 consid. 2b p.
35,
2A.299/1989; Archives 44 621 consid. 1b p. 623, P.524/1975 ; 39 284
consid.
3c p. 288). Or, la recourante s'est contentée de contester ces faits
et n'a
pas été en mesure de fournir de preuves les renversant ou permettant
une
autre interprétation. L'arrêt du Tribunal administratif est donc
fondé sur
une répartition correcte du fardeau de la preuve puisque celui-ci n'a
pas mis
ce fardeau à la charge de la recourante, mais à celle de
l'Administration
fiscale cantonale.

4.
II résulte de ce qui précède que le recours, entièrement mal fondé,
doit être
rejeté. Succombant, la recourante doit supporter un émolument
judiciaire
(art. 156 al. 1 OJ). II n'y a pas lieu d'allouer de dépens (art. 159
al. 1
OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 10'000 fr. est mis à la charge de la
recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie à la représentante de la
recourante,
à l'Administration fiscale cantonale et au Tribunal administratif du
canton
de Genève ainsi qu'à l'Administration fédérale des contributions,
Division
juridique de l'impôt fédéral direct.

Lausanne, le 4 décembre 2003

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.321/2003
Date de la décision : 04/12/2003
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-12-04;2a.321.2003 ?
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