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03/12/2003 | SUISSE | N°5P.332/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 03 décembre 2003, 5P.332/2003


{T 0/2}
5P.332/2003 /frs

Arrêt du 3 décembre 2003
IIe Cour civile

M. et Mmes les Juges Raselli, Président, Escher et Hohl.
Greffière: Mme Jordan.

X. ________,
recourant, représenté par Me Jean-Marie Crettaz, avocat,

contre

Y.________,
intimé, représenté par Me Dominique Lévy, avocat,
1ère Section de la Cour de justice du canton de Genève, place du
Bourg-de-Four 1, case postale 3108, 1211 Genève 3.

art. 9 et 29 al. 2 Cst. (mainlevée provisoire de l'opposition),

recours d

e droit public contre l'arrêt de la 1ère Section de la Cour
de
justice du canton de Genève du 7 août 2003.

Faits:
...

{T 0/2}
5P.332/2003 /frs

Arrêt du 3 décembre 2003
IIe Cour civile

M. et Mmes les Juges Raselli, Président, Escher et Hohl.
Greffière: Mme Jordan.

X. ________,
recourant, représenté par Me Jean-Marie Crettaz, avocat,

contre

Y.________,
intimé, représenté par Me Dominique Lévy, avocat,
1ère Section de la Cour de justice du canton de Genève, place du
Bourg-de-Four 1, case postale 3108, 1211 Genève 3.

art. 9 et 29 al. 2 Cst. (mainlevée provisoire de l'opposition),

recours de droit public contre l'arrêt de la 1ère Section de la Cour
de
justice du canton de Genève du 7 août 2003.

Faits:

A.
A la suite d'une transaction immobilière, P.________ a, par lettre
signée du
21 décembre 1989 adressée par télécopie à Y.________, déclaré, en ces
termes,
garantir personnellement E.________, qui devait 8'882'583 fr. 10 à
Y.________:

"[...]
2. Je fais virer demain vendredi sur votre compte à la Banque Centrale
Coopérative à Sion FS 882'583, 10;
3. Je garantis personnellement que votre même compte sera crédité
d'un 2ème
acompte de quatre millions de francs le lundi 8 janvier;
4. Je garantis personnellement que vous percevrez le 21 mars le 3ème
acompte
de quatre millions de francs avec en plus les intérêts à sept pour
cent.
[...]."

Sur cette même télécopie figure la déclaration suivante signée de
X.________:

"Je garantis à mon tour les engagements de P.________".

P. ________ n'a pas versé à la date prévue le troisième acompte de
4'000'000
fr.

B.
B.aLe 24 avril 1991, Y.________ a conclu avec X.________ une
convention de
"cession de droits et créances" aux fins d'encaissement dans les
meilleurs
délais du solde de 4'000'000 fr. encore dû par E.________ (art. 4, 5
et 18)
et garanti par P.________.

B.b A l'issue d'une longue procédure, ponctuée par divers incidents,
le
Tribunal de première instance de Genève a, le 23 avril 1998, condamné
P.________, garant de E.________, à payer à Y.________ et X.________ -
lesquels agissaient conjointement - 4'000'000 fr., avec intérêts à 7%
dès le
1er janvier 1990, et 9'205 fr. 45, avec intérêts à 5% dès le 12 juin
1990. Il
a en outre notamment prononcé, à concurrence des mêmes montants, la
mainlevée
définitive de l'opposition formée dans la poursuite n° xx xxxxxx x.
Le 12 mars 1999, la Cour de justice a confirmé ce jugement. Elle a en
bref
qualifié de reprise cumulative de dette l'engagement de P.________.
Elle a
par ailleurs considéré qu'en s'engageant à garantir à son tour la
dette de ce
dernier, X.________ avait formulé une promesse dont la teneur
littérale
indiquait clairement qu'il n'était tenu à paiement qu'en cas de
défaillance
du prénommé. Partant, elle a nié toute solidarité entre les deux
promesses.
Le Tribunal fédéral a rejeté, le 22 septembre suivant, le recours en
réforme
interjeté contre cet arrêt. En particulier, il a jugé que l'autorité
cantonale était parvenue à la conclusion que la volonté réelle et
concordante
de P.________ et Y.________ tendait à une reprise cumulative de la
dette de
E.________ par P.________, fait qui ne pouvait être remis en cause
par la
voie de la réforme (arrêt 4C.191/1999).

B.c Le 21 octobre 1999, P.________ a passé avec Y.________ une
convention
relative aux modalités de paiement des 4'000'000 fr. et des 9'205
fr., plus
intérêts, dus en vertu du jugement du 23 avril 1998. La validité de
cette
convention était subordonnée aux accords écrits de E.________ et
X.________.
Ce dernier n'a pas signé la convention.
Le 10 février 2000, Y.________ et P.________ ont signé un avenant à
cette
convention, garantissant l'annulation du contrat de cession passé
entre
X.________ et Y.________ le 24 avril 1991 (supra, let. B.a).

C.
Le 6 août 2001, Y.________ a fait notifier à X.________ un
commandement de
payer (poursuite n° yy yyyyyy y) la somme de 4'000'000 fr., avec
intérêts à
7% dès le 1er janvier 1990. Il s'est prévalu du "porte-fort de
X.________"
pour les obligations de P.________. Le poursuivi y a fait opposition.
Le 12 décembre 2001, Y.________ a aussi fait notifier à P.________ un
commandement de payer (poursuite n° zz zzzzzz z) 4'000'000 fr., avec
intérêts
à 7% dès le 1er janvier 1990, "sous déduction du versement de 647'000
fr." "rachat de la créance UBS par 2'270'000 fr.", qui a également
été frappé
d'opposition.

D.
D.aPar acte déposé le 30 janvier 2002, Y.________ a sollicité la
mainlevée
provisoire de l'opposition formée par X.________ au commandement de
payer
notifié dans la poursuite n° yy yyyyyy y, sous déduction des montants
versés
en remboursement de prêts octroyés par X.________, soit 110'000 fr.
le 28
décembre 1993, 200'000 fr. le 28 octobre 1994, 50'000 fr. le 22
décembre
1994, 150'000 fr. le 31 janvier 1995, 150'000 fr. le 10 mars 1995,
60'000 fr.
le 20 septembre 1995 et 60'000 fr. le 4 octobre 1995. Le Tribunal de
première
instance de Genève a fait droit à la requête le 4 avril 2002.

D.b Sur appel de X.________, la 1ère Section de la Cour de justice a,
le 26
septembre 2002, confirmé ce jugement, condamné l'appelant aux dépens
d'appel
et débouté les parties de toutes autres conclusions. Après avoir
qualifié
l'engagement du 21 décembre 1989 de l'appelant de porte-fort (art.
111 CO),
elle a considéré que Y.________ avait, par différents moyens
(conventions et
poursuites) et sans succès, recherché P.________ en paiement. La
défaillance
de ce dernier dans l'exécution de son engagement impliquait que
X.________,
"à son tour", réponde conformément à son propre engagement. Le
non-paiement
par le tiers entraînait un dommage correspondant au solde établi par
le
jugement du 23 avril 1998, soit 4'000'000 fr. avec intérêts à 7% dès
le 1er
janvier 1990.

D.c Statuant le 22 avril 2003 sur le recours de droit public formé par
X.________, la IIe Cour civile du Tribunal fédéral a annulé cet
arrêt. Elle a
en bref considéré que celui-ci souffrait d'un défaut de motivation
(art. 29
al. 2 Cst.), en ce sens qu'il ne permettait pas de connaître les
motifs qui
avaient conduit la cour cantonale à ignorer deux montants (647'000
fr. et
2'270'000 fr.) dont se prévalait le poursuivi sur la base de la
convention du
21 octobre 1999 et de l'avenant du 10 février 2000 pour réduire
l'étendue de
son obligation de garantie (arrêt 5P. 414/2002 consid. 2, spéc. 2.2).
D.d A l'audience de plaidoirie de la Cour de justice du 5 juin 2003,
X.________ s'est prévalu de l'extinction de son engagement de
porte-fort du
fait de l'existence d'une novation; en passant la convention du 21
octobre
1999, Y.________ et P.________ avaient conclu une nouvelle obligation,
indépendante, pour laquelle il ne s'était pas porté fort. X.________
a en
conséquence demandé l'annulation du jugement de première instance.
Y.________
a conclu à la mainlevée provisoire, sous déduction des montants de
2'270'000
fr. et de 647'000 fr. payés, respectivement les 1er novembre 1998 et
30 mars
2000, par P.________, en application de la convention du 21 octobre
1999.

D.e Le 7 août 2003, la 1ère Section de la Cour de justice a annulé le
jugement de première instance du 4 avril 2002. Statuant à nouveau,
elle a
prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition formée au
commandement de
payer notifié dans la poursuite n° yy yyyyyy y, à concurrence de
4'000'000
fr., plus intérêts à 7% dès le 1er janvier 1990, sous déduction des
montants
versés en remboursement de prêts octroyés par X.________, soit
110'000 fr. le
28 décembre 1993, 200'000 fr. le 28 octobre 1994, 50'000 fr. le 22
décembre
1994, 150'000 fr. le 31 janvier 1995, 150'000 fr. le 10 mars 1995,
60'000 fr.
le 20 septembre 1995 et 60'000 fr. le 4 octobre 1995, et des
2'270'000 fr. et
647'000 fr. payés par P.________ les 1er novembre 1998 et 30 mars
2000. En
bref, en sus des montants déjà pris en considération par les premiers
juges,
elle a tenu compte des 2'270'000 fr. et 647'000 fr. dont le paiement
avait
été admis par Y.________ dans ses notes de plaidoirie. Elle a en
revanche
refusé d'entrer en matière sur le moyen pris de la novation.

E.
X.________ forme un nouveau recours de droit public au Tribunal
fédéral,
concluant à l'annulation de l'arrêt cantonal. Il se plaint d'une
violation de
son droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) et d'arbitraire (art. 9
Cst.).
L'intimé et l'autorité cantonale n'ont pas été invités à répondre.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Interjeté en temps utile - compte tenu des féries d'été (art. 34 al.
1 let. b
OJ) - contre une décision qui prononce en dernière instance cantonale
la
mainlevée provisoire de l'opposition (art. 82 LP; ATF 111 III 8
consid. 1 p.
9 et les arrêts cités), le présent recours est recevable au regard
des art.
86 al. 1, 87 (a contrario) et 89 al. 1 OJ.

2.
Le recourant reproche à la Cour de justice d'avoir violé l'art. 29
al. 2 Cst.

2.1 Comme le droit d'être entendu a un caractère formel et que sa
violation
entraîne l'admission du recours, ainsi que l'annulation de la décision
attaquée indépendamment des chances de succès du recours sur le fond
(ATF 127
V 431 consid. 3d/aa p. 437; 126 V 130 consid. 2b p. 132 et les
références),
il convient de discuter ce grief en premier.
Dès lors que le recourant ne prétend pas que le droit cantonal lui
assurerait
une protection plus étendue, son moyen doit être examiné - avec un
plein
pouvoir d'examen - à la lumière de la seule garantie
constitutionnelle (ATF
126 I 15 consid. 2a p. 16 et les arrêts cités).

2.2 Selon le recourant, l'autorité cantonale aurait violé son droit
d'être
entendu, plus précisément son droit de fournir des preuves quant aux
faits de
nature à influer sur le sort de la décision ainsi que son droit à
obtenir une
décision motivée, en refusant d'examiner si la convention
transactionnelle
passée le 21 octobre 1999 entre le poursuivant et P.________ valait
novation.
Cette critique tombe à faux. Les juges intimés ont considéré qu'il ne
leur
appartenait pas, dans le cadre de la procédure sommaire de mainlevée,
de
juger de la validité de l'accord du 21 octobre 1999 et, cela fait, de
l'interpréter et de vérifier sa portée libératoire à l'égard du
recourant,
soit de statuer sur l'existence d'une novation. Il n'était pas dans le
pouvoir du juge de la mainlevée d'examiner la volonté des
cocontractants,
d'autant que l'un d'eux n'était pas partie à la présente procédure,
dans une
affaire relativement complexe qui avait déjà fait l'objet de plusieurs
procédures devant les tribunaux. Ils ont ainsi expressément exposé le
motif
qui les a convaincus de ne pas entrer en matière sur le moyen
libératoire
pris de l'existence d'une novation. Partant, il ne saurait leur être
reproché
un défaut de motivation sanctionné par l'art. 29 al. 2 Cst. (sur la
question:
ATF 126 I 97 consid. 2b p. 102; 124 V 180 consid. 1a p. 181; 123 I 31
consid.
2c p. 34). Pour le surplus, on ne voit pas en quoi ces magistrats
auraient
violé le droit du recourant de fournir des preuves, en ce sens qu'ils
auraient refusé de donner suite à des moyens probatoires présentés en
temps
utile, dans les formes requises, manifestement aptes à apporter la
preuve et
portant sur des faits pertinents (ATF 119 Ib 492 consid. 5b/bb p.
505/506).
Leurs considérations sont fondées sur les limitations imposées à leur
pouvoir
d'examen par les règles sur la procédure sommaire auxquelles est
soumise la
mainlevée provisoire de l'opposition. La critique pertinente aurait
dès lors
consisté à soutenir que la cour cantonale a arbitrairement violé ces
dispositions en refusant d'entrer en matière sur le moyen et non
qu'elle a
contrevenu à la garantie constitutionnelle de l'art. 29 al. 2 Cst. Le
grief
tiré de cette dernière norme est ainsi mal fondé.

2.3 Le recourant prétend en outre que la décision attaquée souffre
d'un autre
défaut de motivation, en ce sens qu'il est impossible de connaître
les motifs
qui ont conduit la cour cantonale à retenir que Y.________ a, par
différents
moyens (conventions et poursuites) et sans succès, recherché
P.________ en
paiement. Il se prévaut de l'absence de toute référence précise aux
pièces du
dossier jugées décisives et de toute indication des conventions et
poursuites
qui justifieraient la conclusion qui en est tirée, à savoir que
P.________ a
été vainement recherché en paiement, condition posée pour que le
contrat de
porte-fort constitue un titre de mainlevée valable.
Lorsqu'à la suite de l'admission d'un recours de droit public une
affaire est
renvoyée à l'autorité cantonale, la nouvelle décision que prend cette
dernière ne peut plus faire l'objet, dans un nouveau recours, de
griefs qui
auraient déjà pu être soulevés dans la précédente procédure de
recours (ATF
111 II 94). Or, c'est précisément ce que fait le recourant avec sa
critique.
Dans le cadre de son précédent arrêt, la Cour de justice avait déjà
relevé
que le poursuivant avait, par différents moyens (conventions et
poursuites)
et sans succès, recherché P.________ en paiement; mais dans son
recours de
droit public contre cet arrêt, le recourant ne se plaignait pas d'un
défaut
de motivation sur ce point. Il avait certes invoqué la garantie
constitutionnelle. Toutefois, il avait uniquement exposé avoir plaidé
en
appel l'exécution partielle. Selon lui, l'avenant du 10 février 2000
emportait la modification de la convention du 21 octobre 1999, en ce

sens
qu'il prévoyait l'entrée en vigueur de ce dernier accord nonobstant
le fait
que lui-même ne l'avait pas signé, argument que l'autorité cantonale
n'avait
pas traité, alors même qu'il tendait à démontrer l'exécution
partielle (à
concurrence de 647'000 fr. et de 2'270'000 fr.) par le tiers de sa
prestation
et, partant, contribuait à établir le dommage subi par le garanti,
préjudice
à l'aune duquel se mesurait l'étendue de sa propre obligation (arrêt
5P.414/2002, consid. 2.2).

3.
Exposant - d'une façon appellatoire - que la convention du 21 octobre
1999 a
emporté novation de l'obligation souscrite en 1999, le recourant
prétend que
l'autorité cantonale a "commis arbitraire en suivant les conclusions
de
mainlevée" du poursuivant.
Vu le sort du recours sur la question du refus de la cour cantonale
d'entrer
en matière sur le moyen libératoire pris de la novation (supra,
consid. 2.2),
il n'y a pas lieu d'examiner ce grief.

4.
Vu ce qui précède, le recours de droit public doit être rejeté. Le
recourant,
qui succombe, supportera l'émolument judiciaire (art. 156 al. 1 OJ).
Il n'y a
pas lieu d'allouer de dépens à l'intimé qui n'a pas été invité à
répondre
(art. 159 al. 1 et 2 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 6'000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
1ère Section de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 3 décembre 2003

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.332/2003
Date de la décision : 03/12/2003
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-12-03;5p.332.2003 ?
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