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03/12/2003 | SUISSE | N°4C.264/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 03 décembre 2003, 4C.264/2003


{T 0/2}
4C.264/2003 /ech

Arrêt du 3 décembre 2003
Ire Cour civile

MM. les Juges Corboz, Président, Walter et Favre.
Greffier: M. Carruzzo.

A. ________,
B.________,
C.________,
demandeurs et recourants,
tous trois représentés par Me Christophe Maillard,

contre

X.________ SA,
défenderesse et intimée, représentée par Me Lucien Gani,
contrat de bail à loyer; consignation des loyers; demeure du
locataire,

recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre des recours du

Tribunal
cantonal du canton de Vaud du 9 juillet 2003.

Faits:

A.
A.a X.________ SA est propriétaire d'un immeuble,...

{T 0/2}
4C.264/2003 /ech

Arrêt du 3 décembre 2003
Ire Cour civile

MM. les Juges Corboz, Président, Walter et Favre.
Greffier: M. Carruzzo.

A. ________,
B.________,
C.________,
demandeurs et recourants,
tous trois représentés par Me Christophe Maillard,

contre

X.________ SA,
défenderesse et intimée, représentée par Me Lucien Gani,
contrat de bail à loyer; consignation des loyers; demeure du
locataire,

recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre des recours du
Tribunal
cantonal du canton de Vaud du 9 juillet 2003.

Faits:

A.
A.a X.________ SA est propriétaire d'un immeuble, à Pully. Par
contrat de
bail à loyer du 10 février 1986, elle a loué à B.________ un
appartement de
trois pièces et demie, au premier étage de cet immeuble. Ledit
contrat a été
annulé et remplacé par un contrat de bail à loyer du 22 mars 2000
portant sur
la location du même appartement moyennant un loyer mensuel de 2'180
fr., sans
les charges, payable d'avance. X.________ SA a conclu ce second bail
avec
B.________, A.________ et C.________, solidairement entre eux, les
nouvelles
locataires étant, respectivement, la mère et la soeur du prénommé. Le
bail
signé le 22 mars 2000 contient une clause complémentaire relative à la
réfection partielle du parquet, endommagé par un dégât d'eau, que la
bailleresse s'engageait à effectuer à ses frais. Les travaux promis
ont été
exécutés en septembre 2000.

Le service de conciergerie de l'immeuble a été assuré, dès le 1er
avril 1997,
par dame D.________. La concierge et son mari occupaient un logement
de
fonction au rez-de-chaussée de l'immeuble sur la base d'un contrat de
bail
jumelé avec le contrat de conciergerie.

A partir du mois de juin 1998, les rapports entre les époux
D.________ et
plusieurs locataires, en particulier B.________, se sont
progressivement
tendus, avec des périodes d'accalmie. A fin octobre-début novembre
1999, la
situation s'est détériorée. Le 17 novembre 1999, la régie
représentant la
bailleresse a résilié les contrats de bail et de conciergerie des
époux
D.________, lesquels ont contesté ces résiliations. La régie a réitéré
celles-ci les 24 décembre et 25 janvier 2000, avant de les retirer,
par
convention du 11 avril 2000, car elle estimait apparemment que le
certificat
d'incapacité de travail produit par dame D.________ rendrait
aléatoire toute
procédure en validation des congés. Les locataires en ont été
informés. En
définitive, X.________ SA et les époux D.________ ont conclu, le 30
novembre
2000, une convention en vertu de laquelle il a été mis un terme à la
relation
de bail, dame D.________ renonçant à contester la résiliation de son
contrat
de travail.

A.b Entre-temps, plus précisément le 28 avril 2000, A.________,
B.________ et
C.________ avaient consigné le loyer du mois de mai 2000 auprès de la
Banque
Cantonale Vaudoise.
Par lettres recommandées du 3 juillet 2000, la régie a mis les
locataires en
demeure de payer les loyers de mai, juin et juillet 2000 et leur a
signifié
qu'à défaut de paiement dans les 30 jours, le bail serait résilié.

Le 15 août 2000, X.________ SA a résilié le bail pour le 30 septembre
2000 en
raison de la demeure des locataires.

En date du 17 août 2000, la Commission de conciliation compétente,
qui avait
été saisie le 5 mai 2000 d'une requête ad hoc de la bailleresse, a
décidé de
libérer les loyers consignés par les locataires.

Invoquant l'art. 266g CO, la bailleresse a résilié une seconde fois
le bail,
le 25 octobre 2000, pour le 1er avril 2001, au motif que A.________
avait
porté préjudice à des biens appartenant à d'autres locataires à
l'intérieur
de l'immeuble.
Mise en oeuvre par les trois locataires, la Commission de
conciliation,
statuant le 21 juin 2001, a constaté que les deux résiliations
contestées
avaient été valablement données et elle a prolongé le bail jusqu'au 30
septembre 2001.

B.
Le 27 juin 2001, A.________, B.________ et C.________ ont saisi le
Tribunal
des baux du canton de Vaud d'une requête visant à faire annuler les
deux
résiliations litigieuses et, subsidiairement, à obtenir une
prolongation de
bail pour une période de quatre ans à partir du 30 septembre 2000.
Cette
requête faisait suite à une précédente requête, déposée le 22
septembre 2000,
qui visait à la réduction du loyer, à l'allocation de
dommages-intérêts et au
maintien de la consignation du loyer jusqu'à l'exécution des travaux
de
réfection du parquet et jusqu'au départ des époux D.________.

X. ________ SA a conclu au rejet des deux requêtes, à ce que le bail
soit
déclaré valablement résilié pour le 1er avril 2001 et à ce que les
loyers
consignés soient libérés en sa faveur.
Par jugement du 26 mars 2002, le Tribunal des baux a prononcé que le
contrat
de bail du 22 mars 2000 avait été valablement résilié le 15 août 2000
pour le
30 septembre 2000. Il a condamné la défenderesse à payer aux
demandeurs la
somme de 300 fr. à titre de réduction de loyer (50 fr. par mois, de
décembre
1999 à mai 2000) et a libéré, en faveur de la défenderesse, les loyers
consignés, sous déduction de ce montant, rejetant par ailleurs la
requête en
prolongation de bail et la demande de dommages-intérêts.

Statuant par arrêt du 9 juillet 2003, sur recours des demandeurs, la
Chambre
des recours du Tribunal cantonal vaudois a confirmé ledit jugement.
Sur la
question de la validité des congés contestés, la cour cantonale a
considéré
que les demandeurs avaient consigné leur loyer sans respecter les
exigences
formelles fixées à l'art. 259g al. 1 CO, alors qu'aucune des
hypothèses
prévues par l'art. 108 CO n'était réalisée en l'espèce. Partant, la
résiliation du bail fondée sur l'art. 257d CO, dont les autres
conditions
étaient au demeurant remplies, avait été valablement signifiée aux
locataires, ce qui excluait la prolongation du bail en vertu de
l'art. 272a
al. 1 let. a CO.

C.
Les demandeurs interjettent un recours en réforme au Tribunal
fédéral. Il y
prennent toute une série de conclusions principales et subsidiaires
visant
pour l'essentiel à faire constater l'inefficacité des deux congés en
cause,
ou à en obtenir l'annulation, et à se voir octroyer en toute
hypothèse une
prolongation du bail d'une durée de quatre ans dès le 1er avril 2001.

La défenderesse conclut au rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Interjeté en temps utile (art. 54 al. 1 OJ en liaison avec l'art.
34 al.
1 let. b OJ), dans les formes requises (art. 55 al. 1 OJ), par la
partie qui
a succombé dans ses conclusions au fond et dirigé contre un jugement
final
rendu en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art.
48 al. 1
OJ) sur une contestation civile dont la valeur atteint le seuil de
8'000 fr.
(art. 46 OJ; ATF 111 II 384 consid. 1), le présent recours est
recevable sous
cet angle.

1.2 Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral conduit son
raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision
attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve
n'aient
été violées, qu'il y ait lieu de rectifier des constatations reposant
sur une
inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter
les
constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu
compte
de faits pertinents, régulièrement allégués et clairement établis
(art. 64
OJ; ATF 127 III 248 consid. 2c p. 252; 126 III 59 consid. 2a). Dans
la mesure
où les demandeurs se fondent sur un état de fait qui s'écarte de celui
contenu dans la décision attaquée, sans se prévaloir avec précision
de l'une
des exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'y a pas lieu d'en
tenir
compte (ATF 127 III 248 consid. 2c p. 252). Il ne peut être présenté
de
griefs contre les constatations de fait ni de faits ou de moyens de
preuve
nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le recours en réforme n'est pas
ouvert
pour remettre en cause l'appréciation des preuves et les
constatations de
fait qui en découlent (ATF 128 III 271 consid. 2b/aa p. 277; 127 III
543
consid. 2c p. 547; 126 III 189 consid. 2a).

1.3 Les demandeurs ne remettent en cause ni l'ampleur de la réduction
de
loyer qui leur a été accordée, ni les ordres de déconsignation du
loyer, ni
le rejet de leur conclusion en dommages-intérêts. Il n'y a donc pas
lieu de
revoir ces questions (art. 55 al. 1 let. c OJ).

Force est, en outre, de constater que les juridictions cantonales ne
se sont
pas prononcées sur la validité de la seconde résiliation du bail,
fondée sur
l'art. 266g CO (justes motifs), ni sur le problème de la prolongation
du
bail. Aussi conviendra-t-il de leur renvoyer l'affaire, dans
l'hypothèse où
le premier congé serait jugé non valable, afin qu'elles tranchent ces
questions après avoir procédé aux constatations de fait nécessaires
(cf. art.
64 al. 1 OJ).

2.
2.1Selon l'art. 257d al. 1 CO, lorsque, après réception de l'objet
loué, le
locataire a du retard pour s'acquitter d'un terme ou de frais
accessoires
échus, le bailleur peut lui fixer par écrit un délai de paiement et
lui
signifier qu'à défaut de règlement dans ce délai, il résiliera le
bail. Le
délai doit être d'au moins trente jours pour les locaux d'habitation.
L'art.
257d al. 2 CO dispose que, faute de paiement dans le délai fixé, les
baux
d'habitations peuvent être résiliés moyennant un délai de congé de
trente
jours pour la fin d'un mois.

En principe, le locataire en retard dans le paiement de son loyer est
en
demeure, ce qui justifie l'application de la procédure prévue à
l'art. 257d
CO. Tel n'est toutefois pas le cas, entre autres hypothèses, lorsque
le
locataire a valablement consigné le loyer. En effet, les loyers
consignés
sont réputés payés (art. 259g al. 2 CO).

2.2 Dans le cas concret, les juridictions cantonales ont retenu, sans
être
contredites par les demandeurs, que la défenderesse avait respecté les
exigences formelles imposées par la disposition précitée. Ce point
est dès
lors acquis. Seule demeure litigieuse la question de savoir si les
loyers
consignés par les demandeurs l'ont été valablement.

3.
3.1Aux termes de l'art. 259g al. 1 CO, le locataire d'un immeuble qui
exige
la réparation d'un défaut doit fixer par écrit au bailleur un délai
raisonnable à cet effet; il peut lui signifier qu'à défaut de
réparation dans
ce délai, il consignera auprès d'un office désigné par le canton les
loyers à
échoir. Le locataire avisera par écrit le bailleur de son intention de
consigner les loyers. Telle qu'elle est interprétée par la majorité
de la
doctrine, cette disposition subordonne la validité formelle de la
consignation à l'observation des deux conditions cumulatives
suivantes: d'une
part, le locataire doit demander au bailleur de réparer le défaut, en
lui
impartissant par écrit un délai raisonnable pour le faire; d'autre
part, il
doit le menacer par écrit de consigner le loyer, si le défaut n'est
pas
réparé dans le délai imparti (David Lachat, Le bail à loyer [ci-après
cité:
Lachat] et les auteurs cités à la note 107). En revanche, l'avis
écrit de
consignation, par lequel le locataire informe le bailleur qu'il a
effectivement consigné le loyer ou qu'il s'apprête à le faire, est
généralement considéré comme une prescription d'ordre (Lachat, p. 181
n.
7.3.5 et note 110).

Lorsqu'il apparaît à l'évidence que de telles démarches seront sans
effet, le
locataire peut se dispenser d'impartir au bailleur un délai
raisonnable pour
réparer le défaut et de le menacer de consigner le loyer (art. 108
ch. 1 CO;
Lachat, p. 180 n. 7.3.4 et note 109; le même, in Commentaire romand
[ci-après
cité: Lachat CR], n. 3 ad art. 259g CO; David Lachat/Daniel
Stoll/Andreas
Brunner, Mietrecht für die Praxis, 4e éd., p. 167, n. 7.3.4; Peter
Higi,
Commentaire zurichois, n. 29, 37 et 46 ad art. 259g CO;
SVIT-Kommentar, 2e
éd., n. 13 ad art. 259g CO [avec des réserves]; Roger Weber, in
Commentaire
bâlois, 3e éd., n. 6 ad art. 259g CO; Eugen David, Rechte und
Pflichten der
Parteien bei Mängeln der Mietsache, in Das neue Mietrecht, St-Gall
1991, p.
80 note 172; Pascal Terrapon, Les défauts de la chose louée et la
consignation du loyer, in Séminaire du droit du bail, Neuchâtel 1994,
p. 7 n.
3.2; Renate Wey, La consignation du loyer, thèse Lausanne 1995, p. 78
n. 307
s., p. 80 n. 318 et p. 81 n. 328; Martin Züst, Die Mängelrechte des
Mieters
von Wohn- und Geschäftsräumen, thèse St-Gall 1992, p. 292 n. 491
[selon cet
auteur, l'art. 108 CO ne s'applique pas à la menace de consignation]).
Semblable abstention n'est cependant pas sans risque, car il sera
souvent
difficile au locataire de démontrer ultérieurement qu'un avis
comminatoire
était superflu (Lachat, p. 180 n. 7.3.4; Wey, op. cit., p. 78 n. 308).

3.2 En l'espèce, les locataires n'ont pas respecté les exigences
formelles de
l'art. 259g al. 1 CO (demande de réparation et menace de
consignation). A
l'appui de leur recours en réforme, ils soutiennent toutefois que
l'attitude
de la défenderesse et les circonstances rendaient inutiles de telles
démarches. En effet, la bailleresse, qui s'était pourtant engagée,
dans le
contrat de bail, à faire procéder à la réfection partielle du parquet
n'avait
toujours pas donné l'ordre d'exécuter ce travail plus d'un mois après
la
signature dudit contrat. Quant aux problèmes
liés au service de
conciergerie,
la défenderesse, en retirant les résiliations de bail qu'elle avait
notifiées
à la concierge et à son époux, avait clairement renoncé à poursuive
les
démarches susceptibles de les résoudre.

3.2.1 Selon les règles de la bonne foi, la fixation d'un délai, comme
l'interpellation formelle prévue pour la mise en demeure, apparaît
superflue
lorsque le débiteur a clairement manifesté, par son comportement, sa
ferme
intention de ne pas accomplir son obligation (ATF 94 II 32). Il faut
que le
refus du débiteur de s'exécuter apparaisse clair et définitif (ATF
110 II
144). C'est au créancier qu'il incombe d'établir les faits permettant
de
conclure à l'inutilité de la fixation d'un délai, au sens de l'art.
108 ch. 1
CO (Rolf H. Weber, Commentaire bernois, n. 69 ad art. 108 CO). En
matière de
consignation, le fardeau de la preuve est supporté par le locataire
qui
entend faire l'économie des démarches formelles prescrites par l'art.
259g
al. 1 CO (cf. Lachat et Wey, ibid.).
3.2.2 En l'espèce, les demandeurs n'ont nullement réussi à démontrer
que la
fixation d'un délai à la défenderesse pour remédier aux défauts, sous
menace
de consignation du loyer, eût été superflue.

Comme le soulignent les premiers juges, il n'était pas évident, pour
la
bailleresse, de connaître les raisons précises de la consignation
(déficience
du service de conciergerie, comportement des époux D.________,
réparation
exigée du parquet) et de prendre des mesures permettant de l'éviter.
Au
demeurant, il faut admettre, avec la défenderesse, que les doléances
des
locataires ne pouvaient pas être traitées en même temps, étant donné
leur
nature différente, de sorte que la fixation de délais distincts eût
été
indispensable en l'occurrence.

S'agissant de la réparation du parquet, la cour cantonale observe que
le
délai d'exécution d'un peu plus de cinq mois paraît tout à fait
raisonnable,
compte tenu des circonstances, si bien qu'il n'y avait pas matière à
réduction du loyer de ce fait. D'ailleurs, la clause complémentaire
du bail
prévoyait certes le principe de la réfection partielle du parquet,
mais elle
n'en réglait pas les modalités. Dans ces conditions, les locataires ne
pouvaient admettre de bonne foi que la fixation d'un délai à la
bailleresse
pour l'exécution des travaux de réfection du parquet eût été inutile,
du
moment que la clause ad hoc du bail ne prévoyait pas de délai
d'exécution
pour ces travaux et que la défenderesse n'avait pas adopté un
comportement
dont les demandeurs eussent pu inférer son refus de procéder aux
démarches
nécessaires dans un délai admissible.

En ce qui concerne les problèmes liés au service de conciergerie, les
demandeurs attribuent au retrait, par la défenderesse, des
résiliations des
contrats la liant aux époux D.________, une portée qu'il n'a pas
lorsqu'ils y
voient un revirement de la part de la bailleresse, qui aurait accepté
ainsi
"que les fauteurs de troubles demeurent en place pour une durée
indéterminée". En effet, la Chambre des recours relève, à ce propos,
que si
la défenderesse a bien renoncé aux résiliations, elle n'a pas relâché
ses
efforts en vue du règlement de la situation et elle est parvenue à
ses fins
en novembre 2000, malgré les innombrables incidents et démarches en
tous sens
émanant de l'ensemble des protagonistes. Aussi la cour cantonale
refuse-t-elle d'imputer un manque de diligence à la bailleresse,
laquelle a
réussi, dans un délai raisonnable compte tenu de l'extraordinaire
complexité
de la situation, à ramener l'ordre et le calme dans l'immeuble.

Dans ces circonstances exceptionnelles, la Chambre des recours, à
l'instar du
Tribunal des baux, n'a pas violé le droit fédéral en considérant que
les
conditions d'application de l'art. 108 ch. 1 CO n'étaient pas
réalisées in
casu. La défenderesse ayant démontré par des actes concrets qu'elle
cherchait
à résoudre les problèmes pendants, les demandeurs, s'ils estimaient
que le
traitement de ces problèmes prenait trop de temps, auraient dû lui
impartir
un délai jugé par eux raisonnable pour remédier aux défauts, en la
menaçant
de consigner les loyers si elle ne s'exécutait pas dans ce délai.

3.3 Pour les motifs sus-indiqués, la consignation intervenue n'a pas
eu
d'effet libératoire, de sorte que les locataires se sont trouvés en
demeure
de plein droit.

Dans un moyen subsidiaire de leur recours en réforme, les demandeurs
contestent cette conclusion. Se réclamant d'"une frange autorisée de
la
doctrine", ils soutiennent que même si les conditions matérielles ou
formelles de la consignation ne sont pas réalisées, une résiliation
anticipée
du bail, en application de l'art. 257d al. 2 CO, n'est pas admissible
lorsque
le locataire a agi de bonne foi.

Les auteurs invoqués par les demandeurs à l'appui de cette thèse ne
professent apparemment pas l'opinion selon laquelle la consignation
formellement non valable sortirait un effet libératoire. Roger Weber
(Commentaire bâlois, 3e éd., n. 10 ad art. 257d CO et n. 14 ad art.
259g CO)
se réfère à l'arrêt publié aux ATF 125 III 120 consid. 2b, qui
reprend l'avis
exprimé par Peter Zihlmann et par lui-même dans la deuxième édition
dudit
commentaire. Or, comme cela ressort clairement du texte de l'arrêt
ainsi que
du résumé placé en tête des considérants publiés, ce précédent
n'avait trait
qu'aux conditions matérielles de la consignation. La Ire Cour civile
a en
effet constaté, dans un premier temps, que les locataires avaient
satisfait
aux exigences formelles prescrites pour la consignation du loyer
(consid. 2
p. 121). Cette constatation posée, elle a jugé, en accord avec
l'auteur
précité et d'autres spécialistes du droit du bail, que si le
locataire qui
consigne part de bonne foi de l'idée que la chose louée présente un
défaut
qu'il n'a pas à réparer ni à supporter, les loyers sont réputés
payés; par
conséquent, une résiliation extraordinaire fondée sur l'art. 257d CO
n'est
pas valable (consid. 2b et les références). Roger Weber se réfère en
outre,
comme étant conforme au sien, à l'avis exprimé par Peter Higi à
propos de
l'arrêt susmentionné (AJP 1999 p. 890 ss). Or, ce dernier auteur
range, dans
la catégorie des fautes conduisant à la demeure du locataire et
autorisant en
tout état de cause la résiliation du bail ("und eine Kündigung i.S.v.
Art.
257d OR als problemlos erscheinen lassen"), la consignation
formellement non
valable du loyer (p. 893 ch. 4a). Quant au second auteur cité par les
demandeurs (Lachat, p. 186 n. 7.5.12.), il ne semble pas soutenir une
autre
thèse que celle défendue par Weber/Zihlmann, à laquelle il se réfère
dans son
ouvrage sur le bail à loyer (p. 186 note 143). D'ailleurs, la
dernière fois
qu'il s'est exprimé sur le sujet, ledit auteur a émis un avis qui va à
l'encontre de celui que lui prêtent les demandeurs. On trouve en
effet le
passage suivant, sous la plume de David Lachat, dans le Commentaire
romand
édité en 2003: "... le locataire qui consigne le loyer sans respecter
les
conditions de CO 259g I ou qui manifestement agit de mauvaise foi
s'expose à
la résiliation du bail (CO 257d II) ..." (n. 8 ad art. 259g CO). Il
ne semble
pas, au demeurant, que la thèse soutenue par les demandeurs ait
trouvé un
écho favorable chez les autres commentateurs du droit du bail qui se
sont
penchés sur le problème litigieux (cf. SVIT-Kommentar, n. 25 ad art.
259g CO;
Richard Permann/Marc Schaner, Kommentar zum Mietrecht, éd. 1999, n. 9
ad art.
259g CO; Lachat/Stoll/Brunner, op. cit., p. 169 note 145; Terrapon,
op. cit.,
p. 8 n. 5; Wey, op. cit., p. 109 n. 458; voir aussi: Theo Guhl/Alfred
Koller,
Das Schweizerische Obligationenrecht, 9e éd., p. 436 n. 140).

C'est le lieu de rappeler que lorsque la loi subordonne l'exercice
valable
d'un droit à l'observation de formalités, la bonne foi de celui qui
exerce ce
droit ne saurait, en principe, suppléer au non-respect des exigences
formelles. Demeure réservée l'interdiction du formalisme excessif et
de
l'abus de droit. Il n'en va pas autrement dans le domaine considéré.
La
consignation a été conçue comme un moyen de pression sur le bailleur
pour
l'amener à remédier aux défauts (ATF 125 III 120 consid. 2b p. 122).
Le
locataire qui entend faire usage de ce moyen de pression doit donc
respecter
les formes légales prévues à cet effet. Nul n'étant censé ignorer la
loi, il
ne peut pas soutenir de bonne foi qu'il ignorait l'existence des
prescriptions figurant à l'art. 259g al. 1 CO, lesquelles visent
aussi à
protéger le bailleur contre le fait accompli du locataire. Il est donc
logique que ce dernier s'expose à une résiliation de son bail en
raison de sa
demeure s'il se contente de consigner le loyer sans se plier aux
exigences
formelles auxquelles la loi subordonne la validité de cette démarche.
En
revanche, s'il a respecté ces exigences et a consigné son loyer en
croyant de
bonne foi que la chose louée présentait un défaut dont la réparation
incombait au bailleur, le locataire mérite que sa bonne foi soit
reconnue et
protégée.

Appliqués au cas particulier, ces principes conduisent au rejet de la
thèse
soutenue par les demandeurs. La bonne foi de ceux-ci est d'ailleurs
sujette à
caution dans la mesure où il apparaît, sur le vu des constatations
faites par
les juridictions cantonales, que le comportement qu'ils ont adopté
vis-à-vis
de la bailleresse dans la phase d'élimination des défauts
susmentionnés
n'était de loin pas exempt de tout reproche.

3.4 Cela étant, la cour cantonale n'a pas méconnu le droit fédéral en
avalisant la résiliation du bail des demandeurs du fait de leur
demeure (art.
257d al. 2 CO) et en constatant que cette résiliation excluait une
prolongation du bail (art. 272a al. 1 let. a CO). Le présent recours
ne peut,
dès lors, qu'être rejeté.

4.
Les demandeurs, qui succombent, seront condamnés solidairement à
payer les
frais de la procédure fédérale (art. 156 al. 1 et 7 OJ) et à
indemniser la
défenderesse (art. 159 al. 1 et 5 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 3'000 fr. est mis à la charge des
recourants,
solidairement entre eux.

3.
Les recourants sont condamnés solidairement à verser à l'intimée une
indemnité de 3'500 fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 3 décembre 2003

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.264/2003
Date de la décision : 03/12/2003
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-12-03;4c.264.2003 ?
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