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03/12/2003 | SUISSE | N°2A.549/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 03 décembre 2003, 2A.549/2003


2A.549/2003/LGE/elo
{T 0/2}

Arrêt du 3 décembre 2003
IIe Cour de droit public

MM. les Juges Wurzburger, Président,
Müller et Merkli.
Greffier: M. Langone.

X. ________, recourant,
représenté par Me Peter Volken, avocat, Englisch-Gruss-Strasse 6, case
postale 395, 3900 Brigue,

contre

Service de l'état civil et des étrangers du canton du Valais, avenue
de la
Gare 39, 1950 Sion,
Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de droit public, Palais de
Justice, 1950 Sion 2.

prolo

ngation de la détention en vue de refoulement et refus de la
levée de la
détention,

recours de droit administrat...

2A.549/2003/LGE/elo
{T 0/2}

Arrêt du 3 décembre 2003
IIe Cour de droit public

MM. les Juges Wurzburger, Président,
Müller et Merkli.
Greffier: M. Langone.

X. ________, recourant,
représenté par Me Peter Volken, avocat, Englisch-Gruss-Strasse 6, case
postale 395, 3900 Brigue,

contre

Service de l'état civil et des étrangers du canton du Valais, avenue
de la
Gare 39, 1950 Sion,
Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de droit public, Palais de
Justice, 1950 Sion 2.

prolongation de la détention en vue de refoulement et refus de la
levée de la
détention,

recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal cantonal du
canton
du Valais, Cour de droit public, du 16 octobre 2003.

Faits:

A.
Le 23 juillet 2001, X.________, né le 10 janvier 1952, ainsi que son
épouse
et l'un de leurs enfants, tous apparemment ressortissants de Serbie
et du
Monténégro, ont déposé une demande d'asile. Les intéressés ayant
disparu
durant la procédure, l'Office fédéral des réfugiés a rendu une
décision de
non-entrée en matière. Le 5 septembre 2002, l'Office fédéral des
réfugiés a
rejeté la seconde demande d'asile présentée le 22 juillet 2002 par les
intéressés et prononcé leur renvoi de Suisse, en leur impartissant un
délai
au 31 octobre 2002 pour quitter la Suisse, sous peine de refoulement.
X.________ et sa famille ont sollicité la reconsidération de ce
prononcé qui
a été rejetée selon décision du 4 février 2003. Statuant sur recours
le 18
mars 2003, la Commission suisse de recours en matière d'asile a
confirmé
cette décision. Les intéressés ont demandé, en vain, à maintes
reprises la
prolongation du délai de départ fixé au 31 octobre 2002.

En avril 2003, X.________ a été placé en détention préventive dans le
cadre
d'une enquête pénale pour vols en bande et par métier. Cette mesure a
été
levée le 24 juillet 2003.

B.
Le 25 juillet 2003, le Juge unique de la Cour de droit public du
Tribunal
cantonal du canton du Valais (ci-après: le Tribunal cantonal) a
confirmé la
décision du Service de l'état civil et des étrangers valaisan
(ci-après: le
Service cantonal) de mettre X.________ en détention en vue du
refoulement
pour une durée de trois mois au plus, au motif qu'il existait de
sérieux
indices faisant craindre que l'intéressé entendait se soustraire à son
refoulement.

Par arrêt du 1er septembre 2003 - confirmé sur recours par le Tribunal
fédéral le 25 septembre 2003 (cause 2A.431/2003) - le Tribunal
cantonal a
rejeté une demande de libération déposée par l'intéressé.

C.
Le 13 octobre 2003, le Service cantonal a été informé par l'Office
fédéral
des réfugiés que les autorités serbes avaient rejeté la demande de
réadmission et refusé de délivrer un laissez-passer à X.________, au
motif
que celui-ci n'avait pas pu être reconnu sur la base des indications
fournies
et des recherches effectuées sur place. Les documents produits à
l'appui de
la demande de réadmission (certificats de mariage et de naissance)
seraient
des faux.
Après avoir entendu les parties le 15 octobre 2003, le Tribunal
cantonal a,
par arrêt du 16 octobre 2003, prolongé la détention administrative de
X.________ de trois mois, soit jusqu'au 24 janvier 2004.

D.
Agissant (le 17 novembre 2003) par la voie du recours de droit
administratif,
X.________ demande au Tribunal fédéral principalement d'annuler
l'arrêt du 16
octobre 2003 et d'ordonner sa libération le plus rapidement possible.
Le Tribunal cantonal et l'Office fédéral des réfugiés ont renoncé à se
déterminer. Le Service cantonal conclut au rejet du recours. Le
recourant a
déposé des observations hors délai.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Selon l'art. 13b de la loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et
l'établissement des étrangers (LSEE; RS 142.20), si une décision de
renvoi ou
d'expulsion de première instance a été notifiée, l'autorité cantonale
compétente peut, aux fins d'en assurer l'exécution, mettre en
détention
l'étranger en vue du refoulement. Il est nécessaire que
l'exécution du
renvoi ne soit momentanément pas possible (p.ex. faute de papiers
d'identité), mais possible dans un délai prévisible (ATF 125 II 369
consid.
3a p. 374, 377 consid. 2a p. 379). Encore faut-il que l'un des motifs
de
détention prévus à l'art. 13b al. 1 LSEE soit réalisé (ATF 125 II 369
consid.
3a p. 374, 377 consid. 3a p. 381; 124 II 1 consid. 1 p. 3) et que
l'exécution
du renvoi ou de l'expulsion ne s'avère pas d'emblée impossible pour
des
raisons juridiques ou matérielles (cf. art. 13c al. 5 let. a LSEE;
voir ATF
127 II 168; 125 II 217 consid. 2 p. 220, 377 consid. 5 p. 384). En
principe,
la durée de la détention ne peut excéder trois mois; si des obstacles
particuliers s'opposent à l'exécution du renvoi, elle peut, avec
l'accord de
l'autorité judiciaire cantonale, être prolongée de six mois au
maximum, soit
neuf mois au total (art. 13b al. 2 LSEE). En outre, la détention
(respectivement sa durée) doit respecter le principe de la
proportionnalité
(ATF 125 II 377 consid. 4 p. 383; 119 Ib 193 consid. 2c p. 198; voir
aussi
ATF 122 II 148 consid. 3 p. 152 ss). Quant aux autorités, elles
doivent
entreprendre sans tarder les démarches nécessaires (établissement de
l'identité et de l'origine, obtention d'un document de voyage, etc.) à
l'exécution de la mesure d'éloignement (art. 13b al. 3 LSEE, principe
de
diligence ou de la célérité; cf. ATF 124 II 49 ss; cf. aussi ATF 124
I 139).

2.
2.1En ce qui concerne le risque de fuite, les circonstances de fait -
telles
que constatées dans l'arrêt attaqué - n'ont pas fondamentale ment
changé
depuis l'arrêt précité du Tribunal fédéral du 25 septembre 2003. Il
subsiste
un faisceau d'indices sérieux et concrets au sens de l'art. 13b al. 1
lettre
c LSEE permettant de conclure que le recourant a toujours l'intention
de se
soustraire à son refoulement. L'intéressé a déclaré avoir tenté de
téléphoner
à un représentant de l'Ambassade de la Serbie et du Monténégro, mais
sans
succès. Cette seule circonstance n'est pas suffisante pour admettre
que le
recourant a désormais entrepris des démarches concrètes et sérieuses
en vue
d'obtenir des documents de voyage nécessaires à son départ de Suisse.
Le fait
que sa femme et ses enfants vivent en Suisse ne constitue pas une
garantie
absolue contre le risque de fuite. Durant la première procédure
d'asile, le
recourant et les membres de sa famille n'ont en effet pas hésité à
disparaître ensemble dans la clandestinité. Peu importe les motifs de
leur
disparition, à partir du moment où le recourant savait qu'il devait
tenir
informées les autorités suisses d'un éventuel projet de voyage à
l'étranger.
Certes, il semble que les membres de la famille du recourant n'aient
pas
donné lieu à des plaintes et qu'ils se soient bien intégrés en
Suisse. Si le
risque de fuite du recourant a quelque peu diminué à la suite d'un
changement de situation de la famille en Suisse, il ne peut cependant
pas
totalement être exclu. En tout cas, il n'est pas certain que le
recourant se
tiendrait spontanément et à tout moment à la disposition des autorités
chargées d'exécuter son renvoi s'il n'était pas mis en détention ou,
à tout
le moins, soumis à une autre mesure moins rigoureuse. D'autant plus
que le
recourant a probablement cherché à égarer les autorités suisses en
matière
d'asile sur son identité et son origine en leur remettant de faux
certificats
de mariage et de naissance qui ont été apparemment falsifiés.
Dans ces conditions, le motif de la détention est toujours réalisé.

2.2 Le recourant allègue - sans toutefois en apporter la preuve -
que le
renvoi dans son pays d'origine serait impossible, car les personnes
qui,
comme lui, appartiennent à la minorité des Roms ne sont pas reconnus
en tant
que nationaux par les autorités serbes, ce qui expliquerait, selon
lui, leur
refus de délivrer un laissez-passer en sa faveur. Le Service cantonal
rétorque qu'il n'est pas dans l'habitude des autorités serbes de ne
pas
accepter la réadmission de leurs ressortissants, pour autant que leur
nationalité soit établie; il est dès lors probable que la demande de
réadmission ait été rejetée non pas parce que le recourant est un Rom
mais
plutôt parce que l'intéressé a fourni des renseignements inexacts sur
son
origine ou/et son identité, l'indication d'une fausse date de
naissance ou
d'un faux lieu de naissance pouvant aboutir à l'impossibilité pour les
autorités de confirmer ou d'infirmer la nationalité d'une personne.
Dès lors,
l'exécution du renvoi de l'intéressé ne s'avère pas d'emblée
impossible pour
des raisons juridiques ou matérielles (art. 13c al. 5 lettre c LSEE).
L'exécution du renvoi - sans être impossible - ne pourra toutefois
avoir lieu
que difficilement pendant la durée de la détention administrative,
étant
donné qu'il reste encore à établir l'identité et l'origine exactes du
recourant avant de pouvoir demander un nouveau laissez-passer auprès
des
autorités étrangères, ce qui risque de prendre beaucoup de temps. Le
Service
cantonal envisage d'ailleurs de soumettre l'intéressé à un expertise
Lingua
en vue de déterminer la région de provenance de l'intéressé. Mais le
simple
fait que les autorités chargées du refoulement des étrangers se
heurtent à
des difficultés et risquent de ne pouvoir le faire en temps utile
n'est pas
suffisant pour lever la détention. En effet, il convient de faire un
pronostic sur les chances d'aboutir au renvoi de l'intéressé. La
détention
n'est inadmissible sous l'angle du principe de la proportionnalité
que si des
raisons sérieuses laissent penser que la mesure d'éloignement ne
pourra
certainement pas intervenir avant la fin du délai légal de détention
(ATF 122
II 148 consid. 3 p. 152 s.). Tel est notamment le cas lorsqu'un Etat
étranger
refuse expressément de reprendre certains de ses citoyens (cf. ATF
125 II 217
consid. 2 p. 220). Lorsqu'il n'existe aucune possibilité - ou qu'une
vague
éventualité purement théorique - de pouvoir exécuter le renvoi durant
la
détention administrative, la décision apparaît alors inadmissible, ce
qui
n'est pas le cas lorsque - comme en l'espèce - les chances de succès
sont
suffisamment sérieuses, mêmes si elle sont limitées (cf. ATF 127 II
168
consid. 2c p. 172; Thomas Hugi Yar, Zwangs- massnahmen im
Ausländerrecht, in:
Uebersax/Münch/Geiser/Arnold [éd.], Ausländerrecht, Handbücher für die
Anwaltspraxis, vol. VIII, Bâle/Genève/Munich 2002, n. 7.74 s. et n.
7.81, n.
7.84 et 7.85).

2.3 Reste à examiner si la prolongation de la détention administrative
respecte le principe de la proportionnalité et, plus particulièrement
l'art.
13c al. 3 LSEE, prévoyant que lorsqu'elle examine la décision de
détention,
de maintien ou de levée de celle-ci, l'autorité judiciaire tient
compte,
outre des motifs de détention, en particulier de la situation de la
famille
de la personne détenue.

Le recourant affirme que sa famille est affectée par son absence qui
aggrave
les traumatismes antérieurs. Il ressort en particulier d'une
attestation
établie le 5 septembre 2003 par la Doctoresse Y.________, à Brigue,
que la
famille du recourant est bien intégrée et a réussi à nouer rapidement
de bons
rapports de voisinage avec la population locale; la fille du
recourant,
Z.________, née en 1975, qui suit une traitement psychothérapeutique
depuis
le 6 novembre 2002, a fait de grands progrès en allemand; compte tenu
notamment des rapports qui lient les membres de la famille et de la
scolarisation des enfants, le risque de fuite du recourant est
qualifié de
minime.

L'état de fait tel qu'établi dans l'arrêt attaqué apparaît comme
manifestement lacunaire en ce qui concerne la situation de la famille
du
recourant. Le Juge de la détention n'a pas suffisamment examiné cette
question, ni apprécié le degré d'intégration de la famille du
recourant en
Suisse et, le cas échéant, les conséquences de la prolongation de la
détention sur la famille.

Ainsi, dans la mesure où le Tribunal fédéral ne dispose pas de tous
les
éléments de fait nécessaires pour se prononcer en toute connaissance
de
cause, il convient de renvoyer l'affaire au Tribunal cantonal pour
complément
d'instruction et nouvelle décision dans le sens des considérants
(art. 114
al. 2 OJ), quand bien même un tel procédé doit rester l'exception vu
le
caractère particulier de la détention en vue de refoulement (cf. Hugi
Yar,
op. cit., n. 7.81, et arrêt cité à la note de pied de page n. 197). Le
Tribunal cantonal devra compléter l'instruction sur ces questions et
rendre
une nouvelle décision dès que possible mais au plus tard dans un
délai de
huit jours ouvrables dès la notification du présent arrêt et au terme
d'une
procédure orale (cf. par analogie art. 13c al. 4 2e phrase LSEE). Vu
l'intérêt public important à ce que le recourant soit maintenu en
détention
administrative, il se justifie de ne pas ordonner sa libération
immédiate.

Il appartiendra au Tribunal cantonal de déterminer en particulier si
le
risque de fuite du recourant est aussi élevé qu'au début de la
détention au
regard du résultat de son instruction complémentaire et, le cas
échéant, si
d'autres mesures moins incisives (cf. Hugi Yar, op. cit., n. 7.86) ne
devraient pas être envisagées sous l'angle du principe de la
proportionnalité: on pourrait, par exemple, obliger le recourant à se
tenir à
la disposition
des autorités en le soumettant à des contrôles de
police
réguliers jusqu'à obtention des documents de voyage nécessaires à son
départ.

3.
En conclusion, le présent recours doit être partiellement admis et la
décision entreprise annulée. La cause est renvoyée au Juge de la
détention
pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Pour le
surplus, en
particulier en ce qui concerne la conclusion tendant à une libération
immédiate, le recours est rejeté.
Compte tenu des circonstances, il convient de statuer sans frais
(art. a153,
153a et 156 al. 2 OJ). Le canton du Valais doit verser au recourant
une
indemnité réduite à titre de dépens (art. 159 al. 1 OJ), le recourant
n'ayant
pas obtenu entièrement gain de cause.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
1.1 Le recours est partiellement admis et l'arrêt entrepris est
annulé.

1.2 La cause est renvoyée au Juge unique de la Cour de droit public du
Tribunal cantonal du canton du Valais pour nouvelle décision dans le
sens des
considérants à rendre dans un délai de huit jours ouvrables dès la
notification du présent arrêt.

1.3 Pour le surplus, le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

3.
L'Etat du Valais versera au recourant une indemnité réduite de 700
fr. à
titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant au
Service de l'état civil et des étrangers et au Tribunal cantonal du
canton du
Valais, Cour de droit public, ainsi qu'à l'Office fédéral des
réfugiés.

Lausanne, le 3 décembre 2003

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.549/2003
Date de la décision : 03/12/2003
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-12-03;2a.549.2003 ?
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