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03/12/2003 | SUISSE | N°2A.135/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 03 décembre 2003, 2A.135/2003


{T 0/2}
2A.135/2003 /sch

Arrêt du 3 décembre 2003
IIe Cour de droit public

MM. et Mme les Juges Wurzburger, Président,
Yersin, Merkli, Müller et Meylan, juge suppléant.
Greffier: M. Zimmermann.

X. ________,
recourant,

contre

Département des affaires militaires, Secteur taxe d'exemption, du
canton de
Fribourg,
route des Arsenaux 16, 1700 Fribourg,
Tribunal administratif du canton de Fribourg, Cour fiscale, rue André
Piller
21, 1762 Givisiez.

exonération de la taxe d'e

xemption, double-national franco-suisse,

recours de droit administratif contre la décision du Tribunal
administratif
...

{T 0/2}
2A.135/2003 /sch

Arrêt du 3 décembre 2003
IIe Cour de droit public

MM. et Mme les Juges Wurzburger, Président,
Yersin, Merkli, Müller et Meylan, juge suppléant.
Greffier: M. Zimmermann.

X. ________,
recourant,

contre

Département des affaires militaires, Secteur taxe d'exemption, du
canton de
Fribourg,
route des Arsenaux 16, 1700 Fribourg,
Tribunal administratif du canton de Fribourg, Cour fiscale, rue André
Piller
21, 1762 Givisiez.

exonération de la taxe d'exemption, double-national franco-suisse,

recours de droit administratif contre la décision du Tribunal
administratif
du canton de Fribourg, Cour
fiscale, du 21 février 2003.

Faits:

A.
X. ________, ressortissant français né en 1962 et domicilié à
Villars-sur-Glâne, a accompli ses obligations militaires en France du
1er
décembre 1984 au 9 janvier 1985. Il a acquis la nationalité suisse
le 16
août 1994. Non incorporé dans l'armée, il s'est acquitté dès 1995 de
la taxe
d'exemption de l'obligation de servir au sens de la loi fédérale y
relative,
du 12 juin 1959 (LTEO; RS 661).

Le 25 janvier 2002, X.________ s'est adressé au Bureau de la taxe
d'exemption
du canton de Fribourg (ci-après: le Bureau cantonal) pour demander le
remboursement des montants payés depuis 1997. Il s'est prévalu à
cette fin de
la Convention passée entre la Confédération et la République
française le 16
novembre 1995 au sujet du service militaire des double-nationaux,
entrée en
vigueur le 1er mai 1997 (RS 0.141.134.92; ci-après: la Convention).

Le 8 mars 2002, l'Etat-major général de l'armée a décidé que
X.________ ne
serait pas incorporé dans l'armée suisse, qu'il était affecté aux
double-nationaux non incorporés et exempté du service militaire. Cette
décision indique qu'en application de la Convention, les
double-nationaux
sont dispensés de l'obligation de payer la taxe d'exemption de
l'obligation
de servir.

Le 15 avril 2002, le Bureau cantonal a notifié à X.________ deux
décisions de
taxation, l'une définitive pour l'année 2000, et l'autre provisoire
pour
l'année 2001, d'un montant total de 844 fr., compensé par un crédit
antérieur
de 850 fr.

Le 28 avril 2002, X.________ a contesté ces décisions. Il a demandé la
répétition des taxes payées depuis 1997, pour un montant total de
4'580,60
fr.

Le 11 juin 2002, le Département des affaires militaires du canton de
Fribourg
(ci-après: le Département cantonal) a estimé que les décisions de
taxation
pour les années allant de 1997 à 2000 étaient entrées en force et ne
pouvaient faire l'objet d'une révision. Il a écarté la réclamation
pour le
surplus, en tant qu'elle était dirigée contre la décision de taxation
relative à l'année 2001. Il a considéré à ce propos qu'avant la
décision du 8
mars 2002, X.________ n'avait pas été incorporé dans une formation de
l'armée
pendant plus de six mois. Il était dès lors assujetti à la taxe selon
l'art.
2 al. 1 LTEO.
Par arrêt du 21 février 2003, le Tribunal administratif du canton de
Fribourg
a rejeté dans la mesure où il était recevable le recours formé par
X.________
contre la décision du 11 juin 2002. Il a considéré, en bref, que la
Convention devait être mise en oeuvre par le double-national qui
entendait
s'en prévaloir. Il incombait à celui-ci de saisir l'autorité
compétente
pour décider de l'exonération du paiement de la taxe d'exemption. En
l'occurrence, les droits que la Convention conférait à X.________
n'avaient
été reconnus que le 8 mars 2002. Avant cette date, il était astreint à
l'obligation de servir en Suisse et au paiement de la taxe, puisqu'il
n'avait
pas été incorporé dans une formation de l'armée.

B.
Agissant par la voie du recours de droit administratif,
subsidiairement de
droit public, X.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler
l'arrêt du 21
février 2003 et d'ordonner au Département cantonal de lui restituer le
montant des taxations payées de 1997 à 2001 inclus. Il invoque la
Convention
et l'art. 39 LTEO.

Le Tribunal administratif propose de rejeter le recours de droit
administratif et de déclarer irrecevable le recours de droit public.
Le
Département cantonal et l'Administration fédérale des contributions
concluent
au rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et avec une pleine cognition la
recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 129 I 173 consid. 1
p. 174,
185 consid. 1 p. 188; 129 II 225 consid. 1 p. 227, et les arrêts
cités).

1.1 Rendue par une autorité de dernière instance cantonale en
application de
la LTEO, la décision attaquée est fondée sur le droit public de la
Confédération (art. 5 PA). La voie du recours de droit administratif
est
ouverte selon l'art. 97 al. 1 OJ, mis en relation avec les art. 98
al. 1 let.
g OJ et 31 al. 3 LTEO. Les clauses d'exclusion des art. 99 à 101 OJ ne
s'appliquent pas. Le recours est ainsi recevable en tant que recours
de droit
administratif. Conformément à la règle de subsidiarité énoncée à
l'art. 84
al. 2 OJ, il n'y a pas lieu d'examiner le recours de droit public.

1.2 A teneur de l'art. 104 OJ, le recours de droit administratif peut
être
formé pour la violation du droit fédéral, y compris l'excès et l'abus
du
pouvoir d'appréciation (let. a) et la constatation inexacte ou
incomplète des
faits pertinents (let. b). Le Tribunal fédéral examine avec une
cognition
pleine le grief de violation du droit fédéral (ATF 123 II 295 consid.
3 p.
298, 385 consid. 3 p. 388), qui comprend la Constitution fédérale
(ATF 123 II
385 consid. 3 p. 388). La décision attaquée émane d'une autorité
judiciaire;
partant, le Tribunal fédéral est lié par les faits constatés, sauf
s'ils sont
manifestement inexacts ou incomplets ou s'ils ont été établis au
mépris des
règles essentielles de la procédure (art. 105 al. 2 OJ).

2.
2.1Dès sa naturalisation, le recourant était astreint au service
militaire ou
au service civil de remplacement (art. 59 al. 1 Cst.; art. 2 al. 1 de
la loi
fédérale sur l'armée et l'administration militaire, du 3 février 1995
- LAAM;
RS 510.10). Les obligations militaires comprennent notamment le
service
militaire ou civil et le paiement, le cas échéant, de la taxe
d'exemption
(art. 2 al. 2 LAAM). Celle-ci est aussi exigible des double-nationaux
(art. 5
al. 2 LAAM), sous réserve de conventions contraires (cf. art. 5 al.
3 LAAM;
ATF 122 II 56). Y sont assujettis les hommes astreints au service,
domiciliés
en Suisse ou à l'étranger, qui au cours de l'année d'assujettissement
n'ont
pas été incorporés pendant plus de six mois dans une formation de
l'armée et
ne sont pas astreints au service civil (art. 2 al. 1 let. a LTEO).

Selon une mention apposée le 23 septembre 1994 dans son livret de
service, le
recourant n'a pas été incorporé dans l'armée, car il avait dépassé
l'âge
d'être recruté (art. 1bis de la loi fédérale sur l'organisation
militaire, du
12 avril 1907 - OM, en vigueur jusqu'au 31 décembre 1995,
correspondant à
l'actuel art. 8 al. 2 LAAM). Dès cette époque, il était tenu de
s'acquitter
de la taxe d'exemption prévue par la LTEO (art. 26 LAAM).

2.2 La Convention prévoit que les double-nationaux ne sont tenus
d'accomplir
leurs obligations militaires qu'à l'égard d'un seul des deux Etats
(art. 3
al. 1). Si, avant sa naturalisation, le double-national a fourni des
prestations en vue de l'accomplissement de ses obligations militaires
dans
l'autre Etat, il ne reste astreint qu'à l'égard de ce dernier (art. 4
par.
2). Celui qui est visé par les art. 3 et 4 justifie de sa situation
auprès de
l'Etat où il n'est pas appelé à servir, par la production d'un
certificat ad
hoc, désigné comme « modèle C » (art. 5). Le double-national paie la
taxe
d'exemption dans l'Etat où il est tenu d'accomplir ses obligations
militaires
(art. 7). Sous ce terme, on entend, en Suisse, le service militaire
ou
civil, ainsi que la taxe d'exemption (art. 2 let. b) et, en France,
tout
service militaire ou civil, indépendamment de sa durée, y compris les
préparations militaires (art. 4 par. 3 let. a).
En l'occurrence, le recourant a accompli ses obligations militaires
en France
avant sa naturalisation. Il n'était astreint qu'à l'égard de cet
Etat, comme
l'atteste le formulaire, établi selon le « modèle C », produit le 25
janvier
2002 par le recourant. Dès cette date, celui-ci n'était plus
assujetti à la
taxe d'exemption en Suisse, ce qu'a confirmé l'Etat-major général de
l'armée
dans sa décision du 8 mars 2002.

3.
Contrairement à ce que soutient le recourant, il n'a pas été libéré de
l'obligation de payer la taxe d'exemption dès l'entrée en vigueur de
la
Convention, le 1er mai 1997. Si ce traité a pour but d'éviter que les
double-nationaux accomplissent des obligations militaires (y compris
le
paiement de la taxe d'exemption) dans les deux Etats, il prévoit que
la
personne qui entend bénéficier des règles posées aux art. 3 et 4 de la
Convention doit, pour justifier de sa situation, entreprendre des
démarches
en vue de l'établissement du formulaire standard y relatif (« modèle
C »).
Cela implique, pour la personne qui se prévaut des droits que lui
confère la
Convention, d'agir en ce sens et d'interpeller les autorités
compétentes. On
ne saurait prétendre, comme semble le faire le recourant, qu'il
incomberait à
l'autorité militaire d'intervenir spontanément pour clarifier la
situation de
chaque double-national franco-helvétique. Il appartenait au recourant
d'agir
en ce sens, ce qu'il n'a fait qu'en 2002.

Les décisions de taxation relatives aux années 1997, 1998 et 1999 sont
entrées en force. Il n'y a pas lieu d'y revenir. Une révision est
toutefois
possible, selon l'art. 40 de l'ordonnance sur la taxe d'exemption de
l'obligation de servir, du 30 août 1995 (OTEO; RS 661.1), si des faits
nouveaux importants sont allégués ou de nouveaux moyens de preuve
produits
(let. a); si l'autorité n'a pas tenu compte de faits ou de demandes
importants établis par pièces (let. b) ou si l'autorité a violé des
principes
essentiels de la procédure, en particulier le droit de consulter les
pièces
et celui d'être entendu (let. c). La révision est exclue lorsque le
requérant
évoque des motifs qu'il aurait pu faire valoir au cours de la
procédure
ordinaire s'il avait fait preuve de toute la diligence pouvant être
raisonnablement exigée de lui (art. 40 al. 2 OTEO). En l'espèce,
faute pour
le recourant d'avoir entrepris les démarches nécessaires en vue de
faire
constater qu'il était libéré de l'obligation de payer la taxe
d'exemption
après l'entrée en vigueur de la Convention, on ne peut reprocher aux
autorités de taxation de n'avoir pas tenu compte de ce fait qu'elles
ignoraient (cf. art. 40 al. 1 let. b OTEO). Le recourant aurait de
surcroît
eu la possibilité, dans la procédure de taxation, de faire état de
ces faits
nouveaux au sens de l'art. 40 al. 1 let. a OTEO. Ayant omis de le
faire, il
est forclos (art. 40 al. 2 OTEO; cf. arrêt 2A.275/2001 du 10 août
2001,
reproduit in: ASA 71 66, consid. 2a).

Pour ce qui concerne les années 2000 et 2001, les autorités
cantonales ont
considéré que la libération de l'obligation d'acquitter la taxe
d'exemption
n'était effective qu'après le prononcé de la décision du 8 mars 2002,
laquelle ne produisait en outre aucun effet rétroactif. Il n'y a rien
à
redire à cette solution.

La décision d'exonération de la taxe d'exemption, prise par
l'Etat-major
général de l'armée le 8 mars 2002, en application de l'art. 4 LTEO, a
une
valeur constitutive et produit ses effets ex nunc (arrêt 2A.121/1997
du 21
novembre 1997, reproduit in: ASA 66 667, consid. 4b/aa; cf. ATF 108
Ib 115
consid. 3b p. 117/118). Sans doute l'autorité de taxation prend-elle
toutes
les mesures nécessaires pour déterminer l'assujettissement et les
bases de
calcul de la taxe (art. 26 al. 1 LTEO), en requérant, au besoin,
l'assistance
des autorités fédérales et cantonales (art. 24 LTEO). Cela ne lui
permet pas
toutefois de se substituer à l'autorité compétente pour décider de
l'exonération de la taxe (arrêt 2A.121/1997 précité, consid. 4b/bb).
Partant,
on ne saurait reprocher aux autorités cantonales d'avoir omis de
procéder à
des investigations approfondies pour éclaircir la situation du
recourant,
notamment sous l'angle de sa double nationalité et de la Convention
entrée en
vigueur dans l'intervalle.

4.
C'est en vain que le recourant invoque l'art. 39 LTEO, qui définit
les cas
dans lesquels la taxe d'exemption peut être remboursée. En effet,
cette
disposition ne s'applique que dans le cas où la personne remplace le
service
qu'elle aurait dû accomplir au cours de l'année d'assujettissement.
Or, tel
n'est pas le cas du recourant.

5.
Celui-ci allègue avoir reçu des autorités militaires l'assurance que
son cas
serait réglé favorablement.

5.1 Découlant directement de l'art. 9 Cst. et valant pour l'ensemble
de
l'activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen
dans la
confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des
autorités. Il le
protège donc lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des
déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF
129 I 161
consid. 4.1 p. 170, 361 consid. 7.1 p. 381; 128 II 112 consid. 10b/aa
p.
125/126, et les arrêts cités). Un renseignement ou une décision

erronés de
l'administration peut obliger celle-ci à consentir à un administré un
avantage contraire à la loi, à condition que l'autorité soit
intervenue dans
une situation concrète à l'égard de personnes déterminées; qu'elle
ait agi ou
soit censée avoir agi dans les limites de sa compétence; que
l'administré
n'ait pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du
renseignement
obtenu; qu'il se soit fondé sur celui-ci pour prendre des
dispositions qu'il
ne saurait modifier sans subir de préjudice; que la loi n'ait pas
changé
depuis le moment où le renseignement a été donné (ATF 129 II 361
consid. 7.1
p. 381; 127 I 31 consid. 3a p. 36; 124 V 215 consid. 2b/aa p. 220, et
les
arrêts cités).

5.2 En l'occurrence, le recourant se prévaut de ce que les chefs des
sections
militaires de Marly et de Villars-sur-Glâne lui auraient assuré que
son cas
allait « s'arranger ». A supposer qu'il faille admettre qu'une telle
déclaration équivalait à une promesse de répétition des montants
versés
depuis 1997 - ce qui est pour le moins douteux -, elle ne pouvait de
toute
manière lier l'autorité de taxation. Pour ce seul motif, le moyen
doit être
écarté.

6.
Le recours est ainsi rejeté. Les frais en sont mis à la charge du
recourant
(art. 156 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens (art. 159 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument de 1500 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au recourant, au Département
des
affaires militaires, Secteur taxe d'exemption, du canton de Fribourg
et au
Tribunal administratif du canton de Fribourg, Cour fiscale, ainsi qu'à
l'Administration fédérale des contributions, section taxe d'exemption
de
l'obligation de servir.

Lausanne, le 3 décembre 2003

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.135/2003
Date de la décision : 03/12/2003
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-12-03;2a.135.2003 ?
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