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03/12/2003 | SUISSE | N°1P.634/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 03 décembre 2003, 1P.634/2003


{T 0/2}
1P.634/2003 /col

Arrêt du 3 décembre 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Nay, Vice-président du Tribunal fédéral, et Reeb.
Greffier: M. Kurz.

A. ________,
recourant, représenté par Me Hervé Bovet, avocat,
case postale 167, 1701 Fribourg,

contre

Juge d'instruction du canton de Fribourg,
place Notre-Dame 4, case postale 156, 1702 Fribourg,
Ministère public du canton de Fribourg,
rue de Zaehringen 1

, 1700 Fribourg,
Tribunal cantonal du canton de Fribourg, Chambre pénale, case postale
56,
1702 Fribourg.

con...

{T 0/2}
1P.634/2003 /col

Arrêt du 3 décembre 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Nay, Vice-président du Tribunal fédéral, et Reeb.
Greffier: M. Kurz.

A. ________,
recourant, représenté par Me Hervé Bovet, avocat,
case postale 167, 1701 Fribourg,

contre

Juge d'instruction du canton de Fribourg,
place Notre-Dame 4, case postale 156, 1702 Fribourg,
Ministère public du canton de Fribourg,
rue de Zaehringen 1, 1700 Fribourg,
Tribunal cantonal du canton de Fribourg, Chambre pénale, case postale
56,
1702 Fribourg.

condamnation aux frais de justice en cas de non-lieu,

recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal cantonal
fribourgeois du
17 septembre 2003.

Faits:

A.
Par ordonnance du 24 mars 2003, le Juge d'instruction du canton de
Fribourg a
clos par un non-lieu la procédure ouverte contre A.________ pour
violation
de la LStup. S'étant vu séquestrer ses récoltes de chanvre des années
2001 et
2002, A.________ avait expliqué que la récolte 2001, d'une teneur en
THC de 6
à 13 %, était destinée à la production d'huile essentielle.
S'agissant de la
récolte 2002, A.________ avait d'abord expliqué qu'elle devait être
stockée
en attendant la libéralisation, puis qu'elle devait être livrée à une
société, sans connaître sa destination finale. Compte tenu de son
taux de THC
de 0,5%, cette seconde récolte ne constituait pas un stupéfiant. Les
frais de
la procédure, soit 6'143 fr. 75, ont été mis à la charge de
A.________,
lequel avait objectivement fabriqué un stupéfiant (récolte 2001) et
subjectivement enfreint l'art. 19 LStup (récolte 2002). La
destruction du
chanvre saisi a en outre été ordonnée.

B.
Par arrêt du 17 septembre 2003 (statuant sur révision après avoir
déclaré
tardif un premier recours), la Chambre pénale du Tribunal cantonal
fribourgeois a partiellement admis le recours de A.________. Le
non-lieu a
été maintenu (ch. 1.1 du dispositif), mais la moitié seulement des
frais de
procédure a été mise à la charge de A.________ (ch. 1.2); l'huile
essentielle
a été restituée (ch. 1.3) ainsi que le chanvre, afin qu'il soit
utilisé comme
fourrage (ch. 1.4). Si, s'agissant de la récolte 2001, A.________
n'avait
jamais eu l'intention de produire des stupéfiants, il avait agi en
tout cas
par dol éventuel en ce qui concernait la récolte 2002, puisqu'il
ignorait ce
que le destinataire voulait en faire. Les frais de la procédure de
recours,
soit 266 fr. ont été mis à la charge de A.________ (ch. 2 du
dispositif).

C.
Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler ce dernier arrêt et de renvoyer la cause à
la cour
cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
La cour cantonale, le juge d'instruction et le Ministère public ont
renoncé à
formuler des observations.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le recours de droit public est formé en temps utile contre un arrêt
final
rendu en dernière instance cantonale. Le recourant a qualité, au sens
de
l'art. 88 OJ, pour contester l'arrêt attaqué, en tant qu'il met à sa
charge
une moitié des frais de procédure. En dehors d'exceptions non
réalisées en
l'espèce, le recours de droit public ne peut tendre qu'à l'annulation
de
l'arrêt attaqué (ATF 129 I 173 consid. 1.5 p. 176). La conclusion
tendant au
renvoi de la cause pour nouvelle décision dans le sens des
considérants est
dès lors irrecevable.

2.
Le recourant se plaint d'arbitraire et d'une violation de la
présomption
d'innocence. La cour cantonale ne pouvait estimer que les
déclarations faites
le 23 octobre 2002 - quant à l'utilisation de la récolte 2002 -
avaient
provoqué une procédure ouverte une année auparavant. Rien ne
permettait de
lui imputer une infraction par dol éventuel, ni aucun autre acte
illicite.

2.1 L'arrêt attaqué est fondé sur l'art. 229 al. 2 du code de
procédure
pénale fribourgeois, libellé comme il suit: "En cas d'acquittement ou
de
renonciation à la poursuite, le prévenu ne supporte les frais que si,
par un
comportement contraire à l'ordre juridique, il a donné lieu à la
procédure ou
en a rendu plus difficile le déroulement". Cette disposition confère
un
pouvoir d'appréciation étendu au juge appelé à répartir les frais de
la
procédure pénale. Ce pouvoir est toutefois limité par les garanties
offertes
au prévenu libéré des fins de la poursuite pénale. En particulier, le
principe de la présomption d'innocence, consacré aux art. 32 Cst. et
6 par. 2
CEDH, interdit de prendre une décision sur les frais défavorable au
prévenu
libéré en laissant entendre que celui-ci est coupable de l'infraction
qui lui
était reprochée (ATF 116 Ia 162). En effet, le paiement des frais de
la
procédure pénale n'est pas fondé sur une responsabilité à raison d'un
comportement pénalement répréhensible, mais sur des principes de
droit civil
qui, tel l'art. 41 CO, impose la réparation d'un dommage causé par la
violation d'une norme de comportement découlant de l'ordre juridique
suisse
dans son ensemble (même arrêt, consid. 2c-e p. 168 ss).
La condamnation aux frais d'un prévenu libéré n'est ainsi admissible
que si
celui-ci a clairement violé une règle de comportement et a ainsi
provoqué ou
compliqué l'instruction pénale (ATF 119 Ia 332; cf., en dernier lieu,
les
arrêts non publiés du 21 août 2001 dans la cause G., du 13 février
2001 dans
la cause J., du 20 octobre 2000 dans la cause S., du 10 mai 2000 dans
la
cause S. et du 14 janvier 1999 dans la cause P.). La décision prise à
ce
sujet doit s'appuyer sur des éléments de fait dûment établis et non
contestés, et les droits procéduraux du prévenu doivent être
respectés, en
particulier son droit d'être entendu (ATF 119 Ia 332 consid. 1b p.
334).

2.2 En l'occurrence, la condamnation partielle aux frais de justice
est
motivée par le fait que le recourant a, "dans ses actes et son
intention,
voulu cultiver du chanvre en vue de la production de stupéfiants",
comportement qui aurait donné lieu à la procédure. Il s'agit
manifestement
d'une déclaration de culpabilité pure et simple, incompatible avec les
principes rappelés ci-dessus, et en contradiction avec la décision de
non-lieu prononcée par le juge d'instruction. La cour cantonale s'est
par
ailleurs dispensée d'examiner si le comportement du recourant
constituait en
outre une violation d'une norme de comportement autre que la
disposition
pénale. En l'absence de toute constatation faite dans le respect des
droits
du prévenu et propre à fonder un tel reproche, il n'appartient pas au
Tribunal fédéral de se livrer à une substitution de motifs sur ce
point.
Telle qu'elle est motivée, la condamnation aux frais viole la
présomption
d'innocence, ce qui suffit pour admettre le recours.

3.
L'arrêt cantonal doit par conséquent être annulé en tant qu'il met la
moitié
des frais de procédure (ch. 1.2 du dispositif), ainsi que les frais
de la
procédure de recours (ch. 2) à la charge du recourant. Conformément à
l'art.
156 al. 2 OJ, il n'est pas perçu d'émolument judiciaire. Une
indemnité de
dépens est allouée au recourant, à la charge de l'Etat de Fribourg.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et les chiffres 1.2 et 2 du dispositif de l'arrêt
attaqué sont annulés.

2.
Une indemnité de dépens de 1500 fr. est allouée au recourant, à la
charge de
l'Etat de Fribourg.

3.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant,
au Juge
d'instruction, au Ministère public et à la Chambre pénale du Tribunal
cantonal du canton de Fribourg.

Lausanne, le 3 décembre 2003

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.634/2003
Date de la décision : 03/12/2003
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-12-03;1p.634.2003 ?
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