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01/12/2003 | SUISSE | N°1A.215/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 01 décembre 2003, 1A.215/2003


{T 0/2}
1A.215/2003 /sch

Arrêt du 1er décembre 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Reeb et Fonjallaz.
Greffier: M. Kurz.

X.________ Ltd,
recourante, représentée par Me Guy Frédéric Zwahlen, avocat, rue
Robert-Céard
13, 1204 Genève,

contre

Office fédéral de la justice, Division des affaires internationales,
Section
de l'entraide judiciaire internationale, Office central USA,
Bundesrain 20, 3003 Bern

e.

entraide judiciaire internationale en matière pénale aux USA - B 129
106/05
SPM,

recours de droit administr...

{T 0/2}
1A.215/2003 /sch

Arrêt du 1er décembre 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Reeb et Fonjallaz.
Greffier: M. Kurz.

X.________ Ltd,
recourante, représentée par Me Guy Frédéric Zwahlen, avocat, rue
Robert-Céard
13, 1204 Genève,

contre

Office fédéral de la justice, Division des affaires internationales,
Section
de l'entraide judiciaire internationale, Office central USA,
Bundesrain 20, 3003 Berne.

entraide judiciaire internationale en matière pénale aux USA - B 129
106/05
SPM,

recours de droit administratif contre la décision
de l'Office central, du 1er septembre 2003.

Faits:

A.
Le 2 octobre 2001, le Département de la justice des Etats-Unis
d'Amérique a
présenté à l'Office fédéral de la justice (ci-après: l'Office
central) une
demande d'entraide judiciaire formée pour les besoins d'une enquête
menée par
la "Securities and Exchange Commission" (ci-après: SEC) et par le
Procureur
pour le district méridional de New York, au sujet de la société
Y.________
Corporation et de ses principaux dirigeants, soit A.________ et
B.________,
ainsi que leurs complices. Selon l'exposé des faits joint à la
demande, les
dirigeants de Y.________ auraient surestimé la valeur d'un contrat
passé avec
l'administration bulgare et auraient trompé le public sur les
résultats de la
société, en diffusant de fausses informations au sujet de sa situation
financière et en omettant de fournir les rapports officiels requis.
A.________ et B.________ auraient utilisé des banques suisses pour
vendre
illégalement des millions d'actions de Y.________, entre le 14 mars
et le 31
décembre 2000, et pour faire transférer hors des Etats-Unis le
produit de ces
ventes, par l'entremise de C.________, D.________ et E.________. Les
fonds
auraient été ensuite acheminés à nouveau en Suisse. La demande
tendait à la
saisie, dans quatre banques suisses, des comptes détenus -
directement ou non
- par A.________ et B.________, ainsi qu'à la remise de la
documentation
bancaire.
Cette demande d'entraide a fait l'objet de décisions d'entrée en
matière de
l'Office central du 5 octobre 2001, d'une exécution par le Ministère
public
du canton de Zurich, et de décisions de maintien du séquestre et de
transmission des 13 février et 19 novembre 2002. Par arrêts du 3 mai
2002
(1A.70/2002) et 4 février 2003 (1A.249/2003), le Tribunal fédéral a
rejeté
les recours formés contre ces décisions.

B.
Le 7 octobre 2002, une demande d'entraide complémentaire a été
adressée à
l'Office central. Les renseignements transmis par la Suisse avaient
permis de
constater qu'une partie des fonds provenant des agissements précités
avait
été versée sur des comptes ouverts auprès de la Banque W.________ à
Genève. A
titre d'exemple, 7,5 millions d'US$ avaient été transférés sur un
compte dont
le numéro est indiqué. Une filiale de Y.________ détenait également
un compte
auprès de la même banque. La demande tend au séquestre des comptes
détenus
directement ou indirectement, au nom ou pour le compte de B.________
et
A.________, et gérés par C.________, D.________ ou E.________. La
documentation bancaire complète est requise, depuis le 1er janvier
1999,
ainsi que l'interrogatoire des collaborateurs de la banque.
L'Office central est entré en matière le 19 novembre 2002. La Banque
W.________ a fait savoir, le 19 décembre suivant, qu'elle avait
procédé au
blocage de plusieurs comptes, notamment le n° 123456 détenu par la
société
X.________ Ltd, à l'Ile de Man, administrée par C.________.

X. ________ a fait opposition en relevant qu'elle ne faisait pas
partie des
personnes mentionnées dans la demande, et qu'elle n'avait reçu aucun
montant
d'origine suspecte. Son ayant-droit était un tiers non impliqué. La
procédure
américaine n'avançait pas, et la procédure menée dans l'Ile de Man
avait
notamment permis de démontrer l'absence d'actes illicites.

Par décision du 1er septembre 2003, l'Office central a rejeté
l'opposition,
maintenu le blocage du compte n° 123456 (portant sur un montant de
83'732
US$) et ordonné la transmission à l'autorité requérante des documents
y
relatifs. C.________, qui était intervenu en tant qu'intermédiaire
financier,
avait la signature sur le compte. Z.________ SA, société appartenant à
D.________, disposait aussi d'une procuration en tant que gérant de
fortune.
Des versements avaient eu lieu régulièrement en faveur de la société
C.________ International, soit l'une des sociétés par lesquelles le
produit
de la vente d'actions Y.________ avait transité. L'autorité suisse
d'entraide
n'avait pas à se prononcer sur la conduite de la procédure étrangère.

C.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, X.________ Ltd
demande l'annulation de cette dernière décision, ainsi que la levée du
blocage de son compte et l'interdiction de transmettre la
documentation.
L'Office central conclut au rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
L'entraide judiciaire entre les Etats-Unis d'Amérique et la
Confédération
suisse est régie par le Traité conclu dans ce domaine (TEJUS; RS
0.351.933.6)
et la loi y relative (LTEJUS; RS 351.93). La loi fédérale sur
l'entraide
internationale en matière pénale (EIMP; RS 351.1) et son ordonnance
d'exécution (OEIMP; RS 351.11) demeurent réservées pour des questions
qui ne
sont pas réglées par le traité et la loi fédérale d'application (ATF
124 II
124 consid. 1a p. 126).

1.1 La décision par laquelle l'Office central suisse octroie
l'entraide
judiciaire en vertu de l'art. 5 let. b LTEJUS et rejette une
opposition selon
l'art. 16 de la même loi, peut être attaquée par la voie du recours
de droit
administratif prévue à l'art. 17 al. 1 LTEJUS (ATF 124 II 124 consid.
1b p.
126).

1.2 La recourante a qualité pour recourir, au sens de l'art. 80h let.
b EIMP,
mis en relation avec l'art. 9a let. a OEIMP, contre la confirmation
de la
saisie du compte dont elle est titulaire et la transmission de la
documentation y relative (ATF 128 II 211 consid. 2.3 et les arrêts
cités).

1.3 Le Tribunal fédéral examine librement si les conditions pour
accorder
l'entraide sont remplies et dans quelle mesure la coopération
internationale
doit être accordée (ATF 123 II 134 consid. 1d p. 136/ 137), sans avoir
toutefois à se prononcer sur la réalité des faits évoqués dans la
demande.
L'autorité suisse d'entraide ne saurait s'en écarter qu'en cas
d'erreurs,
lacunes ou contradictions évidentes et immédiatement établies (ATF
126 II 495
consid. 5e/aa p. 501; 117 Ib 64 consid. 5c p. 88, et les arrêts
cités).

2.
Reprenant ses motifs d'opposition, la recourante conteste son
implication
dans les faits décrits. La demande initiale et son complément ne
seraient
dirigés que contre A.________ et B.________, les autres personnes
n'étant
mentionnées qu'en tant qu'elles auraient reçu des fonds pour le
compte des
deux premiers cités. Les fonds parvenus à l'Ile de Man y seraient
restés
bloqués, et n'auraient jamais été retransférés en Suisse; aucun fond
suspect
ne serait parvenu sur le compte de la recourante. C.________
disposerait de
pouvoirs sur son compte, mais uniquement pour le bénéficiaire
économique de
celui-ci. La simple existence de pouvoirs de gestion en faveur de
personnes
mentionnées dans la demande ne justifierait pas les mesures de
contrainte,
dès lors qu'il est exclu que des fonds de A.________ et B.________
aient
transité par le compte. Faute d'un quelconque rapport entre le compte
de la
recourante et l'affaire Y.________, la décision attaquée violerait
notamment
la notion de tiers intéressé, ainsi que le principe de la
proportionnalité.
Il n'y aurait pas place pour une interprétation extensive dans le
cadre d'une
requête complémentaire.

2.1 S'ils paraissent d'avantage documentés, les griefs soulevés ne
sont pas
différents de ceux qui ont été examinés par le Tribunal fédéral dans
son
arrêt du 4 février 2003.
Selon la jurisprudence rappelée dans cet arrêt, relative à l'art. 10
al. 2
TEJUS, un rapport objectif entre la personne et l'infraction suffit
pour
exclure la qualité de tiers non impliqué, quand bien même la personne
n'a pas
sciemment collaboré à la commission de l'infraction (ATF 120 Ib 251
consid.
5b p. 254/255). Ainsi, celui dont le compte bancaire a été
approvisionné par
des montants de provenance suspecte, ou dont le compte a pu servir à
commettre une infraction, n'est pas un tiers non impliqué (ATF 120 Ib
251
consid. 5b p. 254/255; 107 Ib 252).
L'arrêt précité rappelle aussi qu'en vertu du principe de la
proportionnalité, l'entraide ne peut être accordée que dans la mesure
nécessaire à la découverte de la vérité recherchée par les autorités
pénales
de l'Etat requérant. La question de savoir si les renseignements
demandés
sont nécessaires ou simplement utiles à la procédure pénale est en
principe
laissée à l'appréciation des autorités de poursuite. La coopération
internationale ne peut être refusée que si les actes requis sont
manifestement sans rapport avec l'infraction poursuivie et impropres
à faire
progresser l'enquête, de sorte que la demande apparaît comme le
prétexte à
une recherche indéterminée de moyens de preuve (ATF 122 II 367
consid. 2c p.
371; 121 II 241 consid. 3a p. 242/ 243). Le principe de la
proportionnalité
empêche aussi l'autorité suisse d'aller au-delà des requêtes qui lui
sont
adressées et d'accorder à l'Etat requérant plus qu'il n'a demandé.
Cela
n'empêche pas d'interpréter la demande selon le sens que l'on peut
raisonnablement lui donner. Une interprétation large est admissible
s'il est
établi que toutes les conditions à l'octroi de l'entraide sont
remplies; ce
mode de procéder évite aussi une éventuelle demande complémentaire
(ATF 121
II 241 consid. 3a p. 243). Lorsque la demande vise à éclaircir le
cheminement
de fonds d'origine délictueuse, il convient d'informer

l'Etat requérant de toutes les transactions opérées au nom des
sociétés et
des comptes impliqués dans l'affaire (ATF 121 II 241 consid. 3c p.
244).

2.2 Le complément du 4 octobre 2002 fait largement référence à la
demande
initiale du 2 octobre 2001. Il est notamment exposé que les
dirigeants de
Y.________, soit A.________ et B.________ auraient publiquement
surévalué
leur société, en exagérant ses revenus, en particulier la valeur d'un
contrat
passé avec l'administration bulgare, en diffusant de faux
renseignements sur
les résultats et la santé financière de la société, et en omettant de
fournir
les rapports officiels requis. Une somme d'environ 175 millions d'US$,
correspondant à la vente d'actions, aurait été transférée à l'Ile de
Man par
l'entremise de C.________, D.________ de E.________. Les délits
poursuivis
sont divers types d'escroqueries, des délits d'initiés et du
blanchiment
d'argent. L'autorité requérante soutient qu'une partie des fonds
aurait
abouti dans des banques suisses. Les renseignements transmis en
exécution de
la première demande d'entraide aurait fait apparaître que ces fonds
auraient
ensuite été transférés sur des comptes auprès de la Banque W.________.
Certains de ces comptes sont identifiés, mais il est demandé de
bloquer tous
les autres comptes détenus au nom ou pour le compte de B.________ et
A.________, directement ou indirectement, ainsi que ceux qui ont été
gérés
par C.________, D.________ et E.________ comme représentants des deux
premiers cités. S'agissant de la production des documents bancaires,
la
demande complémentaire porte explicitement sur tous les comptes
ouverts au
nom ou pour le compte de l'ensemble des personnes précitées. Or,
comme le
relève l'Office central, C.________ figure parmi les signataires du
compte de
la recourante, de même que la société Z.________ SA, qui appartient à
D.________. Par ailleurs, des versements réguliers ont été effectués
en
faveur de la société C.________ International qui serait, selon
l'autorité
requérante, l'une des sociétés par lesquelles le produit de la vente
des
actions Y.________ a transité. Cela suffit pour justifier l'intérêt
potentiel
de l'autorité requérante.

L'entraide judiciaire ne saurait par conséquent être limitée dans le
sens
voulu par la recourante: l'autorité suisse requise n'a pas les moyens
de
vérifier si les comptes détenus ou gérés par C.________, D.________ et
E.________ ont été ou non utilisés sur l'ordre des deux principaux
inculpés,
et s'ils ont effectivement été alimentés par des fonds provenant de
la vente
des actions. L'interprétation de l'Office central, selon laquelle la
seule
disposition d'un compte par l'une des personnes précitées est
susceptible
d'intéresser l'autorité requérante, correspond au sens de la demande
d'entraide. Même si elle devait procéder d'une légère extension de la
mission
décrite, il n'en résulterait pas une violation du principe de la
proportionnalité. Les principes d'interprétation rappelés ci-dessus
valent en
effet également pour une demande complémentaire, dans la mesure où une
interprétation large de celle-ci peut être susceptible d'éviter un
nouveau
complément.

2.3 Pour le surplus, la recourante présente une argumentation à
décharge
concernant la réalité du contrat passé avec l'administration bulgare,
le
retour des fonds en Suisse et l'absence de mouvements d'origine
suspecte sur

son propre compte, argumentation qui n'a pas à être examinée dans le
présent
cadre. L'argument selon lequel la recourante n'est pas mentionnée
dans la
demande et son complément ne fait pas échec à l'entraide, puisque le
sens de
la démarche de l'autorité requérante est précisément de découvrir les
sociétés dont ont pu se servir les personnes impliquées.

2.4 Les griefs tirés des art. 6 et 8 CEDH ne sont pas mieux fondés. La
recourante n'est en effet pas admise à se prévaloir des lenteurs de la
procédure étrangère, puisque le droit à un jugement dans un délai
raisonnable
ne protège que la personne poursuivie dans l'Etat requérant, et non
une
société sise dans un autre pays (cf. ATF 126 II 258 consid. 2d/aa p.
260).
Par ailleurs, compte tenu du traité d'entraide, ainsi que de la loi
suisse
d'application d'une part, et de l'intérêt à la poursuite
d'infractions dans
l'Etat requérant d'autre part, il n'y a pas lieu de douter que
l'ingérence
est en l'espèce prévue par la loi et repose sur une nécessité
suffisante au
regard de l'art. 8 CEDH.

Comme l'a annoncé l'autorité requérante dans sa demande
complémentaire, il
lui appartiendra de se déterminer sur l'éventualité d'une
confiscation au
regard des renseignements qui lui seront transmis. L'Office central
devra
pour sa part s'assurer que les valeurs ne demeurent pas bloquées sans
nécessité, en interpellant au besoin l'Etat requérant si celui-ci ne
se
détermine pas dans un délai raisonnable.

3.
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit ainsi être rejeté, aux
frais de
la recourante (art. 156 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 5000 fr. est mis à la charge de la
recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie à la recourante et à l'Office
fédéral de la justice, Division des affaires internationales, Section
de
l'entraide judiciaire internationale.

Lausanne, le 1er décembre 2003

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.215/2003
Date de la décision : 01/12/2003
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-12-01;1a.215.2003 ?
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