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28/11/2003 | SUISSE | N°5P.352/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 28 novembre 2003, 5P.352/2003


{T 0/2}
5P.352/2003 /frs

Arrêt du 28 novembre 2003
IIe Cour civile

M. et Mmes les Juges Raselli, Président,
Nordmann et Hohl.
Greffière: Mme Mairot.

Dame X.________,
recourante, représentée par Me Olivier Burnet, avocat, case postale
2308,
1002 Lausanne,

contre

X.________,
intimé, représenté par Me Jérôme Bénédict, avocat,
rue de Bourg 33, case postale 2233, 1002 Lausanne,
Tribunal d'arrondissement de la Côte,
rte de St-Cergue 38, 1260 Nyon.

art. 9 Cst. (mesures

provisionnelles selon l'art. 137 CC),

recours de droit public contre le jugement du Tribunal
d'arrondissement de la
Côt...

{T 0/2}
5P.352/2003 /frs

Arrêt du 28 novembre 2003
IIe Cour civile

M. et Mmes les Juges Raselli, Président,
Nordmann et Hohl.
Greffière: Mme Mairot.

Dame X.________,
recourante, représentée par Me Olivier Burnet, avocat, case postale
2308,
1002 Lausanne,

contre

X.________,
intimé, représenté par Me Jérôme Bénédict, avocat,
rue de Bourg 33, case postale 2233, 1002 Lausanne,
Tribunal d'arrondissement de la Côte,
rte de St-Cergue 38, 1260 Nyon.

art. 9 Cst. (mesures provisionnelles selon l'art. 137 CC),

recours de droit public contre le jugement du Tribunal
d'arrondissement de la
Côte du 22 août 2003.
Faits:

A.
X. ________, né le 13 août 1937, et dame X.________ née le 17 mars
1946, se
sont mariés le 9 juin 1979. Un enfant, aujourd'hui majeur, est issu
de cette
union.
Par demande du 31 mai 1999, reçue au greffe du Tribunal du district
de Morges
le lendemain, l'épouse a ouvert action en divorce.
De nombreuses requêtes de mesures préprovisionnelles et
provisionnelles,
ainsi que d'appel sur mesures provisionnelles ont été déposées.
Par ordonnance de mesures provisionnelles du 2 juin 2003, le mari a
été
astreint à verser à sa femme une contribution d'entretien d'un
montant de 620
fr. par mois dès le 1er avril 2003 (chiffre II de l'ordonnance).

B.
Par jugement du 22 août 2003, le Tribunal d'arrondissement de la Côte
a
rejeté l'appel déposé par l'épouse. Admettant partiellement celui du
mari, il
a modifié le chiffre II de l'ordonnance du 2 juin 2003 en ce sens que
la
pension due à la crédirentière prend fin le 30 avril 2003 (chiffre
III du
jugement).

C.
Agissant par la voie du recours de droit public pour violation des
art. 8 et
9 Cst., l'épouse conclut à l'annulation du jugement du 22 août 2003,
dans la
mesure où il supprime toute contribution d'entretien en sa faveur à
partir du
30 avril 2003. Elle a en outre déposé une requête de mesures
provisionnelles,
au sens de l'art. 94 OJ, tendant au versement d'une pension
provisoire de
1'600 fr. par mois dès le 1er mai 2003 et, à titre subsidiaire, de
620 fr.
par mois.
La recourante sollicite par ailleurs l'octroi de l'assistance
judiciaire.
L'intimé propose tant le rejet du recours que de la requête de mesures
provisionnelles.
L'autorité cantonale s'en est remise à justice.

D.
Par ordonnance du 9 octobre 2003, le juge présidant la cour de céans a
partiellement admis la requête de mesures provisionnelles, en ce sens
que
l'effet suspensif est accordé quant au chiffre III du dispositif du
jugement
attaqué à concurrence de 515 fr. par mois dès le 1er mai 2003.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours
qui lui sont soumis (ATF 129 I 173 consid. 1 p. 174, 185 consid. 1 p.
188;
129 II 225 consid. 1 p. 227 et les références).

1.1 Les décisions de mesures provisionnelles en matière de divorce ne
peuvent
faire l'objet que d'un recours de droit public (ATF 100 Ia 12 consid.
1a et b
p. 14; 126 III 261 consid. 1 p. 262 et les arrêts cités). Le présent
recours
a de plus été déposé en temps utile (art. 89 al. 1 OJ).

1.2 En vertu de l'art. 86 al. 1 OJ, le recours de droit public n'est
recevable qu'à l'encontre des décisions prises en dernière instance
cantonale. Cette disposition signifie que les griefs soulevés devant
le
Tribunal fédéral ne doivent plus pouvoir faire l'objet d'un recours
ordinaire
ou extraordinaire de droit cantonal (ATF 126 I 257 consid. 1a p. 258;
119 Ia
421 consid. 2b p. 422; 110 Ia 71 consid. 2 et les arrêts cités). Dans
le
canton de Vaud, l'arrêt sur appel en matière de mesures
provisionnelles peut
faire l'objet d'un recours en nullité pour tous les motifs prévus par
l'art.
444 al. 1 CPC/VD, à savoir pour déni de justice formel
(Poudret/Haldy/Tappy,
Procédure civile vaudoise, 3e éd., 2002, n. 1 ad art. 108 CPC, p.
212), ainsi
que pour arbitraire dans l'appréciation des preuves (ATF 126 I 257;
JT 2001
III 128). Formé, non pour ces motifs, mais pour arbitraire dans
l'application
du droit civil fédéral et violation de l'art. 8 Cst., le présent
recours est
donc recevable au regard de l'art. 86 al. 1 OJ.

2.
La recourante se plaint d'une application insoutenable de l'art. 173
CC
(recte: art. 137 CC) et des règles jurisprudentielles y relatives.
Elle
reproche aux juges d'appel d'avoir refusé de partager par moitié
l'excédent
disponible après déduction des minima vitaux, et de lui avoir dénié
tout
droit à une contribution d'entretien dès le 1er mai 2003 en se
fondant sur le
principe du "clean break". Ce faisant, l'autorité cantonale aurait en
outre
violé le principe de l'égalité de traitement (art. 8 Cst.). En
l'occurrence,
ce second grief se confond toutefois avec celui de l'application
arbitraire
de la loi (arrêt 5P.372/2001 du 18 mars 2002, consid. 3).

2.1 En vertu de l'art. 137 al. 2 CC, le juge ordonne, sur requête, les
mesures provisoires nécessaires pour la durée de la procédure de
divorce; les
dispositions régissant la protection de l'union conjugale (art. 172
ss CC)
sont applicables par analogie.
D'après l'art. 176 al. 1 ch. 1 CC, le juge fixe la contribution
pécuniaire à
verser par l'une des parties à l'autre, en application de l'art. 163
al. 1
CC. Chacun des époux a le droit de participer de manière identique au
train
de vie antérieur (ATF 119 II 314 consid. 4b/aa p. 318). Le montant de
la
contribution d'entretien se détermine en fonction des facultés
économiques et
des besoins respectifs des époux. Le législateur n'a pas arrêté de
mode de
calcul à cette fin. L'une des méthodes préconisées par la doctrine et
considérée comme conforme au droit fédéral est celle dite du minimum
vital,
avec répartition de l'excédent. Selon cette méthode, lorsque le
revenu total
des conjoints dépasse leur minimum vital de base du droit des
poursuites
(art. 93 LP), auquel sont ajoutées les dépenses non strictement
nécessaires,
l'excédent est en règle générale réparti par moitié entre eux (ATF
114 II
26). La méthode du minimum vital n'est qu'une des manières de
calculer la
contribution d'entretien, et non un modèle obligatoire. Une décision
qui ne
l'applique pas n'est donc pas, de ce seul fait, arbitraire. La
question de
son application ne peut d'ailleurs se poser que si le principe d'une
contribution est acquis.
La jurisprudence a en outre précisé que lorsqu'on ne peut plus
sérieusement
compter sur une reprise de la vie commune, les critères applicables à
l'entretien après le divorce doivent être pris en considération pour
évaluer
l'entretien et, en particulier, la question de la reprise ou de
l'augmentation de l'activité lucrative d'un époux (arrêt 5P.189/2002
du 17
juillet 2002, publié in FamPra 2002 p. 836; arrêt 5P.437/2002 du 17
novembre
2003; en matière de mesures protectrices de l'union conjugale, ATF
128 III
65). Cela signifie d'une part que, outre les critères posés
précédemment par
la jurisprudence, le juge retiendra les éléments indiqués de façon non
exhaustive par l'art. 125 al. 2 CC et, d'autre part, qu'il y a lieu
d'apprécier la situation à la lumière du principe dit du "clean
break", en
encourageant autant que possible l'indépendance économique des
conjoints.

2.2 En l'espèce, le jugement attaqué retient que l'épouse réalise un
revenu
mensuel de 2'838 fr. pour des charges incompressibles de 2'922 fr.,
d'où un
déficit, arrondi, de 90 fr. Quant au mari, ses ressources sont de
3'865 fr.
par mois et ses charges, de 2'926 fr.35, ce qui lui laisse un
disponible de
938 fr.65. Ces chiffres ne sont pas contestés. Après avoir rappelé
qu'une des
méthodes permettant de déterminer l'entretien est celle dite du
minimum
vital, avec répartition de l'excédent, l'autorité cantonale a
considéré qu'en
fonction des circonstances, il pouvait être dérogé, vers le haut ou
vers le
bas, à la règle selon laquelle il y avait lieu d'ajouter un
supplément de 20%
au minimum vital - élargi - du débirentier. Les juges d'appel ont
ensuite
relevé que le mari partageait sa vie avec une amie, laquelle
disposait de son
propre revenu et l'aidait à assumer ses charges, ce qui lui permettait
d'entretenir une "charmante maison" et "de se voir offrir une
tondeuse à
gazon" (dont il avait été abondamment question lors de l'audience
d'appel),
soit, en résumé, d'avoir une situation financière sensiblement plus
facile
que celle de l'épouse. Par ailleurs, il y avait lieu de tenir compte
du fait
que la procédure de divorce durait depuis plus de quatre ans, qu'il
n'existait aucun espoir de reprise de la vie commune et qu'il
convenait
d'appliquer le principe du "clean break" prévu par le nouveau droit du
divorce. La pension de l'épouse devait donc être supprimée.

2.3 Outre que cette motivation n'est guère compréhensible, la solution
adoptée par l'autorité cantonale doit être qualifiée d'arbitraire
(sur cette
notion, voir ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9 et les arrêts cités). S'il
y a
effectivement lieu d'apprécier la situation d'un couple séparé
totalement
désuni en s'inspirant des principes régissant l'hypothèse du divorce,
il n'en
demeure pas moins que, en pareil cas, c'est bien l'art. 163 al. 1 CC
qui
constitue la cause de l'obligation d'entretien. Les deux époux
doivent ainsi
participer, chacun selon ses facultés, aux frais supplémentaires
engendrés
par l'existence parallèle de deux ménages. De plus, l'absence de
perspective
de réconciliation entre les conjoints ne saurait justifier, à elle
seule, la
suppression de la contribution d'entretien. L'art. 125 CC, auquel il
convient
de se référer dans une telle hypothèse, concrétise en effet deux
principes:
d'une part, celui du "clean break", qui veut que, dans la mesure du
possible,
chaque époux acquière son indépendance économique et subvienne
lui-même à son
entretien; d'autre part, celui de la solidarité, qui implique que les
conjoints sont responsables l'un envers l'autre non seulement des
effets que
le partage des tâches adopté durant le mariage a pu avoir sur la
capacité de
gain de l'un d'eux, mais également des autres motifs qui empêcheraient
celui-ci de pourvoir lui-même à son entretien (cf. Message du Conseil
fédéral
du 15 novembre 1995 concernant la révision du code civil suisse, FF
1996 I n.
144.6 p. 31-32). L'obligation d'entretien repose donc sur les besoins
de
l'époux demandeur; si l'on ne peut attendre de lui qu'il augmente sa
capacité
de travail ou reprenne une activité lucrative interrompue à la suite
du
mariage, une contribution lui est due pour assurer son entretien
convenable
(arrêt 5C.42/2002 du 26 septembre 2002, consid. 2.1 non publié aux
ATF 129
III 55). Or, dans le cas particulier, le jugement attaqué constate que
l'épouse ne dispose pas de revenus suffisants pour couvrir ses
dépenses
indispensables; il n'apparaît pas non plus qu'il lui serait possible
de
pourvoir à son entretien convenable, par exemple en augmentant son
taux
d'activité, l'autorité cantonale n'ayant pas examiné ce point.
L'intimé objecte qu'en tenant compte de ses impôts, d'un montant de
500 fr.,
et du supplément de 20% auquel il estime avoir droit en sus de son
minimum
vital, sa situation financière ne lui permet pas de verser de
contribution
d'entretien. L'autorité cantonale a toutefois estimé que la charge
fiscale
effective du mari n'était pas établie, de sorte qu'il n'y avait pas
lieu d'en
tenir compte; par souci d'égalité, il convenait de faire aussi
abstraction de
ce poste concernant l'épouse. Dès lors que l'intimé ne critique pas
ces
points d'une façon conforme à l'art. 90 al. 1 let. b OJ (cf. ATF 101
Ia 521
consid. 3 p. 525), ses allégations sont irrecevables; selon la
jurisprudence,
la charge fiscale du débirentier ne doit du reste pas être prise en
considération lorsque, comme en l'espèce, les ressources financières
sont
modestes (ATF 126 III 353 consid. 1a/aa p. 356). Quant à la
majoration de 20%
- qui fait l'objet de vastes débats dans la doctrine s'agissant de la
contribution d'entretien après divorce (arrêts 5C.100/2002 du 11
juillet
2002, consid. 3.1 in fine; 5C.23/2002 du 21 juin 2002, consid. 2b et
les
nombreuses citations), elle n'est pas admise dans le cadre de mesures
provisoires (cf. ATF 123 III 1 consid. 3b/bb p. 4; arrêts 5P.364/2000
du 13
février 2001, consid. 6; 5P.65/2000 du 28 mars 2000, consid. 2b et les
références).

3.
Au vu de ce qui précède, l'autorité cantonale ne pouvait, sans tomber
dans
l'arbitraire, fonder sa décision de suppression de la contribution
d'entretien uniquement sur l'absence de perspective de réconciliation
entre
les conjoints et la durée de la procédure.
Le recours doit dès lors être admis et le jugement attaqué
partiellement
annulé au sens des considérants. L'intimé, qui succombe, paiera les
frais de
justice et versera des dépens à sa partie adverse (art. 156 al. 1 et
159 al.
1 OJ). La requête d'assistance judiciaire présentée par celle-ci
devient par
conséquent sans objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et le jugement attaqué est partiellement annulé
au sens
des considérants.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de l'intimé.

3.
L'intimé versera à la recourante une indemnité de 2'000 fr. à titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et au

Tribunal d'arrondissement de la Côte.

Lausanne, le 28 novembre 2003

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.352/2003
Date de la décision : 28/11/2003
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-11-28;5p.352.2003 ?
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