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28/11/2003 | SUISSE | N°4C.190/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 28 novembre 2003, 4C.190/2003


{T 0/2}
4C.190/2003 /ech

Arrêt du 28 novembre 2003
Ire Cour civile

MM. les Juges Corboz, Président, Walter et Favre.
Greffière: Mme Godat Zimmermann.

A. ________,
défenderesse et recourante, représentée par Me Rémy Balli,
contre

X.________ SA,
demanderesse et intimée, représentée par Me Bernard Katz,

contrat mixte vente/entreprise; garantie pour les défauts,

recours en réforme contre le jugement de la Cour civile du Tribunal
cantonal
du canton de Vaud du 11 juin 2002.

Faits:

A.
A. ________ était propriétaire de la parcelle n° ..., plan-folio 13,
de la
commune de U.________. Au d...

{T 0/2}
4C.190/2003 /ech

Arrêt du 28 novembre 2003
Ire Cour civile

MM. les Juges Corboz, Président, Walter et Favre.
Greffière: Mme Godat Zimmermann.

A. ________,
défenderesse et recourante, représentée par Me Rémy Balli,
contre

X.________ SA,
demanderesse et intimée, représentée par Me Bernard Katz,

contrat mixte vente/entreprise; garantie pour les défauts,

recours en réforme contre le jugement de la Cour civile du Tribunal
cantonal
du canton de Vaud du 11 juin 2002.

Faits:

A.
A. ________ était propriétaire de la parcelle n° ..., plan-folio 13,
de la
commune de U.________. Au début 1989, elle y a entrepris la
construction d'un
bâtiment connu sous le nom de Y.________. A cet effet, elle a mandaté
B.________ comme architecte.

X. ________ SA est une société dont le but est notamment la vente de
produits
du tabac par distributeurs automatiques. Le 16 mars 1989, A.________
a conclu
avec X.________ SA un contrat de «vente à terme-emption» portant sur
l'immeuble susmentionné. L'accord contient les passages suivants:
«1. L'immeuble vendu sera transféré à l'acheteuse terminé selon le
descriptif
de la construction, signé des parties, légalisé et produit pour
demeurer
ci-annexé, sous les garanties légales, avec ses parties intégrantes et
accessoires, libre de tous droits ou charges autres que ceux
mentionnés
ci-dessus.
(...)
5. Toutes modifications apportées au descriptif mentionné sous
chiffre 1
ci-dessus devront être soumises par écrit et approuvées par la
venderesse et
l'architecte mandaté par cette dernière. Elles seront commandées et
payées
directement par l'acheteuse, à l'entière décharge de la venderesse.
(...)
6. L'acheteuse renonce d'ores et déjà à demander des dommages et
intérêts si
les aménagements extérieurs et les retouches intérieures éventuelles
ne sont
pas entièrement exécutées lors de l'exécution du présent acte.

7. La venderesse ne sera tenue envers l'acheteuse de réparer les
défauts
éventuels que jusqu'à concurrence des droits qu'elle possédera
elle-même
contre les maîtres d'état ayant participé à la construction.
(...)
12. La prise de possession aura lieu le jour du dépôt au Registre
foncier de
la réquisition de transfert immobilier. Cette date sera déterminante
pour le
transfert des risques.
Quant à l'entrée en jouissance, elle aura lieu le jour de la
signature de la
réquisition de transfert immobilier.

13. L'impôt foncier communal, la prime d'assurance incendie, ainsi
que
toutes les autres contributions foncières seront supportés par
chacune des
parties au prorata du temps de jouissance.»
Le 14 septembre 1989, A.________ et X.________ SA ont conclu, devant
notaire,
un second contrat annulant purement et simplement le contrat de vente
à
terme-emption et comprenant notamment les termes suivants:
«II. VENTE
(...)
Cette vente est conclue sous les clauses et aux conditions suivantes:
1. L'immeuble vendu est transféré à l'acheteuse dans son état actuel,
mais à
terminer selon le descriptif de la construction, signé des parties en
date du
seize mars mil neuf cent huitante-neuf, légalisé et dont une copie
vidimée
est produite pour demeurer ci-annexée, sous réserve toutefois des
modifications demandées par l'acheteuse et sous les garanties
légales, avec
ses parties intégrantes et accessoires, libre de tous droits ou
charges
autres que ceux mentionnés ci-dessus.
(...)
5. Toutes modifications apportées au descriptif mentionné sous
chiffre 1
ci-dessus devront être soumises par écrit et approuvées par la
venderesse et
l'architecte mandaté par cette dernière. Elles seront commandées et
payées
directement par l'acheteuse, à l'entière décharge de la venderesse.

6. La venderesse n'est tenue envers l'acheteuse de réparer les
défauts
éventuels que jusqu'à concurrence des droits qu'elle possède
elle-même contre
les maîtres d'état ayant participé à la construction.
(...)
9. Les parties déclarent avoir arrêté entre elles le prix de vente à
la somme
de
---QUATRE MILLIONS HUIT CENT MILLE FRANCS---
---(Fr. 4'800'000.--)---
Il a été, il est et il sera payé de la manière suivante:
a) un million six cent huitante mille francs Fr. 1'680'000.-
ont été payés antérieurement à ce jour et quittance de ce montant est
ici
confirmée;
b) deux millions quatre cent vingt mille francs Fr. 2'420'000.-
sont payés au moyen d'un chèque bancaire numéro 59509856 tiré sur la
banque
Z.________, à Lausanne, à l'ordre du notaire stipulateur.
Quittance de ce montant est ici donnée.
c) sept cent mille francs Fr. 700'000.-
soit le solde, seront payés, sans intérêt, en mains de la venderesse,
dans
les quatorze jours qui suivront la fin des travaux à exécuter selon le
descriptif mentionné sous chiffre un ci-dessus, mais au plus tard le
trente
novembre mil neuf cent huitante-neuf. La venderesse renonce à toutes
garanties pour le versement de cette somme.

Total égal au prix de vente Fr. 4'800'000.-
==========
quatre millions huit cent mille francs.
Cette date du trente novembre mil neuf cent huitante-neuf, mentionnée
sous
chiffre neuf lettre c) ci-dessus sera de plein droit prorogée aussi
longtemps
que le bâtiment ne sera pas terminé selon le descriptif susmentionné.
Dans cette hypothèse, la venderesse devra à l'acheteuse un intérêt
sur le
montant de deux millions quatre cent vingt mille francs (Fr.
2'420'000.--)
calculé à un taux identique à celui demandé par la banque Z.________
pour le
prêt accordé à l'acheteuse en relation avec l'immeuble objet du
présent acte,
mais à compter du quinze novembre mil neuf cent huitante-neuf.
Dans le prix de vente susmentionné est compris un montant forfaitaire
de
septante mille francs (fr. 70'000.--) disponible pour l'installation
d'un
monte-charge ou d'ascenseur. Il en sera tenu compte le jour du
paiement du
solde du prix de vente.
(...)
10. La venderesse prend l'engagement de:
a) payer en totalité les maîtres d'état et fournisseurs ayant
participé à la
construction, de telle façon qu'aucune hypothèque légale des artisans
et
entrepreneurs ne soit inscrite sur l'immeuble;
b) assurer le bâtiment contre l'incendie et faire cadastrer à ses
frais;
c) exécuter tous les travaux de retouches, après avoir procédé aux
reconnaissances provisoire et définitive, conformément à l'usage,
ainsi que
les aménagements extérieurs qui sont à la charge de la venderesse.
L'acheteuse renonce à toutes garanties du chef de cet engagement.

11. La prise de possession aura lieu le jour de l'inscription au
Registre
foncier du présent acte. Cette date sera déterminante pour le
transfert des
risques. Par contre, l'entrée en jouissance est immédiate.

12. L'impôt foncier communal, la prime d'assurance incendie, ainsi
que
toutes les autres contributions foncières seront supportés par la
venderesse
jusqu'au 30 novembre 1989.»
Le transfert de l'immeuble au Registre foncier a été exécuté le 19
septembre
1989.

En date du 3 novembre 1989, X.________ SA a adressé à A.________ et à
B.________ le courrier suivant:
«Par la présente, nous vous informons, qu'en ce qui concerne le
drainage,
étanchéité des sous-sols et installations sanitaires, nous nous voyons
contraints de formuler des RESERVES, dictées par le peu de sérieux
constaté
dans la manière d'entreprendre ces différents travaux, de la part des
adjudicataires.
Nous vous prions de bien vouloir faire le nécessaire, afin de remédier
rapidement à cet état de fait.
Les RESERVES formulées ci-dessus restant d'actualité, quelles que
soient les
suites données à notre requête.»
Le 20 novembre 1989, X.________ SA a réitéré ses réserves à
B.________.

Le 5 décembre 1989, une séance a réuni B.________, A.________ et son
époux,
trois administrateurs de X.________ SA ainsi que C.________, notaire.
Le
procès-verbal dressé par le notaire constate l'avancement des travaux
par
rapport au descriptif de construction joint à l'acte du 14 septembre
1989. Il
y est noté également que la pose du tableau électrique principal est
retardée
pour cause de fissures dans le béton armé du sous-sol et que
X.________ fera
des réserves concernant les canalisations.

Le 5 mars 1990, une réunion entre les mêmes personnes a eu lieu. Dans
le
procès-verbal tenu par le notaire, il est constaté que le tableau
électrique
n'est toujours pas posé pour cause d'infiltration d'eau dans le
sous-sol. Il
y est également indiqué que X.________ SA émet toutes réserves quant à
l'infiltration d'eau dans les sous-sols et à l'ensemble de
l'étanchéité du
toit, jusqu'à réception des garanties respectives des maisons
V.________ et
W.________; X.________ SA a confirmé en outre qu'elle fera des
réserves
concernant les canalisations. Par ailleurs, il est noté dans le
procès-verbal
qu'un décompte final sera établi par l'architecte à la fin des
travaux et que
le solde éventuellement dû par X.________ SA à A.________ sera fixé à
ce
moment-là. Un décompte était annexé au procès-verbal.
Selon l'expert judiciaire, les travaux de gros oeuvre se sont
terminés en
avril 1990.

Lors d'une nouvelle séance tenue le 24 septembre 1990,
l'administrateur
délégué de X.________ SA a établi une note à l'adresse notamment de
B.________, qui se termine ainsi:
«Il est bien entendu que tous les dégâts causés aux tapisseries, aux
murs,
ainsi que l'infiltration d'eau en général dans le bâtiment, sont sous
la
responsabilité de la Direction des travaux, soit le bureau
d'Architecture
B.________, et par conséquent la venderesse Madame A.________,
responsable du
premier oeuvre.»
En date du 17 octobre 1990, B.________ a dressé un constat en
présence du
mari et représentant de A.________. Les points suivants figurent sous
la
rubrique «Liste des retouches»:
«1. Des remontées d'eau par le radier et les murs et par les
sauts-de-loup.

2. L'eau qui s'infiltre dans l'abri arriverait par le saut-de-loup.

3. La prise de la ventilation a été bétonnée.

4. L'étanchéité du sous-sol sera faite par un spécialiste.

5. Doit installer une pompe dans les sous-sols avec une sortie dans
le
saut-de-loup, et de la raccorder dans les canalisations (sic).

6. Dans l'escalier d'accès au sous-sol, finition avec une chape; et
ébarber
les murs et de les peindre (sic).

7. Pour la verrière d'angle au-dessus de l'escalier d'accès du
sous-sol et
doit faire étanchéité de la toiture dans les normes SIA, avec les
chenaux et
descendre l'eau dans les eaux claires.»
Il y était également précisé que «la pose et la fourniture des
seuils, ainsi
que l'étanchéité est (sic) aux frais du gros oeuvre, c'est-à-dire Mme
A.________» et que «l'étanchéité doit être faite autour des fenêtres
et des
menuiseries».

Par lettre du 22 octobre 1990, le conseil de X.________ SA a averti
A.________ qu'il déposait le jour même une requête d'expertise hors
procès,
afin de déterminer les causes des inondations et des défauts
d'évacuation des
eaux affectant l'immeuble de U.________; à toutes fins utiles, il l'a
mise
une nouvelle fois en demeure de réparer les défauts en question.

Sur réquisition de X.________ SA, deux commandements de payer la
somme de 500
000 fr. ont été notifiés à A.________ le 30 octobre 1990,
respectivement le 7
décembre 1990. La poursuivie a formé opposition.
Le Juge de paix du cercle de T.________ a désigné D.________,
ingénieur
civil, comme expert hors procès. Dans son rapport du 23 février 1991,
l'expert a sérié les défauts sous les rubriques suivantes:

- la présence d'eau dans le sous-sol;
- la présence de fissures dans certains murs en béton;
- l'humidité excessive des murs du rez-de-chaussée;
- les éléments inachevés de la construction;
- les éléments exécutés de façon incorrecte.

Le Juge de paix a arrêté la note de l'expert à 21 500 fr. Pour sa
part, le
conseil de X.________ a chiffré à 3140 fr. ses honoraires liés à la
procédure
d'expertise hors procès.

B.
Exploitant une entreprise de jardins et d'aménagements extérieurs,
E.________
a travaillé sur le chantier de U.________. Par demande du 12 juillet
1991, il
a ouvert action contre A.________ en paiement de la somme de 112 000
fr.,
plus intérêts; il a également demandé l'inscription d'une hypothèque
légale
des artisans et entrepreneurs du même montant sur la parcelle n° ...
de la
commune de U.________, propriété de X.________ SA.

Dans sa réponse du 2 septembre 1991, X.________ SA a conclu notamment
au
rejet de la demande en tant qu'elle la concernait, au paiement de la
somme de
431 773 fr., plus intérêts, par A.________, ainsi qu'à la levée des
oppositions formées par cette dernière. Elle a invoqué la
compensation à
l'égard de A.________.

Cette dernière a conclu, reconventionnellement, au paiement par
X.________ SA
de la somme de 299 470 fr., plus intérêts.

Les dernières conclusions de X.________ tendaient notamment au
paiement par
A.________ de la somme de 512 438 fr.75, plus intérêts.

A la suite d'une transaction entre parties du 26 janvier 1996, le Juge
instructeur de la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud
a rendu
une décision déclarant E.________ hors de cause et de procès.

En cours d'instance, une expertise a été confiée à F.________,
architecte
EPFL SIA. Dans son rapport du 27 janvier 2000 et son complément du 7
mai
2001, l'expert admet les mêmes défauts que ceux relevés dans
l'expertise hors
procès.
Par jugement
du 11 juin 2002 dont les considérants ont été notifiés
le 21 mai
2003, la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud a condamné
A.________ à payer à X.________ SA le montant de 225 697 fr., plus
intérêts à
5% dès le 31 octobre 1990; elle a par ailleurs levé définitivement
l'opposition au commandement de payer notifié le 30 octobre 1990 à
concurrence de la somme en capital et des intérêts susmentionnés.

C.
A.________ (la défenderesse) interjette un recours en réforme au
Tribunal
fédéral. Elle conclut à la réforme du jugement du 11 juin 2002 en ce
sens
que:
- elle ne doit pas payer à X.________ SA le montant de 225 697 fr.
plus
intérêts;
- l'opposition au commandement de payer notifiée le 30 octobre 1990
est
confirmée;
- X.________ SA lui doit paiement immédiat de la somme de 144 610 fr.
avec
intérêts à 5% dès le 1er mai 1990.

X. ________ SA (la demanderesse) propose le rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusions tant
libératoires que reconventionnelles et dirigé contre un jugement
final rendu
en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 OJ)
sur une
contestation civile dont la valeur litigieuse atteint le seuil de
8000 fr.
(art. 46 OJ), le recours en réforme est en principe recevable
puisqu'il a été
déposé en temps utile (art. 54 al. 1 OJ) et dans les formes requises
(art. 55
OJ).

1.2 Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral conduit son
raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision
attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve
n'aient
été violées, qu'il faille rectifier des constatations reposant sur une
inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou compléter les
constatations de
l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits
pertinents, régulièrement allégués et clairement établis (art. 64 OJ;
ATF 127
III 248 consid. 2c; 126 III 59 consid. 2a).

Dans la mesure où la partie recourante présente un état de fait qui
s'écarte
de celui contenu dans la décision attaquée, sans se prévaloir avec
précision
de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas
possible
d'en tenir compte (ATF 127 III 248 consid. 2c). Il ne peut être
présenté de
griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens de
preuve
nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le recours en réforme n'est donc
pas
ouvert pour remettre en cause l'appréciation des preuves et les
constatations
de fait qui en découlent (ATF 128 III 271 consid. 2b/aa p. 277; 127
III 247
consid. 2c p. 252; 126 III 189 consid. 2a; 125 III 78 consid. 3a).

La défenderesse méconnaît ces principes à plusieurs reprises dans son
recours. Ainsi, il ne ressort pas du jugement attaqué qu'elle n'était
plus le
maître d'oeuvre à partir du 14 septembre 1989 et que depuis lors, le
chantier
était dirigé exclusivement par la demanderesse et son mandataire
B.________.
De même, la cour cantonale n'a pas constaté l'origine des défauts
liés à une
trop grande humidité; en particulier, elle n'a pas retenu que les
problèmes
d'étanchéité et les fissures de l'immeuble provenaient
d'infiltrations d'eau
dues aux conditions hydrologiques du terrain, notamment à la présence
d'une
nappe aquifère. Il ne sera dès lors pas tenu compte de ces éléments.

2.
2.1Selon le jugement attaqué, la convention liant les parties est un
contrat
mixte relevant à la fois de la vente et du contrat d'entreprise, les
règles
de ce dernier s'appliquant à la garantie de tous les défauts
affectant le
bâtiment. Au surplus, aucune clause exonératoire de garantie n'a été
convenue
entre les parties et la demanderesse a effectué les avis des défauts
en temps
utile, sauf en ce qui concerne les défauts de l'installation de
chauffage. La
cour cantonale a ainsi réduit le prix convenu d'un montant de 901 057
fr.;
cette somme se décompose en 462 030 fr. (montant payé par la
demanderesse aux
entreprises du gros oeuvre à la place de la défenderesse), 107 300
fr. (coût
d'installations prévues dans le contrat ou le descriptif de
construction), 27
500 fr. (intérêt de retard prévu dans le contrat), 154 527 fr. (coût
des
travaux de réfection selon expertise) et 150 000 fr. (montant prévu
pour les
réfections encore en suspens). La Cour civile a ensuite compensé le
montant
de 901 057 fr. avec le solde de 700 000 fr. dû par la demanderesse en
exécution du contrat du 14 septembre 1989, de sorte que la somme à
payer par
la défenderesse s'élève à 201 057 fr. A ce montant, les juges
cantonaux ont
ajouté les frais et dépens liés à l'expertise hors procès par 24 640
fr.,
soit 21 500 fr. pour les honoraires de l'expert et 3140 fr. pour ceux
de
l'avocat.

2.2 Dans son recours, la défenderesse ne remet pas en cause les
montants de
452 030 fr., 107 300 fr. et 27 500 fr., qui représentent le coût de
travaux
inachevés ou non effectués ainsi que le montant de l'intérêt de
retard fixé
dans le contrat. L'objet du litige porté devant la cour de céans est
donc
limité à la question de la garantie des défauts.

A juste titre, la défenderesse ne critique pas la qualification de
contrat
mixte adoptée par la cour cantonale (cf. ATF 118 II 142 consid. 1a p.
144;
117 II 259 consid. 2b p. 264; Schumacher/Rüegg, in Alfred Koller ed,
Der
Grundstückkauf, 2e éd., n. 146 ss, p. 226 ss; Peter Gauch, Le contrat
d'entreprise, adaptation française par Benoît Carron, n. 347, p.
109/110). En
pareil cas, la garantie pour les défauts est soumise aux règles du
contrat
d'entreprise, y compris pour les parties de l'ouvrage qui existaient
déjà
lors de la conclusion du contrat (ATF 118 II 142 consid. 1a p. 144;
Gauch,
op. cit., n. 349, p. 110).

3.
Dans un premier moyen, la défenderesse reproche à la cour cantonale
d'avoir
interprété le contrat du 14 septembre 1989 de manière erronée. A son
sens,
les chiffres 6 et 10 let. c de cet accord excluent toute garantie
pour les
défauts invoqués par la demanderesse.

3.1 En présence d'un litige sur l'interprétation d'une clause
contractuelle,
le juge doit recourir en premier lieu à l'interprétation dite
subjective,
c'est-à-dire s'efforcer de déterminer la commune et réelle intention
des
parties, sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes
dont elles
ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature
véritable de
la convention (art. 18 al. 1 CO; ATF 129 III 118 consid. 2.5 p. 122;
127 III
444 consid. 1b). L'interprétation subjective du contrat ressortit à
l'appréciation des preuves, laquelle échappe à la connaissance de la
juridiction de réforme (ATF 129 III 118 consid. 2.5 p. 122; 126 III 25
consid. 3c, 375 consid. 2e/aa; 125 III 305 consid. 2b, 435 consid.
2a/aa).
Les circonstances survenues postérieurement à la conclusion du
contrat,
notamment le comportement des parties, constituent un indice de la
volonté
réelle de celles-ci (ATF 123 III 129 consid. 3c p. 136; 118 II 365
consid. 1
p. 366).
S'il ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des
parties,
le juge recherchera, par une interprétation dite objective, quel sens
les
parties pouvaient et devaient donner, selon les règles de la bonne
foi, à
leurs manifestations de volonté réciproques (ATF 129 III 118 consid.
2.5 p.
122; 128 III 265 consid. 3a; 127 III 444 consid. 1b p. 445).
L'application du
principe de la confiance est une question de droit que le Tribunal
fédéral,
saisi d'un recours en réforme, peut examiner librement (ATF 129 III
118
consid. 2.5 p. 123; 127 III 248 consid. 3a; 126 III 25 consid. 3c, 59
consid.
5a, 375 consid. 2e/aa p. 379).

Les clauses d'exonération douteuses doivent être interprétées de façon
restrictive et en faveur du maître (cf. ATF 118 II 142 consid. 1b p.
145/146;
109 II 24 consid. 4 p. 25; Gauch, op. cit., n. 2555, p. 697/698).

3.2 Il ne ressort pas clairement du jugement attaqué si la cour
cantonale a
établi la volonté réelle et commune des parties ou si elle s'est
fondée sur
une interprétation objective du contrat. Lorsqu'elle se réfère à
l'attitude
de la défenderesse après la communication des premiers défauts, la
Cour
civile prend en compte un élément postérieur à la conclusion du
contrat, ce
qui plaide en faveur d'une interprétation subjective soustraite à
l'examen de
la juridiction de réforme. En revanche, l'analyse des clauses
contractuelles
litigieuses dans leur contexte relève de l'interprétation objective.

Cette question peut demeurer indécise dans la mesure où
l'interprétation
desdites clauses selon le principe de la confiance ne conduit de toute
manière pas à une exclusion de la garantie pour les défauts.

Selon le chiffre 6 du contrat du 14 septembre 1989, la défenderesse
ne doit
réparer les défauts éventuels que jusqu'à concurrence des droits
qu'elle
possède elle-même contre les maîtres d'état ayant participé à la
construction. Il s'agit bien là d'une limitation de garantie, mais
qui ne
touche que le droit à la réfection, et non à la réduction du prix
(cf. Gauch,
op. cit., n. 2547 et 2548, p. 696). Aucune circonstance ayant précédé
ou
accompagné la signature du contrat ne permet de conclure qu'en
utilisant le
terme «réparer», les parties entendaient limiter tous les droits de
garantie
de la demanderesse. A cet égard, il convient de rappeler également
que le
chiffre 1 du contrat du 14 septembre 1989 réserve expressément les
garanties
légales.
Quant à l'art. 10 ch. c de la convention susmentionnée, il a trait aux
travaux de retouche, comme la défenderesse le note elle-même dans son
recours. La renonciation de la demanderesse à toutes garanties «du
chef de
cet engagement» est expressément limitée à ces travaux-là. Or, il est
manifeste que la présence d'eau dans le sous-sol ainsi que les
fissures et
l'humidité excessive des murs n'ont rien à voir avec des travaux de
retouche.

Sur le vu de ce qui précède, la thèse selon laquelle les parties
auraient
supprimé toute garantie pour les défauts doit être écartée. Le
premier moyen
soulevé par la défenderesse sera rejeté.

4.
4.1Dans un second grief, la défenderesse fait valoir que la mauvaise
qualité
hydrologique du terrain n'est apparue que fin 1989, soit après
l'inscription
au registre foncier du transfert de propriété, date déterminante pour
le
transfert des risques. Dans ces conditions, elle estime que les
défauts liés
à cet aspect des choses doivent être supportés par l'acheteuse.

4.2 Selon le chiffre 1 du contrat du 14 septembre 1989, le transfert
de
propriété de l'immeuble dans son état actuel a lieu immédiatement,
alors que
la défenderesse s'engage à terminer les travaux conformément au
descriptif de
construction. Comme déjà relevé, dans un cas de ce genre, la garantie
des
défauts est soumise aux règles du contrat d'entreprise pour
l'ensemble de
l'ouvrage. Peu importe dès lors que le transfert de propriété ait
déjà eu
lieu au moment de l'apparition des défauts. Le moyen tiré du
transfert des
risques est manifestement mal fondé.

5.
5.1En dernier lieu, la défenderesse considère, contrairement à la cour
cantonale, que les réserves formulées par la demanderesse dans la
lettre du 3
novembre 1989 et les procès-verbaux ultérieurs ne valent pas avis des
défauts. Elle estime en outre que si avis formel il y a eu, par
exemple par
la lettre du conseil de la demanderesse du 30 octobre 1991, sa
tardiveté doit
être constatée.

5.2 Il ne ressort pas avec précision du jugement attaqué quand les
défauts
liés à la présence d'eau sont apparus. Le 3 novembre 1989, la
demanderesse a
émis les premières réserves à ce sujet. A ce moment-là, le chantier
du gros
oeuvre, à la charge de la défenderesse, était encore en cours. Selon
l'expert
judiciaire, les travaux du gros oeuvre se sont terminés en avril
1990. Pour
sa part, la cour cantonale a constaté que la demanderesse avait
formulé
diverses plaintes «au fur et à mesure de l'avancement du chantier»,
soit, par
définition, avant son achèvement.

Dans le contrat d'entreprise, le devoir de vérification et d'avis
prend
naissance à la livraison de l'ouvrage (art. 367 al. 1 CO; ATF 117 II
264
consid. 2a; Gauch, op. cit., n. 2109, p. 574), qui suppose
l'achèvement des
travaux (ATF 118 II 142 consid. 4 in fine). S'il n'en a pas
l'obligation, le
maître a toutefois la possibilité de signaler les défauts pendant le
cours du
chantier (cf. art. 366 al. 2 CO) et cette attitude ne saurait lui être
reprochée par la suite (cf. Gauch, op. cit., n. 2175ss, p. 591ss). En
l'espèce, les documents des 3 novembre 1989, 20 novembre 1989, 5
décembre
1989 et 5 mars 1990 sont intervenus avant la livraison de l'ouvrage.
A chaque
fois, la demanderesse y a émis des réserves. Il n'est pas nécessaire
de
trancher la question de savoir s'il s'agissait véritablement d'avis
des
défauts anticipés; il suffit de constater qu'à chacune de ces
occasions, la
demanderesse a mis en avant les problèmes liés à l'infiltration d'eau
et à
l'étanchéité.

La cour cantonale a encore relevé que la demanderesse s'était adressée
régulièrement à la défenderesse sur ces questions jusqu'à ce que
l'expertise
hors procès soit ordonnée. En particulier, dans sa note du 24
septembre 1990,
l'administrateur de X.________ SA mentionne expressément les dégâts
liés à
l'eau et invoque la responsabilité de sa cocontractante. Par
ailleurs, le
constat
du 17 octobre 1990 doit pouvoir être opposé à la
défenderesse, car il
a été effectué en présence de son époux, qui avait déjà participé à
des
réunions précédentes. Or, ce document fait clairement état des
remontées et
des infiltrations d'eau. Trois jours plus tard, le conseil de la
demanderesse
a averti la défenderesse qu'il demandait une expertise hors procès
afin de
déterminer les causes des inondations et des défauts d'évacuation.
Certes,
ces documents sont intervenus près de six mois après l'achèvement des
travaux
selon l'expert judiciaire. Il n'en demeure pas moins que, dans les
circonstances de l'espèce, la défenderesse commettrait un abus de
droit en se
prévalant de la tardiveté de l'avis des défauts, point que le Tribunal
fédéral examine d'office (ATF 107 II 172 consid. 2 p. 178). En effet,
il doit
être tenu compte, dans le cas particulier, du fait que des plaintes
au sujet
de l'humidité et de l'évacuation d'eau ont été émises par la
demanderesse à
l'égard de la défenderesse tout au long du chantier lui-même. Le
moyen tiré
du non-respect des incombances sera ainsi rejeté.

6.
La défenderesse ne formule aucun grief sur l'ampleur de la réduction
de prix,
ni sur le remboursement des frais avant procès. Le calcul de la cour
cantonale doit dès lors être confirmé, le recours étant rejeté.

La défenderesse supportera les frais judiciaires (art. 156 al. 1 OJ)
et
versera à la demanderesse une indemnité à titre de dépens (art. 159
al. 1
OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 7000 fr. est mis à la charge de la
défenderesse.

3.
La défenderesse versera à la demanderesse une indemnité de 8000 fr. à
titre
de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 28 novembre 2003

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.190/2003
Date de la décision : 28/11/2003
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-11-28;4c.190.2003 ?
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