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26/11/2003 | SUISSE | N°4C.251/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 26 novembre 2003, 4C.251/2003


{T 0/2}
4C.251/2003 /ech

Arrêt du 26 novembre 2003
Ire Cour civile

MM. les Juges Corboz, Président, Walter et Favre.
Greffière: Mme Godat Zimmermann.

A. ________,
demanderesse et recourante, représentée par
Me Dominique Warluzel,

contre

B.________,
défendeur et intimé, représenté par Me Bertrand Reich.

contrat de vente; garantie pour les défauts; prescription,

recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de
justice
du canton de Genève du 13 juin

2003.

Faits:

A.
B. ________ exploite en raison individuelle le garage X.________, à
Genève.
En juin 1998, il ...

{T 0/2}
4C.251/2003 /ech

Arrêt du 26 novembre 2003
Ire Cour civile

MM. les Juges Corboz, Président, Walter et Favre.
Greffière: Mme Godat Zimmermann.

A. ________,
demanderesse et recourante, représentée par
Me Dominique Warluzel,

contre

B.________,
défendeur et intimé, représenté par Me Bertrand Reich.

contrat de vente; garantie pour les défauts; prescription,

recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de
justice
du canton de Genève du 13 juin 2003.

Faits:

A.
B. ________ exploite en raison individuelle le garage X.________, à
Genève.
En juin 1998, il a vendu à A.________, pour le prix de 39 000 fr., une
voiture de marque Mercedes, modèle 280 SL, mise en circulation pour la
première fois le 7 juillet 1970. Soucieuse d'éviter les problèmes - de
corrosion notamment - rencontrés avec sa voiture précédente,
A.________ avait
au préalable interrogé B.________, qui l'avait rassurée à cet égard.

Le véhicule Mercedes a été présenté à l'expertise du service des
automobiles
de Genève le 16 juin 1998; il a été immatriculé six jours plus tard.
Le
rapport de la visite technique ne fait pas état de corrosion, ce qui
ne
signifie toutefois pas que le véhicule n'a jamais subi de réparations
pour un
dégât de cette sorte.

A. ________ a très peu conduit sa nouvelle voiture. En janvier 1999,
elle a
décidé de revendre le véhicule, qui est resté exposé pendant huit
mois au
garage X.________. En août 1999, la propriétaire a repris la Mercedes
pour
l'entreposer dans un garage chauffé. En juin 2000, elle a chargé le
garage
Y.________ SA de vendre la voiture. Le garagiste a alors constaté
qu'elle
était «pourrie» et ne pouvait pas être immatriculée.

A. ________ a soumis le véhicule à une expertise. Selon le rapport du
19
octobre 2000 de l'expert C.________, le passage des roues avant et
arrière,
les bas de caisse droit et gauche, le plancher ainsi que les
longerons ont
fait l'objet de travaux de réparation consécutifs à des dégâts de
corrosion;
les travaux ont été effectués assez grossièrement, avec des soudures
très
visibles; d'importantes traces de corrosion réapparaissent aux abords
des
réparations. L'expert estime à 10 000 fr. le coût des travaux de
remise en
état, la voiture valant 25 000 fr. en l'état.

Ni B.________, ni A.________ n'ont procédé à des travaux de
réparation liés à
la corrosion.

Le 8 novembre 2000, l'acheteuse a résolu le contrat de vente.

B.
Le 21 décembre 2000, A.________ a introduit contre B.________ une
action en
garantie et en restitution du prix. Elle concluait à ce que le
vendeur soit
condamné à lui rembourser le montant de 39 000 fr., ainsi que la
somme de
1237 fr.40 qu'elle avait investie en décembre 1998 pour un service
d'hiver et
quatre pneus.

Par jugement du 22 octobre 2002, le Tribunal de première instance du
canton
de Genève a intégralement fait droit aux conclusions de la demande.

Statuant le 13 juin 2003 sur appel de B.________, la Chambre civile
de la
Cour de justice du canton de Genève a annulé le jugement entrepris et
débouté
A.________ des fins de sa demande. Elle a jugé que l'action de la
demanderesse était prescrite.

C.
La demanderesse interjette un recours en réforme. Elle demande
l'annulation
de l'arrêt cantonal et reprend ses conclusions formulées en première
instance.

Le défendeur a déposé une requête de sûretés en garantie des dépens.
Pour le
surplus, il propose le rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Invoquant le domicile à l'étranger de la demanderesse, le
défendeur a
présenté au Tribunal fédéral une demande de sûretés en garantie des
dépens.

Prévue à l'art. 150 al. 2 OJ, l'obligation de fournir des sûretés en
garantie
des dépens a pour but d'éviter à une partie d'engager des frais dont
le
remboursement éventuel par la partie adverse n'est pas assuré. La
partie
requérante pourra faire l'économie de tels frais si les sûretés
requises ne
sont pas fournies en temps utile car, dans cette hypothèse, les
conclusions
de la partie débitrice des sûretés seront déclarées irrecevables sans
plus
ample examen, conformément à l'art. 150 al. 4 OJ.

Si elle souhaite s'en faire garantir le remboursement, la partie
requérante
ne doit donc pas consentir de frais avant de connaître le sort
réservé à sa
requête et, au cas où celle-ci serait admise, avant que le délai
assigné à
l'autre partie pour fournir les sûretés ait expiré. Cela implique
qu'elle ne
dépose pas sa requête de sûretés en même temps que le mémoire de
réponse au
recours (ATF 118 II 87 consid. 2; 79 II 295 consid. 3 p. 305; consid.
1a non
publié de l'ATF 128 III 191).

1.2 En l'espèce, le défendeur a précisément formulé sa requête à fins
de
sûretés dans son mémoire de réponse. Il a ainsi déjà effectué l'acte
de
procédure qu'il voulait éviter de faire si le remboursement des frais
y
afférents ne lui était pas garanti. Comme l'intéressé n'a plus eu à
accomplir
d'autres actes de procédure après le dépôt de la réponse, la demande
de
sûretés est sans objet. Il convient de compléter dans ce sens le
dispositif
déjà envoyé aux parties.

2.
2.1Interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusions
condamnatoires
et dirigé contre un jugement final rendu en dernière instance
cantonale par
un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur une contestation civile
dont la
valeur litigieuse atteint le seuil de 8000 fr. (art. 46 OJ), le
recours en
réforme est en principe recevable puisqu'il a été déposé en temps
utile (art.
54 al. 1 OJ) et dans les formes requises (art. 55 OJ).

2.2 Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral
(art. 43
al. 1 OJ). En revanche, il ne permet pas de se plaindre de la
violation
directe d'un droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1, 2e phrase
OJ), ni
de la violation du droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c).

Saisi d'un tel recours, le Tribunal fédéral conduit son raisonnement
juridique sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, à
moins
que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été
violées,
qu'il faille rectifier des constatations reposant sur une inadvertance
manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou compléter les constatations de
l'autorité
cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents
et
régulièrement allégués (art. 64 OJ; ATF 127 III 248 consid. 2c; 126
III 59
consid. 2a).

Dans la mesure où la partie recourante présente un état de fait qui
s'écarte
de celui contenu dans la décision attaquée, sans se prévaloir avec
précision
de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas
possible
d'en tenir compte (ATF 127 III 248 consid. 2c). Il ne peut être
présenté de
griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens de
preuve
nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le recours en réforme n'est donc
pas
ouvert pour remettre en cause l'appréciation des preuves et les
constatations
de fait qui en découlent (ATF 128 III 271 consid. 2b/aa p. 277; 127
III 247
consid. 2c p. 252; 126 III 189 consid. 2a; 125 III 78 consid. 3a).

Au surplus, la juridiction de réforme ne peut aller au-delà des
conclusions
des parties, lesquelles ne peuvent en prendre de nouvelles (art. 55
al. 1
let. b OJ); en revanche, elle n'est liée ni par les motifs que les
parties
invoquent (art. 63 al. 1 OJ; ATF 128 III 411 consid. 3.2.2 p. 415),
ni par
l'argumentation juridique de la cour cantonale (art. 63 al. 3 OJ; ATF
128 III
22 consid. 2e/cc; 127 III 248 consid. 2c; 126 III 59 consid. 2a).

3.
Selon l'arrêt attaqué, l'action en garantie de la demanderesse est
prescrite.
En substance, la cour cantonale estime que le délai de prescription
de dix
ans ne s'applique pas en l'espèce, faute pour l'acheteuse d'avoir
rapporté la
preuve d'une tromperie intentionnelle de la part du vendeur, au sens
de
l'art. 210 al. 3 CO.

3.1 La demanderesse reproche à la Chambre civile d'avoir violé le
droit
fédéral en niant une tromperie intentionnelle de la part du
défendeur. Elle
soutient que les travaux de réparation effectués de manière grossière
à la
suite de dégâts de corrosion existaient nécessairement au moment de
la vente
et qu'ils ne pouvaient échapper au garagiste, qui avait examiné le
châssis.
Le vendeur aurait ainsi trompé intentionnellement l'acheteuse en la
rassurant
au sujet de la corrosion, lui déclarant notamment que le plancher
était
impeccable.

3.2 D'après la cour cantonale, il n'est pas démontré que le défendeur
ait eu,
lors de la vente, la volonté de tromper la demanderesse. La question
de
savoir s'il y a ou non intention de tromper ressortissant à
l'établissement
des faits (arrêt 4C.20/1993 du 6 avril 1993, consid. 3a), la
recevabilité du
grief soulevé dans le recours en réforme est douteuse (cf. consid. 2.2
supra). La question ne mérite cependant pas un plus ample examen dans
la
mesure où le recours doit de toute manière être rejeté.

3.3 En matière d'actions en garantie des défauts de la chose vendue,
l'art.
210 al. 1 CO institue une prescription annale; le délai court dès la
livraison faite à l'acheteur, même si ce dernier n'a découvert les
défauts
que plus tard; le cas dans lequel le vendeur aurait promis sa
garantie pour
un délai plus long est réservé. Par exception à cette règle, le
vendeur ne
peut se prévaloir du délai d'un an s'il a induit l'acheteur en erreur
intentionnellement, soit dans l'hypothèse du dol. Dans ce cas-là,
l'action en
garantie de l'acheteur est soumise à la prescription décennale, selon
une
jurisprudence constante, encore confirmée par le Tribunal fédéral
après une
controverse doctrinale (ATF 107 II 231 consid. 3a p. 232 et les
arrêts cités;
cf. également ATF 116 II 431).

3.4 La cour cantonale n'a pas constaté que la corrosion du châssis
était déjà
présente en juin 1998, au moment de la livraison de la voiture.
Certes, elle
paraît tout d'abord entrer dans les vues de deux témoins, dont
l'expert
C.________, selon lesquels le châssis était déjà atteint par la
corrosion à
cette époque. Mais, plus loin, elle retient textuellement que «rien
ne permet
de dire [que le châssis de la voiture] présentait effectivement un
tel défaut
[de corrosion] lors de la vente». Selon le jugement de première
instance,
dont la cour cantonale a repris les faits, il «semble hautement
vraisemblable» que les dégâts liés à la corrosion existaient sur le
châssis
déjà au moment de la livraison; une telle formule ne constitue
toutefois pas
une constatation de fait en bonne et due forme. En conséquence, selon
l'état
de fait qui lie la juridiction de réforme, il est établi uniquement
qu'avant
la vente, des travaux de réparation de dégâts induits par la
corrosion ont
été exécutés, notamment sur le châssis, et qu'ils ne sont pas
l'oeuvre du
défendeur.

En ce qui concerne les éventuels problèmes de corrosion de la
voiture, la
Chambre civile retient que la demanderesse s'est renseignée avant la
vente et
que le vendeur l'a rassurée à ce sujet. Dès l'instant où il n'est pas
établi
que le véhicule présentait des dégâts liés à la corrosion lors de sa
livraison, l'attitude du défendeur ne saurait être qualifiée de
déloyale. Par
ailleurs, on ne peut reprocher au vendeur de n'avoir pas mentionné les
travaux de réparation liés à la corrosion. Premièrement, il ne ressort
expressément ni de l'arrêt attaqué, ni du jugement de première
instance que
le garagiste connaissait les réparations effectuées; seuls sont
rapportés les
propos de l'expert C.________, selon lesquels les travaux de
réparation ont
été exécutés assez grossièrement, avec des soudures très visibles. Au
demeurant, la demanderesse n'a jamais soutenu que le vendeur l'avait
assurée
de l'absence de travaux de réparation de carrosserie et du châssis.
De même,
la voiture n'a pas été promise comme étant refaite à neuf (état de
concours),
mais présentée comme un véhicule usagé mis en circulation en 1970,
soit
depuis vingt-huit ans au moment de la vente.

C'est le lieu de rappeler à la demanderesse que l'acheteur d'une
voiture
d'occasion ne peut pas avoir les mêmes exigences que l'acquéreur d'un
véhicule neuf (cf. ATF 91 II 344 consid. 2e p. 350). Une même
défectuosité
technique, qui serait un défaut selon l'art. 197 CO pour une
automobile neuve
ou refaite à neuf, ne sera pas nécessairement un défaut au sens
juridique
pour un véhicule d'occasion. L'acheteur d'une voiture d'occasion
assume
d'emblée le risque que certains défauts de la chose vendue
apparaissent à
plus ou moins brève échéance et qu'il s'avère nécessaire d'effectuer
des
réparations (arrêt 4C.20/1993 du 6 avril 1993, consid. 4c).

Même si les propos du garagiste l'ont rassurée sur l'état du véhicule
à
l'époque, la demanderesse ne pouvait donc s'attendre à ce que,
s'agissant
d'un véhicule aussi ancien, la situation décrite par le défendeur à
un moment
donné soit immuable.

En conclusion, c'est à bon droit que la cour cantonale n'a pas imputé
un dol
au défendeur et qu'elle a appliqué à la prétention de la demanderesse
le
délai de prescription d'un an prévu par l'art. 210 al. 1 CO. Le
recours sera
rejeté dans la mesure où il est recevable.

4.
La demanderesse, qui succombe, prendra à sa charge les frais
judiciaires
(art. 156 al. 1 CO) et versera au
défendeur une indemnité à titre de
dépens
(art. 159 al. 1 CO).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
La demande de sûretés en garantie des dépens présentée par le
défendeur est
sans objet.

2.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

3.
Un émolument judiciaire de 2000 fr. est mis à la charge de la
demanderesse.

4.
La demanderesse versera au défendeur une indemnité de 2500 fr. à
titre de
dépens.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 26 novembre 2003

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.251/2003
Date de la décision : 26/11/2003
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-11-26;4c.251.2003 ?
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