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26/11/2003 | SUISSE | N°2A.430/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 26 novembre 2003, 2A.430/2003


2A.430/2003/DAC/elo
{T 0/2}

Arrêt du 26 novembre 2003
IIe Cour de droit public

MM. et Mme les Juges Wurzburger, Président,
Hungerbühler, Müller, Yersin et Merkli.
Greffière: Mme Dupraz.

X. ________, recourant, représenté par Me Christian Hänni.

contre

Département fédéral de justice et police, 3003 Berne.

Exception aux mesures de limitation,

recours de droit administratif contre la décision du Dé- partement
fédéral de
justice et police du 17 juillet 2003.

Faits:r>
A.
X. _______ est un ressortissant turc né le 3 novembre 1968. Marié, il
est
père de quatre enfants vivant en Turquie....

2A.430/2003/DAC/elo
{T 0/2}

Arrêt du 26 novembre 2003
IIe Cour de droit public

MM. et Mme les Juges Wurzburger, Président,
Hungerbühler, Müller, Yersin et Merkli.
Greffière: Mme Dupraz.

X. ________, recourant, représenté par Me Christian Hänni.

contre

Département fédéral de justice et police, 3003 Berne.

Exception aux mesures de limitation,

recours de droit administratif contre la décision du Dé- partement
fédéral de
justice et police du 17 juillet 2003.

Faits:

A.
X. _______ est un ressortissant turc né le 3 novembre 1968. Marié, il
est
père de quatre enfants vivant en Turquie. X.________ a rejoint le
Collectif
des sans-papiers du canton de Neuchâtel et a été entendu le 19
septembre 2001
par le Service des étrangers du canton de Neuchâtel (ci-après: le
Service
cantonal). Il ressort des déclarations que X.________ a alors faites
qu'il
aurait effectué différents séjours en Suisse et y aurait travaillé
sans
autorisation de séjour ni de travail. Il y serait arrivé pour la
première
fois en 1984 et y aurait déposé une demande d'asile qui aurait été
rejetée en
1987. Il aurait alors quitté la Suisse, avant de revenir y déposer une
nouvelle demande d'asile, qui aurait également été rejetée en 1987.
Il serait
revenu séjourner et travailler en Suisse en 1987 pour un an environ,
puis en
1991 également pour un an environ. Il serait revenu en Suisse à
partir de
1999. L'intéressé a indiqué qu'il envoyait de l'argent à sa famille en
Turquie, mais qu'il ne pensait pas faire venir ses enfants en Suisse
s'il
obtenait une autorisation de séjour. Au demeurant, il avait de la
parenté en
Suisse: un oncle, un beau-frère, un cousin et une cousine. Son père y
aurait
travaillé une trentaine d'années. Selon son mémoire de recours, qui
diffère
sur ce point de ses déclarations de 2001, X.________ aurait également
séjourné en Suisse de 1994 à 1997.

B.
Le 18 avril 1988, l'Office fédéral des étrangers, actuellement
l'Office
fédéral de l'immigration, de l'intégration et de l'émigration,
(ci-après:
l'Office fédéral) a prononcé à l'encontre de X.________ une
interdiction
d'entrée en Suisse valable jusqu'au 17 avril 1991, pour des motifs
préventifs
d'assistance publique. Le 31 mars 1989, l'Office fédéral a annulé sa
décision
du 18 avril 1988 et l'a remplacée par une nouvelle interdiction
d'entrée en
Suisse de durée indéterminée, fondée sur des motifs préventifs
d'assistance
publique ainsi que sur les infractions aux prescriptions de police des
étrangers commises par l'intéressé (séjour et travail sans
autorisation).

C.
Le 4 juillet 2002, le Service cantonal a soumis le dossier de
X.________ à
l'Office fédéral afin qu'il se prononce sur l'exemption de
l'intéressé des
mesures de limitation du nombre des étrangers selon l'art. 13 lettre
f de
l'ordonnance du 6 octobre 1986 limitant le nombre des étrangers (OLE;
RS
823.21).

Le 27 novembre 2002, l'Office fédéral a refusé d'excepter X.________
des
mesures de limitation au sens de l'art. 13 lettre f OLE. Il a
notamment
relevé que la durée des séjours en Suisse de l'intéressé n'était pas
pertinente dans la mesure où ces séjours avaient été interrompus par
des
voyages en Turquie. De plus, X.________ ne pouvait pas invoquer des
motifs
d'ordre personnel ou familial pertinents. Quant aux arguments d'ordre
professionnel et économique, ils ne pouvait pas être pris en
considération
dans une procédure de ce genre. Par ailleurs, l'intégration
socio-professionnel de X.________ en Suisse n'était pas
exceptionnelle.
Enfin, les motifs liés à d'éventuelles difficultés en cas de retour en
Turquie n'étaient pas déterminants dans la mesure où l'intéressé avait
conservé d'importantes attaches culturelles, sociales et familiales
avec sa
patrie.

D.
Le 17 juillet 2003, le Département fédéral de justice et police
(ci-après: le
Département fédéral) a rejeté le recours de X.________ contre la
décision de
l'Office fédéral du 27 novembre 2002 et confirmé l'assujettissement de
l'intéressé aux mesures de limitation. Il a repris, en la développant,
l'argumentation de l'Office fédéral. Comme X.________ prétendait -
contrairement à ce qu'il avait affirmé le 19 septembre 2001 - avoir
séjourné
et travaillé en Suisse de 1994 à 1997 et alléguait, par conséquent,
avoir
séjourné quelque treize ans dans ce pays, le Département fédéral a
rappelé
que les séjours illégaux en Suisse n'étaient pas pris en compte dans
l'examen
d'un cas de rigueur.

E.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, X.________
demande au
Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler la
décision du
Département fédéral du 17 juillet 2003 et de l'exempter des mesures de
limitation du nombre des étrangers. Le recourant demande aussi des
dépens
pour la procédure devant le Département fédéral. Il se plaint de
violation du
droit fédéral, y compris d'excès et d'abus du pouvoir d'appréciation,
ainsi
que de constatation inexacte et incomplète des faits pertinents. Il
demande
que le Tribunal fédéral prenne en compte, dans l'application de
l'art. 13
lettre f OLE, différents éléments de fait pouvant être groupés en deux
critères: "la réalité et les enjeux du marché parallèle du travail en
Suisse"
et "les conséquences de ce marché sur la vie des travailleurs
clandestins".
Le recourant reproche à l'autorité intimée d'avoir surestimé la
gravité des
infractions qu'il a commises et qu'il considère comme inhérentes au
"statut"
de travailleur clandestin. Il fait valoir qu'il serait contraire au
but de
l'art. 13 lettre f OLE d'empêcher un étranger de bénéficier d'une
exemption
des mesures de limitation en raison d'infractions liées à un séjour
illégal
en Suisse. Il conteste l'importance accordée par le Département
fédéral aux
années qu'il a passées durant sa jeunesse dans sa patrie par rapport
à celles
pendant lesquelles il a vécu en Suisse. Le recourant invoque sa bonne
intégration professionnelle et sociale en Suisse, compte tenu de sa
condition
de clandestin. Il reproche au Département fédéral d'avoir fait preuve
d'arbitraire et d'avoir constaté les faits de manière inexacte en
considérant
qu'il conservait des attaches importantes avec sa patrie.

Le Département fédéral conclut au rejet du recours.

F.
Le 28 octobre 2003, le Service cantonal a produit son dossier.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
La voie du recours de droit administratif est ouverte contre les
décisions
relatives à l'assujettissement aux mesures de limitation prévues par
l'ordonnance limitant le nombre des étrangers (ATF 122 II 403 consid.
1 p.
404/405; 119 lb 33 consid. 1a p. 35). Le seul fait qu'un étranger
séjourne
illégalement en Suisse n'empêche pas l'intéressé de recourir à
l'autorité de
céans contre une décision de refus du Département fédéral en matière
d'exemption des mesures de limitation au sens de l'art. 13 lettre f
OLE. Par
conséquent, déposé en temps utile et dans les formes prescrites par
la loi,
le présent recours est en principe recevable en vertu des art. 97 ss
OJ.

2.
Saisi d'un recours de droit administratif dirigé contre une décision
qui
n'émane pas d'une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral revoit, le
cas
échéant d'office, les constatations de fait (art. 104 lettre b et 105
al. 1
OJ). Sur le plan juridique, il vérifie d'office l'application du droit
fédéral qui englobe en particulier les droits constitutionnels des
citoyens
(ATF 129 II 183 consid. 3.4 p. 188) - en examinant notamment s'il y a
eu
excès ou abus du pouvoir d'appréciation (art. 104 lettre a OJ) -,
sans être
lié par les motifs invoqués par les parties (art. 114 al. 1 in fine
OJ). En
revanche, il ne peut pas revoir l'opportunité de la décision
attaquée, le
droit fédéral ne prévoyant pas un tel examen dans ce domaine (art.
104 lettre
c ch. 3 OJ).

En matière de police des étrangers, lorsque la décision entreprise
n'émane
pas d'une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral fonde en principe
ses
jugements, formellement et matériellement, sur l'état de fait et de
droit
existant au moment de sa propre décision (ATF 124 II 361 consid. 2a
p. 365;
122 II 1 consid. 1b p. 4).

Le recourant se plaint que la décision attaquée soit empreinte
d'arbitraire à
différents égards. Il convient dès lors de préciser que le grief
d'arbitraire
soulevé dans un recours de droit administratif se confond avec celui
de
violation du droit fédéral.

3.
Les mesures de limitation visent, en premier lieu, à assurer un
rapport
équilibré entre l'effectif de la population suisse et celui de la
population
étrangère résidante, ainsi qu'à améliorer la structure du marché du
travail
et à assurer un équilibre optimal en matière d'emploi (art. 1er
lettres a et
c OLE). L'art. 13 lettre f OLE soustrait aux mesures de limitation
"les
étrangers qui obtiennent une autorisation de séjour dans un cas
personnel
d'extrême gravité ou en raison de considérations de politique
générale".
Cette disposition a pour but de faciliter la présence en Suisse
d'étrangers
qui, en principe, seraient comptés dans les nombres maximums fixés
par le
Conseil fédéral, mais pour lesquels cet assujettissement paraîtrait
trop
rigoureux par rapport aux circonstances particulières de leur cas ou
pas
souhaitable du point de vue politique.

II découle de la formulation de l'art. 13 lettre f OLE que cette
disposition
dérogatoire présente un caractère exceptionnel et que les conditions
auxquelles la reconnaissance d'un cas de rigueur est soumise doivent
être
appréciées restrictivement. II est nécessaire que l'étranger concerné
se
trouve dans une situation de détresse personnelle. Cela signifie que
ses
conditions de vie et d'existence, comparées à celles applicables à la
moyenne
des étrangers, doivent être mises en cause de manière accrue,
c'est-à-dire
que le refus de soustraire l'intéressé aux restrictions des nombres
maximums
comporte pour lui de graves conséquences. Lors de l'appréciation d'un
cas
personnel d'extrême gravité, il y a lieu de tenir compte de
l'ensemble des
circonstances du cas particulier. La reconnaissance d'un cas personnel
d'extrême gravité n'implique pas forcément que la présence de
l'étranger en
Suisse constitue l'unique moyen pour échapper à une situation de
détresse.
Par ailleurs, le fait que l'étranger ait séjourné en Suisse pendant
une assez
longue période, qu'il s'y soit bien intégré, socialement et
professionnellement, et que son comportement n'ait pas fait l'objet de
plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas personnel
d'extrême
gravité; il faut encore que la relation du requérant avec la Suisse
soit si
étroite qu'on ne puisse pas exiger qu'il aille vivre dans un autre
pays,
notamment dans son pays d'origine. A cet égard, les relations de
travail,
d'amitié ou de voisinage que le requérant a pu nouer pendant son
séjour ne
constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu'ils
justifieraient une exemption des mesures de limitation du nombre des
étrangers (ATF 128 II 200 consid. 4 p. 207/208 et la jurisprudence
citée).

Le Tribunal fédéral a précisé que les séjours illégaux en Suisse
n'étaient
pas pris en compte dans l'examen d'un cas de rigueur (arrêt
2A.166/2001 du 21
juin 2001, consid. 2b/bb). La longue durée d'un séjour en Suisse
n'est pas, à
elle seule, un élément constitutif d'un cas personnel d'extrême
gravité dans
la mesure où ce séjour est illégal. Sinon, l'obstination à violer la
législation en vigueur serait en quelque sorte récompensée. Dès lors,
il
appartient à l'autorité compétente d'examiner si l'intéressé se
trouve pour
d'autres raisons dans un état de détresse justifiant de l'excepter des
mesures de limitation du nombre des étrangers. Pour cela, il y a lieu
de se
fonder sur les relations familiales de l'intéressé en Suisse et dans
sa
patrie, sur son état de santé, sur sa situation professionnelle, sur
son
intégration sociale, etc. Il convient aussi de prendre en compte le
retard
des autorités à décider du sort de la demande d'asile du requérant
(ATF 124
II 110 consid. 3 p. 113) ou leur laxisme lorsqu'elles ont négligé
d'exécuter
une décision prononçant le renvoi de Suisse de l'intéressé.

4.
Le recourant est arrivé en Suisse pour la première fois en 1984 et y
aurait
vécu en tant que requérant d'asile, soit légalement, jusqu'en 1987.
Revenu en
1987 après le rejet de ses deux demandes d'asile, il n'a pas tardé à
exercer
une activité lucrative, sans toutefois disposer d'autorisations de
séjour ni
de travail. Il prétend avoir vécu environ treize ans en Suisse dont
une
dizaine comme travailleur clandestin, ce qui contredit partiellement
ses
déclarations du 19 septembre 2001 mentionnant trois années de moins en
Suisse. Ce n'est qu'en 2001 que l'intéressé a entrepris des démarches
afin de
régulariser sa situation. Depuis lors, il jouit d'une simple
tolérance, ce
qu'on ne saurait assimiler à un séjour régulier. Compte tenu de la
jurisprudence rappelée ci-dessus (consid. 3), la durée du séjour en
Suisse du
recourant ne peut être considérée comme déterminante, dans
l'application de
l'art. 13 lettre f OLE. En outre, l'intéressé n'a pas seulement violé
la
législation concernant le statut des étrangers, comme tous les
travailleurs
clandestins, en entrant, séjournant et travaillant en Suisse sans
autorisation. Il est également entré en Suisse
alors qu'il tombait
sous le
coup d'une interdiction d'entrée dans ce pays. Par ailleurs,
l'intéressé ne
peut pas se prévaloir d'une intégration socio-professionnelle
remarquable,
même s'il a pratiquement toujours travaillé dans le même secteur
d'activité
(la restauration) et s'il ne se trouve apparemment pas dans une
situation
financière critique. A cet égard, le dossier ne contient pas
d'éléments
justifiant les motifs d'assistance invoqués à l'appui des
interdictions
d'entrée en Suisse prononcées à son encontre. De plus, le fait que le
recourant maîtrise le français au bout de dix voire treize années
passées en
Suisse romande n'est pas exceptionnel et ne saurait être considéré
comme la
preuve d'une intégration particulièrement poussée. En outre, même
s'il a noué
des relations avec la population locale - ce qui paraît normal en
quelque dix
ou treize ans -, sa relation avec la Suisse, où il a un peu de
parenté (un
oncle, deux cousins et un beau-frère) n'apparaît pas spécialement
étroite. En
revanche, l'intéressé a gardé des attaches importantes avec sa patrie

vivent notamment sa femme ainsi que ses quatre enfants et où il est
du reste
retourné à plusieurs reprises. Force est de considérer qu'il pourrait
se
réintégrer sans trop de difficultés en Turquie, d'autant plus qu'il y
a vécu
jusqu'à son départ pour la Suisse. On ne saurait conclure de ce qui
précède
que la situation de l'intéressé constitue un cas personnel d'extrême
gravité.

5.
5.1Le recourant fait valoir que la condition de clandestin dans
laquelle il a
passé une partie importante de sa vie depuis 1987 est un élément
constitutif
d'un cas personnel d'extrême gravité. Il demande, en conséquence, que
le
Tribunal fédéral utilise désormais deux nouveaux critères lorsqu'il
examine
si les conditions d'exemption des mesures de limitation au sens de
l'art. 13
lettre f OLE sont remplies: "la réalité et les enjeux du marché
parallèle du
travail en Suisse" et "les conséquences de ce marché sur la vie des
travailleurs clandestins".

Le Tribunal fédéral sait qu'il existe en Suisse un marché illégal du
travail
et que cette illégalité peut être la cause de nombreux abus. Selon la
législation en vigueur en Suisse, l'étranger qui veut exercer une
activité
lucrative dans ce pays doit en principe obtenir une autorisation de
séjour et
de travail. La réglementation édictée à ce sujet ne doit pas être
perçue
comme un ensemble de tracasseries administratives. Elle a pour but en
particulier d'assurer un rapport équilibré entre l'effectif de la
population
suisse et celui de la population étrangère résidante, de créer des
conditions
favorables à l'intégration des travailleurs et résidents étrangers
ainsi que
d'améliorer la structure du marché du travail et d'assurer un
équilibre
optimal en matière d'emploi (art. 1er OLE; cf. le consid. 3,
ci-dessus). Elle
tend à protéger les travailleurs en leur donnant des garanties
notamment en
matière de salaire et de protection sociale (art. 9 OLE). L'étranger
qui
élude les prescriptions de police des étrangers et travaille
clandestinement
ne bénéficie évidemment pas de ces garanties. Délibérément ou non, il
s'est
lui-même mis dans une situation dépourvue de protection sociale, même
s'il
n'a pas d'emblée réalisé les conséquences de son comportement
illicite. Au
demeurant, il n'est pas rare que l'employeur remplisse ses obligations
sociales et fiscales à l'égard du travailleur même s'il l'embauche
illégalement. Dès lors, l'autorité de céans ne saurait suivre le
recourant
quand il propose de tenir compte des critères susmentionnés pour
reconnaître
un cas de rigueur. Le marché illégal du travail, que l'intéressé
compare à
une "forme d'esclavage moderne", existe et subsiste uniquement parce
qu'il
permet la rencontre d'une certaine offre et d'une certaine demande,
souvent
du reste au détriment de la rationalisation souhaitée de certains
secteurs
économiques. Or, l'attitude que LE RECOURANT a adoptée pour pouvoir
travailler en Suisse contribue à ce marché condamnable. D'ailleurs,
l'employeur qui engage un travailleur clandestin est en principe
lui-même
sanctionné, pour autant que les autorités COMPÉTENTES en aient
connaissance.
Ainsi, l'étranger qui, comme le recourant, vient travailler
illicitement en
Suisse ne saurait se prévaloir de ses conditions de vie pour demander
d'être
exempté des mesures de limitation au sens de l'art. 13 lettre f OLE.
Au
surplus, admettre pour cette raison un cas personnel d'extrême
gravité irait
à l'encontre du but poursuivi par le législateur. En effet, cela
inciterait
les étrangers à éluder la législation en vigueur dans l'intention
d'obtenir
ultérieurement la régularisation de leur situation.

5.2 Le recourant part apparemment du principe que l'art. 13 lettre f
OLE doit
permettre de donner un statut légal à un étranger vivant illégalement
en
Suisse. Il est dès lors paradoxal, à son avis, de reprocher à un
étranger qui
demande que son cas soit examiné au regard de cette disposition
d'être entré
illégalement en Suisse et d'y avoir séjourné illégalement.
L'intéressé se
plaint en particulier de l'importance que le Département fédéral a
attachée
aux sanctions qui ont été prononcées à son encontre.

Contrairement à ce que croit le recourant, l'art. 13 lettre f OLE
n'est pas
destiné au premier chef à régulariser la situation d'étrangers vivant
clandestinement en Suisse, mais à permettre à tout étranger entré ou
vivant
déjà en Suisse d'obtenir un statut légal pour y poursuivre son séjour
au cas
où son départ de ce pays pourrait créer un cas personnel d'extrême
gravité
(cf. l'ATF 128 II 200). Dès lors, il n'est pas contradictoire
d'examiner la
situation d'un étranger sous l'angle de l'art. 13 lettre f OLE et de
tenir
compte à cette occasion d'infractions aux prescriptions de police des
étrangers. Il est vrai cependant qu'il ne faut pas exagérer
l'importance des
infractions inhérentes à la condition de travailleur clandestin, à
savoir
entrée, séjour et travail en Suisse sans autorisation. Toutefois, le
recourant a adopté un comportement plus grave dans la mesure où il
est entré
dans ce pays alors qu'il faisait l'objet d'une interdiction d'y
entrer. Le
Département fédéral a simplement relevé que l'intéressé n'avait pas
eu un
comportement irréprochable en Suisse. On ne saurait dès lors faire
grief à
l'autorité intimée d'avoir attaché une importance disproportionnée aux
infractions que le recourant a commises.

5.3 L'intéressé reproche au Département fédéral d'être tombé dans
l'arbitraire, en relativisant la durée de son séjour en Suisse par
rapport au
temps qu'il a passé en Turquie et en considérant qu'il avait conservé
des
attaches importantes avec sa patrie. Sur ce dernier point, il se
plaint aussi
d'une constatation inexacte des faits.

Bien que le recourant reproche à l'autorité intimée d'avoir constaté
certains
faits de manière inexacte, il semble plutôt s'en prendre à la façon
dont elle
a apprécié ces faits.

Comme on l'a rappelé ci-dessus (consid. 3), la durée d'un séjour en
Suisse
n'est pas déterminante dans l'examen d'un cas de rigueur au sens de
l'art. 13
lettre f OLE, lorsque ledit séjour est illégal. En revanche,
l'autorité
compétente doit vérifier dans quelle situation se trouverait
l'intéressé s'il
devait retourner dans son pays d'origine. Or, les facultés de
réintégration
d'un étranger dans sa patrie dépendent en particulier de ce qu'il y a
vécu
antérieurement ainsi que des contacts qu'il y a gardés. Ainsi, le
fait que
l'intéressé entretienne sa femme et ses enfants restés en Turquie
démontre
qu'il a gardé des relations avec des membres de sa proche famille
dans son
pays d'origine. En considérant que l'intéressé avait conservé des
liens
étroits avec la Turquie en raison notamment des années qu'il y avait
passées
et de sa famille qu'il y entretient, le Département fédéral n'a pas
violé le
droit fédéral; en particulier, il n'a pas excédé ni abusé de son
pouvoir
d'appréciation.

5.4 Le recourant demande que le critère de l'intégration sociale soit
nuancé
pour tenir compte de sa condition de clandestin.

Comme déjà dit (consid. 5.2), l'art. 13 lettre f OLE n'est pas d'abord
destiné à régulariser la situation des travailleurs clandestins. Il
convient
d'appliquer à cette catégorie d'étrangers les mêmes critères qu'aux
autres
étrangers. Le fait que certains étrangers aient opté pour
l'illégalité peut
les desservir au regard des conditions d'une exemption des mesures de
limitation du nombre des étrangers. Ainsi, la durée du séjour illégal
qu'ils
ont effectué en Suisse n'est pas prise en compte (cf. le consid. 3,
ci-dessus). De même, il n'y a pas lieu de définir à leur intention un
critère
particulier d'intégration sociale, pour tenir compte de leur
clandestinité,
et de leur accorder sous cet angle un traitement de faveur dans
l'application
de l'art. 13 lettre f OLE, par rapport aux étrangers qui ont toujours
séjourné légalement en Suisse.

6.
En conclusion, le Département fédéral n'a pas constaté les faits de
manière
inexacte ou incomplète ni violé le droit fédéral en confirmant que la
situation du recourant n'est pas constitutive d'un cas personnel
d'extrême
gravité au sens de l'art. 13 lettre f OLE.

7.
Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté.

Succombant, le recourant doit supporter les frais judiciaires (art.
156 al.
1, 153 et 153a OJ) et n'a pas droit à des dépens (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 1'500 fr est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant,
au
Département fédéral de justice et police et au Service des étrangers
du
canton de Neuchâtel.

Lausanne, le 26 novembre 2003

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.430/2003
Date de la décision : 26/11/2003
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-11-26;2a.430.2003 ?
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