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24/11/2003 | SUISSE | N°6S.329/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 24 novembre 2003, 6S.329/2003


{T 0/2}
6S.329/2003 /pai

Arrêt du 24 novembre 2003
Cour de cassation pénale

MM. les Juges Schneider, Président,
Wiprächtiger et Kolly.
Greffière: Mme Kistler.

X. ________ AG,
Y.________ AG,
recourantes,
toutes les deux représentées par Me Philippe Pont, avocat, case
postale 788,
3960 Sierre,

contre

Z.________ SA,
intimée, représentée par Me Jean-Pierre Guidoux, avocat, Forum des
Alpes,
Avenue du Rothorn 8, case postale 460, 3960 Sierre,
Juge d'instruction du Valais

central, Palais de Justice, 1950 Sion 2.

Refus de suivre (violation de la loi sur la concurrence déloyale,
art. 3 let.
...

{T 0/2}
6S.329/2003 /pai

Arrêt du 24 novembre 2003
Cour de cassation pénale

MM. les Juges Schneider, Président,
Wiprächtiger et Kolly.
Greffière: Mme Kistler.

X. ________ AG,
Y.________ AG,
recourantes,
toutes les deux représentées par Me Philippe Pont, avocat, case
postale 788,
3960 Sierre,

contre

Z.________ SA,
intimée, représentée par Me Jean-Pierre Guidoux, avocat, Forum des
Alpes,
Avenue du Rothorn 8, case postale 460, 3960 Sierre,
Juge d'instruction du Valais central, Palais de Justice, 1950 Sion 2.

Refus de suivre (violation de la loi sur la concurrence déloyale,
art. 3 let.
b LCD); droit de porter plainte, délai (art. 29 CP),

pourvoi en nullité contre la décision du Tribunal cantonal du Valais,
Chambre
pénale, du 31 juillet 2003.

Faits:

A.
Le 13 novembre 2000, Y.________ AG (ci-après: Y.________) et
X.________ AG
(ci-après: X.________), filiale de la première société, ont déposé
plainte
pénale contre Z.________ SA (ci-après: Z.________) pour publicité
trompeuse
au sens de l'art. 3 let. b de la loi fédérale sur la concurrence
déloyale
(LCD; RS 241).

Dans leur plainte, les plaignantes exposent en substance ce qui suit:

La société Z.________ a développé un logiciel standard de gestion de
production assistée par ordinateur appelé "A.________"; elle a
également
conçu le logiciel de gestion financière "B.________". Le 14 février
1997, les
sociétés Z.________ et Y.________ ont signé une convention par
laquelle cette
dernière s'engageait, en qualité de distributeur, à commercialiser
auprès de
ses clients, principalement de langue allemande, le logiciel
"A.________". Le
15 mars 2000, Y.________ a résilié cette convention ainsi que tous les
contrats de licence en résultant, estimant que les produits
"A.________" et
"B.________" étaient insuffisants. Selon elle, les deux logiciels
n'étaient
pas NT compatibles, en particulier le produit "B.________" n'était pas
compatible NT, et l'intégration n'existait pas de "A.________" à
"B.________", et ce contrairement aux assurances données dans les
prospectus
et documents de publicité distribués par Z.________. Y.________
reproche
encore aux organes de Z.________ d'avoir proposé dans les supports
publicitaires et dans le contrat de licence, au travers du logiciel
"B.________", une comptabilité analytique alors même que ce produit
n'offrait, selon elle, qu'une "vue analytique".

B.
Par ordonnance du 15 novembre 2000, le Juge des affaires économiques
du
Valais central a imparti aux plaignantes un délai de vingt jours pour
effectuer une avance de frais, déposer divers documents et compléter
leur
plainte, précisant qu'il n'examinerait la recevabilité de l'écriture
déposée,
en particulier quant au respect du délai prévu à l'art. 29 CP qu'à
réception
de l'avance et des pièces sollicitées. Il a transmis ensuite le
dossier à la
police pour enquête préliminaire et rapport et a désigné M.________,
professeur à la faculté HEC de l'Université de Lausanne, comme expert;
celui-ci a déposé son rapport le 9 avril 2002. Il en ressort en
substance que
la convention du 14 février 1997 ne portait que sur le logiciel
"A.________",
à l'exclusion du produit "B.________", et que les assertions données
dans les
prospectus publicitaires correspondaient à la vérité.

C.
Saisi du dossier au début 2002, le Juge d'instruction du Valais
central a
refusé, par décision du 5 décembre 2002, de donner suite à la plainte
pénale
déposée par Y.________ et X.________. Il a déclaré qu'il était
douteux que le
délai de trois mois de l'art. 29 CP soit respecté, mais que cette
question
pouvait rester ouverte, dès lors qu'une condamnation des organes de
Z.________ apparaissait d'emblée exclue à la lecture du rapport de
police et
du rapport d'expertise.

D.
Statuant le 31 juillet 2003 sur la plainte de Y.________ et de
X.________, la
Chambre pénale du Tribunal cantonal valaisan a confirmé la décision
de refus
de suivre au motif que la plainte pénale déposée le 13 novembre 2000
était
manifestement tardive.

E.
Y.________ et X.________ se pourvoient en nullité auprès du Tribunal
fédéral.
Invoquant une violation des art. 9 et 10 LCD et 29 CP, elles
concluent à
l'annulation de la décision attaquée.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Aux termes de l'art. 268 ch. 2 PPF, le pourvoi en nullité à la
Cour de
cassation pénale du Tribunal fédéral est ouvert contre une ordonnance
de
non-lieu rendue en dernière instance. Par ordonnance de non-lieu, il
faut
entendre toute décision qui met fin à l'action pénale, au moins sur
un chef
d'accusation, et qui est rendue par une autre autorité que la
juridiction de
jugement. Il importe peu que la décision attaquée soit qualifiée par
le droit
cantonal de non-lieu, de classement ou de refus de suivre (ATF 122 IV
45
consid. 1c p. 46; 120 IV 107 consid. 1a p. 108 s.; 119 IV 92 consid.
1b p.
95). Rendue en dernière instance cantonale, la décision de la Chambre
pénale
du Tribunal cantonal valaisan qui confirme la décision de refus de
donner
suite du juge d'instruction du Valais central met un terme à l'action
pénale
et constitue donc une ordonnance de non-lieu au sens de l'art. 268
ch. 2 PPF.

1.2 En vertu de l'art. 270 let. f PPF, le plaignant peut se pourvoir
en
nullité pour autant qu'il s'agisse du droit de porter plainte. En
d'autres
termes, il ne peut se plaindre que d'une irrégularité quant à son
droit de
plainte et ses conditions, mais non contester la décision attaquée
sur le
fond (ATF 128 IV 92 consid. 4c p. 96; 127 IV 185 consid. 2 p. 188
s.). En
l'espèce, le litige porte sur la légitimation active des recourantes
au sens
des art. 9 et 10 LCD et sur le respect du délai légal pour déposer
plainte.
Il s'agit bien de questions relatives au droit de plainte. En
conséquence, il
y a lieu d'admettre que les recourantes ont qualité pour se pourvoir
en
nullité.

1.3 Saisi d'un pourvoi en nullité, le Tribunal fédéral contrôle
l'application
du droit fédéral (art. 269 PPF) sur la base exclusive de l'état de
fait
définitivement arrêté par la cour cantonale (cf. art. 277bis et 273
al. 1
let. b PPF). Le raisonnement juridique doit se fonder sur les faits
retenus
dans la décision attaquée, dont le recourant ne peut s'écarter. Le
Tribunal
fédéral n'est pas lié par les motifs invoqués, mais il ne peut aller
au-delà
des conclusions du recourant (art. 277bis PPF). Celles-ci, qui
doivent être
interprétées à la lumière de leur motivation, circonscrivent les
points
litigieux (ATF 126 IV 65 consid. 1 p. 66).

2.
2.1L'art. 23 LCD dispose que celui qui, intentionnellement, se sera
rendu
coupable de concurrence déloyale au sens des art. 3, 4, 5 ou 6 sera,
sur
plainte, puni de l'emprisonnement ou de l'amende jusqu'à 100'000
francs. A
qualité pour porter plainte celui qui a qualité pour intenter une
action
civile selon les art. 9 ou 10 LCD (art. 23, 2e phrase, LCD).

2.2
2.2.1Selon l'art. 9 al. 1er LCD, le droit d'agir revient à celui qui,
par un
acte de concurrence déloyale, subit une atteinte dans sa clientèle,
son
crédit ou sa réputation professionnelle, ses affaires ou ses intérêts
économiques en général ou celui qui en est menacé. La LCD entend
garantir la
loyauté dans la compétition économique et ne présuppose pas
l'existence d'un
rapport de concurrence comme condition préalable à la concurrence
déloyale.
Elle subordonne néanmoins la légitimation active à une relation de
concurrence dans la mesure où le demandeur doit avoir un intérêt
juridiquement protégé pour agir. Cet intérêt n'est cependant pas lié à
l'existence d'un rapport de concurrence direct. Le plaignant peut
fonder sa
légitimation active sur la détérioration de sa position
concurrentielle
causée par le comportement incriminé; en ce sens, le droit d'intenter
action
n'est pas réservé aux seuls compétiteurs (ATF 121 III 168 consid. 3b
p. 173
s.).

Ainsi il n'existera aucun intérêt juridiquement protégé si une société
laitière fait de la publicité déloyale à l'égard d'un magasin de
chaussures
ou si des associations économiques s'attaquent à un comportement
relevant
d'une autre branche. La LCD n'institue pas une action populaire, mais
exige
que le plaignant soit menacé dans ses intérêts économiques. Elle sera
en
revanche applicable en cas de conflits entre fabricants, importateurs,
grossistes et détaillants, dans la mesure où le succès de l'un
paralyse celui
de l'autre ou qu'ils se gênent dans la lutte pour la clientèle. Une
telle
gêne n'est possible que si les prestations des différents fournisseurs
entrent en concurrence auprès des consommateurs et ce compte tenu des
possibilités de substitution (Lucas David, Schweizerisches
Wettbewerbsrecht,
3e éd., Berne 1997, n. 622, p. 145 s.).
2.2.2 Pour déterminer si les recourantes ont qualité pour porter
plainte, il
y a donc lieu d'examiner si elles se trouvent dans un rapport de
concurrence
avec la société intimée et si la publicité trompeuse pouvait dès lors
porter
atteinte à leurs intérêts économiques. Pour répondre à cette
question, il
convient de distinguer deux phases:
Du 14 février 1997 au 15 mars 2000, les recourantes ont commercialisé
auprès
de leurs clients, principalement de langue allemande, le logiciel
"A.________" développé par la société intimée. En tant que
distributrice des
produits de l'intimée, elles étaient alors concurrentes de celle-ci et
avaient donc, pour cette période, la légitimation active pour déposer
une
plainte pénale pour publicité trompeuse. En déposant leur plainte
pénale le
13 novembre 2000, soit plus de sept mois après la rupture du contrat
de
distribution, elles ont cependant dépassé le délai légal de trois
mois pour
porter plainte (art. 29 CP), et leur plainte doit être considérée
comme
tardive.
Pour la période qui suit la rupture du contrat de distribution, il
ressort de
l'arrêt cantonal qu'il n'est nullement établi que les recourantes ont
créé ou
continué de distribuer des logiciels comparables à ceux de la société
intimée
et qu'elles sont partant lésées. Il s'agit de constatations de fait,
qui
lient la cour de céans. Dans la mesure où les recourantes prétendent
le
contraire, leur grief est irrecevable. Ne fabriquant ni ne vendant
les mêmes
produits que la société intimée, les recourantes ne sauraient dès
lors être
considérées comme des sociétés concurrentes et se prétendre
économiquement
menacées par les prétendues publicités trompeuses de l'intimée. Toute
légitimation active au sens de l'art. 9 LCD doit en conséquence leur
être
refusée pour cette seconde phase.

2.3 L'art. 10 LCD prévoit que les actions prévues à l'art. 9 LCD
peuvent
aussi être intentées par les clients dont les intérêts économiques
sont
menacés ou lésés par un acte de concurrence déloyale. Il n'est pas
nécessaire
que le client entende acquérir ou ait déjà acquis une prestation de
l'auteur
de l'infraction. Un intérêt économique pour les produits concernés
suffit, le
client étant celui qui peut s'intéresser potentiellement à la
prestation en
cause (Pedrazzini/Pedrazzini, Unlauterer Wettbewerb, UWG, Berne
2002, n.
16.25, p. 266).

Les recourantes font valoir qu'elles seraient clientes de la société
intimée
dès lors qu'elles s'étaient engagées à distribuer les logiciels de
cette
dernière. Leur argumentation s'écarte également ici de l'état de fait
retenu
par l'autorité cantonale. Pendant la durée du contrat de
distribution, il est
admis que les recourantes se trouvaient dans une relation de
concurrence avec
la société intimée, mais que la plainte était tardive. La question de
l'application de l'art. 10 LCD ne se pose donc pas. Après la rupture
du
contrat de distribution, il n'est pas établi que les recourantes ont
créé ou
continué à distribuer des logiciels semblables à ceux de la société
intimée.
N'étant pas active dans le même domaine, elles ne sauraient donc
prétendre
avoir un intérêt économique pour l'achat des produits de l'intimée et
revêtir
le statut de clientes au sens de l'art. 10 LCD.

3.
Au vu de ce qui précède, le pourvoi doit être rejeté dans la mesure
où il est
recevable. Les recourantes, qui succombent, doivent être condamnées
aux frais
(art. 278 al. 1 PPF).

Il n'y a pas lieu d'allouer d'indemnité à l'intimée qui n'a pas
déposé de
mémoire dans la procédure devant le Tribunal fédéral.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le pourvoi est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 4'000 francs est mis à la charge des
recourantes,
solidairement entre elles.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties,
au Juge
d'instruction du Valais central et au Tribunal cantonal valaisan,
Chambre
pénale.

Lausanne, le 24 novembre 2003

Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6S.329/2003
Date de la décision : 24/11/2003
Cour de cassation pénale

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-11-24;6s.329.2003 ?
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