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21/11/2003 | SUISSE | N°4C.187/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 21 novembre 2003, 4C.187/2003


{T 0/2}
4C.187/2003 /ech

Arrêt du 21 novembre 2003
Ire Cour civile

Mmes et MM. les Juges Corboz, Président, Walter, Klett, Rottenberg
Liatowitsch et Favre.
Greffière: Mme Charif Feller.

A. ________,
demandeur et recourant, représenté par Maîtres François Roger Micheli
et
Jean-Marie Crettaz,

contre

B.________,
défenderesse et intimée, représentée par Maîtres Serge Morosow et
Cyrille
Piguet,

responsabilité civile d'un agent public étranger,

recours en réfo

rme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de
justice
du canton de Genève du 16 mai 2003.

Faits:

A.
A. _______...

{T 0/2}
4C.187/2003 /ech

Arrêt du 21 novembre 2003
Ire Cour civile

Mmes et MM. les Juges Corboz, Président, Walter, Klett, Rottenberg
Liatowitsch et Favre.
Greffière: Mme Charif Feller.

A. ________,
demandeur et recourant, représenté par Maîtres François Roger Micheli
et
Jean-Marie Crettaz,

contre

B.________,
défenderesse et intimée, représentée par Maîtres Serge Morosow et
Cyrille
Piguet,

responsabilité civile d'un agent public étranger,

recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de
justice
du canton de Genève du 16 mai 2003.

Faits:

A.
A. ________, citoyen hollandais domicilié à Monaco et propriétaire
d'un
immeuble à Gstaad, est le père de deux filles nées respectivement en
1994 et
en 1996. Elles sont issues d'une liaison avec une ressortissante
espagnole,
née à Genève et domiciliée à Z.________ (Espagne).

Le 21 août 1998, la mère des enfants a déposé plainte auprès de la
police de
son quartier en dénonçant le fait que leur père les avait enlevés, ce
qui a
donné lieu à une procédure pénale confiée à la Juge d'instruction
B.________,
en fonction à Z.________. Le 2 mai 2000, cette dernière a émis un
mandat
d'arrêt international à l'encontre de A.________.

Le 21 septembre 2000, celui-ci a été arrêté à la frontière de
Bardonnex,
Genève, et placé en détention extraditionnelle jusqu'au 8 décembre
2000, date
de sa libération par la Chambre d'accusation du Tribunal fédéral,
moyennant
le dépôt d'une caution de 1 million frs. et un contrôle de présence.
A.________ a néanmoins quitté la Suisse et s'est rendu à Monaco, où
ses deux
filles sont scolarisées.

A. ________ a recouru contre l'ordonnance d'écrou du Juge
d'instruction de
Z.________, du 25 septembre 2000, devant la Cour d'appel de Malaga,
qui a
rejeté le recours le 20 avril 2001.

Par arrêt du 2 avril 2001, le Tribunal fédéral a écarté un recours de
droit
administratif contre la décision d'extradition de A.________ à
l'Espagne,
prise le 10 janvier 2001 par l'Office fédéral de la justice.

Le 26 juin 2001, A.________ a requis du Conseil général du pouvoir
judiciaire
espagnol une procédure disciplinaire contre deux juges du Tribunal de
Z.________, dont B.________. Le 18 décembre 2001, la procédure a été
classée
sans suite, décision communiquée à B.________ le 5 mars 2002.

B.
Le 9 juillet 2001, A.________ a ouvert action devant le Tribunal de
première
instance de Genève contre B.________ en paiement de 15'800 fr. à titre
d'indemnité pour les 79 jours de détention extraditionnelle subis, à
raison
de 200 fr. par jour. Il a reproché, en substance, à la juge espagnole
d'avoir
décerné contre lui un mandat d'arrêt international en violation de la
loi.
B.________ a contesté sa légitimation passive et soulevé des
exceptions
d'incompétence ratione loci et materiae. Elle a invoqué le bénéfice de
l'immunité de juridiction. Par jugement du 7 novembre 2002, le
tribunal s'est
déclaré compétent, à raison de la matière, pour connaître de l'action
susmentionnée.

Saisie d'un appel de B.________, la Cour de justice a annulé le
jugement
entrepris et déclaré irrecevable l'action introduite par A.________,
par
arrêt du 16 mai 2003. Elle a retenu principalement que la Convention
de
Lugano du 16 septembre 1988 concernant la compétence judiciaire et
l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (CL; RS
0.275.11)
ne s'appliquait pas aux actions en responsabilité ouvertes contre un
magistrat ou un fonctionnaire, qui relèvent du droit public, ce qui
est le
cas à Genève. Il en allait de même en Espagne, selon les art. 411 et
412 de
la loi espagnole d'organisation judiciaire. Le droit public obéissant
avant
tout au principe de la territorialité, les tribunaux genevois ne
sauraient se
prononcer sur d'éventuels manquements imputables au juge
d'instruction de
Z.________. La règle de renvoi de l'art. 133 de la loi fédérale du 18
décembre 1987 sur le droit international privé (LDIP; RS 291) à la
loi du
pays où s'est produit de manière prévisible le dommage causé par
l'acte
illicite (Suisse, Genève) n'entrait pas en ligne de compte au profit
du droit
espagnol, à teneur de l'art. 413 ch. 1 de la loi d'organisation
judiciaire de
ce pays. Enfin, comme la procédure pénale était encore pendante,
l'action en
responsabilité était de toute manière prématurée.

C.
Parallèlement à un recours de droit public, que le Tribunal de céans a
déclaré irrecevable par arrêt séparé de ce jour, A.________ dépose un
recours
en réforme. Il conclut à l'annulation de l'arrêt de la Cour de
justice et au
renvoi du dossier à cette autorité pour nouvelle décision. Invoquant
les art.
129 al. 2 LDIP et 5 ch. 3 CL, il conteste le déclinatoire de
compétence
locale en raison du caractère civil de la demande introduite contre la
défenderesse. Pareillement, l'incompétence matérielle était infondée,
parce
que la défenderesse était recherchée en raison de sa responsabilité
civile au
sens de l'art. 41 CO et non pas pour sa responsabilité disciplinaire
ou de
droit public. Enfin la cour cantonale ne pouvait pas retenir que
l'action du
demandeur était prématurée, puisqu'elle n'avait pas examiné le fond,
et que
l'art. 60 al. 1 CO l'obligeait à respecter un délai annal, dès le 8
décembre
2000.

La défenderesse conclut à l'irrecevabilité du recours,
subsidiairement à son
rejet, avec suite de frais et dépens.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 La Cour de justice a statué que l'action intentée par le
demandeur était
irrecevable devant les juridictions genevoises pour cause
d'incompétences
locale et matérielle, en application de la CL, subsidiairement de
l'art. 133
LDIP. S'agissant de normes de droit fédéral sur la compétence, qui
incluent
d'ailleurs les règles sur l'immunité de juridiction reconnue aux Etats
étrangers, susceptibles d'entrer aussi en ligne de compte dans le cas
particulier (ATF 124 III 382 consid. 2a in fine p. 386 et les arrêts
cités),
leur violation peut donc donner lieu à un recours en réforme (art. 43
al. 1
OJ).

Déniant la compétence locale et matérielle des juridictions
genevoises, la
cour cantonale a exclu définitivement que la même action puisse être
introduite entre les mêmes parties devant les tribunaux de ce canton,
rendant
par-là une décision finale, qui est à ce titre sujette à recours (ATF
115 II
237 consid. 1b; Bernard Corboz, Le recours en réforme au Tribunal
fédéral,
in: SJ 2000 II p. 11). A l'inverse d'ailleurs, si la cour cantonale
avait
admis la compétence des tribunaux genevois, il se fût agi d'une
décision
incidente sur la compétence (ATF 126 III 327 consid. 1c et les
références),
également susceptible d'un recours en réforme immédiat (art. 49 al. 1
et 48
al. 3 OJ).

1.2 Dans un recours en réforme, qui ne doit pas être confondu avec un
recours
cassatoire, le recourant ne doit pas se borner à demander
l'annulation de la
décision attaquée, mais il doit également, en principe, prendre des
conclusions sur le fond du litige; il n'est fait exception à cette
règle que
lorsque le Tribunal fédéral, en cas d'admission du recours, ne serait
de
toute manière pas en situation de statuer lui-même sur le fond et ne
pourrait
que renvoyer la cause à l'autorité cantonale (ATF 125 III 412 consid.
1b; 111
II 384 consid. 1; 106 II 201 consid. 1). En l'espèce, les
constatations
cantonales sont insuffisantes pour permettre au Tribunal fédéral de
statuer
lui-même sur le fond de l'action en responsabilité, que la cour
cantonale n'a
pas abordé. Dans ces conditions, les conclusions formulées par le
demandeur
sont admissibles.

1.3 Eu égard à la valeur litigieuse, de 15'800 fr., le recours en
réforme est
en principe recevable puisqu'il dépasse le seuil de 8'000 fr. fixé à
l'art.
46 OJ; de plus, il a été formé en temps utile (art. 54 al. 1 OJ) et
dans les
formes requises (art. 55 OJ).

1.4 Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral conduit son
raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision
attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve
n'aient
été violées, qu'il faille rectifier des constatations reposant sur une
inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou compléter les
constatations de
l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits
pertinents et régulièrement allégués (art. 64 OJ).

Dans la mesure où la partie recourante présente un état de fait qui
s'écarte
de celui contenu dans la décision attaquée, sans se prévaloir avec
précision
de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas
possible
d'en tenir compte. Il ne peut être présenté de griefs contre les
constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux
(art. 55
al. 1 let. c OJ). Le recours en réforme n'est donc pas ouvert pour se
plaindre de l'appréciation des preuves et des constatations de fait
qui en
découlent.

Dans son examen du recours, le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà
des
conclusions des parties, lesquelles ne peuvent en prendre de
nouvelles (art.
55 al. 1 let. b OJ); en revanche, il n'est lié ni par les motifs que
les
parties invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni par l'argumentation
juridique de la
cour cantonale (art. 63 al. 3 OJ). Il peut donc admettre un recours
pour
d'autres motifs que ceux invoqués par la partie recourante et peut
également
rejeter un recours en adoptant une autre argumentation juridique que
celle
retenue par la cour cantonale (ATF 127 III 248 consid. 2c et les
références
citées).

2.
Le demandeur fait tout d'abord grief à la cour cantonale d'avoir
écarté
l'applicabilité de l'art. 5 ch. 3 CL et d'avoir ignoré l'art. 129 al.
2 LDIP,
au motif que l'action en responsabilité ouverte à Genève contre la
juge
d'instruction espagnole relevait du droit public. De plus, la cour
cantonale
n'est pas entrée en matière sur l'exception d'immunité de juridiction,
avancée à l'appui de l'appel.

2.1 Même si elle ne relève pas de l'ordre public, la question de
l'immunité
de juridiction, que le juge ne peut pas soulever d'office mais qu'il
doit
trancher lorsqu'elle est invoquée, doit être examinée d'entrée de
cause,
avant de procéder sur le fond (ATF 124 III 382 consid. 3b p. 387 et
les
références), ceci d'autant plus que le Tribunal fédéral n'est pas lié
par les
motifs que les parties plaident, à teneur de l'art. 63 al. 1 OJ, et
qu'il
peut adopter une autre argumentation juridique que celle retenue par
la cour
cantonale.

L'Etat souverain, disposant de la personnalité juridique de droit
international, est le titulaire par excellence des immunités de l'Etat
étranger (Jolanta Kren Kostkiewicz, Staatenimmunität im Erkenntnis-
und im
Vollstreckungsverfahren nach schweizerischem Recht, Berne 1998, p.
348) qui
présentent deux aspects, l'immunité de juridiction et l'immunité
d'exécution,
cette dernière étant en général la simple conséquence de l'autre (ATF
124 III
382 consid. 4a in fine p. 389). Les immunités de l'Etat sont
destinées à
garantir le respect de sa souveraineté lorsque ses agents, sa
législation ou
ses biens sont en rapport direct avec la souveraineté territoriale
d'un autre
Etat. L'absence de toute hiérarchie entre les Etats exclut que l'un
d'entre
eux soit soumis à des actes d'autorité, y compris juridictionnels,
d'un autre
Etat, conformément à la maxime selon laquelle "par in parem non habet
jurisdictionem", les immunités étant une exception au principe de la
souveraineté territoriale (Patrick Daillier/Alain Pellet, Droit
international
public, 7e éd., Paris 2002, p. 450/451; Alfred Verdross/Bruno Simma,
Universelles Völkerrecht, Theorie und Praxis, 3e éd., Berlin 1984, §
1168 p.
763). Comme l'Etat étranger agit par l'intermédiaire de ses organes,
qui ne
possèdent pas eux-mêmes la personnalité juridique de droit
international, le
comportement de ces derniers est imputé à l'Etat lui-même, qu'il
s'agisse
d'un ministère, d'un département, d'un office, d'une représentation
diplomatique ou encore d'autres entités dépendantes de l'Etat (Kren
Kostkiewicz, op. cit., p. 350).

Aujourd'hui, l'immunité de juridiction est comprise selon la théorie
de
l'immunité restreinte, qui n'est garantie qu'en rapport à des actes de
souveraineté (jure imperii), l'Etat étranger ne pouvant se soustraire
aux
tribunaux pour ce qui concerne ses actes de gestion (jure gestionis),
telle
que l'a reconnue pour la première fois la Cour de cassation de
Belgique en
1903 (Joe Verhoeven, Droit international public, Bruxelles 2000, p.
736/737;
Verdross/Simma, op. cit., § 1169 p. 763/764; Emmanuel Decaux, Droit
international public, 3e éd., Paris 2002, n. 352 p. 291; Pierre-Marie
Dupuy,
Droit international public, 5e éd., Paris 2000, n. 115 p. 115;
Beatrice
Brandenberg Brandl, Direkte Zuständigkeit der Schweiz im
internationalen
Schuldrecht, Thèse St. Gall 1991, p. 56/57;Jean-François Egli,
L'immunité des
Etats étrangers et de leurs agents dans la jurisprudence du Tribunal
fédéral,
in: Centenaire de la LP, Zurich 1989, p. 206). Dès 1918, le Tribunal
fédéral
s'est rallié à cette conception restreinte ou restrictive de
l'immunité des
Etats, le critère de la nature intrinsèque de l'opération envisagée
étant
déterminant pour savoir si l'acte fondant la créance litigieuse
relève de la
puissance publique ou s'il s'agit d'un rapport juridique inscrit
dans
une
activité économique privée, l'Etat étranger intervenant par ses
organes dans
cette dernière au même titre qu'un particulier (ATF 124 III 382
consid. 4a p.
388/389 et les références; Müller/Wildhaber, Praxis des Völkerrechts,
3e éd.,
Berne 2001, p. 444/445; Malcolm N. Shaw, International law, 4e éd.,
Cambridge
1997, p. 500/501).

Agissant au nom de l'Etat étranger, les organes bénéficient de
l'immunité de
juridiction dans l'Etat du for lorsqu'ils accomplissent, dans leur
fonction,
des actes de souveraineté à l'occasion desquels une action en justice
dirigée
contre eux doit être considérée comme une action dirigée contre leur
propre
Etat (Verdross/Simma, op. cit., § 1177 p. 773). Ainsi, à côté de
l'immunité
de juridiction traditionnellement reconnue au personnel diplomatique
et
consulaire, (Kren Kostkiewicz, op. cit., p. 76 ss) ainsi qu'aux chefs
d'Etats
et autres membres de gouvernements (Kren Kostkiewicz, op. cit., p. 90
ss), le
cercle des bénéficiaires de l'immunité d'Etat s'élargit. En effet, il
arrive
que l'immunité soit accordée même quand l'action n'est pas directement
engagée contre l'Etat en son nom propre, mais contre le gouvernement
d'un
Etat souverain, contre le souverain, contre le chef d'Etat ou contre
l'un des
organes, ministère ou département du gouvernement, ou contre ses
organes
subsidiaires, voire contre des organismes ou des institutions de
l'Etat, en
raison d'actes accomplis dans l'exercice des prérogatives de la
puissance
publique (Sompong Sucharitkul, L'immunité des Etats in: Droit
international,
Bilan et perspectives, t.1, Paris 1991, p. 347ss, 351/352). En ce qui
concerne l'immunité des Etats étrangers, et singulièrement l'immunité
de
juridiction, il faut donc entendre par "Etat étranger", outre la
personne
étatique elle-même, toute autorité devant être considérée comme un
démembrement de l'Etat, délégataire ou dépositaire des fonctions
qu'il entend
exercer, en application directe de ses compétences en tant qu'Etat
souverain,
au bénéfice de sa "puissance publique", pour reprendre une
terminologie du
droit interne (Pierre-Marie Dupuy, op. cit., n. 115 p. 115, déjà
cité). Seuls
sont exclus de l'immunité les agents intervenant secrètement à
l'étranger au
service d'un Etat, par exemple pour fait d'espionnage
(Verdross/Simma, op.
cit., § 1177 p. 773/774, note 52) ou d'homicide intentionnel (Ignaz
Seidl-Hohenveldern, L'immunité de juridiction et d'exécution des
Etats et des
organisations internationales, in: Droit international 1, Paris 1981,
p. 113
ss, 114).

2.2 En l'espèce, la défenderesse, en sa qualité de juge d'instruction
espagnole, est chargée de conduire une procédure pénale pour
prévention de
soustraction de mineurs au sens des art. 223 et 226 du Code pénal
espagnol,
contre le demandeur, dans le ressort judiciaire du Tribunal de
Z.________. A
cette occasion, la juge d'instruction a décerné un mandat d'arrêt
international qui a ensuite donné lieu à la diffusion d'une demande
d'arrestation en vue d'extradition visant le demandeur. Ainsi, la juge
d'instruction de Z.________ a exercé, dans le cadre de ses
compétences, un
acte d'autorité exprimant en cette matière la souveraineté de
l'Espagne, en
procédant conformément à la Convention européenne d'extradition du 13
décembre 1957 (CEExtr; RS 0.351.1), à laquelle le Royaume d'Espagne
et la
Confédération suisse sont parties. La délivrance du mandat d'arrêt
international est caractéristiquement un acte d'un magistrat espagnol
exerçant dans son domaine et à son niveau la puissance publique du
Royaume
d'Espagne; à ce titre, la juge d'instruction n'est susceptible de
rendre
compte de l'exercice de ses fonctions qu'à ce dernier.

Dans ce sens, en vertu du principe d'égalité des Etats et de
l'absence de
hiérarchie entre eux, il n'y a pas lieu de soumettre à un tribunal
suisse le
contrôle des agissements d'une juge d'instruction espagnole dans
l'accomplissement des tâches de droit public que lui a confiées l'Etat
espagnol. La juge d'instruction, ayant agi comme délégataire de la
souveraineté du Royaume d'Espagne dans le domaine de la répression des
infractions et de l'application des codes pénal et de procédure
pénale, peut
invoquer avec succès le principe de l'immunité de juridiction à
l'égard de
l'Etat du for, dans la mesure où l'action en responsabilité civile
introduite
devant les tribunaux genevois contre elle touche en fait le
fonctionnement de
la justice pénale de l'Espagne et la jurisprudence de ce pays.

Il s'ensuit que la Chambre civile de la Cour de justice de Genève
était
fondée à déclarer irrecevable l'action ouverte par le demandeur
contre la
juge d'instruction espagnole, défenderesse, de sorte que l'arrêt
cantonal du
16 mai 2003 sera confirmé.

2.3 Le présent arrêt ne porte que sur la compétence matérielle et
locale des
juridictions genevoises. Il ne préjuge pas d'une action que le
demandeur
déciderait d'introduire en Espagne.

3.
Vu l'issue du litige, le demandeur est condamné au paiement d'un
émolument
(art. 156 al. 1 OJ) ainsi qu'à celui d'une indemnité à titre de
dépens (art.
159 al. 2 OJ) en faveur de la défenderesse.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours en réforme est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du demandeur.

3.
Le demandeur versera à la défenderesse une indemnité de 2'500 fr. à
titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 21 novembre 2003

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.187/2003
Date de la décision : 21/11/2003
1re cour civile

Analyses

Immunité de juridiction: admissibilité du recours en réforme, notion et bénéficiaires. En cas de violation de normes de droit fédéral sur la compétence, qui incluent les règles sur l'immunité de juridiction reconnue aux Etats étrangers, le recours en réforme est recevable (consid. 1.1). Même si elle ne relève pas de l'ordre public, la question de l'immunité de juridiction doit être examinée d'entrée de cause. Notion de l'immunité de juridiction; conception de l'immunité restreinte. Cercle des bénéficiaires de l'immunité d'Etat (consid. 2.1). Action en responsabilité civile, intentée suite à une détention extraditionnelle et dirigée contre la juge d'instruction étrangère ayant délivré le mandat d'arrêt international (consid. 2.2).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-11-21;4c.187.2003 ?
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