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20/11/2003 | SUISSE | N°H.272/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 20 novembre 2003, H.272/02


{T 7}
H 272/02

Arrêt du 20 novembre 2003
IVe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Ferrari.
Greffier : M.
Beauverd

W.________, recourant, représenté par Me Olivier Carré, avocat, place
St-François 8, 1002 Lausanne,

contre

Caisse de compensation Gastrosuisse, Heinerich Wirri-Strasse 3, 5001
Aarau,
intimée,

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 4 juillet 2002)

Faits:

A.
W. ________ est affilié à la C

aisse de compensation Gastrosuisse
(anciennement : Caisse de compensation Wirte; ci-après : la caisse) en
qualité d'employeur, rétr...

{T 7}
H 272/02

Arrêt du 20 novembre 2003
IVe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Ferrari.
Greffier : M.
Beauverd

W.________, recourant, représenté par Me Olivier Carré, avocat, place
St-François 8, 1002 Lausanne,

contre

Caisse de compensation Gastrosuisse, Heinerich Wirri-Strasse 3, 5001
Aarau,
intimée,

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 4 juillet 2002)

Faits:

A.
W. ________ est affilié à la Caisse de compensation Gastrosuisse
(anciennement : Caisse de compensation Wirte; ci-après : la caisse) en
qualité d'employeur, rétroactivement depuis le 1er juin 1985. Dans un
questionnaire d'affiliation rempli le 1er juillet 1985, le prénommé
avait
indiqué qu'il exploitait un restaurant à l'enseigne de « X.________
», à
Z.________. Cet établissement est situé dans un immeuble appartenant à
certaine Dame B.________. W.________ avait repris l'exploitation du
restaurant géré jusqu'alors par A.________, lequel lui avait vendu
l'agencement, les installations, le mobilier et le matériel
d'exploitation.
Depuis ce moment-là, il s'était assuré la collaboration de
C.________, avec
lequel il a passé ensuite, le 30 janvier 1987, une convention réglant
les
différentes activités du prénommé en relation avec la gestion du
restaurant.

Par décision du 14 octobre 1991, la caisse a réclamé à W.________ le
paiement
des cotisations AVS/AI/APG/AC - frais d'administration compris -
encore dues
sur les rémunérations versées au personnel du restaurant durant la
période du
1er janvier au 31 décembre 1990.

B.
W.________ a recouru contre cette décision, dont il demandait
l'annulation,
devant le Tribunal des assurances du canton de Vaud, en faisant valoir
essentiellement que les cotisations réclamées étaient dues par
C.________ en
sa qualité d'exploitant du restaurant.

Après avoir appelé en cause C.________, la juridiction cantonale a
rejeté le
recours par jugement du 12 mars 1996. Elle a considéré, en bref, que
les
éléments de nature à démontrer le caractère dépendant de l'activité de
C.________ étaient prédominants dans le cas particulier.

C.
Par arrêt du 27 mai 1997 (H 103/96), le Tribunal fédéral des
assurances a
partiellement admis le recours formé par W.________ contre ce
jugement. Il a
annulé celui-ci et renvoyé la cause à la juridiction cantonale pour
instruction complémentaire au sens des considérants et nouveau
jugement. Il a
considéré, en bref, que la juridiction cantonale avait refusé à tort
d'entendre les témoins proposés par le prénommé. En effet, leur
audition
était en mesure de clarifier les circonstances apparemment
contradictoires,
ou à tout le moins équivoques, et de déterminer les modalités de
rétribution
de C.________, afin de définir si les montants communiqués à la
caisse au
titre des rémunérations versées au prénommé constituent des salaires
réellement payés ou simplement des prélèvements sur les encaissements
de
l'entreprise.

D.
Reprenant l'instruction de la cause, la juridiction cantonale a fixé
au 27
novembre 1998 une audience d'instruction à laquelle cinq témoins ont
été
cités à comparaître. En accord avec le conseil du recourant, cette
audience a
toutefois été reportée à une date ultérieure en raison d'un engagement
professionnel de C.________.

Une nouvelle audience, fixée au 13 avril 1999, a été reportée en
raison de
l'empêchement d'un témoin.

Le tribunal a alors fixé une audience au 29 octobre 1999. Le 13
octobre 1999,
D.________, l'un des témoins cités à comparaître, a informé le juge
qu'il ne
pourrait pas donner suite à cette citation, motif pris qu'il
effectuait une
mission humanitaire en Roumanie. Il était toutefois disposé à être
entendu
dans le cadre d'une commission rogatoire. Les conseils de W.________
et de
C.________ ont requis l'audition de D.________ par commission
rogatoire et
donné leur accord au renvoi de l'audience. Le 10 janvier 2000, les
conseils
prénommés ont produit des questionnaires en vue de cette audition. Le
représentant de W.________ a indiqué qu'il communiquerait l'adresse de
D.________ en Roumanie sitôt celle-ci connue. Par courrier du 26
octobre
2000, le juge lui a imparti un délai échéant le 16 novembre suivant
pour lui
communiquer l'adresse du témoin prénommé. Ce délai a été prolongé au
2 mars
2001 à la demande du conseil de W.________. Le 2 mars 2001, le conseil
prénommé a informé le tribunal que l'adresse de D.________ n'avait
pas pu
être trouvée. Il invitait toutefois le tribunal à requérir cette
adresse
auprès du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE), lequel
connaissait le programme de développement auquel participait le
prénommé.

Par jugement de son président du 4 juillet 2002, la juridiction
cantonale a
rejeté le recours dont elle était saisie en statuant en l'état du
dossier,
motif pris qu'aucune mesure d'instruction conforme au principe
d'économie de
la procédure ne pouvait clarifier les circonstances du cas.
Confirmant les
motifs de son jugement du 12 mars 1996, elle a déclaré le recours mal
fondé.

E.
W.________ interjette recours de droit administratif contre ce
jugement, dont
il requiert l'annulation, en concluant, sous suite de frais et
dépens, à sa
libération de l'obligation de s'acquitter de cotisations sur les
rémunérations versées au personnel du restaurant « X.________ ».
Subsidiairement, il demande le renvoi de la cause à la juridiction
cantonale
pour complément d'instruction et nouveau jugement.

La caisse intimée conclut implicitement au rejet du recours. Invité à
se
déterminer sur celui-ci en qualité d'intéressé, C.________ en propose
le
rejet, sous suite de frais et dépens.

L'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à présenter des
déterminations.

Considérant en droit:

1.
La décision litigieuse n'ayant pas pour objet l'octroi ou le refus de
prestations d'assurance, le Tribunal fédéral des assurances doit se
borner à
examiner si les premiers juges ont violé le droit fédéral, y compris
par
l'excès ou par l'abus de leur pouvoir d'appréciation, ou si les faits
pertinents ont été constatés d'une manière manifestement inexacte ou
incomplète, ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles
de
procédure (art. 132 en corrélation avec les art. 104 let. a et b et
105 al. 2
OJ).

2.
Par son arrêt du 27 mai 1997 (H 103/96), la Cours de céans a annulé le
jugement du Tribunal des assurances du canton de Vaud du 12 mars
1996, motif
pris que les faits pertinents avaient été constatés d'une manière
incomplète
au sens des art. 104 let. b et 105 al. 2 en relation avec l'art. 132
OJ. Elle
a considéré, en résumé, que les circonstances du cas particulier
étaient
apparemment contradictoires, ou à tout le moins équivoques. En
particulier,
le jugement entrepris exposait que C.________ n'avait pas investi de
capitaux
dans l'entreprise, tout en considérant les mensualités dues par le
prénommé à
W.________ comme des amortissements. Or, il n'est pas possible de
parler
d'amortissements s'il n'y a pas eu d'investissements, peu importe
qu'ils
aient été financés par des fonds propres ou par des tiers comme le
recourant,
dont C.________ s'était déclaré le débiteur. Par ailleurs, le
paiement de
mensualités par C.________ à W.________ (considérés par la juridiction
cantonale comme salarié, respectivement employeur) était une
circonstance
insolite, réclamant la plus grande prudence et nécessitant la mise en
oeuvre
d'investigations pour en clarifier la portée. Cette circonstance ne
pouvait
être considérée séparément des autres clauses contractuelles.

Etant donné la constatation incomplète des faits pertinents, le
Tribunal
fédéral des assurances a considéré que les témoignages des personnes
désignées par W.________ étaient en mesure de déterminer les
modalités de
rétribution de C.________, afin de définir si les montants
communiqués à la
caisse au titre des rémunérations versées au prénommé constituaient
des
salaires réellement payés ou simplement des prélèvements sur les
encaissements de l'entreprise, ce qui aurait eu des conséquences sur
le plan
comptable.

Par ces motifs, la Cours de céans a renvoyé la cause à la juridiction
cantonale pour qu'elle procédât à un complément d'instruction, sous
la forme
d'une audition des témoins proposés par le recourant, et rendît un
nouveau
jugement.

3.
La juridiction cantonale, par son nouveau jugement du 4 juillet 2002,
a
rejeté le recours de W.________ en se fondant sur le dossier en
l'état à la
date de l'arrêt du Tribunal fédéral des assurances du 27 mai 1997.
Elle a
considéré que le prénommé n'avait pas collaboré à l'instruction de la
cause,
puisque, malgré deux rappels du magistrat instructeur, il n'avait pas
fourni
l'adresse du témoin principal. Par ailleurs elle a considéré comme
vouée à
l'échec la transmission de la commission rogatoire au DFAE, à charge
pour la
représentation Suisse en Roumanie de la faire aboutir. Affirmant
devoir
statuer en défaveur de la partie qui entend déduire un droit d'un
état de
fait non prouvé, le tribunal cantonal a déclaré le recours mal fondé.

3.1 Si l'administration ou le juge, se fondant sur une appréciation
consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles
ils
doivent procéder d'office, sont convaincus que certains faits
présentent un
degré de vraisemblance prépondérante et que d'autres mesures
probatoires ne
pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu
d'administrer
d'autres preuves (appréciation anticipée des preuves; Kieser, Das
Verwaltungsverfahren in der Sozialversicherung, p. 212, n° 450;
Kölz/Häner,
Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 2e éd.,
p. 39,
n° 111 et p. 117, n° 320; Gygi, Bundesverwaltungsrechtspflege, 2e
éd., p.
274; cf. aussi ATF 122 II 469 consid. 4a, 122 III 223 consid. 3c, 120
Ib 229
consid. 2b, 119 V 344 consid. 3c et la référence).

En l'occurrence, le premier juge ne pouvait toutefois pas se fonder
sur cette
jurisprudence pour statuer en l'état du dossier, puisque, aux termes
de son
arrêt du 27 mai 1997, le Tribunal fédéral des assurances avait
précisément
annulé le jugement cantonal attaqué en raison de la constatation
incomplète
des faits pertinents.

3.2
3.2.1Dans le domaine des assurances sociales notamment, la procédure
est
régie par le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents
de la
cause doivent être constatés d'office par le juge. Mais ce principe
n'est pas
absolu. Sa portée est restreinte par le devoir des parties de
collaborer à
l'instruction de l'affaire. Celui-ci comprend en particulier
l'obligation des
parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement
exigé
d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits
invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les
conséquences
de l'absence de preuves (ATF 125 V 195 consid. 2 et les références).
Les parties doivent ainsi faire connaître tout fait ou moyen de
preuve qui ne
serait connu que d'elles seules (ATF 108 Ib 80 s. consid. 2a/aa;
Rhinow/Koller/Kiss, Öffentliches Prozessrecht und
Justizverfassungsrecht des
Bundes, Bâle 1996, p. 217). Elles ne sont toutefois tenues de
collaborer que
dans la mesure où cela est raisonnablement exigible (DTA 1992 no 9 p.
111).
En particulier, on ne peut exiger des parties qu'elles fassent
connaître des
faits ou apportent des preuves auxquels elles n'ont pas accès, mais
que
l'autorité est à même de constater en faisant usage des moyens de
contrainte
publique dont elle dispose (consid. 1c non publié de l'arrêt ATF 120
Ia 265;
arrêt non publié G. du 1er décembre 1997, 2P.217/1995).

3.2.2 En l'occurrence, la juridiction cantonale reproche au recourant
de
n'avoir pas collaboré à l'instruction de la cause, du moment qu'il
n'avait
pas fourni l'adresse en Roumanie du témoin principal, malgré deux
rappels du
magistrat instructeur (les 26 octobre 2000 et 16 février 2001). A
l'échéance
de l'ultime délai imparti au recourant pour indiquer l'adresse dudit
témoin,
le conseil du recourant a informé le tribunal qu'il n'avait pas été
en mesure
de trouver l'adresse de D.________. Il a indiqué que celle-ci ne
figurait pas
clairement sur la lettre envoyée par le prénommé au tribunal le 13
octobre
1999, de sorte qu'il avait fait appel à la personne dont l'adresse en
Suisse
était mentionnée sur ladite lettre. Cette personne n'ayant toutefois
pas été
en mesure de fournir l'adresse du témoin en Roumanie, le recourant a
invité
le tribunal à requérir celle-ci auprès du DFAE, lequel devait être au
courant
du programme de développement auquel participait D.________.

Cela étant, force est de constater que le recourant a collaboré à
l'instruction de l'affaire dans la mesure où cela était
raisonnablement
exigible au sens de la jurisprudence ci-dessus exposée. Le seul fait
que
l'intéressé n'a pas été en mesure de fournir l'adresse du témoin
D.________
ne permettait pas à la juridiction cantonale de renoncer à toute
mesure
d'instruction et statuer sur la base d'un dossier jugé incomplet par
la Cours
de céans. En vertu du principe inquisitoire, le tribunal devait
tenter de
contacter le témoin prénommé par le biais du DFAE. En cas d'échec, il
lui
incombait encore de fixer une nouvelle audience d'instruction, à
laquelle les

six autres témoins proposés par les parties pouvaient être cités à
comparaître. En tout cas, on ne pouvait d'emblée exclure que
l'audition de
ces six témoins fût à même d'apporter un complément décisif à
l'instruction
de la cause.

3.3 Vu ce qui précède, la cause doit être derechef renvoyée à la
juridiction
cantonale, pour qu'elle procède au complément d'instruction ordonné
par
l'arrêt du Tribunal fédéral des assurances du 27 mai 1997.

La conclusion subsidiaire du recours se révèle dès lors bien fondée.

4.
Suivant les art. 156 al. 1 et 159 al. 2 OJ, les frais judiciaires et
dépens
ne peuvent être normalement mis à charge du canton qui n'est pas
partie. Il
peut cependant être fait exception à cette règle lorsque le jugement
cantonal
viole de manière qualifiée les règles d'application de la justice et
cause de
ce fait des frais aux parties (RAMA 1999 n° U 331 p. 128 consid. 4).
Dans le
cas particulier, le Tribunal cantonal n'a pas respecté les
instructions
découlant de l'arrêt du Tribunal fédéral des assurances du 27 mai
1997, ce
qui justifie de mettre à la charge du canton aussi bien les frais de
justice
que la charge des dépens.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est partiellement admis et le jugement du Tribunal des
assurances
du canton de Vaud du 4 juillet 2002 est annulé, la cause étant
renvoyée à
ladite juridiction pour instruction complémentaire au sens des
considérants
et nouveau jugement.

2.
Les frais de justice, d'un montant de 1'200 fr., sont mis à la charge
de
l'Etat de Vaud.

3.
L'avance de frais effectuée par le recourant, d'un montant de 1'200
fr., lui
est restituée.

4.
L'Etat de Vaud versera au recourant la somme de 2'500 fr. à titre de
dépens
pour l'instance fédérale.

5.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des
assurances du
canton de Vaud, à C.________, à l'Etat de Vaud et à l'Office fédéral
des
assurances sociales.

Lucerne, le 20 novembre 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IVe Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : H.272/02
Date de la décision : 20/11/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-11-20;h.272.02 ?
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