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19/11/2003 | SUISSE | N°P.55/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 19 novembre 2003, P.55/02


{T 7}
P 55/02

Arrêt du 19 novembre 2003
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Meyer et Kernen. Greffière : Mme
Berset

D.________, c/o A.________, recourant,

contre

Office cantonal des personnes âgées, route de Chêne 54, 1208 Genève,
intimé

Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI, Genève

(Jugement du 21 mai 2002)

Faits:

A.
A.a D.________ a été mis au bénéfice d'une rente de
l'assurance-invalidité
avec effet au 1er avril 1985. A

partir de 1990, il a bénéficié de
prestations
complémentaires en application de la loi fédérale sur les prestations
complémentaire...

{T 7}
P 55/02

Arrêt du 19 novembre 2003
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Meyer et Kernen. Greffière : Mme
Berset

D.________, c/o A.________, recourant,

contre

Office cantonal des personnes âgées, route de Chêne 54, 1208 Genève,
intimé

Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI, Genève

(Jugement du 21 mai 2002)

Faits:

A.
A.a D.________ a été mis au bénéfice d'une rente de
l'assurance-invalidité
avec effet au 1er avril 1985. A partir de 1990, il a bénéficié de
prestations
complémentaires en application de la loi fédérale sur les prestations
complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité
(LPC) et
de la loi cantonale genevoise sur les prestations cantonales à l'AVS
et à
l'AI (LPCC).

Par décision du 25 octobre 1996, l'Office fédéral de l'assurance
militaire
(l'OFAM) a accordé à D.________ une rente d'invalidité avec effet au
1er août
1985. Sur une partie des arrérages de rentes, l'OFAM a adressé
129'786 fr. 80
à l'Office cantonal genevois des personnes âgées (OCPA), en
remboursement des
prestations complémentaires versées depuis 1990. Il a également payé
8'215
fr. au Service social de la Ville de Genève. Le solde des arriérés,
par
919'664 fr. 50, a été versé à l'assuré.

A.b L'OCPA a recalculé le revenu déterminant de l'assuré et il est
apparu que
la prise en compte de la rente de l'assurance militaire excluait tout
droit
aux prestations complémentaires LPC et LPCC depuis 1990. Le 1er
octobre 1996,
l'OCPA a rendu une décision par laquelle il mettait fin à ses
prestations et
réclamait à D.________ la restitution du montant de 129'786 fr. 80, en
précisant que la créance se trouvait compensée par le paiement de
l'OFAM.

Statuant sur réclamation le 5 mai 1997, l'OCPA a confirmé la fin du
droit aux
prestations complémentaires et la restitution de celles versées entre
le 1er
octobre 1991 et le 30 septembre 1996.

A.c D.________ a recouru contre la décision de restitution devant la
Commission cantonale genevoise de recours en matière d'AVS/AI (la
commission
cantonale; actuellement Tribunal cantonal des assurances sociales).
Par
jugement du 24 août 2000, la commission cantonale a rejeté le recours.

Par arrêt du 20 août 2001, le Tribunal fédéral des assurances a admis
partiellement le recours formé par l'intéressé et annulé le jugement
cantonal, en tant qu'il portait sur des prestations complémentaires
de droit
fédéral. La cause a été renvoyée à la commission cantonale pour
qu'elle
procède à des débats publics et à l'instruction sur les montants
relevant
respectivement du droit fédéral et du droit cantonal.

B.
Par jugement du 21 mai 2002, la commission cantonale a admis
partiellement
le recours, en ce sens que l'OCPA était tenu de rembourser à
D.________ la
somme de 1'480 fr. 80 sur le total des arriérés de rentes que lui
avait
versés l'OFAM.

C.
D.________ interjette recours de droit administratif contre ce
jugement, dont
il demande l'annulation, et conclut principalement, d'une part, à ce
qu'il
soit dit qu'il n'est pas tenu de restituer les prestations
complémentaires
fédérales et, d'autre part, à ce que le montant de 58'726 fr. lui soit
remboursé.

La commission cantonale et l'OCPA concluent à titre principal au
rejet du
recours. L'Office fédéral des assurances sociales renonce à se
déterminer.

D.
Parallèlement à son recours de droit administratif, D.________ a
saisi le
Tribunal fédéral d'un recours de droit public contre le même
jugement. Le 20
septembre 2002, le Président du Tribunal fédéral des assurances s'est
rallié
à l'avis du Président de la IIe Cour de droit public selon
lequel la
procédure de recours de droit public devait être suspendue jusqu'à
droit
connu sur la procédure pendante devant le Tribunal fédéral des
assurances.

Considérant en droit:

1.
Lorsque le recourant, comme en l'espèce, agit simultanément par la
voie du
recours de droit public et du recours de droit administratif, il
convient, en
vertu de la règle de la subsidiarité du recours de droit public
énoncée à
l'art. 84 al. 2 OJ, d'examiner en premier lieu la recevabilité du
recours de
droit administratif (ATF 125 V 184 consid. 1).

2.
Selon l'art. 128 OJ, le Tribunal fédéral des assurances connaît en
dernière
instance des recours de droit administratif contre des décisions au
sens des
art. 97, 98 let. b à h et 98a OJ en matière d'assurances sociales.
Quant à la
notion de décision pouvant faire l'objet d'un recours de droit
administratif,
l'art. 97 OJ renvoie à l'art. 5 PA. Selon le premier alinéa de cette
disposition, sont considérées comme décisions les mesures prises par
les
autorités dans des cas d'espèce, fondées sur le droit public fédéral
(et qui
remplissent par ailleurs certaines conditions relatives à leur
objet). Il
s'ensuit que le recours de droit administratif est irrecevable dans
la mesure
où le litige a trait au remboursement de prestations complémentaires
régies
par le droit cantonal.

3.
Dans ses déterminations, l'intimé conclut à ce que le jugement soit
réformé
sur la question du montant qu'il a été condamné à verser au
recourant. De
telles conclusions constituent une demande reconventionnelle,
assimilable à
un recours joint. Or, l'institution du recours joint au recours de
droit
administratif est inconnue. La partie qui, comme en l'espèce, n'a pas
interjeté recours de droit administratif dans le délai légal, ne peut
que
proposer l'irrecevabilité ou le rejet du recours formé par la partie
adverse.
Elle n'a plus la faculté de prendre des conclusions indépendantes
(ATF 124 V
155 consid. 1, 114 V 245 consid. 4 et les références). Toutefois,
lorsque le
litige concerne l'octroi ou le refus de prestations d'assurance,
comme c'est
le cas ici, le Tribunal fédéral des assurances peut s'écarter des
conclusions
des parties, à l'avantage ou au détriment de celles-ci (art. 132 let.
c OJ).
Rien n'empêche par conséquent la partie intimée de développer dans sa
réponse
au recours une argumentation qui conduira éventuellement le juge à
réformer à
son avantage la décision entreprise. Mais ces suggestions n'ont pas
la valeur
de conclusions formelles.

4.
Selon les premiers juges, l'intimé était en droit de demander au
recourant la
restitution du montant de 58'280 fr., au titre des prestations
complémentaires du droit fédéral versées à tort entre le 1er octobre
1991 et
le 30 septembre 1996, ainsi que le montant de 2'250 fr. de subsides
LAMal
pris en charge par le régime des prestations complémentaires
fédérales entre
le 1er janvier et le 20 septembre 1996.

5.
5.1Le recourant fait grief aux premiers juges d'avoir confirmé la
décision
d'une autorité incompétente, qui violerait au surplus le droit
international.

5.2 Aux termes de l'art. 6 al. 1 LPC, dans sa teneur en vigueur
jusqu'au 31
décembre 2002, applicable en l'espèce, les cantons désignent les
organes
chargés de recevoir et d'examiner les demandes, de fixer et de verser
les
prestations. Ils peuvent confier ces tâches aux caisses cantonales de
compensation; les autorités d'assistance ne sauraient en être
mandatées.
Prévue dès l'origine (RO 1965 541, 544), cette exclusion a pour but de
renforcer le caractère d'assurance du régime des prestations
complémentaires;
prestations d'assurance, elles ne doivent pas être confondues avec les
secours financiers de l'assistance publique (Carigiet/Koch,
Ergänzungsleistungen zur AHV/AI, Supplement, p. 39). L'application de
la
législation peut cependant être confiée à des organismes de l'aide
complémentaire à la vieillesse et aux survivants (Message du Conseil
fédéral
du 21 septembre 1964, FF 1964 II 721).

Le législateur genevois a désigné l'office des allocations aux
personnes
âgées, aux veuves, aux orphelins et aux invalides (devenu l'office
cantonal
des personnes âgées, OCPA) comme organe d'exécution de la loi
fédérale (art.
3 al. 1 de la loi genevoise sur les prestations complémentaires à
l'assurance-vieillesse et survivants et à l'assurance-invalidité du 14
octobre 1965, RSG J 7 10). A ce titre, l'office reçoit et examine les
demandes, fixe et verse les prestations (art. 3 al. 2 de la loi
cantonale).
Instaurée expressément par une loi formelle claire, la compétence
rationae
materiae de l'OCPA en matière de prestations complémentaires de droit
fédéral
ne souffre d'aucun défaut de base légale.
L'office cantonal est rattaché à la direction générale de l'action
sociale et
fait partie du département de l'action sociale et de la santé du
canton de
Genève (art. 9 al. 1 let. c ch. 1 du règlement genevois sur
l'organisation
cantonale du 3 décembre 2001, RSG B 4 05.10). A ce titre, il
constitue l'un
des services de l'administration cantonale soumis à l'autorité du
Conseil
d'État (art. 2 de la loi genevoise sur l'exercice du Conseil d'État et
l'organisation de l'administration du 16 septembre 1993, RSG B 1 15).
S'il
est vrai que la majorité des cantons ont confié le soin de mettre en
oeuvre
la loi fédérale à leur caisse de compensation, le législateur
genevois n'est
pas le seul à avoir opté pour une organisation différente
(Carigiet/Koch,
opus cité, p. 39).

Partie intégrante de l'administration cantonale, l'office cantonal
genevois
des personnes âgées ne peut être confondu avec un autre organisme, de
droit
public ou de droit privé, auquel le canton peut - caisse cantonale de
compensation - ou ne peut pas - autorités d'assistances - confier les
tâches
qui lui sont dévolues par le droit fédéral (art. 6 al. 1 LPC). En
effet,
selon le droit genevois, l'organisme d'assistance publique du canton
est
l'Hospice général (art. 3 al. 2 de loi genevoise sur l'assistance
publique du
19 septembre 1980, RSG J 4 05). Dans ce cadre, peu importe que
l'office
intimé soit chargé de l'assistance publique destinée aux personnes
qui sont
en âge AVS ou qui bénéficient d'une rente de l'assurance-invalidité
(art. 3
al. 3 loi cantonale). Un tel mandat, limité aux bénéficiaires
potentiels des
prestations complémentaires, justifié par des raisons de coordination
administrative et financière, ne permet aucunement d'assimiler
l'office
intimé à une autorité d'assistance au sens de l'art. 6 al. 1 LPC. En
fait, la
solution adoptée par le législateur genevois va au-delà du souci
exprimé par
le législateur fédéral : elle permet en effet aux personnes qui sont
encore
dépourvues de moyens suffisants en raison de l'âge ou de
l'invalidité, malgré
l'octroi des prestations complémentaires fédérales, d'être
soustraites, pour
ce surplus de besoins, au régime commun de l'assistance publique,
représenté
à Genève par l'Hospice général. Le recours s'avère mal fondé.

5.3 La décision entreprise fait obligation au recourant de restituer
les
prestations complémentaires perçues entre le 1er octobre 1991 et le 30
septembre 1996, après avoir été mis au bénéfice de prestations de
l'assurance
militaire, de plus de 9'000 fr. par mois, à titre rétroactif pour la
même
période.

Les hommes et les femmes peuvent prétendre aux prestations
complémentaires;
les conditions du droit aux prestations sont identiques pour les uns
et les
autres. Les assurés et les assurées invalides peuvent prétendre aux
prestations complémentaires sans égard pour l'atteinte à la santé et
son
origine, ayant mené à l'invalidité. Les conditions mises à la
restitution de
ces prestations sont pareillement identiques pour les assurés et les
assurées, qu'il s'agisse des prestations complémentaires à l'AVS ou à
l'AI.
Dans ces circonstances, on ne voit pas en quoi la décision entreprise
serait
contraire aux art. 4 § 3 et 14 CEDH, ainsi qu'à l'art. 8 Cst. Sur ce
point
également, le recours se révèle mal-fondé .

5.4
Pour le reste, les premiers juges ont considéré à juste titre que
l'octroi
rétroactif, à partir du 1er août 1985, de prestations d'invalidité par
l'assurance militaire fédérale constituait le motif permettant à
l'intimé de
révoquer les décisions attributives de prestations complémentaires du
1er
octobre 1991 au 30 septembre 1996. Intervenue après que l'OFAM avait
avisé
l'intimé le 6 septembre 1996 de la notification prochaine de sa
décision, la
demande de restitution du 10 octobre 1996 n'était pas prescrite et le
recourant ne pouvait se prévaloir du droit à la protection de la
bonne foi,
dans la mesure où les décisions originelles avaient été modifiées en
raison
d'un fait nouveau. Enfin, c'est à juste titre que les montants
alloués au
titre des prestations complémentaires LPC, tels que précisés par
l'intimé
dans ses dernières écritures, de 58'280 fr. et 2'250 fr., avaient été
confirmés au vu des pièces produites.

Sur ces points, le recourant est renvoyé aux considérants pertinents
du
jugement attaqué, qu'il semble au demeurant ne pas contester. Quant
aux
pièces produites par l'intimé en procédure fédérale, elles ne
permettent
toujours pas de déterminer si le montant écarté par les premiers
juges a
réellement été pris en charge par les prestations fédérales octroyées
au
recourant.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice, ni alloué de dépens.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des
assurances
sociales, au Président de la IIe Cour de droit public du
Tribunal
Fédéral et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 19 novembre 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIIe Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.55/02
Date de la décision : 19/11/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-11-19;p.55.02 ?
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