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19/11/2003 | SUISSE | N°I.647/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 19 novembre 2003, I.647/02


{T 7}
I 647/02

Arrêt du 19 novembre 2003
IVe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Ferrari.
Greffier : M.
Métral

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, recourant,

contre

D.________, intimée, représentée par Me Anne-Marie Germanier Jaquinet,
avocate, 10, rue Beau-Séjour, 1002 Lausanne

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 22 mars 2002)

Faits:

A.
D.

________, née en 1944, a exercé la profession de chauffeur-livreur
jusqu'au 30 novembre 1996. Elle a, par la suite, perçu des
pre...

{T 7}
I 647/02

Arrêt du 19 novembre 2003
IVe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Ferrari.
Greffier : M.
Métral

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, recourant,

contre

D.________, intimée, représentée par Me Anne-Marie Germanier Jaquinet,
avocate, 10, rue Beau-Séjour, 1002 Lausanne

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 22 mars 2002)

Faits:

A.
D. ________, née en 1944, a exercé la profession de chauffeur-livreur
jusqu'au 30 novembre 1996. Elle a, par la suite, perçu des
prestations de
l'assurance-chômage, mais a été déclarée totalement incapable de
travailler
dès le 25 avril 1997 par son médecin traitant, le docteur Preitner,
en raison
de douleurs dorsales et abdominales, de cervicalgies, de troubles
digestifs
et d'incontinence. Une duodéno-pancréatectomie céphalique selon
Whippel a été
pratiquée le 16 mai 1997, de même qu'une hystérectomie totale, avec
annexectomie bilatérale pour incontinence urinaire d'effort et kyste
séreux
simple ovarien droit, le 17 novembre 1997. Les symptômes ont persisté
dans
une large mesure. Le 3 juillet 1998, D.________ a déposé une demande
de
prestations de l'assurance-invalidité.

L'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (ci-après :
office
AI) a confié une expertise pluridisciplinaire à la Policlinique
médicale
universitaire de Lausanne, fonctionnant comme Centre d'observation
médicale
de l'assurance-invalidité (ci-après : COMAI). Au terme de leurs
observations,
ainsi que sur la base de consultations de psychiatrie,
gastro-entérologie et
rhumatologie, les docteurs A.________, B.________ et C.________ ont
notamment
posé les diagnostics de troubles somatoformes douloureux avec possible
fibromyalgie, troubles mixtes de la personnalité, séquelles d'une
maladie de
Scheuermann et spondylarthrose lombaire, syndrome dischésique et
incontinence
fécale. Ils ont attesté une capacité de travail résiduelle de 40 %
dans une
activité ne nécessitant pas le port de charges supérieures à cinq
kilogrammes
et permettant de changer régulièrement de position; il convenait
également
d'éviter les déplacements en voiture de plus de quarante-cinq minutes
de
manière continue et le chargement ou déchargement répété de
marchandises
(rapport du COMAI du 15 septembre 2000).

Par décision du 19 mars 2001, l'office AI a alloué à D.________ une
demi-rente d'invalidité avec effet dès le 1er avril 1998, fondée sur
un taux
d'invalidité de 65 %.

B.
A la suite d'un recours de l'assurée, le Tribunal des assurances du
canton de
Vaud a réformé cette décision et alloué à D.________ une rente entière
d'invalidité, ainsi qu'une indemnité de dépens de 1'500 fr., en
retenant un
taux d'invalidité de 68 à 70,4 % (jugement du 22 mars 2002).

C.
L'office AI interjette un recours de droit administratif contre ce
jugement,
dont il demande l'annulation. L'intimée conclut au rejet du recours,
sous
suite de frais et dépens, alors que l'Office fédéral des assurances
sociales
a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le jugement entrepris expose les dispositions légales relatives à la
notion
d'invalidité, à l'échelonnement des rentes selon le taux d'invalidité
et à la
manière de déterminer ce taux. Il convient donc d'y renvoyer, en
précisant
que la Loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances
sociales
(LPGA), du 6 octobre 2000, entrée en vigueur le 1er janvier 2003, et
les
modifications législatives qu'elle a entraînées dès cette date, ne
sont pas
applicables dans le cadre de la présente procédure, le juge des
assurances
sociales n'ayant pas à tenir compte des modifications du droit ou de
l'état
de fait survenues après que la décision administrative litigieuse a
été
rendue (ATF 127 V 467 consid. 1, 121 V 366 consid. 1b).

2.
Le revenu réalisé par la recourante dans sa dernière activité
professionnelle, exercée de 1989 à 1996, constitue une référence
adéquate
pour fixer le salaire qu'elle pourrait obtenir sans invalidité. La
date
d'ouverture d'un éventuel droit à une rente, déterminante pour la
comparaison
de revenus prévue à l'art. 28 al. 2 LAI, dans sa teneur en vigueur
jusqu'au
31 décembre 2002 (cf. ATF 129 V 223 sv. consid. 4.1 sv., 128 V 174 sv.
consid. 4a), est en l'occurrence le 1er avril 1998, eu égard au début
de
l'incapacité de travail de l'assurée en avril 1997 (cf. art. 29 LAI).
Après
adaptation du dernier salaire annuel brut de l'assurée - 38'454 fr.,
d'après
les indications figurant dans la demande de prestations - à
l'évolution de
l'indice des salaires nominaux des travailleuses semi-qualifiées et
non-qualifiées entre 1996 et 1998 (de 104.7 à 105.7 : Evolution des
salaires
en 2001, résultats commentés et tableaux, Office fédéral de la
statistique,
Neuchâtel 2002, p. 33, tableau 1.2.93), le revenu sans invalidité à
prendre
en considération est de 38'821 fr. par an.

3.
3.1Les premiers juges ont admis à juste titre que l'intimée disposait
d'une
capacité de travail résiduelle limitée à 40 %, depuis le 25 avril
1997, dans
une activité telle que décrite par les docteurs A.________,
B.________ et
C.________. Le rapport établi par ces praticiens répond aux critères
posés
par la jurisprudence en la matière (cf. ATF 125 V 352 consid. 3a, 122
V 160
consid. 1c et les références) et revêt une pleine valeur probante, ce
que les
parties ne contestent au demeurant pas.

3.2 Le recourant a calculé le taux d'invalidité de l'assurée en
partant du
principe, semble-t-il, que sa dernière activité professionnelle, même
exercée
à un taux de 40 %, n'était plus adaptée à son état de santé. Ce point
de vue
n'est pas critiquable. De même n'y a-t-il pas lieu de remettre en
cause la
décision implicite de l'office AI de renoncer à exiger de l'assurée
qu'elle
se soumette à une mesure de reclassement d'ordre professionnel au
sens de
l'art. 17 LAI : vu son âge et l'absence de formation professionnelle,
les
chances de succès d'une telle mesure sont en effet insuffisantes eu
égard à
sa durée probable et aux moyens à mettre en oeuvre. Cela étant, il
convient
de déterminer le salaire que pourrait réaliser D.________ dans une
activité
adaptée à son handicap et ne requérant pas de formation particulière.

4.
4.1Se fondant sur une enquête réalisée auprès de six entreprises du
canton de
Vaud, l'office AI a considéré que l'assurée pouvait réaliser un
revenu de
15'265 fr. en exerçant à 40 % un travail non qualifié dans
l'industrie ou une
activité de vente dans un kiosque ou une station service (cf. note
interne du
21 décembre 2000). Les premiers juges ont procédé à une déduction de
10 à 15
% de ce revenu, contestée par le recourant. La juridiction cantonale
a estimé
que les atteintes à la santé de l'assurée l'empêchaient de prétendre
au
salaire moyen réalisé, pour un même taux d'activité, par une personne
en
bonne santé.

4.2
4.2.1Lorsque l'assuré n'a pas repris d'activité, ou aucune activité
adaptée
lui permettant de mettre pleinement en valeur sa capacité de travail
résiduelle, contrairement à ce qui serait raisonnablement exigible de
sa part
dans un marché du travail équilibré, le revenu d'invalide peut être
évalué
sur la base, notamment, des données salariales publiées par l'Office
fédéral
de la statistiques (ci-après : l'OFS). Dans ce cas, on réduira le
montant des
salaires ressortant de ces données en fonction des empêchements
propres à la
personne de l'invalide, tels que le handicap, l'âge, les années de
service,
la nationalité, la catégorie d'autorisation de séjour ou le taux
d'occupation, susceptibles de limiter ses perspectives salariales. On
procédera alors à une évaluation globale des effets de ces
empêchements sur
le revenu d'invalide, étant précisé que la jurisprudence n'admet pas
de
déduction supérieure à 25 % (ATF 126 V 76 sv. consid. 3b/bb, 78 ss
consid.
5).

4.2.2 Récemment, le Tribunal fédéral des assurances s'est prononcé
sur la
valeur probante de descriptions de postes de travail tirées d'une
enquête
effectuée par la Caisse nationale suisse d'assurances en cas
d'accidents
(CNA) auprès de diverses entreprises en Suisse, pour évaluer le
revenu que
pouvait réaliser un assuré dans une activité adaptée à son état de
santé. Il
a considéré que de telles descriptions de postes de travail pouvaient
constituer, à certaines conditions, un moyen adéquat d'y parvenir,
tout en
précisant qu'il n'était pas justifié de procéder à une déduction
globale du
revenu ainsi obtenu, à l'instar de la pratique développée lors de
l'utilisation des données statistiques de l'OFS. En effet, pour être
pertinentes, les descriptions de postes de travail produites par la
CNA
devaient concerner des emplois raisonnablement exigibles de l'assuré,
eu
égard notamment à son handicap, ce qui permettait de prendre
suffisamment en
considération les empêchements qui lui étaient propres, d'autant que
les
descriptions en cause indiquaient généralement un salaire minimum et
un
salaire maximum pour chaque poste envisagé (arrêt H. du 28 août 2003
[U 35/00
et U 47/00], destiné à la publication, consid. 4.2, en particulier
consid.
4.2.3).
4.2.3 En l'absence de toute pièce au dossier quant à la manière dont
les
données salariales auxquelles se sont référées les parties et la
juridiction
cantonale ont été obtenues - entreprises consultées, date de
l'entretien,
renseignements exacts donnés par l'interlocuteur, etc. -, il n'est pas
possible de se prononcer sur le caractère pertinent de ces données
pour
statuer. En particulier, les renseignements figurant au dossier ne
permettent
pas de savoir si les postes de travail envisagés sont effectivement
adaptés à
la personne de l'assurée, notamment à son handicap, ce qui pourrait
exclure,
pour des motifs analogues à ceux retenus dans l'arrêt H. cité
(consid. 4.2.2
supra), une déduction globale telle que pratiquée par la juridiction
cantonale. A cela s'ajoute que les informations relatives aux faits
déterminants en droit doivent en principe être demandées et fournies
par
écrit; lorsqu'un renseignement est fourni par téléphone, il convient
au moins
d'en consigner par écrit le contenu essentiel, de manière à en
conserver une
trace au dossier (cf. ATF 117 V 284 consid. 4c). La note interne du 21
décembre 2000 produite par le recourant ne répond manifestement pas à
ces
exigences, de sorte qu'elle ne revêt aucune valeur probante et ne
peut être
utilisée pour établir le revenu que pourrait réaliser l'assurée en
dépit de
son handicap.

4.2.4 Si l'on se réfère aux études statistiques menées par l'OFS, en
l'occurrence, l'Enquête suisse sur la structure des salaires 1998
(ci-après :
ESS), le salaire brut de base à prendre en considération est de
42'060 fr.
par an (3'505 fr. par mois; tableau A1, p. 25 : salaire médian pour
les
femmes exerçant une activité simple et répétitives dans le secteur
privé).
Comme les salaires bruts standards ont été calculés sur la base d'un
horaire
de travail de 40 heures par semaine (ESS, p. 9), soit une durée
hebdomadaire
inférieure à la moyenne usuelle dans les entreprises en 1998 (41,9
heures; La
vie économique 12/2002, tableau B 9.2, p. 88), il convient d'adapter
le
revenu mentionné ci-dessus, en le portant à 44'057 fr. 85, soit
17'623 fr. 15
pour une activité exercée à 40 %. Il convient encore de procéder à une
déduction de 15 % de ce dernier montant, afin de tenir compte des
circonstances liées à la personne de l'assurée, en particulier son
âge, son
handicap et son taux d'activité relativement bas, ce qui conduit à un
salaire
annuel de 14'979 fr. 70. Une comparaison de ce montant au revenu sans
invalidité retenu précédemment (38'821 fr.), conduit à fixer le taux
d'invalidité de l'intimée à 61 %. Ce taux ne lui ouvre pas droit à la
rente
entière allouée par la juridiction cantonale, mais à une demi-rente
d'invalidité, comme l'a admis l'office AI.

5.
L'intimée, qui succombe, ne peut prétendre de dépens (art. 159 al. 1
OJ). Par
ailleurs, la procédure porte sur l'octroi ou le refus de prestations
d'assurance, de sorte qu'elle est gratuite (art. 134 OJ); les
conclusions de
l'intimée sur les frais sont donc sans objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est admis et le jugement du 22 mars 2002 du Tribunal des
assurances du canton de Vaud est annulé.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice ni alloué de dépens.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des
assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 19 novembre 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IVe Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.647/02
Date de la décision : 19/11/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-11-19;i.647.02 ?
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