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19/11/2003 | SUISSE | N°4C.186/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 19 novembre 2003, 4C.186/2003


{T 0/2}
4C.186/2003 /ech

Arrêt du 19 novembre 2003
Ire Cour civile

MM. les Juges Corboz, Président, Walter et Favre.
Greffière: Mme Godat Zimmermann.

Hoirie de feue A.________, soit pour elle C.________ et D.________,
demanderesse et recourante, représentée par Me Pierre Rumo,

contre

B.________,
défendeur et intimé, représenté par Me Alain Köstenbaum,

pouvoirs de représentation de l'avocat en procédure; droit applicable

recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre d'appel en m

atière de
baux et
loyers du canton de Genève du 12 mai 2003.

Faits:

A.
Depuis 1954, A.________ louait ...

{T 0/2}
4C.186/2003 /ech

Arrêt du 19 novembre 2003
Ire Cour civile

MM. les Juges Corboz, Président, Walter et Favre.
Greffière: Mme Godat Zimmermann.

Hoirie de feue A.________, soit pour elle C.________ et D.________,
demanderesse et recourante, représentée par Me Pierre Rumo,

contre

B.________,
défendeur et intimé, représenté par Me Alain Köstenbaum,

pouvoirs de représentation de l'avocat en procédure; droit applicable

recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre d'appel en matière de
baux et
loyers du canton de Genève du 12 mai 2003.

Faits:

A.
Depuis 1954, A.________ louait un appartement de cinq pièces dans un
immeuble, à Genève. B.________ est devenu propriétaire de cet
immeuble en
1985. A cette occasion, il a, dans un premier temps, résilié le bail
de
A.________; puis, selon un procès-verbal de conciliation du 21 mai
1985, il a
accepté de retirer le congé, «personne ne revendiquant le droit au
bail, à
l'exception de la locataire en titre».

D. ________ est le petit-neveu de A.________. En février 2000, il a
reçu une
lettre de B.________, envoyée à l'adresse de sa grand-tante. Dans ce
courrier, le bailleur lui reprochait d'habiter sans son autorisation
l'appartement et précisait qu'il n'entrerait pas en matière pour la
conclusion d'un nouveau bail. Par courrier du 27 juin 2000,
B.________ a
rendu A.________ attentive au fait que D.________ occupait
l'appartement loué
sans autorisation du bailleur. Il lui a rappelé qu'en 1985, il avait
retiré
le congé et accepté de poursuivre le bail à des conditions
particulièrement
avantageuses pour elle, afin de tenir compte de sa situation
personnelle,
étant entendu que ce privilège ne devait pas s'étendre à des tiers.
Enfin, le
bailleur a mis en demeure la locataire de prendre toutes mesures
utiles pour
faire évacuer D.________ de l'appartement loué jusqu'au 31 juillet
2000; à
défaut, le bail serait résilié pour justes motifs. La lettre du 27
juin 2000
a été envoyée à A.________ à son adresse de l'établissement
médico-social
dans lequel elle était hospitalisée et à celle de l'appartement.
D.________ a
reçu copie de ce courrier.

L'occupant n'a pas quitté les lieux. Le 2 août 2000, le bailleur a
résilié le
bail sur formule officielle pour le 30 septembre 2000; le congé était
fondé
sur l'art. 257f al. 3 CO.

B.
Au nom de A.________ et de D.________, qui se prétendait
sous-locataire, Me
E.________ a contesté la résiliation en date du 31 août 2000.

A la suite de l'échec de la tentative de conciliation, A.________,
représentée par Me E.________, a introduit action, concluant à
l'annulation
du congé et, subsidiairement, à la prolongation du bail.

A. ________ est décédée le 5 novembre 2001. Par courrier du 26
novembre 2001,
Me E.________ a fait savoir au tribunal que les héritiers de
A.________
étaient sa nièce, C.________, et le fils de celle-ci, D.________,
domicilié
dans l'appartement de la défunte; l'avocat indiquait qu'il avait été
chargé
de la défense de leurs intérêts, ses mandants revendiquant le bail en
faveur
de D.________.

Par ordonnance du 11 mars 2002, le Tribunal des baux et loyers a
invité Me
E.________ à produire, jusqu'au 9 avril 2002, la procuration de
A.________ et
celle des hoirs C.________ et D.________. Le tribunal estimait qu'il
se
justifiait de vérifier la réalité des mandats allégués, étant donné
que
A.________ était entrée en maison de retraite en septembre 1999 et
qu'elle y
était décédée en novembre 2001.

Aucune procuration n'a été remise au tribunal.

Par jugement du 2 juillet 2002, le Tribunal des baux et loyers a
déclaré
irrecevable la requête en contestation de congé déposée par Me
E.________
pour le compte de A.________ et débouté les parties de toutes autres
conclusions.

Statuant le 12 mai 2003 sur appel de l'hoirie de feue A.________, la
Chambre
d'appel en matière de baux et loyers a confirmé le jugement de
première
instance.

C.
L'hoirie de feue A.________ interjette un recours en réforme au
Tribunal
fédéral. A titre principal, elle conclut à l'annulation du congé
notifié le 2
août 2000 à A.________ et à la substitution de l'hoirie A.________ à
la
locataire. Elle demande subsidiairement une prolongation du bail de
quatre
ans en faveur de l'hoirie.

B. ________ conclut à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à
son
rejet.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours
qui lui sont soumis (ATF 129 I 185 consid.1 p. 188; 129 II 225
consid. 1; 129
III 288 consid. 2.1 p. 290, 415 consid. 2.1).

2.
2.1Lorsque la décision attaquée se fonde sur plusieurs motivations
indépendantes, alternatives ou subsidiaires, toutes suffisantes,
chacune
doit, sous peine d'irrecevabilité, être attaquée avec le moyen de
droit
approprié (ATF 115 II 300 consid. 2a p. 302; 111 II 397 consid. 2b,
398
consid. 2b; cf. également ATF 122 III 488 consid. 2; 117 II 432
consid. 2a p.
441). Le cas échéant, le recourant devra attaquer l'une des deux
motivations
par la voie du recours en réforme, en démontrant qu'elle viole le
droit
fédéral, et l'autre par celle du recours de droit public, en faisant
valoir
qu'elle porte atteinte à ses droits constitutionnels (ATF 115 II 300
consid.
2a p. 302; 111 II 398 consid. 2b; cf. également ATF 121 III 46
consid. 2; 121
IV 94 consid. 1b). Ces exigences sont posées à peine d'irrecevabilité
pour
chacun des moyens de droit concernés (ATF 116 II 721 consid. 6a p.
730), sous
réserve d'exceptions non pertinentes en l'espèce (arrêt 4C.292/2000
du 21
décembre 2000, consid. 2d in fine).

2.2 En l'espèce, la cour cantonale a confirmé le jugement de première
instance dans lequel le Tribunal des baux et loyers a, d'une part,
déclaré
irrecevable la requête en contestation de congé et, d'autre part,
débouté les
parties de toutes autres conclusions. Selon l'arrêt attaqué, Me
E.________,
qui a déposé la demande au nom de la locataire, n'a pas été en mesure
de
justifier d'un mandat confié par A.________ en personne; par
ailleurs, un
mandat confié par D.________ à l'avocat ne saurait avoir lié
A.________, les
conditions de la gestion d'affaires n'étant pas réunies. A titre
subsidiaire,
la Chambre d'appel est d'avis qu'une demande en annulation du congé
ou de
prolongation du bail aurait constitué un abus de droit de la part de
la
locataire dans les circonstances de l'espèce. Au demeurant, le congé
est
valable et non abusif; quant à une prolongation du bail, elle
n'aurait pas
été justifiée. Dans son recours en réforme, la demanderesse s'en
prend aux
deux branches de la motivation cantonale.

3.
Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral
(art. 43
OJ). En revanche, il n'est pas recevable pour se plaindre de la
violation
directe d'un droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1 2e phrase
OJ), ni
de la violation du droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c).

3.1 Il convient de distinguer, d'une part, les rapports internes
entre la
partie et son mandataire et, d'autre part, les effets externes, soit
les
pouvoirs de représentation de l'avocat à l'égard du juge ou des autres
parties (Poudret, COJ I, n. 2.2.1 ad art. 29, p. 152). Contrairement
aux
rapports internes, qui ressortissent au droit privé, les pouvoirs
externes
relèvent du droit de procédure, conformément à la réserve de l'art.
396 al. 3
CO (Leuch/Marbach/Kellerhals/Sterchi, Die Zivilprozessordnung für den
Kanton
Bern, 5e éd., p. 278; Poudret, op. cit., n. 2.2.1 ad art. 29, p. 152;
Bertossa/Gaillard/Guyet, Commentaire de la loi de procédure civile
genevoise,
vol. I, n. 4 ad art. 74; Kummer, Grundriss des Zivilprozessrechts, 4e
éd., p.
66; Deschenaux/Castella, La nouvelle procédure civile fribourgeoise,
p. 76).
Les règles du code des obligations, par exemple sur la
représentation, ne
s'appliquent aux effets externes qu'à titre de droit de procédure
supplétif
(Poudret, op. cit., n. 2.2.1, p. 152 et 153).

A l'égard du tribunal, seuls comptent donc les pouvoirs externes,
soumis à la
loi de procédure. Lorsque le procès se déroule devant une instance
cantonale,
c'est le droit de procédure cantonal qui régira les pouvoirs de
l'avocat pour
agir en justice au nom de son client. En droit genevois, le pouvoir de
représentation de l'avocat est régi par l'art. 4 de la loi sur la
profession
d'avocat du 26 avril 2002, selon lequel le pouvoir de représenter une
partie
devant les tribunaux et de faire les actes de la procédure résulte
notamment
de la remise des pièces ou d'une procuration écrite. Le cas échéant,
le droit
fédéral, singulièrement le code des obligations, s'appliquera à titre
de
droit cantonal supplétif (Poudret, op. cit., n. 2.2.1 ad art. 29, p.
152 et
153; Deschenaux/Castella, op. cit., p. 76).

3.2 A titre principal, la cour cantonale a confirmé l'irrecevabilité
de la
demande en raison du défaut de pouvoirs de l'avocat. La motivation
développée
à ce sujet dans l'arrêt attaqué repose sur le droit cantonal de
procédure.
Certes, la Chambre d'appel s'est également référée aux règles sur la
gestion
d'affaires; ce faisant, elle a toutefois appliqué le droit fédéral à
titre de
droit cantonal supplétif.

Dirigés contre la motivation principale de l'arrêt attaqué, les
moyens de la
demanderesse fondés sur la «validité du mandat de l'avocat» et sur la
«réalité de la gestion d'affaires» sont dès lors irrecevables dans un
recours
en réforme.

Conformément à la jurisprudence sur la double motivation rappelée
ci-dessus,
il n'y a pas lieu d'entrer en matière sur les autres griefs
développés par la
demanderesse. Le recours est irrecevable dans son entier.

4.
Vu l'issue de la procédure, la demanderesse prendra à sa charge les
frais
judiciaires (art. 156 al. 1 OJ) et versera au défendeur une indemnité
à titre
de dépens (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est irrecevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la
demanderesse.

3.
La demanderesse versera au défendeur une indemnité de 2'500 fr. à
titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève.

Lausanne, le 19 novembre 2003

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.186/2003
Date de la décision : 19/11/2003
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-11-19;4c.186.2003 ?
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