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17/11/2003 | SUISSE | N°I.705/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 17 novembre 2003, I.705/02


{T 7}
I 705/02

Arrêt du 17 novembre 2003
IVe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Ferrari et Kernen.
Greffier : M.
Beauverd

F.________, recourant,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 25 juin 2002)

Faits:

A.
F. ________, né en 1963, a été soumis à une expertise psychiatrique
dans le
cadre d'une enqu

ête d'interdiction civile. Dans leur rapport du 3
janvier
2001, les docteurs A.________ et B.________, médecins au Département
un...

{T 7}
I 705/02

Arrêt du 17 novembre 2003
IVe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Ferrari et Kernen.
Greffier : M.
Beauverd

F.________, recourant,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 25 juin 2002)

Faits:

A.
F. ________, né en 1963, a été soumis à une expertise psychiatrique
dans le
cadre d'une enquête d'interdiction civile. Dans leur rapport du 3
janvier
2001, les docteurs A.________ et B.________, médecins au Département
universitaire de psychiatrie adulte (ci-après : le DUPA), ont
diagnostiqué
une schizophrénie paranoïde caractérisée par des idées délirantes et
de
grandeur. Par décision du 5 avril 2001, la Justice de Paix du cercle
de
X.________ a clos l'enquête en interdiction civile sans prononcer de
mesure.

Le 1er mai 2001, F.________ a présenté une demande tendant à l'octroi
d'une
rente de l'assurance-invalidité. Dans un rapport (du 10 octobre 2001)
établi
à la demande du Service médical régional de l'assurance-invalidité
(SMR), le
docteur A.________ a attesté une incapacité entière de travail.

Par décision du 10 décembre 2001, l'Office AI du canton de Vaud a
alloué à
l'assuré, à partir du 1er mai 2000, une rente entière d'invalidité
fondée sur
un taux d'invalidité de 100 %. Bien qu'elle ait fixé au 1er mai 1999
le
moment de la naissance du droit à la rente, l'administration a
considéré que
l'intéressé ne pouvait prétendre le versement de cette prestation que
pour
les douze mois précédant le dépôt de la demande, celle-ci étant
tardive.

B.
Saisi d'un recours de l'assuré qui concluait à l'octroi d'une rente
d'invalidité depuis le 1er mai 1999, le Tribunal des assurances du
canton de
Vaud l'a rejeté par jugement du 25 juin 2002.

C.
F.________ interjette recours de droit administratif contre ce
jugement en
concluant derechef à l'octroi d'une rente à partir du 1er mai 1999. A
l'appui
de sa conclusion, il produit un certificat médical du docteur
A.________ du 7
octobre 2002.

L'office intimé conclut implicitement au rejet du recours, tandis que
l'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer sur
celui-ci.

Considérant en droit:

1.
Les faits qui ont fondé l'octroi d'une rente entière d'invalidité ne
sont pas
litigieux. En particulier, il n'est pas contesté que le recourant
présente un
degré d'invalidité de 100 % depuis le 1er mai 1999 et qu'il aurait eu
droit,
dès cette date, à une rente entière d'invalidité, d'un montant qui
n'est pas
non plus litigieux, n'était l'objection de tardiveté de la demande
retenue
par l'office intimé et la juridiction cantonale. Le litige porte donc
uniquement sur le point de savoir si l'intéressé a droit au versement
de la
rente pour la période antérieure au 1er mai 2000.

2.
La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances
sociales du 6
octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003,
entraînant la
modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de
l'assurance-invalidité. Cependant, le cas d'espèce reste régi par les
dispositions de la LAI en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, eu égard
au
principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur
au moment
où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 127 V
467
consid. 1). En outre, le Tribunal fédéral des assurances apprécie la
légalité
des décisions attaquées, en règle générale, d'après l'état de fait
existant
au moment où la décision litigieuse a été rendue (ATF 121 V 366
consid. 1b).

3.
Aux termes de l'art. 48 al. 2 LAI, si l'assuré présente sa demande
plus de
douze mois après la naissance du droit, les prestations ne sont
allouées que
pour les douze mois précédant le dépôt de la demande. Elles sont
allouées
pour une période antérieure si l'assuré ne pouvait pas connaître les
faits
ouvrant droit à prestations et qu'il présente sa demande dans les
douze mois
dès le moment où il en a eu connaissance.

En l'espèce, le recourant a présenté sa demande de rente le 1er mai
2001,
soit plus de douze mois après la naissance du droit, le 1er mai 1999.
Aussi,
ne peut-il, en principe, prétendre l'allocation de cette prestation
qu'à
partir du 1er mai 2000. Il y a lieu toutefois d'examiner si les
conditions
ouvrant droit à l'octroi de ladite prestation pour une période
antérieure
sont en l'occurrence réalisées.

4.
4.1Par « faits ouvrant droit à prestations » au sens de l'art. 48 al.
2,
seconde phrase, LAI, il faut entendre, à la lumière des art. 4 et 5
LAI,
l'atteinte à la santé physique et mentale qui entraîne une incapacité
de gain
présumée permanente ou de longue durée ou qui gêne l'assuré dans
l'accomplissement de ses travaux habituels s'il n'exerce pas
d'activité
lucrative. L'expression « connaître les faits ouvrant droit à
prestations »
ne signifie pas la faculté subjective de l'assuré de se faire une
idée de son
état. Selon le texte de l'art. 48 al. 2, seconde phrase, LAI, il
s'agit au
contraire de savoir si les faits ouvrant droit à prestations peuvent
objectivement être constatés ou non (ATF 100 V 120 consid. 2c; RCC
1984 p.
420 s. consid. 1, 1975 p. 137 consid. 2c).

Les conditions ouvrant droit au versement de la rente pour une période
antérieure aux douze mois précédant le dépôt de la demande sont
également
réalisées lorsque l'atteinte à la santé empêche l'assuré de connaître
les
faits ouvrant droit à prestations alors que les conditions d'un tel
droit
sont déjà réalisées (ATF 108 V 228 s. consid. 4).

4.2 La juridiction cantonale a considéré que l'atteinte à la santé et
l'incapacité de gain qui en découlait pouvaient être objectivement
constatées
en l'occurrence. Par ailleurs, l'affection n'empêchait pas
l'intéressé de
connaître les faits ouvrant droit à prestations, du moment qu'aux
termes de
la décision de la Justice de Paix du cercle de X.________ du 5 avril
2001, il
est « en mesure de gérer ses affaires sans les compromettre et
d'apprécier
sainement la portée de ses actes ».

De son côté, le recourant est d'avis que le jugement entrepris n'est
pas
critiquable si l'on prend en considération les preuves versées au
dossier de
la procédure cantonale. En procédure fédérale, il produit toutefois
une
attestation du docteur A.________, du 7 octobre 2002, laquelle est de
nature,
selon le recourant, à démontrer qu'il n'avait aucune connaissance «
objective
» de son état de santé jusqu'à la notification de la décision de la
Justice
de paix du 5 avril 2001.

4.3 Dans la procédure de recours concernant l'octroi ou le refus de
prestations d'assurance, le Tribunal fédéral des assurances n'est pas
lié par
l'état de fait constaté par l'autorité de première instance (art. 132
let. b
OJ). Le nouveau moyen de preuve produit en instance fédérale est dès
lors
admissible.

Selon cette attestation médicale, le recourant ne disposait pas, au
mois de
décembre 2000, d'une capacité de jugement adéquat quant à son état de
santé,
ce qui peut expliquer qu'il n'a pas entrepris plus tôt des démarches
auprès
de l'assurance-invalidité.

Sur le vu de ce certificat, ainsi que du rapport d'expertise du DUPA
du 3
janvier 2001, la Cour de céans ne saurait se rallier au point de vue
de la
juridiction cantonale. Certes, selon la jurisprudence exposée au
consid. 4.1,
ce n'est pas la nature ni la gravité de l'atteinte à la santé qui est
déterminante, mais le fait qu'elle empêche l'assuré d'exercer une
activité
lucrative, au point d'entraîner une incapacité de gain présumée
permanente ou
de longue durée. Il est vrai également que selon le rapport
d'expertise, le
recourant est capable de gérer son existence quotidienne, ce qui a
conduit
les experts à dissuader l'autorité compétente de prononcer une mesure
de
tutelle. Il n'en demeure pas moins qu'en l'occurrence l'assuré
n'était pas en
mesure de se rendre compte non seulement de la gravité des troubles
dont il
est atteint mais également des conséquences de son état sur sa
capacité de
gain. Il ressort en effet du rapport du DUPA que la schizophrénie
paranoïde,
caractérisée par des idées délirantes, empêche l'intéressé de saisir
la
réalité. Si un assistant social s'est occupé de la situation
financière du
recourant depuis le mois d'avril 2000, ce n'est pas parce que celui-ci
s'était adressé aux services sociaux, conscient des difficultés
matérielles
provoquées par l'atteinte à la santé. En effet, à cette époque-là,
l'assuré
était menacé d'expulsion de son appartement en raison de retards dans
le
paiement de son loyer, ce qui a incité la gérance de l'immeuble à
s'adresser
aux services sociaux. L'assistant social en charge de son dossier a
alors été
frappé par le fait que l'intéressé paraissait vivre dans un autre
monde, une
autre réalité.

Vu ce qui précède, force est de constater que la schizophrénie
paranoïde
empêchait le recourant de connaître les faits ouvrant droit à
prestations,
alors que les conditions d'un tel droit étaient déjà réalisées. Par
ailleurs,
le fait que l'assistant social en charge du dossier de l'intéressé
ait eu
connaissance de ces faits n'est pas déterminant pour l'issue du
litige. En
effet, si le Tribunal fédéral des assurances a jugé que les faits
ouvrant
droit à prestations, au sens de l'art. 48 al. 2, seconde phrase, LAI,
étaient
réputés connus s'ils l'étaient de l'assuré ou de son représentant
légal, en
revanche, il a considéré qu'il était sans importance que les personnes
énumérées à l'art. 66 RAI (dans sa version - en vigueur jusqu'au 31
décembre
1983 - comprenant notamment les autorités et les autres personnes qui
assistent régulièrement l'assuré) en aient eu connaissance (ATF 108 V
228
consid. 3).

Cela étant, et dans la mesure où l'assuré a présenté sa demande dans
les
douze mois dès le moment où il a eu connaissance des faits
déterminants, les
conditions ouvrant droit au versement de la rente pour une période
antérieure
aux douze mois précédant le dépôt de la demande sont réalisées. Dès
lors, le
recourant a droit au versement rétroactif de la rente à partir du 1er
mai
1999. Le recours se révèle ainsi bien fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est admis et le jugement du Tribunal des assurances du
canton de
Vaud du 25 juin 2002 est annulé; la décision de l'Office AI du canton
de Vaud
du 10 décembre 2001 est réformée en ce sens que le recourant a droit
à une
rente entière d'invalidité depuis le 1er mai 1999.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des
assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 17 novembre 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IVe Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.705/02
Date de la décision : 17/11/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-11-17;i.705.02 ?
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