La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/11/2003 | SUISSE | N°4P.148/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 12 novembre 2003, 4P.148/2003


{T 0/2}
4P.148/2003 /ech

Arrêt du 12 novembre 2003
Ire Cour civile

MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Walter et Rottenberg
Liatowitsch.
Greffière: Mme de Montmollin.

La République X.________, recourante, représentée par Me Manuel
Bianchi Della
Porta,

contre

A.________ (anciennement dénommée Z.________), intimée, représentée
par Me
Shelby du Pasquier et Me Daniel Tunik,
Groupe B.________, .
intimée, représentée par Me Patrick Schellenberg,
Chambre civile de la Cour d

e justice du canton de Genève, case
postale 3108,
1211 Genève 3.

art. 9 et 29 al. 2 Cst. (procédure civile; révisio...

{T 0/2}
4P.148/2003 /ech

Arrêt du 12 novembre 2003
Ire Cour civile

MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Walter et Rottenberg
Liatowitsch.
Greffière: Mme de Montmollin.

La République X.________, recourante, représentée par Me Manuel
Bianchi Della
Porta,

contre

A.________ (anciennement dénommée Z.________), intimée, représentée
par Me
Shelby du Pasquier et Me Daniel Tunik,
Groupe B.________, .
intimée, représentée par Me Patrick Schellenberg,
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case
postale 3108,
1211 Genève 3.

art. 9 et 29 al. 2 Cst. (procédure civile; révision; appréciation
arbitraire
des preuves; droit d'être entendu)

recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre civile de la
Cour de
justice du canton de Genève du 16 mai 2003.

Faits:

A.
Groupe B.________ (ci-après: B.________) est une société de droit
libanais
active dans dans le domaine des travaux publics et privés ainsi que
de leur
financement.

Z. ________, actuellement A.________ (ci-après: Z.________), est une
société
de droit X.________ qui exploite divers gisements pétroliers dans la
République de X.________. Elle est au bénéfice d'une concession pour
laquelle
elle verse mensuellement une redevance minière dont le montant dépend
de la
production réalisée.

Durant les années 90, la République X.________ a mis en oeuvre un
programme
de construction d'équipements publics. Plusieurs chantiers ont été
exécutés
par l'une des filiales de B.________, C.________ SA.

Par conventions des 27 avril 1992 (n° 560) et 9 mars 1993 (n° 569),
B.________ a accordé des prêts à la République X.________ en vue de la
réalisation d'ouvrages de travaux publics. Le remboursement devait
intervenir
par versements semestriels, échelonnés selon deux échéanciers
déterminés.
Afin d'assurer le service des prêts à ces échéances, la République
X.________
a instruit Z.________ de verser à due concurrence le montant des
redevances
minières à B.________. Il était précisé que ces paiements vaudraient
pleine
et entière libération de Z.________ à l'égard de la République
X.________ et
que les instructions étaient irrévocables. Z.________ les a acceptées
les 5
juin 1992 et 16 avril 1993.

Z. ________ a régulièrement versé les montants dus pour couvrir les
échéances
arrivées à terme jusqu'en mai 1995. Les parties ont alors reporté
certaines
échéances et confirmé la teneur des conventions n°s 560 et 569, par
accords
des 19 janvier 1996 pour la République X.________ et B.________, et
du 24
janvier 1996 pour Z.________. Les parties ont notamment rappelé que
les
paiements honorés par Z.________ étaient effectués à concurrence des
montants
dont elle était redevable envers la République X.________ à titre de
redevances minières et que l'exécution des instructions susdécrites
était
indépendante de l'exécution des conventions n°s 560 et 569.
Alors qu'elle avait régulièrement rempli ses engagements jusque-là,
Z.________ n'a effectué qu'un versement partiel à l'échéance de mai
1998.

Le 26 mai 1998, elle a informé B.________ qu'elle ne pouvait plus
honorer
l'intégralité du service du crédit en raison de la baisse du prix du
pétrole
qui l'obligeait à répartir les redevances au prorata entre divers
ayants
droit.

Le même jour, le président du Tribunal de commerce de Y.________,
dans la
République de X.________, a rendu une ordonnance de référé
interdisant à
Z.________ de prélever une partie de la redevance minière pour la
virer à
B.________. En validation de cette ordonnance, la République
X.________ a
saisi la Cour internationale d'arbitrage d'une demande dirigée contre
B.________. Par sentence partielle du 4 juin 2002, le tribunal
arbitral a
constaté que B.________ avait exécuté ses obligations selon les
conventions
n°s 560 et 569.

B.
Le 1er septembre 1998, B.________ a assigné Z.________ en paiement du
solde
de l'échéance du 30 mai 1998, amplifiant régulièrement sa demande des
montants du remboursement dû pour chaque échéance, dont la
défenderesse ne
s'acquittait plus. Par jugement du 20 septembre 2001, le Tribunal de
première
instance du canton de Genève a condamné Z.________ à verser à
B.________ 64
219 030 fr. 88, intérêts en sus. La société pétrolière a recouru
contre cette
décision. En cours de procédure, B.________ a de nouveau amplifié ses
conclusions en raison du non-respect d'une échéance de paiement, et la
République X.________ est intervenue afin d'appuyer les conclusions
prises
par Z.________.

Par arrêt du 13 septembre 2002, la Cour de justice du canton de
Genève a
confirmé le jugement de première instance et fait droit aux
conclusions
additionnelles de B.________. En substance, la Cour de justice a
retenu que
les parties étaient liées par un rapport d'assignation se rapprochant
d'un
accréditif, en raison du caractère irrévocable des instructions.
L'ordonnance
de référé rendue par le président du Tribunal de commerce de
Y.________ ne
constituait pas un cas d'impossibilité au sens de l'art. 119 CO
libérant
Z.________ de son obligation d'honorer les échéances de paiement.

C.
L'arrêt du 13 septembre 2002 a fait l'objet d'une demande en révision
sur le
plan cantonal, ainsi que de deux recours en réforme et un recours de
droit
public au Tribunal fédéral. Les procédures ouvertes devant le Tribunal
fédéral ont été suspendues jusqu'à droit connu sur le recours en
révision
cantonal.

D.
La demande en révision a été déposée par la République X.________
auprès de
la Cour de justice genevoise par acte du 21 octobre 2002. A l'appui
de sa
démarche, la recourante a allégué qu'elle avait découvert, après le
prononcé
de l'arrêt du 13 septembre 2002, que G.________ avait effectué un
paiement de
10 000 000 FF destiné à D.________, ancien président de la République
de
X.________ et/ou à E.________, ancien ministre de l'économie, par
l'intermédiaire d'un compte ouvert par F.________, ancien dirigeant de
W.________ SA, auprès de la Banque V.________ à Lausanne. Selon la
République, ce versement était très vraisemblablement destiné à un
acte de
corruption, à savoir convaincre ses bénéficiaires de souscrire des
accords de
paiement exorbitants en faveur de B.________. Lesdits accords,
qu'elle avait
invalidés pour cause de dol et d'erreur essentielle le 21 octobre
2002, ne la
liaient pas. La demanderesse en révision concluait donc à la
rétractation de
l'arrêt du 13 septembre 2002 ainsi qu'à la constatation de la nullité
des
accords de paiement documentés par les courriers des 25 mai 1992, 19
mars
1993 et 24 janvier 1996, B.________ et Z.________ étant déboutées de
toutes
leurs conclusions.

Parallèlement, la République X.________ a déposé une plainte pénale,
classée
par le procureur général du canton de Genève dans une ordonnance du 16
décembre 2002. Cette ordonnance a été confirmée par la Chambre
d'accusation
le 10 mars 2003.

E.
La Chambre civile de la Cour de justice a déclaré irrecevable le
recours en
révision dans un arrêt du 16 mai 2003.

En bref, la Cour de justice a d'abord retenu que la recourante
n'indiquait
pas, et a fortiori n'établissait pas, la date à laquelle elle avait
découvert
le versement incriminé, ni les circonstances dans lesquelles elle
avait
appris ce fait. Faute pour la République d'avoir démontré qu'elle
s'était
pourvue en révision en temps utile, son recours devait être déclaré
formellement irrecevable.

La Cour de justice a également fait reproche à la recourante, qui
fondait son
recours sur l'art. 157 let. d de la loi de procédure civile genevoise
(ci-après: LPC/GE), d'avoir failli à son devoir d'allégation en ne
démontrant
pas le lien de causalité entre le versement incriminé et ses
incidences sur
une bonne administration de la justice. L'intéressée n'expliquait en
particulier pas comment la conclusion des accords de paiement
intervenue le
27 avril 1992, respectivement le 9 mars 1993, aurait pu être viciée
par un
acte de corruption qui lui serait postérieur, survenu le 4 mai 1993.
Elle se
ralliait aussi à l'opinion des autorités pénales qui avaient
considéré que la
justice n'avait pas été induite en erreur par la production de titres
falsifiés et que la prétention de B.________ était en tout état de
cause
fondée parce que ni le financement des travaux ni leur exécution par
une
filiale de celui-ci n'était contestée. Tous ces motifs commandaient
également
l'irrecevabilité de la demande en révision.

Aurait-elle été recevable, que la demande en révision aurait dû de
toute
façon être rejetée, a considéré la Cour de justice dans un troisième
temps.
En effet, en supposant que l'acte de corruption du 4 mai 1993 ait
déterminé
la recourante à souscrire des accords de paiement exorbitants en
faveur de
B.________, la validité des conventions des 27 avril 1992 et 9 mars
1993 n'en
aurait pas été affectée en raison de la licéité de l'objet de ces
conventions. De plus, Z.________, en notifiant les 5 juin 1992 et 16
avril
1993 son acceptation sans réserve et irrévocable des instructions de
paiement
de la République X.________, avait accepté une dette nouvelle, de
caractère
abstrait, indépendante du rapport de base entre B.________ et la
recourante
(rapport de valeur) et du rapport de provision liant Z.________ à la
République X.________, de sorte qu'une éventuelle immoralité, erreur
essentielle ou défaut de représentation affectant le rapport de
valeur ne
préjugeait pas la validité de ses engagements envers B.________. Pour
le même
motif, l'invalidation des accords de paiement restait sans effet à
l'égard
des engagements souscrits par Z.________ en faveur de B.________.

F.
La République X.________ interjette un recours de droit public contre
l'arrêt
du 16 mai 2003. Se plaignant de violation de son droit d'être
entendue et
d'arbitraire dans l'application de la loi de procédure civile
genevoise, elle
conclut à l'annulation de la décision attaquée. A titre provisionnel,
elle
sollicite le maintien de la suspension des procédures relatives aux
recours
déposés devant le Tribunal fédéral contre l'arrêt du 13 septembre
2002.

B. ________ invite le Tribunal fédéral à rejeter le recours et à
confirmer
l'arrêt du 16 mai 2003.

Z. ________ propose l'admission du recours.

La cour cantonale se réfère à ses considérants.

G.
Par ordonnance du 2 juillet 2003, le président de la Ire Cour civile
du
Tribunal fédéral a avisé les parties que les procédures relatives aux
recours
interjetés devant le Tribunal fédéral contre l'arrêt du 13 septembre
2002
seraient traitées en même temps que le recours dirigé contre l'arrêt
sur la
demande en révision rendu le 16 mai 2003.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
L'admission du recours de droit public dirigé contre l'arrêt sur
demande en
révision du 16 mai 2003 rendrait sans objet les autres procédures
fédérales
pendantes devant le Tribunal fédéral en ce qui concerne l'arrêt du 13
septembre 2002, dont l'annulation devrait finalement être prononcée.
Il
convient par conséquent de traiter ce recours de droit public en
premier
lieu.

2.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours
qui lui sont soumis (ATF 129 I 173 consid. 1 et les références).
S'agissant
du fond, dans la procédure du recours de droit public, il n'entre par
contre
en matière que sur les griefs expressément soulevés et motivés dans
l'acte de
recours, c'est-à-dire qui font l'objet d'une argumentation précise et
détaillée, compréhensible à la seule lecture du recours, démontrant
en quoi
consiste concrètement la violation alléguée. Le recourant ne saurait
se
contenter de soulever de vagues griefs ou de renvoyer aux actes
cantonaux
(art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 129 I 113 consid. 2.1; 128 III 50
consid. 1c et
les arrêts cités).

3.
Le recours de droit public constitue une procédure indépendante, dont
le seul
objet est la conformité de l'acte attaqué à la Constitution fédérale,
et non
la continuation de la procédure cantonale. C'est pourquoi les
conditions de
sa recevabilité sont déterminées exclusivement par la loi
d'organisation
judiciaire fédérale. Selon l'art. 88 OJ, ont qualité pour recourir les
particuliers ou les collectivités lésés par des arrêtés ou des
décisions qui
les concernent personnellement ou qui sont d'une portée générale. Le
recours
destiné à préserver de simples intérêts de fait est irrecevable (ATF
126 I 43
consid. 1a). Il faut que la personne lésée soit directement atteinte
dans ses
intérêts juridiquement protégés (ATF 70 I 78). En l'occurrence, la
recourante
n'est intervenue dans le litige que pour appuyer les conclusions de la
défenderesse. Se pose donc la question de savoir dans quelle mesure
elle
dispose de la qualité pour recourir au sens de l'art. 88 OJ.

En matière d'intervention, la jurisprudence a précisé qu'il est sans
importance que le recourant ait eu la qualité de partie dans la
procédure
cantonale - sous réserve du grief tiré d'une violation arbitraire des
dispositions de procédure qui régissent l'intervention en droit
cantonal.
L'intervenant accessoire à un procès civil est directement atteint
s'il ne
peut plus, ultérieurement, opposer à une action récursoire les
exceptions
qu'il aurait pu élever dans le premier procès. Autrement dit, il faut
que la
situation juridique
de l'intervenant soit directement atteinte par la
décision rendue contre la partie à laquelle il s'était joint. En
revanche,
lorsque le premier jugement n'est pas opposable à l'intervenant dans
le
second procès, celui-ci n'a pas la qualité pour recourir en droit
public
contre le premier jugement (ATF 126 I 43 consid. 1d/aa; 114 Ia 93
consid. 1b
et les références).

En l'occurrence, la recourante ne démontre nullement en quoi sa
situation
juridique est directement atteinte par la décision rendue à
l'encontre de
Z.________, dont elle sollicite la révision. Sous cet angle, (même si
sa
qualité pour former le présent recours de droit public n'est pas
contestée
par les autres parties), on peut douter de la recevabilité de
celui-ci.

Celui qui n'a pas la qualité pour recourir sur le fond peut
cependant, s'il
avait la qualité de partie dans la procédure cantonale, se plaindre
d'un déni
de justice formel, ou en d'autres termes de la violation des garanties
formelles offertes aux parties par le droit cantonal de procédure ou
par le
droit constitutionnel fédéral, notamment le droit d'être entendu
(art. 29 al.
2 Cst.). L'intérêt juridiquement protégé exigé par l'art. 88 OJ
découle alors
du droit de participer, en tant que partie, à la procédure cantonale.
Ainsi,
celui qui n'a pas la qualité pour recourir au fond mais qui avait
qualité de
partie en procédure cantonale peut se plaindre par exemple de ce qu'un
recours cantonal a été à tort déclaré irrecevable, ou que lui même
n'a pas
été entendu, ou qu'on ne lui a pas donné l'occasion de présenter des
moyens
de preuve, voire qu'il n'a pas pu prendre connaissance du dossier. En
revanche, il ne saurait se plaindre d'une appréciation prétendument
arbitraire des preuves, ni du fait que des moyens de preuve ont été
écartés
pour défaut de pertinence ou par appréciation anticipée; en effet,
l'examen
de telles questions ne peut être séparé de l'examen du fond lui-même;
or
celui qui n'a pas qualité pour recourir au fond ne peut pas exiger un
tel
examen (ATF 126 I 81 consid. 3b; 125 II 86 consid. 3b; 121 IV 317
consid. 3b;
114 Ia 307 consid. 3c).

En droit genevois, l'intervention est réglée aux art. 109 ss LPC/GE.
Selon
l'art 111, si l'intervention est admise - c'est bien le cas en
l'espèce -
l'intervenant participe, "comme les autres parties", au déroulement
de la
procédure en cours (Bertossa/Gaillard/ Guyet/Schmidt, Commentaire de
la
LPC/GE, n° 1 ad art. 111; cf. aussi Tevini Du Pasquier, Le crédit
documentaire en droit suisse, note de pied de page 220 et ss, p. 274).

Au vu de ce qui précède, il convient d'entrer en matière sur le grief
de
violation du droit d'être entendu que la recourante invoque en
premier lieu.
En revanche, les griefs touchant même indirectement le fond n'ont pas
à être
abordés.

4.
4.1La recourante reproche à la cour cantonale de ne pas avoir ouvert
d'enquêtes sur les conditions de recevabilité du recours en révision,
notamment sur le moment de la découverte du fait qui a motivé le
dépôt de
celui-ci ainsi que sur l'objet des accords de paiement et les
circonstances
de leur conclusion. Elle expose qu'elle avait pourtant, à quatre
reprises,
requis de la Cour de justice de lui permettre de rapporter la preuve
des
faits qu'elle alléguait à l'appui de la révision:
- elle aurait formulé une offre de preuve générale "par toutes voies
de
droit" dans les conclusions de son recours en révision.
- le 25 mars 2003, prenant acte de ce que l'instruction ne pourrait
pas se
faire par voie pénale, elle aurait requis expressément "diverses
mesures
probatoires" de la Cour de justice.
- lors de l'audience du 1er avril 2003 devant la Cour de justice,
elle aurait
consacré une partie importante de sa plaidoirie à requérir
l'ouverture d'une
instruction sur les faits allégués dans son recours en révision.
- à la suite des articles parus dans la presse française, elle aurait
rappelé
une dernière fois la nécessité d'ouvrir des enquêtes.

De l'avis de la recourante, la confirmation par la Chambre
d'accusation du
classement de sa plainte pour escroquerie à jugement ne serait pas
propre à
libérer la Cour de justice de son devoir d'instruire les faits de la
révision. L'autorité pénale aurait classé la plainte sans jamais
l'instruire.
Elle se serait référée au principe de subsidiarité du droit pénal en
soulignant qu'une instruction pénale n'avait pas pour vocation de
faciliter
le déroulement d'un procès civil. Pour la recourante, la Cour de
justice ne
pourrait pas d'un côté, par sa Chambre d'accusation, refuser
l'instruction au
motif que c'est une affaire civile et d'un autre côté, par sa Chambre
civile,
refuser d'instruire au civil en se fondant sur l'ordonnance de
classement
pénale.

4.2 Le droit d'être entendu et les modalités de sa mise en oeuvre
sont tout
d'abord déterminés par la législation cantonale (ATF 127 I 54 consid.
2b).
Lorsque la protection accordée par le droit cantonal est inférieure ou
équivalente aux garanties minimales déduites de l'art. 29 al. 2 Cst.,
que le
Tribunal fédéral examine librement, le justiciable peut invoquer
celles-ci
directement (ATF 126 I 15 consid. 2a p. 16 et les arrêts cités). En
l'occurrence, la recourante ne se réfère qu'à l'art. 29 al. 2 Cst.

Tel qu'il est reconnu par cette dernière disposition, le droit d'être
entendu
comprend en particulier le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves
pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d'obtenir qu'il soit
donné
suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à
l'administration
des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son
résultat
lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF
126 I 15
consid. 2a/aa p. 16 et les références).

Le droit d'être entendu n'existe que si la preuve a été offerte ou
fournie en
temps utile (ATF 106 II 170 consid. 6b) et dans les formes
prescrites, si
elle se rapporte à un fait pertinent qui n'est pas déjà établi et si
le moyen
proposé est apte à apporter la démonstration voulue preuve (arrêt
4P.79/2002
du 2 juillet 2002 consid. 3.1). En l'espèce, la cour cantonale a
considéré
que la recourante n'avait pas allégué ni établi la date à laquelle
elle avait
découvert le fait justifiant le dépôt de la demande en révision, à
savoir
l'existence d'un paiement de 10 000 000 FF qui serait constitutif d'un
pot-de-vin et montrerait que l'arrêt du 13 septembre 2002 admettant la
demande de la société libanaise aurait été obtenue par "machination
frauduleuse" au sens de l'art. 157 let. d LPC/GE. S'agissant des
conditions
d'ouverture d'une voie de droit cantonale, les questions touchant à la
précision des allégués et à la formulation des offres de preuve sont
régies
par le droit cantonal, dont la bonne application ne peut être
réexaminée que
sous l'angle de l'arbitraire. Il convient donc de se saisir
immédiatement des
griefs d'application arbitraire des dispositions cantonales topiques
que la
recourante développe dans la seconde partie de son recours.

4.3
Pour ce qui est des règles relatives à l'allégation des faits, la
recourante
invoque les art. 166 al. 1, 7 et 126 LPC/GE. La première de ces
dispositions
indique que la révision est formée par une assignation, laquelle est
réglée à
l'art. 7 qui stipule que l'assignation doit contenir un exposé des
faits,
auquel l'art. 126 est applicable par analogie. Selon celui-ci "la
partie qui
se prévaut desdits faits est tenue de les articuler avec précision".
La
recourante explique que l'exigence de précision ainsi mise en exergue
doit
être mise en relation avec l'exigence de concision soulignée par les
commentateurs du CPC/GE, appliquée sans formalisme excessif, fonction
en
particulier de la possibilité ou non de rapporter la preuve du fait
allégué.
En l'espèce, elle soutient qu'en alléguant dans son recours en
révision
qu'elle avait appris le fait donnant lieu à révision "peu avant le
dépôt de
la plainte pénale du 16 octobre 2002", et qu'elle "ignorait encore
l'existence du versement (...)" lorsque la cour a rendu son jugement,
elle a
satisfait aux exigences de précision des allégués; dès lors qu'il est
évident
de la sorte qu'elle a allégué avoir découvert les faits après le 13
septembre
2002 et dans les jours précédant le 16 octobre 2002, elle a respecté
le délai
de deux mois à compter de la découverte du motif de révision ancré à
l'art.
163 LPC/GE.

4.4
Selon la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle est
manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un
principe
juridique clair et indiscuté, ou encore heurte de manière choquante le
sentiment de la justice ou de l'équité. Il ne suffit pas que la
motivation
soit arbitraire; encore faut-il que la décision soit arbitraire dans
son
résultat. A cet égard, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution
retenue
que si celle-ci apparaît insoutenable, en contradiction manifeste
avec la
situation effective, adoptée sans motif objectif et en violation d'un
droit
certain. Il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une autre solution
paraît
également concevable voire préférable (ATF 129 I 8 consid. 2.1 et les
arrêts
cités).

La question litigieuse en l'espèce est de savoir si la demande en
révision a
été déposée en temps utile; si tel n'est pas le cas, alors tous les
griefs à
propos des autres conditions de recevabilité ou du bien-fondé de la
demande
de révision sont sans objet.

Selon l'art. 163 LPC/GE, le délai pour se pourvoir en révision est de
deux
mois à compter du jour de la découverte du cas d'ouverture à révision
invoqué
- en l'espèce une machination frauduleuse au sens de l'art. 157 let. d
CPC/GE, cette machination étant constituée, selon la recourante, par
un
versement de 10 000 000 FF. Il est constant que c'est à la
recourante, qui
d'ailleurs le reconnaît dans son recours de droit public, qu'il
appartient
d'établir le respect du délai utile. A la lecture de la demande en
révision,
on constate certes que l'intéressée a fait valoir dans son exposé des
conditions de recevabilité, sous deux points différents mais de
manière
compréhensible, qu'elle avait découvert le paiement invoqué dans le
délai
utile de deux mois. On ne voit toutefois nullement ce qui empêchait la
recourante de dire exactement quand et comment elle avait découvert
le fait,
de manière à permettre à son adverse partie, qui s'est du reste
élevée contre
l'absence de précision de ses allégués, de contester celui-ci et le
cas
échéant d'offrir d'administrer les contre-preuves qu'elle jugeait
nécessaires. Il s'agissait en effet d'un élément au sujet duquel la
recourante pouvait aisément apporter des précisions supplémentaires,
étant
donné qu'elle devait forcément savoir le moment exact où elle avait
pris
conscience de cet élément. En exigeant ainsi de la part de la
recourante
l'allégation d'une date, ou alors à tout le moins des circonstances
concernant la découverte du fait donnant lieu à révision, la cour
cantonale
n'a pas donné une interprétation insoutenable des dispositions
cantonales
relatives à la forme et la précision des allégués.

La recourante se plaint aussi d'application arbitraire des normes sur
l'administration des preuves. Comme elle l'écrit elle-même (p. 14),
en citant
le Commentaire de la loi de procédure civile genevoise, le droit des
parties
de rapporter, par les moyens utiles, la preuve des faits qu'elles
invoquent
ne vaut que pour les faits qui ont été allégués régulièrement. Sous
cet angle
également, sa critique est vaine.

5.
Le recours est rejeté. La recourante supportera les frais de justice
et
versera une indemnité de dépens à l'intimée B.________, qui a conclu
au rejet
du recours.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 70 000 fr. est mis à la charge de la
recourante.

3.
La recourante versera à l'intimée Groupe B.________ une indemnité de
80 000
fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 12 novembre 2003

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.148/2003
Date de la décision : 12/11/2003
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-11-12;4p.148.2003 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award