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12/11/2003 | SUISSE | N°1P.478/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 12 novembre 2003, 1P.478/2003


{T 0/2}
1P.478/2003/svc

Arrêt du 12 novembre 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Nay, Vice-président du Tribunal fédéral, et Reeb.
Greffier: M. Parmelin.

P. ________,
recourante,

contre

Université de Genève, Faculté des lettres,
place de l'Université 3, 1204 Genève,
intimée,
Commission de recours de l'Université de Genève, p.a. Tribunal
administratif,
rue du Mont-Blanc 18,
case postale 1956,

1211 Genève 1.

refus d'autoriser la soutenance d'une thèse de doctorat,

recours de droit public contre la décision de ...

{T 0/2}
1P.478/2003/svc

Arrêt du 12 novembre 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Nay, Vice-président du Tribunal fédéral, et Reeb.
Greffier: M. Parmelin.

P. ________,
recourante,

contre

Université de Genève, Faculté des lettres,
place de l'Université 3, 1204 Genève,
intimée,
Commission de recours de l'Université de Genève, p.a. Tribunal
administratif,
rue du Mont-Blanc 18,
case postale 1956, 1211 Genève 1.

refus d'autoriser la soutenance d'une thèse de doctorat,

recours de droit public contre la décision de la Commission de
recours de
l'Université de Genève du
14 juillet 2003.

Faits:

A.
P. ________, née en 1971, a effectué ses études à la Faculté des
lettres de
l'Université de Genève (ci-après: la Faculté des lettres); en juillet
1994,
elle a obtenu la licence ès lettres en latin, langues et littératures
françaises et latines médiévales et histoire de l'Antiquité, puis un
complément de licence en philologie romane en octobre 1994.
Briguant le grade de docteur ès lettres, P.________ s'est inscrite en
automne
1994 afin de présenter une thèse abordant le sujet suivant "yyy".
Le 6 décembre 1994, le Collège des professeurs de la Faculté des
lettres a
désigné le professeur R.________, comme directeur de thèse, et le
professeur
V.________, comme président du jury. Ce dernier a enregistré le sujet
de
thèse de la candidate et lui a fixé un délai d'une année pour
présenter un
mémoire de pré-doctorat.
Dans un courrier du 9 août 1995, le professeur R.________ a formulé
certaines
critiques à l'égard du travail effectué jusque-là en sollicitant un
complément d'une trentaine de pages, comportant une clarification
théorique,
avant toute soutenance de pré-doctorat. Ce complément a été remis au
début du
mois de décembre 1995.
Le 15 février 1996, le professeur V.________ a fait savoir que la
candidate
avait satisfait aux exigences du pré-doctorat, à la condition expresse
qu'elle soumette régulièrement à l'examen de son directeur de thèse
les
parties rédigées de son "work in progress".
Le 8 septembre 1997, P.________ a déposé sa thèse. Le 23 mars 1999, le
Collège des professeurs de la Faculté des lettres a désigné les
professeurs
S.________ et O.________ comme membres du jury.
Par décision du 11 mai 1999, notifiée le 9 juin 1999, le Conseil
décanal de
la Faculté des lettres de l'Université de Genève (ci-après: le Conseil
décanal) a refusé la soutenance de thèse. Il n'a pas suivi la
majorité des
membres du jury qui se prononçaient en faveur de la soutenance, en
dépit de
sérieuses réserves, mais s'est rallié à l'avis du juré O.________, qui
estimait que la thèse ne pouvait pas être publiée sous sa forme
actuelle et
que, si des modifications importantes devaient lui être apportées, il
était
souhaitable qu'elles le soient avant la soutenance. Il a dès lors
requis de
la candidate qu'elle procède à une élaboration sérieuse d'une assise
théorique de sa démarche, ainsi qu'à une redéfinition des concepts de
base,
et qu'elle justifie de manière plus articulée la méthode adoptée.
Contre
cette décision, P.________ a formé une opposition qu'elle a retirée
le 25
juin 1999 après avoir accepté de rédiger un chapitre théorique
supplémentaire, selon le voeu exprimé par le vice-doyen de la Faculté
des
lettres dans sa lettre du 16 juin 1999, tenant compte des remarques
émises
par le professeur O.________ dans son mémento en sept points et dans
sa
lettre du 17 juin 1999. Ce chapitre complémentaire a été déposé le 8
septembre 1999 et soumis pour rapport aux membres du jury, à
l'exception du
professeur S.________ qui avait donné un préavis favorable à la
soutenance.
Par décision du 12 octobre 1999, le Conseil décanal a réitéré son
refus
d'autoriser la soutenance de thèse au motif que le complément d'une
quarantaine de pages déposé par la doctorante avait fait l'objet d'un
nouveau
rapport de trois des membres du comité de thèse concluant à
l'impossibilité
de soutenir la thèse dans son état actuel. Il a confirmé son refus sur
opposition de l'intéressée le 9 décembre 1999. Au terme d'une
décision prise
le 6 avril 2000, la Commission de recours de l'Université de Genève
(ci-après: la Commission de recours) a rejeté le recours formé contre
ce
prononcé. Par arrêt du 22 septembre 2000, le Tribunal fédéral a admis
le
recours de droit public formé par P.________ contre cette décision
qu'il a
annulée, en raison de l'accès insuffisant au dossier assuré à la
recourante
et de l'absence de consultation du quatrième juré; il a renvoyé la
cause à la
Commission de recours, à charge pour celle-ci de compléter
l'instruction et
de statuer à nouveau, dans le respect du droit d'être entendu.
Le 15 novembre 2000, la Commission de recours a entendu P.________ et
le
professeur R.________. Elle s'est fait remettre un extrait du
procès-verbal
de la séance du Conseil décanal du 12 octobre 1999 et une copie des
documents
sur lesquels celui-ci s'était fondé lors de son vote négatif du même
jour.
Par décision du 20 février 2001, elle a admis le recours et renvoyé
la cause
à la Faculté des lettres pour que celle-ci prenne une nouvelle
décision sur
opposition, après avoir soumis le chapitre complémentaire au
professeur
S.________. Ce dernier a rendu son rapport le 29 mai 2001.
Statuant le 19 juin 2001, le Conseil décanal a refusé l'autorisation
de
soutenance, compte tenu du fait que trois membres du jury s'étaient
opposés à
la soutenance et que le quatrième avait clairement indiqué qu'il
fallait
remettre l'ouvrage sur le métier. Il invitait en conséquence
l'intéressée à
prendre contact avec le président du jury pour connaître les
principales
remarques et critiques des jurés et la marche à suivre pour
satisfaire à
leurs exigences. Par décision du 22 août 2001, la Commission de
recours a
déclaré irrecevable le recours déposé contre cette décision par
P.________ au
motif que la décision attaquée devait faire au préalable l'objet d'une
opposition; elle a transmis le recours à la Faculté des lettres pour
être
traité en tant que tel. Le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le
recours
de droit public interjeté contre cette décision aux termes d'un arrêt
rendu
le 22 novembre 2001.
Le 21 décembre 2001, P.________ s'est fait remettre le rapport de
synthèse du
président du jury établi en vue du vote du Conseil décanal du 19 juin
2001 et
une annexe du 7 juin 2001 résumant l'avis du quatrième juré; le 20
janvier
2002, elle a complété son opposition; elle est intervenue une
première fois
le 14 février 2002 auprès du Rectorat de l'Université de Genève, puis
une
seconde le 14 mars 2002 auprès de la Commission de recours pour se
plaindre
de la lenteur de la procédure, cette dernière lettre étant traitée
comme un
recours pour déni de justice. Par décision du 16 avril 2002, notifiée
le 24
avril suivant, le Conseil décanal a rejeté l'opposition. P.________ a
recouru
contre cette décision le 23 mai 2002. Le 6 août 2002, la Commission de
recours a déclaré sans objet le recours pour déni de justice et rayé
la cause
du rôle, étant donné la décision sur opposition intervenue dans
l'intervalle.
Au terme d'un arrêt rendu le 26 septembre 2002, le Tribunal fédéral a
déclaré
irrecevable le recours de droit public formé contre cette décision,
faute
d'un intérêt actuel et pratique.
Par décision du 14 juillet 2003, la Commission de recours a rejeté le
recours
formé par P.________ contre la décision sur opposition du Conseil
décanal du
16 avril 2002. Elle s'est estimée en mesure de statuer sans procéder à
l'audition orale de la jeune femme et des professeurs concernés. Elle
a en
outre considéré qu'en raison de la complexité de la cause et des
démarches
entreprises auprès des autorités exécutives cantonales, qui avaient
ralenti
l'instruction du dossier, un délai de cinq mois pour statuer à
compter de
l'arrêt du Tribunal fédéral du 22 novembre 2001 n'était pas excessif.
Sur le
fond, elle a admis qu'en se fondant sur l'évaluation négative de tous
les
membres du jury, le Conseil décanal pouvait, sans arbitraire et sans
excéder
son large pouvoir d'appréciation, tenir pour vraisemblable que la
thèse de
doctorat serait considérée comme insuffisante à l'occasion de sa
soutenance.
Elle a par ailleurs retenu que le refus d'autoriser la soutenance de
thèse ne
violait pas la liberté de la science. Elle a estimé enfin que la
jeune femme
n'avait jamais reçu de la part du Conseil décanal la promesse
effective ou
l'assurance concrète qu'elle pourrait effectivement soutenir sa thèse
après
la rédaction d'un chapitre théorique complémentaire et écarté le
grief tiré
de la violation des règles de la bonne foi.

B.
Agissant par la voie du recours de droit public, P.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler cette décision, d'examiner l'affaire sur
le fond,
de procéder à son audition orale et à celle des professeurs concernés,
d'obliger la Faculté des lettres à produire le rapport positif du
professeur
S.________, établi pour le vote du Conseil décanal du 11 mai 1999, de
reconnaître qu'une manoeuvre a été mise en place pour l'empêcher
d'obtenir
son doctorat, de condamner la Faculté des lettres pour la simulation
du vote
du 12 octobre 1999 du Conseil décanal et l'établissement de faux
documents
dont elle a fait usage, et de condamner l'Université de Genève à lui
accorder
le diplôme de doctorat ès lettres, avec la mention très honorable.
Invoquant
les art. 5 al. 3, 9, 20 et 29 al. 1 Cst., elle dénonce une violation
de son
droit à la protection de la bonne foi, de son droit à la protection
contre
l'arbitraire, de son droit à la liberté de la science et de son droit
à être
traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable.
La Commission de recours se réfère à sa décision. L'Université de
Genève
conclut au rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Formé dans le délai et les formes utiles contre une décision finale
rendue en
dernière instance cantonale, le recours est recevable au regard des
art. 86
al. 1 et 89 al. 1 OJ. Selon la pratique des autorités universitaires,
le
candidat au grade de docteur ès lettres a droit à l'autorisation de
soutenir
sa thèse s'il a des chances raisonnables d'obtenir la note minimale
de 4; la
qualité pour agir de la recourante au regard de l'art. 88 OJ ne fait
dès lors
aucun doute (cf. ATF 108 Ia 22 consid. 2 p. 25; 105 Ia 318 consid. 3b
p.
323). Les conclusions qui vont au-delà de l'annulation de l'arrêt
attaqué
sont en revanche irrecevables, dans la mesure ou aucune exception à
la nature
cassatoire du recours de droit public ne sont réunies (ATF 129 I 129
consid.
1.2.1 p. 131/132, 173 consid. 1.5 p. 176).

2.
Selon l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte de recours doit, à peine
d'irrecevabilité, contenir un exposé succinct des droits
constitutionnels ou
des principes juridiques violés et préciser en quoi consiste la
violation.
Lorsqu'il est saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral
n'a pas
à vérifier d'office si l'arrêt attaqué est en tous points conforme au
droit
et à l'équité. Il n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel
invoqués
et suffisamment motivés dans l'acte de recours (ATF 128 III 50
consid. 1c p.
53/54 et la jurisprudence citée). Par ailleurs, dans un recours fondé
sur
l'art. 9 Cst., le recourant ne peut se contenter de critiquer l'arrêt
attaqué
comme il le ferait dans une procédure d'appel où l'autorité de
recours peut
revoir librement l'application du droit, mais il doit au contraire
préciser
en quoi cet arrêt serait arbitraire, ne reposant sur aucun motif
sérieux et
objectif, apparaissant insoutenable ou heurtant gravement le sens de
la
justice (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9, 185 consid. 1.6 p. 189; 128 I
273
consid. 2.1 p. 275/276). C'est à la lumière de ces principes qu'il
convient
d'examiner les griefs articulés par la recourante.

3.
Cette dernière reproche tout d'abord à la Commission de recours de ne
pas
s'être prononcée sur les arguments avancés en relation avec une
prétendue
violation des principes de l'activité de l'Etat régi par le droit, au
sens de
l'art. 5 al. 3 Cst., et d'avoir examiné ce grief sous un angle qu'elle
n'avait pas invoqué. Contrairement à ce que la cour cantonale a
retenu, elle
prétend avoir reçu du Conseil décanal l'assurance qu'elle pourrait
soutenir
sa thèse si elle déposait un chapitre théorique complémentaire.

3.1 Une autorité se rend coupable d'un déni de justice formel si elle
n'entre
pas en matière sur des griefs qui présentent une certaine pertinence
(ATF 126
I 97 consid. 2b p. 102; 125 III 440 consid. 2a p. 441; 117 Ia 116
consid. 3a
p. 117 et les arrêts cités). En l'occurrence, l'objet du litige
consiste
uniquement dans le refus du Conseil décanal d'autoriser la recourante
à
soutenir sa thèse, décidé le 19 juin 2001 et confirmé sur opposition
de
l'intéressée le 20 avril 2002. Cette décision s'est ainsi substituée
à celle
prise le 12 octobre 1999 par cette même autorité. Les conditions dans
lesquelles s'est déroulée la séance du Conseil décanal ce jour-là
importent
dès lors peu et la recourante ne peut se prévaloir d'aucun intérêt
pratique à
faire constater une éventuelle irrégularité qui aurait entaché la
procédure
de vote suivie à cette occasion ou le procès-verbal de la séance. En
outre,
pour peu qu'elles
soient pertinentes, les accusations de manipulation
du jury
portées à l'encontre du professeur R.________ ne sont pas établies.
Aussi, en
vérifiant uniquement si le Conseil décanal avait ou non tenu les
engagements
pris à l'égard de la recourante dans le cadre de la solution amiable
proposée
le 16 juin 1999, la cour cantonale a examiné le seul élément
susceptible de
présenter une certaine pertinence en relation avec l'art. 5 al. 3
Cst. Le
grief de déni de justice formulé à son endroit doit être rejeté, pour
peu
qu'il ait été évoqué dans les formes requises à l'art. 90 al. 1 let.
b OJ.

3.2 Le principe de la bonne foi entre administration et administré
exprimé
aux art. 5 al. 3 et 9 Cst. protège le citoyen dans la confiance
légitime
qu'il met dans les assurances reçues des autorités (ATF 129 I 161
consid. 4.1
p. 170 et les arrêts cités). L'administration doit donc s'abstenir de
tout
comportement propre à tromper l'administré et ne saurait tirer aucun
avantage
des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF
124 II
265 consid. 4a p. 269; 121 I 181 consid. 2a p. 183 et les références
citées).
Ainsi, à certaines conditions, le citoyen a le droit d'exiger de
l'autorité
qu'elle se conforme aux promesses ou assurances précises qu'elle lui
a faites
et ne trompe pas la confiance qu'à juste titre il a placée dans ces
promesses
ou ces assurances (ATF 128 II 112 consid. 10b/aa p. 125; 118 Ib 580
consid.
1a p. 582). Il faut toutefois qu'il se soit fondé sur les assurances
ou le
comportement dont il se prévaut pour prendre des dispositions
auxquelles il
ne saurait renoncer sans subir de préjudice, et que la réglementation
n'ait
pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée (ATF 129 I 161
consid. 4.1 p. 170; 122 II 113 consid. 3b/cc p. 123 et les références
citées).

3.3 En l'occurrence, le 16 juin 1999, le vice-doyen de la Faculté des
lettres
a précisé à l'attention de la recourante que la rédaction d'un
chapitre de
nature théorique, expliquant les méthodes adoptées dans sa thèse,
selon le
souhait exprimé par le Conseil décanal le 9 juin 1999, lui
permettrait de
présenter à nouveau son travail lors de l'une des premières séances du
Conseil décanal de l'année 1999-2000 et de demander l'autorisation à
la
soutenance. L'octroi de cette autorisation dépendait ainsi clairement
d'une
nouvelle appréciation du travail présenté, tenant compte du complément
théorique présenté. La recourante devait en être consciente
puisqu'elle a
accepté de retirer son opposition à cette condition. La Commission de
recours
a ainsi admis à juste titre que P.________ n'avait pas reçu
d'assurances
formelles de la part du Conseil décanal qu'elle se verrait délivrer
automatiquement l'autorisation de soutenir sa thèse si elle
présentait un
chapitre théorique complémentaire. Par ailleurs, la recourante
reproche en
vain au Conseil décanal d'avoir soumis ce document pour rapport aux
membres
du jury. Une telle manière de faire n'était nullement exclue par la
décision
négative du 9 juin 1999 et son complément du 16 juin suivant; elle
pouvait se
justifier par la nécessité de s'assurer que la thèse, ainsi
complétée, ne
serait pas refusée lors de la soutenance publique, faute de
satisfaire aux
exigences minimales requises par le jury.
Le grief tiré de la violation du principe de la bonne foi est ainsi
mal
fondé, sans qu'il soit nécessaire d'examiner si la recourante avait
pris des
dispositions sur lesquelles elle ne pouvait plus revenir sans subir de
préjudice en retirant l'opposition qu'elle avait faite à la décision
du
Conseil décanal du 9 juin 1999.

4.
La recourante voit ensuite une violation de son droit à ce que sa
cause soit
jugée dans un délai raisonnable, garanti à l'art. 29 al. 1 Cst., dans
le
retard pris par le Conseil décanal pour trancher son opposition, puis
par la
Commission de recours pour traiter son recours. Elle conteste en
particulier
avoir compliqué le déroulement de la procédure par ses interventions
auprès
des autorités exécutives cantonales.
Ce grief est toutefois sans objet dès lors que les autorités
incriminées ont
statué (cf. ATF 104 Ib 307 consid. 2c p. 314). Pour les raisons déjà
exposées
au considérant 1.1 de l'arrêt rendu le 26 septembre 2002 par le
Tribunal
fédéral dans le cadre de la même procédure, la recourante ne peut se
prévaloir d'aucun intérêt pratique à faire constater un éventuel
retard
injustifié dans le traitement de sa cause. Par ailleurs, cette
question ne
présente pas un intérêt de principe suffisant qui justifierait de
renoncer
exceptionnellement à l'exigence d'un intérêt actuel et pratique (ATF
127 I
164 consid. 1a p. 166 et les arrêts cités).

5.
La recourante reproche à la Commission de recours d'avoir violé le
droit à ce
que sa cause soit traitée de manière équitable, ancré à l'art. 29 al.
1 Cst.,
en statuant sans avoir examiné l'affaire au fond et sans avoir
procédé à son
audition et à celle des professeurs concernés.
Le droit d'être entendu garanti à l'art. 29 al. 2 Cst. ne confère
toutefois
pas à la partie à une procédure administrative le droit absolu d'être
auditionnée par l'autorité avant que celle-ci rende sa décision (ATF
125 I
209 consid. 9b p. 219 et les références citées). La recourante ne
soutient
pas que l'art. 31 du règlement interne de l'Université de Genève
relatif aux
procédures d'opposition et de recours du 17 mai 2000 (RIOR) lui
donnerait un
tel droit dans la procédure de recours. Elle n'indique pas non plus
quels
arguments elle aurait pu mieux faire valoir de cette manière, alors
qu'elle
s'est abondamment exprimée par écrit. On observera au demeurant
qu'elle a été
confrontée à son directeur de thèse lors d'une audience tenue par la
Commission de recours, le 15 novembre 2000. De ce point de vue, le
droit
d'être entendu de la recourante n'a pas été violé.
Pour le surplus, les membres du jury ont indiqué, dans leurs rapports
respectifs, les raisons pour lesquelles ils estimaient ne pas pouvoir
se
prononcer en faveur de la soutenance de thèse, de manière
suffisamment claire
pour que le Conseil décanal, puis la Commission de recours puissent
statuer
en connaissance de cause. La recourante prétend certes que les
rapports
négatifs des jurés résulteraient d'une pression de son directeur de
thèse et
qu'il était nécessaire d'entendre les membres du jury pour élucider
ce point.
Ces accusations reposent essentiellement sur des conversations que la
jeune
femme aurait eues avec les différents intéressés et rien ne vient les
confirmer. Les avis des experts reposent au contraire sur une
appréciation
objective et critique du travail présenté, avec des exemples précis à
l'appui
des points sur lesquels l'argumentation développée était, à leurs
yeux,
lacunaire ou non convaincante. Par ailleurs, le professeur R.________
a été
entendu sur les accusations de manipulation des jurés portées contre
lui lors
de sa confrontation avec la recourante, le 15 novembre 2000, et n'a
nullement
reconnu les faits qui lui étaient reprochés. Dans ces conditions, la
cour
cantonale pouvait admettre qu'une audition des membres du jury
n'apporterait
aucun élément propre à élucider cette question et renoncer à procéder
à cette
mesure d'instruction sans violer le droit d'être entendue de la
recourante.
Cette dernière n'est par ailleurs pas habilitée à se plaindre pour la
première fois, dans le cadre du présent recours, du manque
d'indépendance de
cette autorité, pour autant que ce grief ait été articulé d'une
manière
conforme aux exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ (cf. ATF 129 III
445
consid. 4.2.2.1 p. 465 et les arrêts cités). Enfin, le reproche fait
à la
cour cantonale de ne pas avoir examiné l'affaire sur le fond se
confond avec
celui tiré de l'arbitraire.

6.
Les critiques émises par la recourante en relation avec l'art. 9 Cst.
sont,
dans une large mesure, appellatoires et ne répondent pas aux
exigences de
motivation de l'art. 90 al. 1 let. b OJ (cf. ATF 129 I 173 consid. 2.1
précité). Pour les raisons évoquées au considérant 3.1 ci-dessus,
sont seuls
recevables les griefs en relation directe avec la décision négative du
Conseil décanal du 19 juin 2001 et confirmée le 16 avril 2002 sur
opposition
de l'intéressée. La recourante reproche à cet égard à la Commission de
recours de s'être bornée à constater que le refus du Conseil décanal,
fondé
sur les rapports négatifs des quatre membres du jury, n'était pas
arbitraire,
sans s'interroger sur la valeur de leur contenu et sur les raisons
qui ont
amené une majorité des jurés à proposer la soutenance au Conseil
décanal.

6.1 La Commission de recours dispose en principe d'un libre pouvoir
d'examen
en fait et en droit en vertu de l'art. 61 de la loi genevoise sur la
procédure administrative, auquel renvoie l'art. 34 RIOR; elle l'a
toutefois
limité à l'arbitraire, au motif que l'appréciation d'un travail de
thèse dans
un domaine aussi spécialisé que celui choisi par la recourante
faisait appel
à des connaissances spécifiques, dont ses membres ne disposaient pas
(cf. à
ce sujet, François Paychère, Pouvoir d'examen et pouvoir de décision
du
Tribunal administratif, RDAF 1999 I 543; Pierre Garrone, Les dix ans
d'un
organe de recours original: la Commission de recours de l'université,
SJ 1987
p. 410). Le Tribunal fédéral fait preuve d'une même retenue en matière
d'examens (ATF 121 I 225 consid. 4b p. 230) et, plus généralement,
dans tous
les domaines faisant, comme en l'espèce, intervenir une appréciation
personnelle du travail et des connaissances du candidat de la part
d'un jury
d'experts (cf. arrêt P.1399/1982 du 20 juin 1983, consid. 4b paru à
la RDAF
1983 p. 280). Il n'annule par conséquent la décision attaquée que si
l'autorité intimée s'est laissée guider par des considérations sans
rapport
avec l'évaluation des prestations de l'intéressé ou manifestement
insoutenables (ATF 121 I 225 consid. 4b p. 230; 118 Ia 488 consid. 4c
p. 495;
106 Ia 1 consid. 3c p. 4).

6.2 En l'occurrence, le Conseil décanal a considéré que le chapitre
complémentaire rédigé par la recourante ne répondait pas à ses
attentes et
qu'il ne permettait pas d'admettre avec une vraisemblance suffisante
que
P.________ puisse soutenir avec succès sa thèse et obtenir la note
minimale
requise de 4. Il s'est basé en cela sur les avis négatifs formulés
par trois
des quatre membres du jury et sur l'avis mitigé du quatrième juré,
auxquels
ledit chapitre a été soumis. La recourante n'élève aucune objection
sur les
critiques que les membres du jury formulent dans leurs rapports
respectifs
concernant la qualité du chapitre complémentaire présenté et sa
capacité à
répondre aux remarques exprimées précédemment sur la méthodologie
employée
dans sa thèse. Elle se borne à mettre en doute la valeur des avis
négatifs
formulés par les différents membres du jury en fonction de diverses
circonstances qui auraient dû conduire à les apprécier avec
circonspection.
Il est douteux que le recours réponde sur ce point aux exigences de
motivation déduites de l'art. 90 al. 1 let. b OJ (cf. ATF 121 I 225
consid.
4c p. 230).
Dans le cadre de son premier préavis, le professeur R.________ a
clairement
expliqué les raisons pour lesquelles il s'était prononcé en faveur de
la
soutenance de thèse, malgré de sérieuses réserves en rapport avec la
démarche
employée et la gratuité des méthodes sur lesquelles elle se fonde; il
était
d'ailleurs appuyé dans sa démarche par le professeur S.________. Il
n'a
toutefois pas été suivi par le Conseil décanal qui s'est rallié à
l'avis du
professeur O.________, suivant lequel la thèse n'était pas publiable
en
l'état; dans la mesure où il avait été désavoué, il n'avait d'autre
choix que
de rendre un nouvel avis négatif puisque, selon lui, la candidate
n'avait pas
tenu compte des remarques émises par le Conseil décanal dans la
rédaction de
son chapitre théorique complémentaire et persistait à vouloir
présenter sa
thèse sous sa forme initiale. On ne discerne ainsi aucune incohérence
dans
l'attitude du directeur de thèse qui, après avoir admis la
soutenance, s'est
ravisé. Le professeur V.________ n'a pas pris position lors du
premier vote,
afin de ne pas se départir de la neutralité dont il devait faire
preuve en sa
qualité de président du jury, laissant le soin au Conseil décanal de
trancher
entre les avis divergents des autres membres du jury quant à
l'opportunité
d'autoriser la candidate à soutenir sa thèse. Ce n'est que dans le
rapport
complémentaire rédigé pour le vote du Conseil décanal du 12 octobre
1999
qu'il a clairement pris position à l'encontre de la soutenance en
motivant sa
position sur ce point. On ne saurait dès lors lui reprocher un
quelconque
revirement de sa part. Le professeur O.________ s'est pour sa part
toujours
prononcé à l'encontre de la soutenance de thèse, en insistant sur le
refus de
la recourante de tout dialogue scientifique. Quant au dernier membre
du jury,
il s'est déclaré tout d'abord favorable à la soutenance, tout en
relevant que
certains points devaient encore être discutés, avant d'adopter une
position
beaucoup plus nuancée dans le cadre de son rapport complémentaire du
29 mai
2001, en expliquant les raisons de son scepticisme.
Dans ces conditions, la Commission de recours n'avait aucune raison
sérieuse
de mettre en doute la valeur des avis négatifs exprimés par le jury,
dont la
recourante ne
conteste au demeurant pas la teneur. Au vu de ces
préavis, elle
pouvait sans arbitraire admettre que le chapitre complémentaire
théorique
était insuffisant à répondre aux exigences du Conseil décanal, telles
que
formulées dans la décision négative du 9 juin 1999 et complétée le 16
juin
suivant, et que la recourante ne pourrait raisonnablement obtenir la
note
minimale de 4 requise pour passer avec succès l'épreuve de la
soutenance. Le
refus d'autoriser P.________ à soutenir sa thèse n'est pas
arbitraire. On
observera au surplus que ce refus n'est pas définitif et que la
recourante
peut demander à soutenir une nouvelle fois sa thèse après l'avoir
remaniée en
tenant compte des objections du jury.

7.
La recourante prétend enfin que le refus du Conseil décanal de
l'autoriser à
soutenir sa thèse de doctorat consacrerait une violation de la
liberté de la
science consacrée à l'art. 20 Cst. en tant qu'il remet en cause
l'ensemble du
travail effectué sur la base d'une motivation arbitraire et qu'il
hypothèque
une éventuelle carrière universitaire.
La liberté de la science comprend les libertés de l'enseignement et
de la
recherche scientifiques (Message du Conseil fédéral du 20 novembre
1996
relatif à une nouvelle Constitution fédérale, FF 1997 I 167). La
liberté de
l'enseignement scientifique appartient aussi bien aux enseignants
qu'aux
étudiants et s'étend ainsi à la rédaction d'une thèse de doctorat.
Elle n'est
cependant pas absolue; seule l'expression d'opinions scientifiques est
garantie. La liberté de la science est ainsi soumise au respect de la
vérité
et de l'objectivité scientifiques, et est inopérante dès que ses
titulaires
ne respectent plus les règles dictées par la science (Nicole Florio,
La
liberté d'expression et la liberté académique dans les universités en
droits
allemand, français et suisse, thèse Lausanne 1979, p. 204/205 et les
références citées). L'art. 8 al. 2 de la loi genevoise sur
l'université va
dans le même sens lorsqu'il subordonne l'exercice de la liberté
académique au
respect des principes fondamentaux de l'enseignement et de la
recherche (voir
aussi à ce sujet, Mémorial des séances du Grand Conseil, séance du 3
décembre
1971, p. 3430 à 3433). En d'autres termes, la liberté de la science
permet à
son titulaire de remettre en cause les théories établies et de
développer les
siennes propres, pour autant qu'elles reposent sur une base
scientifique
(Jörg Paul Müller, Grundrechte in der Schweiz im Rahmen der
Bundesverfassung
von 1999, der UNO-Pakte und der EMRK, 3ème éd., Berne 1999, p. 323;
Verena
Schwander, Grundrecht der Wissenschaftsfreiheit im Spannungsfeld
rechtlicher
und gesellschaftlicher Entwicklungen, thèse Berne 2001, p. 127).

En l'occurrence, la recourante ne prétend pas que les membres du jury
auraient refusé de cautionner sa thèse de doctorat parce qu'elle
s'écartait
ou remettait en cause des théories reconnues jusqu'ici ou pour
d'autres
considérations étrangères au débat académique; au contraire, ils ont
reconnu
l'intérêt des idées développées dans la thèse, mais ont critiqué la
structure
de celle-ci et le manque de rigueur scientifique de son auteur, en se
fondant
sur des exemples précis pour illustrer leur propos. L'appréciation
faite du
travail présenté par la recourante repose ainsi sur des critères
objectifs et
pertinents, propres à justifier un refus d'autoriser la soutenance.
Les
membres du jury n'ont d'ailleurs pas définitivement exclu d'accepter
la
soutenance si la thèse était revue et corrigée dans le respect des
principes
de base de la discussion académique. Dans ces conditions, le refus
d'autoriser la soutenance de thèse dans son état actuel ne porte pas
une
atteinte inadmissible à la liberté de la science dont peut se
prévaloir la
recourante. Le grief tiré de la violation de l'art. 20 Cst. est ainsi
mal
fondé.

8.
Le recours doit par conséquent être rejeté, dans la mesure où il est
recevable, aux frais de la recourante qui succombe (art. 156 al. 1
OJ). Il
n'y a pas lieu d'octroyer des dépens aux autorités concernées (art.
159 al. 1
OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la
recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la
Commission de
recours de l'Université de Genève.

Lausanne, le 12 novembre 2003

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.478/2003
Date de la décision : 12/11/2003
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-11-12;1p.478.2003 ?
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