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11/11/2003 | SUISSE | N°1A.207/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 11 novembre 2003, 1A.207/2003


{T 0/2}
1A.207/2003 /dxc

Arrêt du 11 novembre 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Reeb et Féraud.
Greffier: M. Kurz.

1. A.________ SA,

2. B.________ SA,

3. C.________ SA en liquidation,

4. D.________ SA,

5. E.________ SA,

6. F.________ SA,

7. G.________ SA,

8. H.________ SA,

9. Y.________,
recourants, tous représentés par Me Pierre Christe, avocat, rue du
Mar

ché aux
Chevaux 5, case
postale 2031, 2800 Delémont 2,

contre

Direction générale des douanes, Monbijoustr. 40,
3003 Berne.

...

{T 0/2}
1A.207/2003 /dxc

Arrêt du 11 novembre 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Reeb et Féraud.
Greffier: M. Kurz.

1. A.________ SA,

2. B.________ SA,

3. C.________ SA en liquidation,

4. D.________ SA,

5. E.________ SA,

6. F.________ SA,

7. G.________ SA,

8. H.________ SA,

9. Y.________,
recourants, tous représentés par Me Pierre Christe, avocat, rue du
Marché aux
Chevaux 5, case
postale 2031, 2800 Delémont 2,

contre

Direction générale des douanes, Monbijoustr. 40,
3003 Berne.

entraide judiciaire en matière pénale à l'Allemagne - DGD 632.2-80 -
OFJ B
112 469 JAS/AS,

recours de droit administratif contre la décision de la Direction
générale
des douanes du 12 août 2003.

Faits:

A.
Le 23 avril 2002, le Parquet d'Augsbourg a adressé à l'Office fédéral
de la
justice (OFJ) une demande d'entraide judiciaire pour les besoins d'une
enquête dirigée contre les dénommés K.________, L.________,
Z.________ et
autres, pour soustraction d'impôt et violation de la loi sur le
commerce
extérieur. Entre 1994 et 1995, des cigarettes de provenances diverses
auraient été importées en Suisse, réassorties puis expédiées (avec de
faux
documents servant à faire croire que la marchandise était destinée à
la
Bulgarie), via divers pays, à destination du Monténégro, puis de
l'Italie,
dans le but d'alimenter le marché noir européen et de renflouer les
caisses
de la Serbie-Monténégro, alors frappée de l'embargo prononcé par les
Nations-Unies. Au total, 800 millions de DM auraient ainsi échappé au
fisc
européen. L'entraide judiciaire de la Suisse avait déjà été requise et
accordée à plusieurs reprises dans ce cadre (cf. notamment l'arrêt
1A.247/2000 du 27 novembre 2000, concernant la demande initiale du 18
septembre 1998), et il était apparu que Z.________ collaborait
activement
avec le dénommé J.________, soit en réalité X.________, directeur de
la
société A.________ SA, active dans l'import-export de tabac. La
demande du 23
avril 2002 tend à l'exécution d'un mandat de perquisition et de
saisie du 19
avril 2002 portant sur les documents relatifs au trafic de cigarettes
au
domicile de X.________ et au siège de A.________ SA. Selon complément
du 27
septembre 2002, le domicile de X.________ à Melide est également
visé. La
présence d'un procureur et de fonctionnaires des douanes, lors de
l'exécution
des actes d'entraide, est requise.
Le 5 août 2002, la Direction générale des douanes (DGD), chargée de
l'exécution de cette demande, est entrée en matière. Les faits décrits
étaient constitutifs, en droit suisse, d'escroquerie fiscale et de
violation
de la loi fédérale sur les douanes. La présence d'enquêteurs
étrangers a été
autorisée. Une perquisition a eu lieu le 12 novembre 2002 dans les
bureaux de
A.________ SA. Un inventaire des objets saisis (classeurs, dossiers et
supports informatiques) a été dressé. Lors de la perquisition, le
même jour,
au domicile de X.________ à Melide, divers documents ont été saisis,
selon
procès-verbal.

A. ________ SA a pris position le 16 mai 2003 sur la demande
d'entraide et
ses modalités d'exécution. Les documents, consultés le 8 mai
précédent,
occupaient 154 classeurs, comprenant notamment des déclarations de
Z.________, des dossiers clients de A.________ SA, des dossiers de la
société
C.________ SA (en liquidation), non visée par la demande, ainsi que
des
documents personnels concernant l'administrateur de A.________ SA,
Y.________. Les pièces n'étaient pas classées, ce qui donnait
l'impression
que l'ensemble des activités étaient lié au trafic du tabac.
A.________ SA
n'avait jamais fait le commerce de cigarettes. C.________ SA était
enregistrée régulièrement en Suisse et le commerce de tabac avec la
Principauté d'Andorre n'avait rien de répréhensible. La demande
d'entraide
était une recherche indéterminée de moyens de preuve.

B.
Par décision du 12 août 2003, la DGD a décidé de transmettre à
l'autorité
requérante les documents séquestrés ou imprimés à partir des supports
numériques (CD). Il était apparu que Y.________ utilisait le nom de
A.________ SA, ou du moins son adresse, pour l'ensemble de ses
activités, de
sorte qu'un tri précis était difficile; les dossiers étaient
d'ailleurs déjà
mélangés avant le séquestre. Seuls les documents ayant un rapport
avec les
noms mentionnés dans la demande d'entraide avaient été imprimés à
partir des
CD. C.________ SA n'était pas mentionnée dans la demande, mais elle
avait une
activité dans le secteur du tabac et était en rapport avec A.________
SA.
L'autorité requérante avait d'ailleurs pris connaissance de
l'existence de
cette société dans les dossiers en sa possession. Certaines pièces
saisies se
rapportaient à des livraisons et facturations de cigarettes.

C.
A.________ SA et l'ensemble des sociétés dont les documents ont été
saisis,
soit B.________ SA, C.________ SA, D.________ SA, E.________ SA,
F.________
SA, G.________ SA, H.________ SA, ainsi que Y.________, forment un
recours de
droit administratif contre cette ordonnance de clôture. Ils en
demandent
l'annulation, et concluent au rejet de la demande d'entraide,
subsidiairement au renvoi de la cause à la DGD afin qu'elle mentionne
la
réserve de la spécialité dans le dispositif de sa décision, qu'elle
limite la
transmission aux documents en rapport avec les infractions reprochées
et
qu'elle exclue de la transmission les documents relatifs aux
personnes autres
que A.________ SA.

L'OFJ conclut au rejet du recours. La DGD conclut au rejet du recours
formé
par A.________ SA, et à l'irrecevabilité du recours des autres
personnes.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Interjeté dans le délai et les formes utiles contre une décision de
clôture
rendue par l'autorité fédérale d'exécution, le recours de droit
administratif
est en soi recevable (art. 80g al. 1 de la loi fédérale sur l'entraide
internationale en matière pénale - EIMP; RS 351.1).
1.1 Selon l'art. 80h let. b EIMP, la qualité pour agir contre une
mesure
d'entraide judiciaire est reconnue à celui qui est personnellement et
directement touché. La personne visée par la procédure pénale
étrangère peut
recourir aux mêmes conditions (art. 21 al. 3 EIMP). La jurisprudence
reconnaît ainsi notamment la qualité pour recourir au titulaire d'un
compte
bancaire dont les pièces sont saisies (ATF 118 Ib 547 consid. 1d et
les
arrêts cités), et à la personne qui doit se soumettre personnellement
à une
perquisition ou une saisie (ATF 118 1b 442 consid. 2c - concernant la
saisie
de documents en main d'une banque -, ATF 121 II 38 - remise du
dossier d'une
procédure civile à laquelle l'intéressé est partie). L'art. 9a let. b
OEIMP
précise ainsi qu'en cas de perquisition, la qualité pour recourir
appartient
au propriétaire ou au locataire des locaux. Elle dénie en revanche
cette
qualité au détenteur économique d'un compte bancaire visé par la
demande, ou
à l'auteur de documents saisis en main d'un tiers (ATF 116 Ib 106
consid.
2a), même si la transmission des renseignements requis entraîne la
révélation
de son identité (ATF 114 Ib 156 consid. 2a et les arrêts cités; pour
un
résumé de la jurisprudence relative à la qualité pour recourir, cf.
ATF 122
II 130).

1.2 La perquisition du 12 novembre 2002 a été menée au siège de
A.________
SA, laquelle a qualité pour recourir. Y.________, administrateur
unique et
gérant de cette société, a également qualité pour agir en tant
qu'utilisateur
principal des locaux. Selon les indications figurant dans le recours,
à
l'exception de B.________ SA (qui est aussi, selon les indications
figurant
en p. 15 et 18 du recours, propriétaire des locaux et peut, à ce
titre se
voir reconnaître le qualité pour agir), les autres sociétés n'ont pas
leur
siège à l'adresse où a eu lieu la perquisition; elles ne sont ni
propriétaires, ni locataires des locaux, et on ignore la manière dont
ces
sociétés sont gérées, en particulier si les bureaux de A.________ SA
doivent
être considérés comme le centre de leurs activités. La question peut
demeurer
indécise, compte tenu du sort du recours sur le fond. En tous les
cas, le
recours est irrecevable en tant qu'il émane de D.________ SA car,
comme
l'indique la DGD dans sa réponse, les pièces qui la concernent ont été
saisies par la police fédérale en exécution d'une demande d'entraide
judiciaire italienne, et ne font pas l'objet de la décision de clôture
attaquée.

2.
Les recourants mettent en doute la compétence de l'autorité
requérante pour
réprimer les infractions mentionnées. Il n'est pas prétendu que
X.________ et
les autres personnes mentionnées aient agi en Allemagne. La
contrebande
aurait eu lieu vers l'Italie.

2.1 Selon la jurisprudence constante, l'autorité suisse requise doit
certes
s'assurer de la compétence répressive de l'Etat requérant (cf.
notamment
l'art. 5 EIMP); elle s'interdit en revanche d'examiner la compétence
de
l'autorité requérante au regard des normes d'organisation ou de
procédure de
l'Etat étranger. Ce n'est qu'en cas d'incompétence manifeste, faisant
apparaître la demande comme un abus caractéristique, que l'entraide
peut être
refusée (ATF 126 II 212 consid. 6c/bb p. 215-216; 116 Ib 89 consid.
2c/aa p.
92 et la jurisprudence citée).

2.2 Les autorités d'Augsbourg mènent leur enquête relative au trafic
de
cigarettes depuis de nombreuses années, et rien ne permet de douter
que,
compte tenu de la nationalité des prévenus, du domicile de certains
d'entre
eux et de la perte vraisemblablement subie par le fisc, notamment
allemand,
il existe un rattachement suffisant pour justifier la compétence des
autorités de l'Etat requérant. Cela ne ressort certes pas clairement
des
requêtes complémentaires, mais, la demande initiale, à laquelle la
DGD fait
référence, expose qu'une partie des cigarettes aurait abouti en
Italie, et
aurait été réintroduite sur le marché européen, en particulier en
Angleterre,
en Espagne et en Allemagne. On ne se trouve donc pas dans un cas où la
compétence répressive de l'Etat requérant ferait clairement défaut.

3.
Les recourants persistent ensuite à considérer que la demande
d'entraide
serait insuffisamment motivée, et qu'un cas d'escroquerie fiscale ne
serait
pas avéré, compte tenu du pouvoir d'examen accru de l'autorité suisse
dans ce
domaine. L'évocation d'un trafic de cigarettes assorti d'une simple
évasion
fiscale ne justifierait pas l'octroi de l'entraide judiciaire. Le
caractère
illicite du commerce de cigarettes ne serait pas démontré. La double
incrimination ferait également défaut à propos des infractions
douanières,
s'agissant de transferts de port-franc à port-franc; les ordonnances
fédérales du 3 juin 1992 et du 3 octobre 1994 concernant les mesures
économiques à l'égard de l'ex-Yougoslavie ont été abrogées avant
qu'il soit
statué sur l'octroi de l'entraide.

3.1 Selon l'art. 14 CEEJ, la demande d'entraide doit notamment
indiquer son
objet et son but (ch. 1 let. b), ainsi que l'inculpation et un exposé
sommaire des faits (ch. 2). Ces indications doivent permettre à
l'autorité
requise de s'assurer que l'acte pour lequel l'entraide est demandée
est
punissable selon le droit des Parties requérante et requise (art. 5
ch. 1
let. a CEEJ), qu'il ne constitue pas un délit politique ou fiscal
(art. 2 al.
1 let. a CEEJ), que l'exécution de la demande n'est pas de nature à
porter
atteinte à la souveraineté, à la sécurité, à l'ordre public ou à
d'autres
intérêts essentiels du pays (art. 2 let. b CEEJ), et que le principe
de la
proportionnalité est respecté (ATF 118 Ib 111 consid. 4b et les arrêts
cités). Le droit interne (art. 28 EIMP) pose des exigences
équivalentes, que
l'OEIMP précise en exigeant l'indication du lieu, de la date et du
mode de
commission des infractions (art. 10 OEIMP; ATF 129 II 97 consid. 3.1
p.
98-99).

3.2 En l'espèce, les deux compléments adressés successivement à l'OFJ
ne
comprennent pas d'exposé détaillé des faits. En revanche, le mandat de
perquisition annexé reprend dans le détail les faits tels qu'ils
figuraient
dans la demande initiale. Les inculpés se voient ainsi reprocher un
trafic de
cigarettes, dont le déroulement est décrit de manière relativement
détaillée.
Le reconditionnement de la marchandise, l'intervention de nombreux
intermédiaires, l'usage de faux documents et un transport clandestin
et
rapide par bateaux auraient permis de réintroduire la marchandise sur
le
marché noir européen, et d'améliorer la situation économique en
Serbie-Monténégro, alors frappée d'embargo. Les liens présumés de
X.________
avec les prévenus sont, eux aussi, exposés de manière suffisante.

3.3 En ce qui concerne l'escroquerie fiscale et le principe de la
double
incrimination, ces questions ont déjà été examinées par le Tribunal
fédéral
dans son arrêt du 27 novembre 2000, mentionné à plusieurs reprises
par la DGD
au cours de la procédure. Le Tribunal fédéral a en particulier
considéré que
l'intervention de nombreuses sociétés de divers pays, les
déplacements de
marchandises et l'usage de fausses factures et documents douaniers,
avaient
permis de donner l'illusion d'un transport régulier à destination de
la
Bulgarie et de camoufler le retour de la marchandise en Europe.
Cette
construction sophistiquée destinée à tromper, à plusieurs reprises,
les
autorités douanières des Etats européens, était constitutive d'astuce
(consid. 4c). L'arrêt précité considère également que le transport de
cigarettes à destination du Monténégro serait constitutif, en droit
suisse,
de trafic prohibé (art. 76 de la loi fédérale sur les douanes - LD; RS
631.0), compte tenu des dispositions relatives à l'embargo contre la
Yougoslavie (art. 4 de l'ordonnance du 3 octobre 1994 instituant des
mesures
économiques à l'encontre de la Yougoslavie [Serbie et Monténégro] et
d'autres
régions contrôlées par les Serbes, et art. 3 de l'ordonnance du 3
juin 1992
instituant des sanctions économiques à l'encontre de la Yougoslavie
[Serbie
et Monténégro], ainsi que les renvois de ces ordonnances aux sanctions
pénales de la LD). Les objections présentées par les recourants ne
sont pas
propres à remettre en cause cette appréciation. En particulier, les
actes
poursuivis ont été commis alors que les ordonnances précitées étaient
en
vigueur; même si les restrictions d'importation ont été par la suite
rapportées, les dispositions pénales des art. 76-77 LD, n'en
demeureraient
pas moins applicables si les infractions étaient actuellement
soumises à la
juridiction suisse.

4.
Les recourants estiment également que les dispositions prévues dans
l'ordonnance d'entrée en matière à propos de la présence d'enquêteurs
étrangers n'auraient pas été respectées. Des fonctionnaires allemands
avaient
participé à la perquisition du 12 novembre 2002 et, le 20 novembre
suivant,
le Procureur allemand avait déclaré s'intéresser également aux
sociétés
C.________ SA, M.________ et E.________ SA, alors que celles-ci ne
figurent
pas dans la demande. Il y aurait ainsi eu transmission prématurée de
renseignements. Les recourants ne précisent toutefois pas si
l'irrégularité
alléguée devrait conduire au refus de l'entraide, ou à une
intervention
auprès de l'autorité requérante. Le grief doit de toute manière être
écarté.

4.1 Selon l'art. 65a EIMP, lorsque l'Etat requérant le demande en
vertu de
son propre droit, les personnes qui participent à la procédure
peuvent être
autorisées à assister aux actes d'entraide et à consulter le dossier
(al. 1).
Cette présence peut également être admise si elle permet de faciliter
considérablement l'exécution de la demande ou la procédure pénale
étrangère
(al. 2). L'autorité d'exécution statue sur le droit des personnes
étrangères
qui participent à la procédure de poser des questions et de demander
des
suppléments d'enquête (art. 26 al. 2 OEIMP). Lorsque l'autorité
requérante
requiert expressément la présence de ses enquêteurs, on peut en
général
présumer que celle-ci est propre à faciliter l'exécution de la
demande.

4.2 Lorsqu'elle autorise la présence d'enquêteurs étrangers,
l'autorité
d'exécution doit prendre des mesures concrètes afin de s'assurer que
cette
présence n'aura n'a pas pour effet de porter à la connaissance des
autorités
de l'Etat requérant des éléments de preuve, touchant au domaine
secret,
qu'elles ne pourraient obtenir qu'après le prononcé d'une décision de
clôture
définitive (art. 65a EIMP). Lors d'une perquisition, cela implique
notamment
l'interdiction de remettre directement les documents saisis ou d'en
lever
copie (ATF 128 II 211 consid. 2.1 et la jurisprudence citée).

4.3 Ces exigences paraissent avoir été respectées dans le cas
particulier. Il
n'est en effet pas prétendu que des documents ou tout autre moyen de
preuve
soient parvenus à l'autorité requérante avant le prononcé de la
décision de
clôture. Il est vrai que l'autorité requérante a, le 20 novembre
2002, étendu
le cercle des investigations à des sociétés dont elle ignorait
l'existence
avant la perquisition. En réponse à l'interpellation des recourants,
la DGD a
toutefois fait savoir, le 27 janvier 2003, que de nombreux actes
d'entraide
avaient déjà été effectués depuis 1998 sur l'ensemble du territoire
suisse,
ainsi que dans d'autres Etats. Il est par conséquent possible que les
autorités allemandes aient connu le nom des sociétés en consultant des
documents qui lui ont été régulièrement remis. Toutefois, même si
l'extension
requise se fonde sur des informations des enquêteurs allemands
présents lors
des actes d'entraide, ces informations ne constituent pas des moyens
de
preuve, et il n'en résulte aucun préjudice pour les recourants. En
effet,
comme cela est relevé ci-dessous, l'autorité d'exécution aurait pu,
au regard
du principe de proportionnalité, étendre spontanément la transmission
aux
autres sociétés que celles explicitement mentionnées dans la demande.
Elle
aurait aussi pu attirer l'attention de l'autorité requérante sur
l'existence
de ces sociétés en procédant à une transmission spontanée propre à
permettre
une demande complémentaire (art. 67a EIMP). Dans son résultat,
l'extension de
l'entraide requise n'est donc pas critiquable.

5.
Les recourants invoquent ensuite le principe de la proportionnalité.
La
mission était limitée à X.________ (appartement, véhicules et locaux
commerciaux) et à A.________ SA, dans la mesure où ils détenaient des
documents concernant le trafic de cigarettes. Or, d'autres sociétés
ont des
activités dans les mêmes bureaux, soit B.________ SA, D.________ SA et
E.________ SA, ainsi que les sociétés personnelles de Y.________; ce
dernier
s'était opposé, lors de la perquisition, à la saisie des documents
n'ayant
aucun rapport avec A.________ SA. Le 2 avril 2003, la DGD lui
indiquait
détenir 154 classeurs qui pouvaient être consultés sur place. Le 8
mai 2003,
Y.________ avait constaté, par sondages, que les documents ne
concernaient
pas tous A.________ SA; aucun tri n'aurait été effectué par
l'autorité, et le
nombre élevé de documents ne suffirait pas à justifier cette inaction.
Invoquant leur droit d'être entendus, les recourants relèvent que la
transmission porterait finalement sur 220 classeurs, de sorte que 66
dossiers
auraient été soustraits à la consultation. En outre, seule A.________
SA
aurait été invitée à participer à la procédure, alors que de
nombreuses
autres sociétés étaient concernées. Chaque recourant présente ensuite
ses
propres objections à la transmission des documents qui le concernent.

5.1 Les griefs formels apparaissent manifestement mal fondés. La
décision
d'entrée en matière n'a certes été notifiée qu'à A.________ SA, par
son
mandataire, en raison du fait que cette société est la principale
utilisatrice des locaux, et que les recherches sont essentiellement
dirigées
à son encontre. Cela n'a pas empêché les autres personnes physiques et
morales d'intervenir si elles le jugeaient nécessaire, puisque
l'administrateur unique de A.________ SA est également administrateur
de
chacune des autres sociétés. Celles-ci ont ainsi eu connaissance de la
décision d'entrée en matière, et pouvaient demander qu'elle leur soit
notifiée personnellement, et requérir le droit d'intervenir dans la
procédure, notamment en participant au tri des pièces. Le mandataire
de
A.________ SA est d'ailleurs systématiquement intervenu au nom de
l'ensemble
des sociétés; celles-ci ne sauraient donc prétendre avoir été indûment
privées de leur droit de participer à la procédure. Par ailleurs,
s'il existe
une différence entre le nombre de dossiers mentionnés dans
l'invitation à
participer au tri du 2 avril 2003, et ceux qui font finalement
l'objet de la
transmission, cela est dû au fait que des documents sur support
informatique
ont été par la suite imprimés; ces pièces n'ont pas été soustraites à
la
consultation.

5.2 Les recourants reprochent à la DGD de n'avoir effectué aucun tri
sérieux
des documents saisis. Lors de la consultation du 8 mai 2003,
Y.________ avait
constaté que de nombreux documents ne concernaient pas uniquement
A.________
SA, et qu'une consultation intégrale pourrait durer plusieurs jours.

5.2.1 La participation du détenteur au tri des pièces dont l'autorité
d'exécution envisage la transmission à l'Etat requérant découle en
premier
lieu de son droit d'être entendu (ATF 126 II 258 consid. 9b/aa p.
262). Elle
est aussi nécessaire pour assurer le respect du principe de la
proportionnalité, qui interdit la remise en vrac des documents et
informations recueillis. Pour effectuer le tri indispensable,
l'autorité
d'exécution doit s'appuyer sur le détenteur. Celui-ci, en vertu du
principe
de la bonne foi régissant les rapports mutuels de l'Etat et des
particuliers
(art. 5 al. 3 Cst.), est tenu de coopérer avec l'autorité d'exécution
afin de
prévenir le risque de violation du principe de la proportionnalité
(ATF 127
II 151 consid. 4c/aa p. 155/156; 126 II 258 consid. 9b/aa p. 262).
Puisqu'il
connaît mieux que personne le contenu des documents saisis, il lui
incombe
d'indiquer à l'autorité d'exécution les pièces qu'il n'y aurait pas
lieu de
transmettre selon lui, ainsi que les motifs précis qui commanderaient
d'agir
de la sorte (ATF 126 II 258 consid. 9c p. 264). Il ne suffit pas
d'affirmer
péremptoirement qu'une pièce est sans rapport avec l'affaire; une
telle
assertion doit être étayée avec soin (ATF 126 II 258 consid. 9c p.
264).
L'obligation de coopérer avec l'autorité d'exécution s'impose au
détenteur
dès le stade de l'exécution de la demande. Est incompatible avec le
principe
de la bonne foi le procédé consistant à abandonner le tri des pièces à
l'autorité d'exécution, sans lui prêter aucun concours, pour lui
reprocher
après coup d'avoir méconnu le principe de la proportionnalité (ATF
126 II 258
consid. 9b/aa p. 262). Le droit d'être entendu est assorti d'un
devoir de
coopération, dont l'inobservation est sanctionnée par le fait que le
détenteur ne peut plus soulever devant l'autorité de recours les
arguments
qu'il a négligé de soumettre à l'autorité d'exécution (ATF 126 II 258
consid.
9b p. 262-264).

5.2.2 En l'occurrence, force est de constater que les recourants
n'ont guère
satisfait à l'obligation de collaboration qui leur incombait.
L'administrateur s'est rendu sur place, pour constater que les
documents
saisis étaient trop nombreux pour être examinés et triés. Même si le
nombre
de pièces saisies est particulièrement important, ce sont les
recourants qui
en connaissaient le mieux la teneur, de sorte qu'il ne se justifiait
pas de
déroger à la procédure habituelle. Les recourants ne pouvaient donc se
contenter d'une attitude passive, et attendre que l'autorité
d'exécution
effectue une première sélection des documents à transmettre. Même si
cela
impliquait un travail considérable, il leur appartenait d'effectuer
un tri de
détail et de présenter une liste de pièces déterminées à la
transmission
desquelles ils s'opposaient, sur laquelle il aurait appartenu à
l'autorité
d'exécution de se prononcer. Comme cela est relevé ci-dessous, les
affirmations d'ordre général, s'apparentant à une argumentation à
décharge,
ne sont pas suffisantes dans ce cadre. Il n'y a pas lieu de donner aux
recourants une nouvelle occasion pour participer au tri et se
déterminer.
Cela porterait par ailleurs atteinte au principe de célérité posé à
l'art.
17a EIMP. Conformément à la jurisprudence rappelée ci-dessus, le
refus des
recourants de participer à la sélection des documents pertinents les
prive du
droit de soulever le grief correspondant devant le Tribunal fédéral.
Ce
dernier n'a pas à opérer lui-même le tri, à la manière d'une autorité
de
première instance (ATF 126 II 258 consid. 9c p. 264 et la
jurisprudence
citée). Cela étant, les remarques suivantes peuvent être formulées, en
réponse aux objections des recourants.

5.3 Le principe de la proportionnalité empêche d'une part l'autorité
requérante de demander des mesures inutiles à son enquête et, d'autre
part,
l'autorité d'exécution d'aller au-delà de la mission qui lui est
confiée (ATF
121 II 241 consid. 3a). L'autorité suisse requise s'impose une grande
retenue
lorsqu'elle examine le respect de ce principe, car elle ne dispose
pas des
moyens qui lui permettraient de se prononcer sur l'opportunité de
l'administration des preuves. Saisi d'un recours contre une décision
de
transmission, le juge de l'entraide doit lui aussi se borner à
examiner si
les renseignements à transmettre présentent, prima facie, un rapport
avec les
faits motivant la demande d'entraide. Il ne doit exclure de la
transmission
que les documents n'ayant manifestement aucune utilité possible pour
les
enquêteurs étrangers (examen limité à l'utilité "potentielle", ATF
122 II 367
consid. 2c p. 371). La jurisprudence admet qu'on peut interpréter une
commission rogatoire de manière extensive, s'il apparaît que cela
correspond
à la volonté de son auteur et permet de prévenir une éventuelle
demande
complémentaire (ATF 121 II 241 consid. 3a in fine). Il faut toutefois
qu'ainsi comprise, la mission que se reconnaît l'autorité d'exécution
satisfasse aux conditions posées à l'entraide judiciaire (même arrêt).

5.4 La demande d'entraide tend à l'exécution en Suisse du mandat de
perquisition et de saisie du 19 avril 2002. Celui-ci autorise la
saisie de
documents, notamment dans les bureaux de A.________ SA, en rapport
avec le
trafic de cigarettes. A titre d'exemple, sont visés les papiers à
en-tête de
sociétés, les contrats, les factures, les bons de livraison et
documents
douaniers, la correspondance avec les expéditeurs, transporteurs,
entreposeurs et commerçants de tabac, ainsi que les documents

bancaires et
quittances concernant les achats et ventes de cigarettes. La mission
est
ainsi définie de manière très large; si elle mentionne la société
A.________
SA, en raison des liens entre X.________ et Z.________, elle envisage
aussi
la participation de très nombreuses autres sociétés.

5.4.1 Il est admis que A.________ SA a été active dans le domaine de
l'import-export du tabac, de 1992 à 1998, sous la direction de
X.________.
Par la suite, elle serait devenue active dans le secteur immobilier
sous
l'administration de Y.________. Ce dernier aurait procédé à
l'installation de
cinq ordinateurs, ce qui expliquerait l'apparition de son nom sur les
nombreuses copies-écran effectuées. Compte tenu de la présence de
plusieurs
sociétés et des activités de Y.________, il serait normal que les
documents
saisis soient de diverses natures, ce qui n'empêchait pas un tri
correct. De
nombreux documents - dont certains sont mentionnés à titre d'exemples
-
seraient sans aucun rapport avec le trafic de tabac, A.________ SA
n'ayant
plus d'activité dans ce domaine depuis 1998. Les documents relatifs à
l'activité immobilière devraient être écartés de la transmission.

La DGD relève que les documents de A.________ SA étaient déjà
mélangés avec
ceux des autres sociétés avant la perquisition. Cela serait dû au
fait que
Y.________ utilisait le nom ou l'adresse de A.________ SA pour ses
propres
affaires, et que la correspondance des autres sociétés était aussi
faite par
l'entremise de A.________ SA. Dans ces conditions, on ne saurait
reprocher à
l'autorité d'exécution d'avoir laissé les documents dans l'ordre dans
lequel
ils ont été trouvés. A priori, les documents concernant les activités
déployées ultérieurement par la société ne paraissent pas relever du
commerce
du tabac. Toutefois, l'autorité requérante dispose d'un intérêt à
connaître
la reconversion éventuelle d'une personne morale qu'elle soupçonne.
On ne
saurait en effet exclure que le produit d'un trafic illicite puisse
avoir été
utilisé dans le cadre de cette nouvelle activité. Quant à
l'utilisation du
nom ou de l'adresse de cette société par d'autres, elle est
révélatrice d'un
mode d'utilisation que l'autorité requérante est intéressée à
connaître. Même
si elle procède d'une légère extension de l'entraide requise, la
transmission
de l'ensemble des documents concernant A.________ SA n'est pas
disproportionnée.

5.4.2 C.________ SA et E.________ SA relèvent qu'elles ne sont pas
mentionnées dans la demande d'entraide, et soutiennent que leur
activité
serait parfaitement régulière. Il ressort des extraits de registre du
commerce que le but social de C.________ SA était l'importation et
l'exportation de toute marchandise, principalement dans le secteur du
tabac.
E.________ SA expose qu'elle a été fondée pour gérer et exploiter un
immeuble
à Genève, mais son but social est également "le commerce, importation
et
exportation, courtage et représentation de matières premières".
Compte tenu
des rapports étroits entre ces deux sociétés, l'intérêt présenté à
leur égard
par l'autorité requérante n'apparaît pas injustifié.

5.4.3 Comme cela est relevé ci-dessus, les documents relatifs à
D.________ SA
et B.________ SA ne font pas l'objet de la décision de clôture. Les
griefs
soulevés à cet égard sont par conséquent sans objet.

5.4.4 Pour l'ensemble des autres documents, l'argumentation des
recourants
consiste à se prétendre étrangers aux agissements poursuivis. Il
existe
toutefois certains rapports entre les personnes concernées et la
société
A.________ SA. Or, l'autorité requérante désire être renseignée sur
toutes
les relations, écrans et prête-noms, qui ont pu être utilisés, ce qui
suffit
à justifier la transmission contestée.

Le grief relatif au principe de la proportionnalité doit par
conséquent être
écarté.

6.
Les recourants se plaignent enfin de ce que le principe de la
spécialité ne
soit pas expressément rappelé dans la décision de clôture, alors que
les
fonctionnaires étrangers ont déjà eu accès à des informations.
Comme le rappelle la DGD, le principe de la spécialité fera l'objet
d'un
rappel lors de la transmission des documents par l'OFJ, selon la
formule
habituellement utilisée. Le Tribunal fédéral a d'ailleurs relevé,
dans son
arrêt du 27 novembre 2000, que cette réserve n'avait pas à figurer
dans la
décision de clôture proprement dite, en particulier lorsque l'autorité
requérante a déjà donné des assurances à ce propos. Tel est le cas en
l'espèce: dans son complément du 19 avril 2002, le Parquet
d'Augsbourg a
répété les assurances qu'il avait déjà données auparavant,
conformément à
l'art. 34 al. 1 in initio OEIMP.

7.
Sur le vu de ce qui précède, le recours de droit administratif doit
être
rejeté dans la mesure où il est recevable. Conformément à l'art. 156
al. 1
OJ, un émolument judiciaire est mis à la charge des recourants.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 5'000 fr. est mis à la charge des
recourants.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux recourants et à la
Direction
générale des douanes ainsi qu'à l'Office fédéral de la justice,
Division des
affaires internationales, Section de l'entraide judiciaire
internationale.

Lausanne, le 11 novembre 2003

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.207/2003
Date de la décision : 11/11/2003
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-11-11;1a.207.2003 ?
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