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11/11/2003 | SUISSE | N°1A.203/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 11 novembre 2003, 1A.203/2003


{T 0/2}
1A.203/2003 /dxc

Arrêt du 11 novembre 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Reeb et Féraud.
Greffier: M. Kurz.

X. ________,
recourant, représenté par Maîtres Renzo Galfetti et Fabio Capoferri,
avocats,
Ferrari Partner,
corso San Gottardo 57, 6830 Chiasso,

contre

Direction générale des douanes, Monbijoustr. 40,
3003 Berne.

entraide judiciaire en matière pénale à l'Allemagne - DGD 632.2-8

0 -
OFJ B
112 469 JAS/AS,

recours de droit administratif contre la décision de la Direction
générale
des douanes d...

{T 0/2}
1A.203/2003 /dxc

Arrêt du 11 novembre 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Reeb et Féraud.
Greffier: M. Kurz.

X. ________,
recourant, représenté par Maîtres Renzo Galfetti et Fabio Capoferri,
avocats,
Ferrari Partner,
corso San Gottardo 57, 6830 Chiasso,

contre

Direction générale des douanes, Monbijoustr. 40,
3003 Berne.

entraide judiciaire en matière pénale à l'Allemagne - DGD 632.2-80 -
OFJ B
112 469 JAS/AS,

recours de droit administratif contre la décision de la Direction
générale
des douanes du 12 août 2003.

Faits:

A.
Le 23 avril 2002, le Parquet d'Augsbourg a adressé à l'Office fédéral
de la
justice (OFJ) une demande d'entraide judiciaire pour les besoins d'une
enquête dirigée contre les dénommés K.________, L.________,
Z.________ et
autres, pour soustraction d'impôt et violation de la loi sur le
commerce
extérieur. Entre 1994 et 1995, des cigarettes de provenances diverses
auraient été importées en Suisse, réassorties puis expédiées (avec de
faux
documents servant à faire croire que la marchandise était destinée à
la
Bulgarie), via divers pays, à destination du Monténégro, puis de
l'Italie,
dans le but d'alimenter le marché noir européen et de renflouer les
caisses
de la Serbie-Monténégro, alors frappée de l'embargo prononcé par les
Nations-Unies. Au total, 800 millions de DM auraient ainsi échappé au
fisc
européen. L'entraide judiciaire de la Suisse avait déjà été requise et
accordée à plusieurs reprises dans ce cadre (cf. notamment l'arrêt
1A.247/2000 du 27 novembre 2000, concernant la demande initiale du 18
septembre 1998), et il était apparu que Z.________ collaborait
activement
avec le dénommé J.________, soit en réalité X.________, directeur de
la
société A.________ SA, active dans l'import-export de tabac. La
demande du 23
avril 2002 tend à l'exécution d'un mandat de perquisition et de
saisie du 19
avril 2002 portant sur les documents relatifs au trafic de cigarettes
au
domicile de X.________ et au siège de A.________ SA. Selon complément
du 27
septembre 2002, le domicile de X.________ à Melide est également
visé. La
présence d'un procureur et de fonctionnaires des douanes, lors de
l'exécution
des actes d'entraide, est requise.
Le 5 août 2002, la Direction générale des douanes (DGD), chargée de
l'exécution de cette demande, est entrée en matière. Les faits décrits
étaient constitutifs, en droit suisse, d'escroquerie fiscale et de
violation
de la loi fédérale sur les douanes. La présence d'enquêteurs
étrangers a été
autorisée. Une perquisition a eu lieu le 12 novembre 2002 dans les
bureaux de
A.________ SA. Un inventaire des objets saisis (classeurs, dossiers et
supports informatiques) a été dressé. Lors de la perquisition, le
même jour,
au domicile de X.________ à Melide, divers documents ont été saisis,
selon
procès-verbal.
Les représentants de X.________ et de A.________ SA ont pu consulter
les
documents saisis le 8 mai 2003. A.________ SA a pris position le 16
mai
suivant, en relevant que les documents occupaient 154 classeurs et
que les
pièces n'étaient pas classées, ce qui donnait l'impression que
l'ensemble des
activités étaient lié au trafic du tabac.

B.
Par décision du 12 août 2003, la DGD a décidé de transmettre à
l'autorité
requérante les documents saisis. Il était apparu que Y.________,
administrateur de A.________ SA, utilisait le nom de cette société,
ou du
moins son adresse, pour l'ensemble de ses activités, de sorte qu'un
tri
précis était difficile; les dossiers étaient d'ailleurs déjà mélangés
avant
le séquestre. Seuls les documents ayant un rapport avec les noms
mentionnés
dans la demande d'entraide avaient été imprimés à partir des supports
numériques (CD).

C.
X.________ forme un recours de droit administratif contre cette
ordonnance de
clôture. Il en demande l'annulation totale, ainsi que le refus de
transmettre
les documents imprimés à partir des CD, et leur restitution.

La DGD et l'OFJ concluent au rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Interjeté dans le délai et les formes utiles contre une décision de
clôture
rendue par l'autorité fédérale d'exécution, le recours de droit
administratif
est en soi recevable (art. 80g al. 1 de la loi fédérale sur l'entraide
internationale en matière pénale - EIMP; RS 351.1).
1.1 Selon l'art. 80h let. b EIMP, la qualité pour agir contre une
mesure
d'entraide judiciaire est reconnue à celui qui est personnellement et
directement touché. La personne visée par la procédure pénale
étrangère peut
recourir aux mêmes conditions (art. 21 al. 3 EIMP). La jurisprudence
reconnaît ainsi notamment la qualité pour recourir au titulaire d'un
compte
bancaire dont les pièces sont saisies (ATF 118 Ib 547 consid. 1d et
les
arrêts cités), et à la personne qui doit se soumettre personnellement
à une
perquisition ou une saisie (ATF 118 1b 442 consid. 2c - concernant la
saisie
de documents en main d'une banque -, ATF 121 II 38 - remise du
dossier d'une
procédure civile à laquelle l'intéressé est partie). L'art. 9a let. b
OEIMP
précise ainsi qu'en cas de perquisition, la qualité pour recourir
appartient
au propriétaire ou au locataire des locaux. Elle dénie en revanche
cette
qualité au détenteur économique d'un compte bancaire visé par la
demande, ou
à l'auteur de documents saisis en main d'un tiers (ATF 116 Ib 106
consid.
2a), même si la transmission des renseignements requis entraîne la
révélation
de son identité (ATF 114 Ib 156 consid. 2a et les arrêts cités; pour
un
résumé de la jurisprudence relative à la qualité pour recourir, cf.
ATF 122
II 130).

1.2 En exécution de la demande d'entraide, il a été procédé le 12
novembre
2002 à une perquisition dans l'appartement du recourant à Melide, en
présence
d'un tiers occupant les locaux. Divers documents ont été saisis et
inventoriés, ainsi que deux téléphones portables qui ont été
restitués au
tiers précité. Une perquisition a également eu lieu dans
l'appartement du
recourant à Delémont, à la même adresse que A.________ SA. Selon le
rapport
du 19 novembre 2002, les enquêteurs ont uniquement copié les données
figurant
sur un ordinateur portable. Le recourant a qualité pour recourir
contre la
transmission de ces documents et renseignements (art. 9a let. b
OEIMP). En
revanche, pour ce qui concerne les pièces saisies dans les bureaux de
A.________ SA, le recourant n'a pas qualité pour agir dès lors qu'il
n'est ni
propriétaire, ni locataire des locaux, et qu'il ne prétend pas en être
l'utilisateur à un autre titre. Le fait que les documents saisis
puissent
contenir des renseignements qui le concernent ne suffit pas à lui voir
reconnaître la qualité pour recourir. Le recours est par conséquent
recevable, sous cette dernière réserve.

2.
Invoquant son droit d'être entendu, le recourant reproche à la DGD de
lui
avoir limité l'accès à certains documents, et de ne pas lui avoir
donné la
possibilité de se déterminer à cet égard, alors qu'un tel droit
d'accès avait
été reconnu à l'avocat et à l'administrateur de A.________ SA.

2.1 Outre la disposition générale de l'art. 29 al. 2 Cst., le
recourant
invoque l'art. 80b EIMP, disposition selon laquelle les ayants droit
peuvent
participer à la procédure et consulter le dossier si la sauvegarde de
leurs
intérêts l'exige. Même s'ils font maintenant l'objet d'une disposition
distincte de la loi (FF 1995 III p. 28), ces droits ne sauraient
toutefois
être reconnus indépendamment de la qualité de partie à la procédure
d'entraide et de la légitimation de l'intéressé. Le législateur n'a
pas voulu
élargir le cercle des personnes habilitées à intervenir dans la
procédure,
mais au contraire limiter l'accès au dossier et le droit d'intervenir
des
personnes légitimées aux seuls cas et dans la seule mesure où cela est
nécessaire à la sauvegarde de leurs droits dans la procédure
d'entraide.

2.2 Comme cela est relevé ci-dessus, le recourant n'a pas qualité pour
contester la transmission des documents saisis dans les bureaux de
A.________
SA. Son droit de participation pouvait être limité dans la même
mesure. Le 8
mai 2003, les représentants du recourant ont pu consulter les
documents
saisis lors des visites domiciliaires, ce qui satisfait au droit
d'être
entendu. Le grief doit donc être rejeté.

3.
Le recourant met en doute la compétence de l'autorité requérante pour
réprimer les infractions mentionnées. Il n'est pas prétendu que
lui-même et
les autres personnes mentionnées aient agi en Allemagne, et l'autorité
requérante n'indiquerait pas sur quoi elle fonderait sa compétence.

3.1 Selon la jurisprudence constante, l'autorité suisse requise doit
certes
s'assurer de la compétence répressive de l'Etat requérant (cf.
notamment
l'art. 5 EIMP); elle s'interdit en revanche d'examiner la compétence
de
l'autorité requérante au regard des normes d'organisation ou de
procédure de
l'Etat étranger. Ce n'est qu'en cas d'incompétence manifeste, faisant
apparaître la demande comme un abus caractéristique, que l'entraide
peut être
refusée (ATF 126 II 212 consid. 6c/bb p. 215-216; 116 Ib 89 consid.
2c/aa p.
92 et la jurisprudence citée).

3.2 Les autorités d'Augsbourg mènent leur enquête relative au trafic
de
cigarettes depuis de nombreuses années, et rien ne permet de douter
que,
compte tenu de la nationalité des prévenus, du domicile de certains
d'entre
eux et de la perte vraisemblablement subie par le fisc, notamment
allemand,
il existe un rattachement suffisant pour justifier la compétence des
autorités de l'Etat requérant. Cela ne ressort certes pas clairement
des
requêtes complémentaires, mais, la demande initiale, à laquelle la
DGD fait
référence, expose qu'une partie des cigarettes aurait abouti en
Italie, et
aurait été réintroduite sur le marché européen, en particulier en
Angleterre,
en Espagne et en Allemagne. On ne se trouve donc pas dans un cas où la
compétence répressive de l'Etat requérant ferait clairement défaut.

4.
Le recourant persiste ensuite à considérer que la demande d'entraide
serait
insuffisamment motivée, et qu'un cas d'escroquerie fiscale ne serait
pas
avéré, compte tenu du pouvoir d'examen accru de l'autorité suisse
dans ce
domaine. L'évocation d'un trafic de cigarettes assorti d'une simple
évasion
fiscale ne justifierait pas l'octroi de l'entraide judiciaire. Le
caractère
illicite du commerce de cigarettes ne serait pas démontré, s'agissant
de
transports autorisés entre ports-francs. Il n'y aurait pas d'indice
suffisant
d'une escroquerie fiscale, l'infraction de recyclage d'argent n'ayant
d'ailleurs pas été retenue. La double incrimination ferait également
défaut à
propos des infractions douanières, s'agissant de transferts de
port-franc à
port-franc, sans soustraction aux contrôles douaniers.

4.1 Selon l'art. 14 CEEJ, la demande d'entraide doit notamment
indiquer son
objet et son but (ch. 1 let. b), ainsi que l'inculpation et un exposé
sommaire des faits (ch. 2). Ces indications doivent permettre à
l'autorité
requise de s'assurer que l'acte pour lequel l'entraide est demandée
est
punissable selon le droit des Parties requérante et requise (art. 5
ch. 1
let. a CEEJ), qu'il ne constitue pas un délit politique ou fiscal
(art. 2 al.
1 let. a CEEJ), que l'exécution de la demande n'est pas de nature à
porter
atteinte à la souveraineté, à la sécurité, à l'ordre public ou à
d'autres
intérêts essentiels du pays (art. 2 let. b CEEJ), et que le principe
de la
proportionnalité est respecté (ATF 118 Ib 111 consid. 4b et les arrêts
cités). Le droit interne (art. 28 EIMP) pose des exigences
équivalentes, que
l'OEIMP précise en exigeant l'indication du lieu, de la date et du
mode de
commission des infractions (art. 10 OEIMP; ATF 129 II 97 consid. 3.1
p.
98-99).

4.2 En l'espèce, les deux compléments adressés successivement à l'OFJ
ne
comprennent pas d'exposé détaillé des faits. En revanche, le mandat de
perquisition annexé reprend dans le détail les faits tels qu'ils
figuraient
dans la demande initiale. Les inculpés se voient ainsi reprocher un
trafic de
cigarettes, dont le déroulement est décrit de manière relativement
détaillée.
Le reconditionnement de la marchandise, l'intervention de nombreux
intermédiaires, l'usage de faux documents et un transport clandestin
et
rapide par bateaux auraient permis de réintroduire la marchandise sur
le
marché noir européen, et d'améliorer la situation économique en
Serbie-Monténégro, alors frappée d'embargo. Les liens présumés du
recourant
avec les prévenus sont, eux aussi, exposés de manière suffisante.

4.3 En ce qui concerne l'escroquerie fiscale et le principe de la
double
incrimination, ces questions ont déjà été examinées par le Tribunal
fédéral
dans son arrêt du 27 novembre 2000, mentionné à plusieurs reprises
par la DGD
au cours de la procédure. Le Tribunal fédéral a en particulier
considéré que
l'intervention de nombreuses sociétés de divers pays, les
déplacements de
marchandises et l'usage de fausses factures et documents douaniers,
avaient
permis de donner l'illusion d'un transport régulier à destination de
la
Bulgarie et de camoufler le retour de la marchandise en Europe. Cette
construction sophistiquée destinée à tromper, à plusieurs reprises,
les
autorités douanières des Etats européens,
était constitutive d'astuce
(consid. 4c). L'arrêt précité considère également que le transport de
cigarettes à destination du Monténégro serait constitutif, en droit
suisse,
de trafic prohibé (art. 76 de la loi fédérale sur les douanes - LD; RS
631.0), compte tenu des dispositions relatives à l'embargo contre la
Yougoslavie (art. 4 de l'ordonnance du 3 octobre 1994 instituant des
mesures
économiques à l'encontre de la Yougoslavie [Serbie et Monténégro] et
d'autres
régions contrôlées par les Serbes, et art. 3 de l'ordonnance du 3
juin 1992
instituant des sanctions économiques à l'encontre de la Yougoslavie
[Serbie
et Monténégro], ainsi que les renvois de ces ordonnances aux sanctions
pénales de la LD). Les objections présentées par le recourant ne sont
pas
propres à remettre en cause cette appréciation, et il n'y a pas lieu
de
s'interroger sur l'existence éventuelle d'un recyclage d'argent, cette
infraction n'étant d'ailleurs pas mentionnée par l'autorité
requérante.

5.
Le recourant estime également que les dispositions prévues dans
l'ordonnance
d'entrée en matière à propos de la présence d'enquêteurs étrangers
n'auraient
pas été respectées, en particulier le rôle passif dont devaient se
contenter
les fonctionnaires étrangers. Ceux-ci avaient participé activement à
la
perquisition du 12 novembre 2002 et, le 20 novembre suivant, le
Procureur
allemand avait déclaré s'intéresser également à d'autres sociétés qui
ne
figurent pas dans la demande. Il y aurait ainsi eu transmission
prématurée de
renseignements. Le recourant ne précise toutefois pas si
l'irrégularité
alléguée devrait conduire au refus de l'entraide, ou à une
intervention
auprès de l'autorité requérante. Dans les deux cas, l'argument tend
essentiellement à la protection des sociétés précitées, et non à
celle du
recourant. Le grief doit de toute manière être écarté.

5.1 Selon l'art. 65a EIMP, lorsque l'Etat requérant le demande en
vertu de
son propre droit, les personnes qui participent à la procédure
peuvent être
autorisées à assister aux actes d'entraide et à consulter le dossier
(al. 1).
Cette présence peut également être admise si elle permet de faciliter
considérablement l'exécution de la demande ou la procédure pénale
étrangère
(al. 2). L'autorité d'exécution statue sur le droit des personnes
étrangères
qui participent à la procédure de poser des questions et de demander
des
suppléments d'enquête (art. 26 al. 2 OEIMP). Lorsque l'autorité
requérante
requiert expressément la présence de ses enquêteurs, on peut en
général
présumer que celle-ci est propre à faciliter l'exécution de la
demande.

5.2 Lorsqu'elle autorise la présence d'enquêteurs étrangers,
l'autorité
d'exécution doit prendre des mesures concrètes afin de s'assurer que
cette
présence n'aura n'a pas pour effet de porter à la connaissance des
autorités
de l'Etat requérant des éléments de preuve, touchant au domaine
secret,
qu'elles ne pourraient obtenir qu'après le prononcé d'une décision de
clôture
définitive (art. 65a EIMP). Lors d'une perquisition, cela implique
notamment
l'interdiction de remettre directement les documents saisis ou d'en
lever
copie (ATF 128 II 211 consid. 2.1 et la jurisprudence citée).

5.3 Ces exigences paraissent avoir été respectées dans le cas
particulier. Il
n'est en effet pas prétendu que des documents ou tout autre moyen de
preuve
soient parvenus à l'autorité requérante avant le prononcé de la
décision de
clôture. Il est vrai que l'autorité requérante a, le 20 novembre
2002, étendu
le cercle des investigations à des sociétés dont elle ignorait
l'existence
avant la perquisition. En réponse à l'interpellation du recourant, la
DGD a
toutefois fait savoir, le 27 janvier 2003, que de nombreux actes
d'entraide
avaient déjà été effectués depuis 1998 sur l'ensemble du territoire
suisse,
ainsi que dans d'autres Etats. Il est par conséquent possible que les
autorités allemandes aient connu le nom des sociétés en consultant des
documents qui lui ont été régulièrement remis. Toutefois, même si
l'extension
requise se fonde sur des informations des enquêteurs allemands
présents lors
des actes d'entraide, ces informations ne constituent pas des moyens
de
preuve, et il n'en résulte aucun préjudice pour le recourant. En
effet, comme
cela est relevé ci-dessous, l'autorité d'exécution aurait pu, au
regard du
principe de proportionnalité, étendre spontanément la transmission
aux autres
sociétés que celles explicitement mentionnées dans la demande. Elle
aurait
aussi pu attirer l'attention de l'autorité requérante sur l'existence
de ces
sociétés en procédant à une transmission spontanée propre à permettre
une
demande complémentaire (art. 67a EIMP). Dans son résultat,
l'extension de
l'entraide requise n'est donc pas critiquable.

6.
Le recourant invoque ensuite le principe de la spécialité, en
relevant que la
procédure ouverte en Allemagne concerne une évasion fiscale. Il
reproche
ensuite à la DGD de ne pas avoir expressément rappelé ce principe
dans sa
décision de clôture, alors que les fonctionnaires étrangers ont déjà
eu accès
à des informations.
Comme le rappelle la DGD, le principe de la spécialité fera l'objet
d'un
rappel lors de la transmission des documents par l'OFJ, selon la
formule
habituellement utilisée. Le Tribunal fédéral a d'ailleurs relevé,
dans son
arrêt du 27 novembre 2000, que cette réserve n'avait pas à figurer
dans la
décision de clôture proprement dite, en particulier lorsque l'autorité
requérante a déjà donné des assurances à ce propos. Tel est le cas en
l'espèce: dans son complément du 19 avril 2002, le Parquet
d'Augsbourg a
répété les assurances qu'il avait déjà données auparavant,
conformément à
l'art. 34 al. 1 in initio OEIMP, en relevant que les documents
seraient
utilisés pour les seuls besoins de la procédure pénale - et du délit
qualifié
selon le droit suisse d'escroquerie fiscale -, et non pour la
répression de
délits fiscaux ou pour les besoins d'un redressement fiscal.

7.
Le recourant invoque enfin le principe de la proportionnalité. Il
reproche à
la DGD d'avoir saisi en vrac les documents et de s'apprêter à les
transmettre
tels quels, sans aucun tri, alors que la mission définie dans la
demande
d'entraide ne concernait que certains documents déterminés. Les
quelque 220
classeurs contiendraient bien plus de documents que ce qui est
requis. Les
documents saisis aux domiciles de Melide et de Delémont n'auraient,
eux non
plus, rien à voir avec les infractions poursuivies. Tel serait
notamment le
cas d'une étiquette de voyage au nom de Z.________.

7.1 La participation du détenteur au tri des pièces dont l'autorité
d'exécution envisage la transmission à l'Etat requérant découle en
premier
lieu de son droit d'être entendu (ATF 126 II 258 consid. 9b/aa p.
262). Elle
est aussi nécessaire pour assurer le respect du principe de la
proportionnalité, qui interdit la remise en vrac des documents et
informations recueillis. Pour effectuer le tri indispensable,
l'autorité
d'exécution doit s'appuyer sur le détenteur. Celui-ci, en vertu du
principe
de la bonne foi régissant les rapports mutuels de l'Etat et des
particuliers
(art. 5 al. 3 Cst.), est tenu de coopérer avec l'autorité d'exécution
afin de
prévenir le risque de violation du principe de la proportionnalité
(ATF 127
II 151 consid. 4c/aa p. 155/156; 126 II 258 consid. 9b/aa p. 262).
Puisqu'il
connaît mieux que personne le contenu des documents saisis, il lui
incombe
d'indiquer à l'autorité d'exécution les pièces qu'il n'y aurait pas
lieu de
transmettre selon lui, ainsi que les motifs précis qui commanderaient
d'agir
de la sorte (ATF 126 II 258 consid. 9c p. 264). Il ne suffit pas
d'affirmer
péremptoirement qu'une pièce est sans rapport avec l'affaire; une
telle
assertion doit être étayée avec soin (ATF 126 II 258 consid. 9c p.
264).
L'obligation de coopérer avec l'autorité d'exécution s'impose au
détenteur
dès le stade de l'exécution de la demande. Est incompatible avec le
principe
de la bonne foi le procédé consistant à abandonner le tri des pièces à
l'autorité d'exécution, sans lui prêter aucun concours, pour lui
reprocher
après coup d'avoir méconnu le principe de la proportionnalité (ATF
126 II 258
consid. 9b/aa p. 262). Le droit d'être entendu est assorti d'un
devoir de
coopération, dont l'inobservation est sanctionnée par le fait que le
détenteur ne peut plus soulever devant l'autorité de recours les
arguments
qu'il a négligé de soumettre à l'autorité d'exécution (ATF 126 II 258
consid.
9b p. 262-264).

7.2 En l'occurrence, force est de constater que le recourant n'a guère
satisfait à l'obligation de collaboration qui lui incombait. Ses
représentants se sont rendus sur place, le 8 mai 2003, pour examiner
les
pièces saisies. Selon la note du 9 mai 2003 figurant au dossier, la
consultation s'est limitée à certaines pièces, un délai ayant été
fixé au 16
mai 2003 pour se déterminer. Le recourant n'a pas produit de
détermination
dans le délai fixé. Par lettre du 16 mai 2003, l'avocat de A.________
SA -
sans que l'on sache s'il agissait aussi dans ce cadre pour le
recourant - a
relevé le nombre de documents et l'impossibilité de les consulter en
une
seule séance; il se plaignait de l'absence de tri préalable par
l'autorité
d'exécution.

Même si la décision de transmission porte sur un nombre total de
documents
considérable (220 classeurs), ceux qui ont été saisis en main du
recourant
sont nettement moins nombreux. En outre, le recourant est la personne
qui en
connaissait le mieux la teneur, de sorte qu'il ne se justifiait pas de
déroger à la procédure habituelle. Le recourant ne pouvait donc se
contenter
d'une attitude passive, et attendre que l'autorité d'exécution
effectue une
première sélection des documents à transmettre. Même si cela
impliquait un
certain travail, il lui appartenait d'effectuer un tri de détail et de
présenter une liste de pièces déterminées à la transmission
desquelles il
s'opposait, sur laquelle il aurait appartenu à l'autorité d'exécution
de se
prononcer. Comme cela est relevé ci-dessous, les affirmations d'ordre
général, s'apparentant à une argumentation à décharge, ne sont pas
suffisantes dans ce cadre. Conformément à la jurisprudence rappelée
ci-dessus, le refus du recourant de participer à la sélection des
documents
pertinents le prive du droit de soulever le grief correspondant
devant le
Tribunal fédéral. Ce dernier n'a pas à opérer lui-même le tri, à la
manière
d'une autorité de première instance (ATF 126 II 258 consid. 9c p. 264
et la
jurisprudence citée).

De toute façon, le recourant se contente d'affirmer que les documents
saisis
à ses domiciles seraient sans utilité pour l'enquête menée à
l'étranger. Il
cite l'exemple d'une étiquette de voyage portant le nom de
Z.________, mais
la seule mention du nom d'une des personnes poursuivies suffit à
admettre la
pertinence potentielle du renseignement (ATF 122 II 367 consid. 2c p.
371).
Pour le surplus, le recourant n'apporte aucun argument concernant des
documents déterminés dont la transmission violerait le principe de la
proportionnalité. Le grief doit par conséquent être écarté.

8.
Sur le vu de ce qui précède, le recours de droit administratif doit
être
rejeté dans la mesure où il est recevable. Conformément à l'art. 156
al. 1
OJ, un émolument judiciaire est mis à la charge du recourant.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 5'000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au recourant et à la
Direction
générale des douanes ainsi qu'à l'Office fédéral de la justice,
Division des
affaires internationales, Section de l'entraide judiciaire
internationale.

Lausanne, le 11 novembre 2003

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.203/2003
Date de la décision : 11/11/2003
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-11-11;1a.203.2003 ?
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