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07/11/2003 | SUISSE | N°6S.280/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 07 novembre 2003, 6S.280/2003


{T 0/2}
6S.280/2003 /dxc

Arrêt du 7 novembre 2003
Cour de cassation pénale

MM. et Mme les Juges Schneider, Président,
Karlen et Pont Veuthey, Juge suppléante.
Greffière: Mme Angéloz.

X. ________,
recourant, représenté par Me Jean-Pierre Moser,
avocat, rue Jean-Jacques Cart 8, 1006 Lausanne,

contre

Z.________,
intimée, représentée par Me Nicole Wiebach, avocate, rue Jean-Jacques
Rousseau 9A, case postale 1263, 1800 Vevey 1,
Ministère public du canton de Vaud,
rue de l'Université

24, case postale, 1014 Lausanne.

Règle de conduite (art. 41 ch. 2 CP),

pourvoi en nullité contre l'arrêt du T...

{T 0/2}
6S.280/2003 /dxc

Arrêt du 7 novembre 2003
Cour de cassation pénale

MM. et Mme les Juges Schneider, Président,
Karlen et Pont Veuthey, Juge suppléante.
Greffière: Mme Angéloz.

X. ________,
recourant, représenté par Me Jean-Pierre Moser,
avocat, rue Jean-Jacques Cart 8, 1006 Lausanne,

contre

Z.________,
intimée, représentée par Me Nicole Wiebach, avocate, rue Jean-Jacques
Rousseau 9A, case postale 1263, 1800 Vevey 1,
Ministère public du canton de Vaud,
rue de l'Université 24, case postale, 1014 Lausanne.

Règle de conduite (art. 41 ch. 2 CP),

pourvoi en nullité contre l'arrêt du Tribunal cantonal vaudois, Cour
de
cassation pénale, du 9 décembre 2002.

Faits:

A.
Par jugement du 18 octobre 2001, le Tribunal correctionnel de
l'arrondissement de l'Est vaudois a condamné X.________, au bénéfice
d'une
responsabilité restreinte, pour lésions corporelles simples, injure,
contrainte, contrainte sexuelle et viol, à 2 ans d'emprisonnement,
ordonnant
en outre son expulsion pour une durée de 7 ans avec sursis pendant 5
ans. Le
tribunal a par ailleurs alloué à Z.________ 25'000 francs à titre de
réparation morale.

Le recours interjeté par le condamné contre ce jugement a été écarté
par
arrêt du 22 mars 2002 de la Cour de cassation pénale du Tribunal
cantonal
vaudois.

Par arrêt 6P.115/2002 du 11 septembre 2002, le Tribunal fédéral a
rejeté dans
la mesure où il était recevable le recours de droit public formé par
X.________. Par arrêt 6S.317/2002 du même jour, il a en revanche
partiellement admis le pourvoi en nullité déposé parallèlement.
Considérant
que l'infraction d'injure était atteinte par la prescription absolue
et que
la motivation cantonale ne permettait pas de s'expliquer que la peine
avait
été réduite d'un tiers seulement nonobstant la diminution moyenne de
responsabilité constatée, il a renvoyé la cause à l'autorité
cantonale pour
nouvelle décision sur ces points.

Dans l'intervalle, X.________ avait demandé la révision de l'arrêt
cantonal
du 22 mars 2002. Cette demande ayant été écartée par arrêt du 17
septembre
2002 de la Commission de révision pénale du Tribunal cantonal
vaudois, il a
formé un recours de droit public et un pourvoi en nullité au Tribunal
fédéral, qui a rejeté le premier par arrêt 6P.136/2002 et déclaré le
second
irrecevable par arrêt 6S.409/2002, tous deux rendus le 22 novembre
2002.

B.
Statuant à nouveau suite à l'arrêt de cassation du 11 septembre 2002,
la Cour
de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois, par arrêt du 9
décembre
2002, a réformé le jugement de condamnation du 18 octobre 2001 en ce
sens
qu'elle a libéré X.________ de l'accusation d'injure et réduit la
peine à 18
mois d'emprisonnement, l'assortissant d'un sursis de 5 ans, qu'elle a
subordonné à une règle de conduite, à savoir que le condamné
"s'abstienne
d'approcher le domicile de Z.________, ainsi que celui des membres de
sa
famille, ou de les importuner de quelque manière que ce soit". Cet
arrêt
retient, en résumé, ce qui suit.

B.a Ressortissant polonais né en 1960, X.________ a contracté un
premier
mariage en 1980, dont est issue une fille née en 1984, et qui a été
dissous
par le divorce en 1987. En 1990, il a rencontré une Suissesse, qu'il
a suivie
en Suisse; le couple, qui a eu une fille trisomique, s'est séparé en
1993. La
même année, X.________ a fait la connaissance de Z.________, avec
laquelle il
a eu deux enfants, nés respectivement en décembre 1994 et juillet
1996. Le
couple s'est marié en juillet 1997. Suite aux faits décrits ci-après,
l'épouse a quitté le domicile conjugal le 10 novembre 1997. Elle a
ouvert
action en divorce le 12 juin 1998.

B.b Dès le 25 septembre 1997, après son aveu d'une relation
extra-conjugale,
Z.________ a été contrainte, dans un climat de terreur, de subir les
coups,
les exigences sexuelles et d'autres actes d'humiliation de
X.________. Elle
est restée au domicile conjugal et a enduré ces actes jusqu'au 10
novembre
1997, en raison d'un grave conflit de loyauté à l'égard de ses
enfants.
Durant cette période, elle a subi une trentaine d'agressions
sexuelles. Elle
a déposé plainte pénale le 20 décembre 1997.

B.c L'expertise psychiatrique à laquelle a été soumis X.________
conclut à
une diminution moyenne de sa responsabilité. Elle fait état de
troubles de la
personnalité se caractérisant par une tendance à agir avec
impulsivité et
sans considération pour les conséquences possibles, d'une image
grandiose de
soi et d'une tendance à l'exploitation par la manipulation et la
séduction.
Elle évoque en outre des éclats de colère pouvant conduire à la
violence et à
des comportements explosifs, en particulier lorsque l'expertisé voit
ses
actes contrariés ou critiqués. Elle n'exclut pas la commission
d'actes de
violence dans le futur.

Il a été relevé qu'à l'audience de jugement, X.________ avait adopté
une
attitude de dénigrement et avait montré une incapacité totale à se
remettre
en question et à assumer, même partiellement, ses responsabilités;
s'estimant
la seule victime, il n'avait exprimé aucun regret d'avoir frappé son
épouse.
Il a par ailleurs été rappelé que, selon le rapport de police du 10
mars
1998, X.________ était connu pour boire de l'alcool avec excès,
utilisait des
méthodes violentes pour parvenir à ses fins et ne se souciait
aucunement du
bien-être de ses enfants.

B.d Ayant réduit la peine à 18 mois d'emprisonnement, la cour
cantonale a
examiné la question du sursis. Dans le cadre de cet examen, elle a
constaté
que l'accusé n'avait exprimé aucun remords et n'avait pas pris
conscience de
ses actes. Elle a également relevé que la procédure de divorce était
extrêmement conflictuelle et que, par décision du 5 juillet 2001,
l'accusé
s'était vu signifier l'interdiction, sous la menace des peines
prévues à
l'art. 292 CP, d'approcher le domicile de son ex-épouse ainsi que
celui des
membres de sa famille ou de les importuner de quelque manière que ce
soit.
Elle a encore rappelé que, selon l'expertise, il existait un risque de
récidive. Elle a toutefois estimé qu'il convenait de tenir compte,
dans
l'établissement du pronostic, de la possibilité d'assortir le sursis
de
règles de conduite et que, dans le cas d'espèce, il apparaissait plus
approprié, pour juguler le risque de récidive, d'accorder le sursis
en le
subordonnant à la condition que l'accusé s'abstienne d'approcher le
domicile
de son ex-épouse ainsi que celui des membres de sa famille ou de les
importuner de quelque manière que ce soit. Elle a ajouté qu'il se
retrouverait ainsi exposé à la double menace de se voir condamné en
application de l'art. 292 CP et de devoir exécuter la peine de 18 mois
d'emprisonnement prononcée, s'il devait récidiver pendant le délai
d'épreuve,
fixé au maximum légal de 5 ans.

C.
X.________ se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral. Contestant la
règle de
conduite qui lui a été imposée, il conclut à l'annulation de l'arrêt
attaqué.
Il sollicite par ailleurs l'assistance judiciaire.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le recourant soutient que la règle de conduite qui lui a été imposée
ne vise
pas à prévenir la commission de nouveaux actes délictueux, mais
uniquement à
protéger autrui contre les conséquences d'une récidive, et qu'elle
est au
demeurant trop imprécise pour lui permettre d'adapter sa conduite.

1.1 L'art. 41 ch. 2 al. 1 CP confère au juge qui accorde le sursis à
l'exécution d'une peine privative de liberté la faculté de fixer,
pour la
durée du délai d'épreuve, une règle de conduite, qui doit être
adaptée au but
du sursis, qui est l'amendement durable du condamné. La règle de
conduite ne
doit donc pas avoir un rôle exclusivement punitif, mais doit être
conçue en
premier lieu dans l'intérêt du condamné et de manière à ce qu'il
puisse la
respecter; elle doit par ailleurs avoir un effet éducatif limitant le
danger
de récidive (cf. ATF 108 IV 152 consid. 3 p. 152/153; 106 IV 325
consid. 1 p.
327/328 et les arrêts cités). Dans ce cadre, le choix et le contenu
de la
règle appartiennent à l'autorité cantonale, qui dispose sur ce point
d'un
pouvoir d'appréciation, de sorte que le Tribunal fédéral n'intervient
que si
elle en a abusé (ATF 106 IV 325 consid. 1 p. 328).

1.2 En l'espèce, le recourant a été condamné pour lésions corporelles,
contrainte, contrainte sexuelle et viol, commis à réitérées reprises
sur son
épouse, à laquelle l'oppose une procédure de divorce qualifiée
d'extrêmement
conflictuelle. Il est par ailleurs établi qu'il est porté à la
violence et
qu'il existe un risque de récidive, dont on est d'autant plus fondé à
craindre la réalisation que le recourant n'a jamais reconnu ses
torts, dont
il n'a toujours pas pris conscience. Considérant qu'il était possible
de
prévenir la réalisation de ce risque par le biais d'une règle de
conduite
conditionnant le sursis, la cour cantonale, faisant usage de son
pouvoir
d'appréciation, a toutefois préféré cette solution, plutôt que de
refuser le
sursis au recourant, ce dont ce dernier ne saurait se plaindre, la
solution
choisie lui étant plus favorable. C'est donc clairement pour contenir
le
risque de récidive que présente le recourant que la règle de conduite
litigieuse lui a été imposée. Au demeurant, il est non moins évident
que
l'interdiction faite au recourant d'approcher le domicile de son
épouse et
celui de la famille de celle-ci ou de les importuner de quelque
manière que
ce soit est propre à empêcher la réalisation de ce risque, en
particulier la
commission d'infractions identiques ou similaires à celles qui lui
étaient
reprochées.

Que la règle de conduite litigieuse ait aussi, indirectement, pour
effet de
protéger l'intimée ou sa famille n'infirme nullement ce qui précède.
La
jurisprudence n'exige au demeurant pas qu'une règle de conduite soit
établie
exclusivement dans l'intérêt du condamné, mais qu'elle le soit au
premier
chef et essentiellement dans ce but, ce qui est assurément le cas en
l'espèce
au vu de la motivation de la cour cantonale et du contenu de la règle
de
conduite litigieuse.

Le grief fait à la cour cantonale d'avoir fixé une règle de conduite
visant
uniquement à protéger d'autres personnes d'une récidive, et non à
prévenir
cette dernière, est donc dépourvu de fondement.

1.3 Il est manifeste qu'il s'agit d'éviter que le recourant commette
de
nouvelles infractions identiques ou similaires où qu'il se trouve et
où que
puissent se trouver les victimes potentielles, en particulier son
épouse, et,
partant que le comportement dont il doit s'abstenir ne souffre pas de
limite
géographique.

Il est non moins évident que l'expression "ou d'importuner de quelque
manière
que ce soit" implique qu'il s'abstienne non seulement de s'approcher
du
domicile de l'intimée et de la famille de celle-ci, mais aussi de les
gêner,
déranger, poursuivre, tracasser, perturber, harceler, etc., à
distance,
personnellement ou par l'intermédiaire d'un tiers, et cela sous
quelque forme
que ce soit, c'est-à-dire par la parole, y compris par téléphone, par
l'écrit, par le geste ou de tout autre manière.

Enfin, il est clair que, dans la mesure où le recourant dispose d'un
droit de
visite sur ses enfants, l'exercice de ce droit n'est pas supprimé,
restreint
ou modifié par la règle de conduite qui lui a été imposée, mais qu'il
ne
saurait le mettre à profit pour contourner ou violer cette règle.
Même si
l'arrêt attaqué ne le précise pas expressément, le recourant, qui est
assisté
d'un avocat, pouvait le comprendre sans difficulté.

Le grief du recourant selon lequel la règle de conduite qui lui a été
imposée
serait trop imprécise pour qu'il puisse la comprendre et la respecter
est
donc manifestement infondé.

2.
Le pourvoi, dont l'argumentation sur certains points confine à la
témérité,
ne peut dès lors qu'être rejeté.

Comme il était d'emblée dénué de chances de succès, l'assistance
judiciaire
doit être refusée (art. 152 al. 1 OJ) et le recourant, qui succombe,
supportera les frais (art. 278 al. 1 PPF), dont le montant sera
arrêté en
tenant compte de sa situation financière.

Il n'y a pas lieu d'allouer une indemnité à l'intimée, qui n'a pas
été amenée
à se déterminer dans la procédure devant le Tribunal fédéral (art.
278 al. 3
PPF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le pourvoi est rejeté.

2.
La requête d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Un émolument judiciaire de 800 francs est mis à la charge du
recourant.

4.
Il n'est pas alloué d'indemnité.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties,
au
Ministère public du canton de Vaud et au Tribunal cantonal vaudois,
Cour de
cassation pénale.

Lausanne, le 7 novembre 2003

Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6S.280/2003
Date de la décision : 07/11/2003
Cour de cassation pénale

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-11-07;6s.280.2003 ?
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